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Posté : lun. janv. 21, 2013 11:11 am
par MF
silramil a écrit :Je ne prétends pas savoir ce qu'est la réalité, mais je sais comment nous intégrons cette notion : la preuve du pudding, c'est qu'il se mange. Personne ne s'interroge sur ce que c'est que le pudding, ni sur ses conditions d'existence : si on en a et qu'on aime ça, on le mange
même chose pour le Wub ?

Beyond lies the wub

Posté : lun. janv. 21, 2013 11:15 am
par bormandg
Gérard Klein a écrit :
Lensman a écrit :Bof ! Pas du tout convaincu !

Oncle Joe
Mécréant !!!
Dois-je chausser mes raquettes pour ne pas rater le spectacle de la Punition Divine du mécréant au resto tout à l'heure?

Posté : lun. janv. 21, 2013 11:16 am
par silramil
I wub wubs.

Posté : lun. janv. 21, 2013 11:27 am
par MF
silramil a écrit :Sachant que j'emploie l'expression "monde de référence" pour dire, en gros, "le monde tel qu'on se le représente/tait" lors de l'écriture ou de la lecture.
est-ce que cela pose, ou pas, la question de la pérennité de certains récits dans le régime "spéculatif" ?

lorsque que tu définis (et j'adhère à ta proposition) ce régime p.28 par "le monde de la fiction pourrait se substituer au monde de référence", cette potentialité dépend de la capacité du lecteur à construire, au temps de sa lecture, un monde de référence qui ne soit pas antinomique de celui projeté par l'auteur au temps de l'écriture

la SF, telle que tu en poses (en gros) l'acte de naissance en France dans les années 50 ne me semble pas soumise à un tel risque, les divergences culturelles en 6 décennies n'étant pas suffisamment significatives ; mais est-il possible que ce soit ce qui conduit à avoir des débats sur l'incorporation de texte plus anciens dans ce régime ?

Posté : lun. janv. 21, 2013 11:58 am
par bormandg
MF a écrit :
silramil a écrit :Sachant que j'emploie l'expression "monde de référence" pour dire, en gros, "le monde tel qu'on se le représente/tait" lors de l'écriture ou de la lecture.
est-ce que cela pose, ou pas, la question de la pérennité de certains récits dans le régime "spéculatif" ?

lorsque que tu définis (et j'adhère à ta proposition) ce régime p.28 par "le monde de la fiction pourrait se substituer au monde de référence", cette potentialité dépend de la capacité du lecteur à construire, au temps de sa lecture, un monde de référence qui ne soit pas antinomique de celui projeté par l'auteur au temps de l'écriture

la SF, telle que tu en poses (en gros) l'acte de naissance en France dans les années 50 ne me semble pas soumise à un tel risque, les divergences culturelles en 6 décennies n'étant pas suffisamment significatives ; mais est-il possible que ce soit ce qui conduit à avoir des débats sur l'incorporation de texte plus anciens dans ce régime ?
Au même titre que certains livres du mode "réaliste" apparaissent illisibles au lecteur actuel, même s'il essaye de se replacer dans l'époque d'écriture?
AMA, le problème est plutôt la difficulté de faire coller ces textes au "mégatexte" américain de la même période. Celui qui étudie la science-fiction essaye de situer les textes dans une évolution générale, et s'appuie donc sur ce "mégatexte"; les livres parus à la même époque en France sont, sauf exception (auteur au courant des parutions américaines, comme Messac) totalement disjoints de celui-ci. Même si les plagiats américains d'auteurs français vont, eux, intégrer le "mégatexte". D'où la nécessité de les traitter comme une branche distincte.

Posté : lun. janv. 21, 2013 12:03 pm
par silramil
Questions intéressantes, auxquelles je suis tenté de répondre de manière assez réductrice.

Le caractère spéculatif des oeuvres suivant ce régime ne change pas du point de vue du texte, dans la mesure où il est fixé dans l'histoire littéraire. Ce n'est pas parce que des sous-marins existent que le Nautilus n'a pas été conçu selon le régime spéculatif.

Le fait que la détermination du régime observé ne soit pas forcément facile est indépendant. Certains textes programment une hésitation entre deux états (surnaturel ou réel dans le fantastique à la todorov ; anticipation ou réalité, dans les technothrillers, ou les histoires secrètes...), et d'autres laissent dubitatifs (tel auteur du XIXe s. croit-il au spiritisme? Les contacts extraterrestres sont-ils "authentiques"?). Mais l'incertitude reste une façon de jouer avec des régimes ontologiques identifiables.

Ce qui change est la réception possible : nous "reconnaissons" le sous-marin et nous en validons différemment la possibilité par rapport aux contemporains de Verne. pour autant, cela n'en fait pas un livre réaliste.

Posté : lun. janv. 21, 2013 6:19 pm
par Gérard Klein
silramil a écrit :
Tout le monde, même les sceptiques les plus acharnés, considère qu'il existe une réalité indépendante de la conscience humaine.
Un homme est innocent ou coupable, avec des degrés de culpabilité. Un homme innocent qui est déclaré coupable est innocent quand même, quelle que soit la conviction du jury et des juges.
C'est un point de vue métaphysique. Tu t'en arrangeras avec l'Oncle.
La seule attitude cohérente et radicalement exempte de métaphysique est le solipsisme.

Posté : lun. janv. 21, 2013 6:28 pm
par silramil
Ma position est sémiotique, non pas métaphysique...
La définition de l'innocence au sens juridique est l"État de celui qui n'a pas commis d'acte répréhensible ou délictueux". Même déclaré coupable, un innocent ne change pas d'état - seul le regard porté sur lui change.

Voir mon exemple d'histoire secrète où Louis XIV est remplacé par son frère jumeau pendant un an. Ce n'est pas parce que l'histoire officielle appelle les deux Louis XIV et ne distingue pas l'origine de leurs actes que ceux-ci n'ont pas, en réalité, une origine différente...

Posté : lun. janv. 21, 2013 8:06 pm
par Gérard Klein
Gérard Klein a écrit :
silramil a écrit :
Tout le monde, même les sceptiques les plus acharnés, considère qu'il existe une réalité indépendante de la conscience humaine..
C'est un point de vue métaphysique. Tu t'en arrangeras avec l'Oncle.
La seule attitude cohérente et radicalement exempte de métaphysique est le solipsisme.
Euh, c'est à ta première phrase que je m'adressais. J'aurais dû supprimer la seconde, ce que je viens de faire.

Posté : lun. janv. 21, 2013 8:08 pm
par silramil
Ah oui, là c'est métaphysique, désolé !

Posté : mer. janv. 23, 2013 11:43 am
par jeandive
oncle joe signalait la parution d'un beau temoignage sur la sf 50' de curval , a completer avec l'interview de schmidt ( la proprietaire de la librairie " la balance " ) et un historique de la critique SF en france et ailleurs notement pour les 50'
http://www.quarante-deux.org/archives/c ... controlee/
http://farlen.free.fr/livres/pdf/pdfpres/index.html
http://www.quarante-deux.org/archives/b ... tique.html

Posté : mer. janv. 23, 2013 11:49 am
par silramil
Merci pour les références de Présence d'esprit.
L'article de Curval est http://www.quarante-deux.org/archives/c ... controlee/, en revanche...

(j'ai essayé d'éditer, mais apparemment le ' fait bugguer le lien...)

Posté : jeu. janv. 24, 2013 11:40 am
par jeandive
oups , j'avais mis effectivement 2 fois le meme lien : corrigé

Posté : mar. janv. 29, 2013 5:49 pm
par dracosolis
en tout cas, t'es nominé au GPI, Sil, bravo :D

Posté : mer. janv. 30, 2013 12:09 am
par MF
J'ai rarement mis un livre dans un tel état. Je n'ai pas un chapitre dont plusieurs pages qui ne soient cornées, et des pattes de mouches ont envahi toutes les espace libres comme je prenais des notes. Sérieusement, ils ne pourraient pas faire de marges plus grandes chez PUPS ? ^^

Rien à dire sur la partie histoire qui ne l'ai déjà été.

Pour la partie théorique, je m'autorise quelques commentaires, réflexions, questions... principalement associées aux objets.

Il me semble qu'il y a deux aspects des objets qui ne sont pas développés par ta théorie et qui gagneraient probablement à l'être, en particulier parce qu'ils peuvent concourir à définir certaines caractéristiques des macro-textes locaux :

1°) l'objet « orienté objet »

Je vais faire une analogie avec l'informatique (attention, c'est une analogie ; ne pas le prendre au pied de la lettre pour sodomiser les diptères).
La science-fiction relève, au plan du langage, d'un paradigme de programmation « orienté objet » alors que le reste du champ littéraire relève d'un paradigme de programmation « impératif ».

Pour donner un exemple concret, je vais prendre (en tout bien tout honneur) Emma Bovary que tu cites par ailleurs.
Lorsque Flaubert invoque la robe d'Emma, il va en décrire la couleur, la tournure, la texture... tous attributs qui sont ceux d'un vêtement.
Mais la robe d'Emma Bovary restera cela : un objet du type vêtement.
Jamais cette robe ne tentera d'étrangler celle qui la porte si elle se met à tromper Charles, jamais elle ne pourra envoyer au même Charles un message par infra-ondes en donnant sa géolocalisation dans le cas où Emma déposerait sa robe dans la journée, jamais elle ne se mettra à émettre des phéromones sexuels en présence de Rodolphe, jamais elle ne sera un alien symbiote tirant sa subsistance du plaisir d'Emma, jamais elle ne permettra à celle qui la porte de passer dans un monde alternatif où Léon est curé...
Un objet, dans les domaines rationnel ou extraordinaire, lorsqu'il est instancié par un auteur, ne peut hériter que des propriétés du type dont il relève.

Alors qu'en science fiction, un objet peut hériter, lors de son instanciation par l'auteur, des attributs et méthodes de n'importe quelle classe d'objet du macro-texte. Un objet, dans le régime spéculatif, est polymorphe : il peut appartenir à plus d'un type.
Un objet de la classe vêtement peut aussi être un alien, une arme de guerre, un moyen de transport (pas seulement amoureux), un monde... selon la capacité spéculative de l'auteur.
« Le bouton de porte ouvrit un oeil bleu et me regarda. » Combien de récit de SF utilise-t-il cette capacité polymorphique des objets « orientés objet » pour créer du SoW ?

Il me semble donc que les objets du régime spéculatif offrent des capacités des gestion de propriétés et méthodes fort différentes des objets des autres régimes ontologiques. Un auteur de SF, à chaque fois qu'il instancie un objet, a la possibilité de le doter de la totalité du polymorphisme offert par l'intertextualité (devrais-je dire le macro-texte?)

Cette analogie expliquerait aussi que les textes basés sur les « merveilles scientifiques » ne relèvent pas du régime spéculatif et que les textes qui en usent ne ressortissent pas de la SF telle que tu la dates.



2°) l'épuisement spéculatif des objets lors de leur progression hiérarchique
La taxinomie des objets de science-fiction que tu exposes me semble figée : 6 catégories dans une matrice 3x2. Comme cela, j'ai le sentiment de quelque chose de rigide alors qu'il m'a toujours semblé que l'histoire de la science-fiction avait montré une évolution des objets dans une hiérarchie basée sur leur capacité spéculative.

Ceci explique, pour moi, les changements de paradigme que tu as noté. Le changement de paradigme s'opère lorsqu'une classe d'objet a vu son potentiel spéculatif épuisé par les auteurs et que collectivement, ils vont se reporter sur une classe plus riche, plus prometteuse, plus productive.

Les objets vont souvent commencer dans un rôle banal, puis devenir exotique ou structurant, et suivre une évolution qui leur permettra d'achever leur carrière comme objet complexe. Lorsqu'apparait un objet essentiel, à la fois « objet isolé » et « phénomène collectif » (je reprends ta taxinomie), alors le potentiel spéculatif de cet objet est épuisé. On en a fait le tour.

L'exemple qui me semble emblématique est celui des « mondes piégés ». De Simulacron 3 à Mais si les papillons trichent, s'écoule une décennie, ce qui correspond à l'échelon temporel que tu as retenu. Mais au milieu de cette décennie est apparu Ubik, qui réussi l'exploit dans le même récit d'être un « objet isolé », un « phénomène collectif », un « objet mineur », un « objet stimulant » et un « objet essentiel ». Un objet englobant de toute la hiérarchie.
Alors, la messe est dite ; les « mondes piégés » ont fait leur temps ; leur potentiel spéculatif a été exploré et les auteurs partent à la recherche d'autres territoires/objets à coloniser. La comète est passée pendant une demi décennie et nous avons continué à en voir la queue pendant encore une demi décennie. Il restera bien sur des traces de cette comète, des textes qui utiliseront des « mondes piégés », mais plus de cette ampleur.

Je pense qu'il y aurait un travail à faire sur chacune de ces décennies que tu as caractérisées afin d'examiner si ce phénomène [évolution dans la hiérarchie taxinomique]/[épuisement spéculatif] est bien à l’œuvre pour expliquer les changements paradigmatiques.


Il y aurait probablement aussi une réflexion à avoir (pour peu que cette hypothèse ne soit pas balayée d'un revers de main) sur la répartition des rôles entre nouvelle et roman : la nouvelle étant le vecteur privilégié de l'exploration spéculative (test de polymorphisme des objets « orientés objet ») et le roman celui de la progression hiérarchique des objets.


Un mot sur le macro-texte et les paradigmes (pour moi, il y a un lien entre les deux, les paradigmes étant des objets attracteurs dans le macro-texte).
Dans ta conclusion, tu indiques (p. 412) « ... la comparaison systématique du domaine français avec d'autres domaines permettra de dégager la part d'influence culturelle que la société de chaque pays exerce. L'état des sciences, des connaissances et des représentations a des conséquences plus importantes sur les œuvres de science-fiction que sur d'autres. La seule étude du domaine français n'a pas permis de mettre en valeur ce type d'influence ».
Je relisais la semaine dernière Univers 14, un numéro qui a donné dans le hautement radioactif suite au paratexte associé à la publication par Gérard Klein de Crises de Lester Del Rey (c.f. introduction de Yves Frémion et article de Bernard Blanc). Qu'est-ce que Blanc identifie (à tort ou à raison, là n'est pas la question) de significatif à cette période en comparant la SF française et la SF anglo-saxonne ? Le nucléaire civil !
Le macro-texte a cristallisé comme attracteur la centrale de production électronucléaires alors que le mega-text l'a presque ignoré.

Et il me semble significatif que le reproche fait à l'époque par Blanc, de l'appel à un éminent scientifique du CEA (institution franco-française qui n'a pas d'équivalent aux USA) pour exposer des données techniques en paratexte trouve quelque part, aujourd'hui, un contre-écho en la personne du président des Utopiales ^^