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La Fille automate

Posté : dim. févr. 19, 2012 10:08 pm
par Razheem L'insensé
En un futur où la planète a été ravagée par des épidémies telles que la rouille vésiculeuse ou la cibiscose, où les hommes survivent sur les cendres de leur glorieuse civilisation désormais privée de pétrole et où le niveau de la mer a englouti des villes comme New-York, le Royaume Thaïlandais survit dans un protectionnisme dirigé d'une main de fer par les chemises blanches, le bras armé du ministère de l'environnement. Pourtant, sous le regard de la Reine Enfant, le pays connait des dissensions, notamment par l'opposition du ministère du Commerce et d'Akkarat, son ministre, aux pratiques des chemises blanches. Le destin du Royaume va se jouer non pas entre ces deux mastodontes, mais dans ces individus qui composent son Peuple : Jaidee, le Tigre de Bangkok, capitaine des chemises blanches, Hock Seng, réfugié yellow card des chinois de Malaisie, ou encore Kanya, seconde inflexible de Jaidee. Entre eux s'immiscent des farangs, des étrangers des multinationales caloriques dont la mainmise sur la semence transgénique fait plier des nations entières, c'est le cas d'Anderson qui travaille pour AgriGen. Mais c'est finalement un grain de sable qui viendra tout renverser, un grain de sable nommé Emiko, une femme du Nouveau Peuple, créée artificiellement pour assouvir les désirs de son maître, abandonnée à Bangkok dans l'horreur et le désespoir des bas-fonds, la fille automate va tout changer.

Encore largement inconnu sous nos latitudes, Paolo Bacigalupi a tapé très fort outre-atlantique avec son premier roman, La Fille Automate. Auréolé des prix Hugo, Nebula ou encore Locus, Au diable Vauvert nous propose aujourd'hui la traduction d'un livre de près de 600 pages condensant une science-fiction pasionnante où les idées fusent comme des nuées de missiles vers le lecteur désarmé. Inutile de tourner autour du pot, La Fille Automate n'est rien de moins qu'un chef-d'oeuvre.

En plantant son action en Thaïlande, Bacigalupi prend le risque de perdre le lecteur avec des termes étrangers qui alourdiraient dangereusement son récit comme pour le Fleuve des Dieux de Ian McDonald. Mais utilisés avec parcimonie et une grande intelligence, il n'en est, heureusement, rien. Mieux, la touche d'exotisme apportée nous met dans une ambiance toute particulière toujours accrue au fil des pages par les descriptions splendides de la ville de Bangkok menacée par la montée des eaux. La rencontre entre l'archaïsme thaïlandais, les traditions et les rites et un futur ravagé par les épidémies crée une atmosphère formidable et enivrante. Disséminant par touches son background, entre les pandémies dévastatrices, la restructuration mondiale et la redistribution des ressources énergétiques, l'auteur opère un tour de force rarement vu ailleurs et englouti son lecteur sous un flot de bonnes idées.

Parmi celles-ci, les maladies qui ont dévasté les cultures et les hommes, menant la société à se concentrer sur le besoin le plus primordial, l'alimentation, et portant des multinationales biotechnologiques au sommet. L'auteur imagine une Terre transfigurée non seulement par l'effondrement des ressources fossiles mais aussi par une redistribution du jeu politique mondial en fonction de corporations et non plus de nations qui se cantonnent désormais à l'encadrement des sociétés et autres ministères. C'est aussi la construction d'un royaume Thaïlandais en réaction à ses changements et un régime extrême basé sur le protectionnisme qui impressionne. Imaginant une société étouffante et carrément totalitaire par nécessité, Bacigalupi illustre l'argument "la fin justifie les moyens". Point de bons, point de mauvais, seuls restent ici différents points de vue pour se défaire d'une situation extrême: protectionisme ou ouverture ? Liberté ou censure ? Quarantaine ou épidémie ? Les choix sont durs pour nos protagonistes.

En prenant le parti de montrer des étrangers mais aussi des thaïlandais, Bacigalupi couvre un large évantail d'opinions et de destins. Il nous conte par le détail les atrocités de ce monde nouveau, des massacres de Malaisie par des fous religieux aux combats pour le charbon contre le Vietnam en passant par l'explosion des Etats-Unis. Loin d'être là juste pour servir le background, les différents personnages s'avèrent extrêmement fouillés, attachants et finalement formidables. Dans cette course contre la montre, c'est bien entendu cette fille artificielle, ce tic-tac japonais, Emiko, qui touche au plus juste. Abandonnée aux plaisirs sadiques et pervers d'un club miteux où les séances dégradantes s'enchainent pour elle, Emiko prend le lecteur aux tripes, prisonnière de ses gènes mais d'une volonté à toute épreuve. Un personnage tragique flamboyant que seul le capitaine Jaidee peut prétendre atteindre en terme de réussite.

Jouant sur les thèmes du profit à outrance, de l'autodestruction de l'humanité et des plus vils instincts humains (certaines séquences avec Emiko sont presque insoutenables), Bacigalupi brasse tout ce qui fait l'essence de la science-fiction, un garde-fou qui avertit, qui montre les dangers et les éceuils de notre société et de notre nature. Autant de récifs que nous pointe un capitaine à la plume impeccable. Et pourtant, avec grande classe, Bacigalupi arrive à tirer de l'espoir de ce raz-de-marée d'émotions, pour sauver ces hommes aux coeurs de tigres qui refusent ce futur et les autres, eux, disparaitront. Sans crainte, car l'évolution remplacera les charognes d'hier.

Maîtrisé de la première à la dernière page, peuplé de figures formidables, bouillonant d'idées et d'une intelligence de tous les instants, La Fille Automate n'est rien de moins qu'une gifle de lecture, de celles qui vous font dire qu'il existe de formidables auteurs. Paolo Bacigalupi compte parmi eux.

Posté : dim. févr. 19, 2012 11:19 pm
par Hoêl
Heu , rien , le titre du fil me rappelle juste une vieille nouvelle que j'avais beaucoup aimée : Helen O'loy , de Lester del Rey si jeune Mabuse .

Posté : lun. févr. 20, 2012 6:09 pm
par jerome
L'avis du Traqueur Stellaire.[/url]

Posté : jeu. mars 01, 2012 8:53 am
par Lensman
Un roman remarquable et passionnant ! Un vrai régal. Je rejoins sans réserve les avis du Traqueur et de Razheem.
Et ça m'a fait un peu drole de lire un roman de SF où il n'est pas question d'IA, ces dernières étant assez envahissantes depuis un moment...

Oncle Joe

Posté : jeu. mars 01, 2012 4:14 pm
par montag

Posté : jeu. mars 01, 2012 4:37 pm
par Lensman
montag a écrit :Une autre chronique :
http://fictionaute.over-blog.com/articl ... 35255.html
... "oublier son étiquette SF", comme tu y vas... on pourrait aussi oublier son étiquette "thriller" avec ce type de raisonnement... ce serait bien réducteur d'oublier ces deux caractéristiques.
En revanche, je t'accorde que l'"agropunk", on peut oublier... mais là, je crois que l'auteur faisait de l'humour...

Oncle Joe

Posté : lun. avr. 02, 2012 12:14 pm
par AdHoc
Bonjour à toutes et à tous,
J'ai passé un très bon moment de lecture. Outre les points déjà signalés précédemment, j'ai également beaucoup aimé cette sensation d'accélération, voir d'emballement, que j'ai éprouvé au fil du livre.

Posté : lun. avr. 23, 2012 5:52 pm
par Soleil vert
et hop

Posté : mer. août 08, 2012 12:58 pm
par Hoêl
Je l'ai terminé ce matin , ça m'a beaucoup plu , le pendant du Fleuve des dieux à mon sens .
Et Félicitations à Sara Doke pour la traduction , ça n'a pas dû être facile tous les jours...

Posté : mer. août 08, 2012 1:09 pm
par AdHoc
C'est marrant, j'ai eu la même pensée.
Pour moi, le meilleur de l'an dernier et, sauf nouveauté, le meilleur de cette année.
P.S. Je ne demande qu'a être détrompé ... mais faudra du lourd.
P.S. 2 je suis trop triste

Posté : mer. août 08, 2012 1:38 pm
par JFS
Je partage ces avis. La Fille automate est ce que j'ai lu de mieux en Sf depuis un très (trop) long moment. En plus des aspects déjà cités, ce que j'ai beaucoup aimé dans ce roman, c'est la façon dont chaque plan bien préparé, chaque complot conçu avec soin se retrouve réduit à néant par le chaos de la réalité. Un roman plein de vie, d'énergie et d'intelligence. Vite, un autre roman, M. Bacigalupi !

Posté : sam. août 18, 2012 9:36 am
par jp the z
pour ceux qui ont aime, P. Bacigalupi a aussi publie un receuil de nouvelles, dont Pump six qui donne son nom au receuil.
Par contre je ne crois pas qu il ait ete traduit meme si plusieurs nouvelles ont ete publiees dans Fiction.

Posté : sam. août 18, 2012 11:26 am
par JFS
jp the z a écrit :pour ceux qui ont aime, P. Bacigalupi a aussi publie un receuil de nouvelles, dont Pump six qui donne son nom au receuil.
Par contre je ne crois pas qu il ait ete traduit meme si plusieurs nouvelles ont ete publiees dans Fiction.
Est-ce que c'est facile à lire en anglais ? (NB : pour moi, A.C Clarke = facile ; W. Gibson = difficile).

Posté : mar. août 28, 2012 6:37 pm
par jp the z
JFS a écrit :Est-ce que c'est facile à lire en anglais ? (NB : pour moi, A.C Clarke = facile ; W. Gibson = difficile).
J aurai du mal a te repondre. Je n ai pas eu de probleme particulier pour le lire en VO, et j aurai tendance a dire que non c est pas si difficile.
Mais j ai du mal a juger de mon niveau en Anglais.

Posté : lun. sept. 17, 2012 2:21 pm
par jerome