Simon Bréan - La Science-fiction en France

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Lensman
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Message par Lensman » ven. nov. 16, 2012 5:48 pm

Patrice a écrit :Salut,

Il y a vraisemblablement eu une controverse au sujet de Dermèze et de sa prétendu inspiration Van Vogtienne, puisque Michel Demuth s'est senti obligé d'invalider cette inspiration lors de sa réédition du Titan de l'espace au Masque SF. Une manière de dire que dès le début des années 50, Dermèze / Bérato écrivait de la SF à l'américaine. Je ne connais pas, par contre, ses oeuvres des années 40: je peux juste dire que de par leurs titres ils relèvent bien ou de l'imaginaire scientifique ou de la SF, mais pas du simple roman d'aventure.
A l'inverse de toi, je juge de plus en plus considérable la différence entre la vieille SF française et la SF américaine à la Astounding (les van Vogt, par exemple), qui a été une surprise pour les lecteurs de l'époque. Cependant, il est clair que certains auteurs français qui écrivaient de l'imaginaire scientifique à la française ont été en quelque sorte libérés (si j'ose écrire) par l'arrivée de la SF américaine des carcans des vieilles conventions. Le choc a été considérable.

Oncle Joe

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silramil
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Message par silramil » ven. nov. 16, 2012 6:09 pm

Je suis bien d'accord.

Et concernant l'inspiration "vanvogtienne" de Dermèze, c'est simplement que la faune de l'espace présente un extraterrestre très puissant (parution en 52), et que le titan de l'espace (54) est un extraterrestre très puissant... Il y a eu des commentaires sur certaines ressemblances, qui ne tiennent guère, ou plus exactement qui méconnaissent, c'est caractéristique de l'époque, la possibilité de faire "circuler" les images de la SF.
La question du plagiat fait partie des petits symptômes de l'adaptation progressive d'un esprit type "imagination scientifique" à un esprit SF, selon moi.

Le Titan de l'espace est un très bon bouquin d'ailleurs.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

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Patrice
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Message par Patrice » ven. nov. 16, 2012 9:22 pm

Salut,

Tout à fait: j'en ai dit deux mots ici.

A+

Patrice

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Patrice
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Message par Patrice » sam. nov. 17, 2012 4:08 pm

Salut,

Venons-en au chapitres II et III, qui narrent donc les débuts de la SF en France, durant les années 50 et 60. Un chapitre passionnant, et qui ne lasse pas de m'étonner sur ce qui a pu se passer.
Grosso modo - mais peut-être que je me trompe - un petit groupe d'intellectuels (par exemple Boris Vian), avides de tout ce qui se fait outre-Atlantique, découvrent la SF et s'en font les chantres. C'est l'heure du lancement de quelques collections, dont le Rayon Fantastique, la série 2000 et Anticipation au Fleuve Noir, cette dernière étant, à mon sens, la digne héritière de la littérature en fascicules qui l'a précédé (et dont elle prend immédiatement le relais).
On s'emballe, on écrit des articles dans la grande presse, la SF c'est merveilleux. Et tout ça pour quoi, une douzaine d'année après? Une première crise. Le Rayon Fantastique s'est cassé la figure (et l'on peut deviner que des trois causes signalées par Simon - rejet par les éditeurs d'une littérature populaire, ligne éditoriale incertaine, rentabilité encore moins certaine - une combinaison des trois n'a absolument rien d'impossible), Présence du Futur semble publier des romans au petit bonheur la chance. Seuls finalement Fiction, en tant que revue, et Anticipation tiennent le cap. Mais en tout cas, pas de rentabilité et peu de lecteurs.

Du coup, je ne peux m'empêcher de penser à une cause probable de cette première crise. Alors que la SF américaine est une littérature populaire, publiée dans des pulps, une certaine élite culturelle et intellectuelle la vante comme LA nouvelle littérature. Mais il y a ici comme une imposture: si effectivement il y a du nouveau dans les idées, pour ce qui concerne la forme, on dépasse à mon avis à peine le niveau de la littérature populaire. Hamilton, Asimov, Van Vogt et consorts ne sont pas réputés pour la qualité de leur style. Bradbury, peut-être, est l'exception qui confirme la règle. Attention: je ne dénigre pas cette littérature, mais je me demande juste si à l'époque, on ne l'aurait pas vendue pour ce qu'elle n'est pas... Alors qu'à côté de ça, le FNA affiche une belle santé avec sa littérature en série, "pulp" en quelque sorte. Qu'en pensez-vous?

Sur la fin du chapitre III, Simon aborde la sortie de crise, à partir de 1968. J'y reviendrai par la suite.

A+

Patrice

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bormandg
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Message par bormandg » sam. nov. 17, 2012 4:35 pm

UNE cause parmi d'autres...
Simon nous explique bien comment, dès le début, la SF française se clive entre littéraires et tenants de la science, entre élitistes tenant du style et défenseurs de l'idée, entre tenants de la littérature évoluée et défenseurs de la littérature populaire. Avec de surcroit un clivage entre ceux qui veulent que la SF française se confronte aux Américains et ceux qui estiment le "combat" perdu d'avance.
Les arguments de l'époque (malheureusement on manque de sources, pratiquement seul le point de vue des auteurs et critiques de Fiction est documenté de façon directe, ou alors certains articles de revues littéraires, les autres points de vue ne sont évoqués que dans des souvenirs) sont, déjà, pratiquement ceux d'aujourd'hui.
Peut-être, en y repensant, la multiplicité des collections autres que les trois principales dans les années 50 et leur disparition dès 1960 n'est-t-elle pas assez signalée dans le tableau de ces deux décennies... Mais le fait que, entre 1964 et 1969, tout un pan médian de la SF a disparu en France et que la rivalité avec les américains aurait exigé l'existence de ce pan est bien signalé. Pour la suite, moi aussi, il faut encore que je lise les chapitres suivants.
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Bull
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Message par Bull » sam. nov. 17, 2012 6:31 pm

Mince, je n'avais pas vu passer cela.

Simon, est-ce que ta thèse est numérisée ?
Est-elle disponible en ligne ou peux-tu me l'envoyer en mel ?

justi
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Message par justi » sam. nov. 17, 2012 6:34 pm

bormandg a écrit : entre élitistes tenant du style et défenseurs de l'idée.
Oh le gros jugement de valeur.

Les élitistes intégristes de l'idée, ils sont chiants aussi, hein...

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bormandg
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Message par bormandg » sam. nov. 17, 2012 6:37 pm

justi a écrit :
bormandg a écrit : entre élitistes tenant du style et défenseurs de l'idée.
Oh le gros jugement de valeur.

Les élitistes intégristes de l'idée, ils sont chiants aussi, hein...
C'est vrai. Mais là où je fais la différence, c'est que les défenseurs de l'idée ne sont pas TOUS des élitistes (s'il y a un intégriste du style non élitiste, il est vraiment bien seul dans son clan). :twisted:
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justi
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Message par justi » sam. nov. 17, 2012 6:42 pm

bormandg a écrit :
justi a écrit :
bormandg a écrit : élitistes tenant du style et défenseurs de l'idée.
Oh le gros jugement de valeur.

Les élitistes intégristes de l'idée, ils sont chiants aussi, hein...
C'est vrai. Mais là où je fais la différence, c'est que les défenseurs de l'idée ne sont pas TOUS des élitistes (s'il y a un intégriste du style non élitiste, il est vraiment bien seul dans son clan). :twisted:

Je ne pense pas que les défenseurs du style soient nécessairement des élitistes non plus. On peut aimer sa sf avec du style (quoi que recouvre ce mot) ET des idées.

C'est aussi une question de plaisir le "style", pas nécessairement un propos snobinard.

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bormandg
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Message par bormandg » sam. nov. 17, 2012 7:18 pm

On peut aimer (et c'est mon cas); mais les oppositions entre groupes qui ont partagé voire divisé en clans le "milieu SF" ont opposé, justement, les exclusivistes qui exigent le style, ceux qui exigent les idées, etc... Les commentaires que je faisais, basés sur les rappels de Simon dans les chapitres que j'ai lus de son livre, ne visaient que ceux-là, pas l'amateur qui apprécie le style quand il en a l'occasion, les idées de même, et le délassement pur à l'occasion.. Et qui subit, parfois, les conséquences d'une lutte entre clans. Entre autres la quasi-disparition de la SF entre 1964 et 1968....
Bon, c'est vrai, je n'ai pas vécu cette période de la même façon: c'est celle où je découvrais, en partant de presque rien (lectures de Bob Morane et de Fleuve Noir entamées en 1962) la SF; les trouvailles de livres d'occasion multiples et encore nouveaux pour moi et la découverte de Fiction, de Satellite (stocks écoulés à partir de 1964) et de Galaxie (seconde série, qui commençait à paraître), me fournissaient "la substantifique moelle" désirée... Je n'ai pris conscience de la situation qu'au moment où elle commençait à changer, à partir de 1968.
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justi
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Message par justi » sam. nov. 17, 2012 7:59 pm

Je serais vraiment curieux de savoir oú me procurer cette thèse. La connaissance de la période en question ne me vient que de la lecture des cahiers critiques Fiction de l'époque et je n'en ai pas une vision aussi cataclysmique. Je note par exemple que la raréfaction des collections et des supports périodiques n'a pas empêché la publication des meilleurs auteurs anglo-saxon (en feuilletant un peu au hasard, je découvre dans la revue des livres de trois ou quatre Fiction de 65/66, soit au coeur de la période incriminée, les noms d'Aldiss, Ballard, Galouye, Silverberg,..., que l'année 66 est officiellement l'année Jules Verne, que de nombreux auteurs soviétiques de sf sont traduits - sans négliger Stanislas Lem, que les premières nouvelles de Zelazny, Ellision et de la "nouvelle vague" nous arrivent en français,...), ni l'émergence de certains auteurs français, même si cela semble effectivement en nombre moindre (honnêtement, il n'y a que Walther qui me vient en tête).

Alors, moi, cette période me paraît peut-être marquée par la disparition de certains supports, mais pas par la disparition quasi-totale de la sf. Il me semble même y retrouver une certaine qualite éditoriale et une réactivité certaine à ce qui se passe dans la sf anglaise et américaine. Peut-être même plus, malgré des scories évidentes, qu'à d'autres époques oú les supports sont plus nombreux (oui, je parle de l'époque présente entre autres).

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bormandg
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Message par bormandg » sam. nov. 17, 2012 9:05 pm

Comme je te l'ai expliqué plus haut, j'aurais effectivement eu cette vision là du fait de ma propre histoire de lecteur; mais elle ne correspond pas à la vision qu'explique Simon en envisageant l'évolution de la SF française depuis ses débuts en 1950; il explique pourquoi le vivier d'auteurs potentiels qui commençait à apparaître au début des années 60, en partie autour du Rayon fantastique, a été remis en cause par la disparition de cette collection, et de quelques autres, et le repli des collections restantes sur la diffusion d'auteurs anglo-saxons déjà installés même si encore mal connus en France. Si Fiction continue à publier certaines nouvelles d'auteurs français, tout en accentuant la diffusion des auteurs anglo-américains, il ne paraît plus de romans nouveaux d'auteurs français qu'au Fleuve Noir, avec une réputation de mauvaise qualité (parfois injustifiée). Alors l'amateur peut enrichir sa collection d'oeuvres de qualité d'origine étrangère (aux anglo-américains s'ajoutent chez Présence du futur différents auteurs européens, comme Stanislas Lem, mais aussi Lino Aldani, Domingo Santos. Mais côté auteurs français... Quand apparaissent Andrevon et Walther comme auteurs de romans? Certainement pas avant 1968.
Pour te le procurer: PUPS (Presses universitaires Paris Sorbonne)...
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justi
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Message par justi » sam. nov. 17, 2012 9:41 pm

Merci pour m'avoir précisé oú me procurer cet ouvrage.

En ce qui concerne Andrevon, tu as raison : par un curieux clin d'oeil de l'histoire, sa première nouvelle professionnelle semble avoir été publiée en mai 68.

Par contre, Daniel Walther commence à publier professionnellement dès 1965 dans Fiction[\i] .

A la même époque, la revue publie des auteurs comme Guy Scovel, Jean-Pierre Fontana, Michel Demuth, Nathalie Henneberg, Julia Verlanger,...

Une étude de la perception de l'état de la science-fiction par les membres de ce milieu serait également intéressant. Se pourrait-il que lesdits membres aient une vision plus défaitiste de la production sf qu'elle ne l'est en réalité ?

EDIT : j'ai répondu un peu vite et négligé que ta réponse se focalisait surtout sur les romans. Mes excuses, il se fait tard...
Modifié en dernier par justi le sam. nov. 17, 2012 9:46 pm, modifié 2 fois.

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silramil
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Message par silramil » sam. nov. 17, 2012 9:42 pm

C'est un livre, et non plus (seulement) une thèse. Commandable sur Internet et trouvable en librairie...
Par ailleurs, il faut aussi voir que les interprétations de ce que j'écris n'engagent que les intervenants de ce forum : je n'ai pas le temps ce soir, mais je ne suis pas sûr que l'opposition évoquée par georges corresponde tout à fait à ce que j'avais en tête...
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

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Patrice
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Message par Patrice » sam. nov. 17, 2012 9:44 pm

Salut,

La chronologie de Simon est fine, et justifiée pour cette partie de la thèse: avant 1964, ça va, mais de 1964 à 1969 (fondation d'Ailleurs et Demain), c'est particulièrement chiche. 4 collections, deux revues, et c'est tout.
Sur cette phrase:
que de nombreux auteurs soviétiques de sf sont traduits
C'est au Rayon Fantastique (+ un chez Denoël). Après, il faudra attendre les années 70 avec les Strougatski au compte goutte.

A+

Patrice

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