Françatome de Johan Heliot
Posté : mar. mai 28, 2013 4:37 pm
L'avis de Joseph Altairac sur Facebook :
Café, SF, et assimilé (même de très loin…) n°131. Aujourd’hui (27/05/2013) :
« Françatome » de Johan Héliot et « Les Éléphants bleus » de Rosny aîné
Et hop ! Le billet du café du matin est de retour, après un raid documentaire exceptionnel et prolongé aux Imaginales d’Épinal ! Bravo et merci à toute l’équipe de cet incontournable festival, que, du coup, je me suis promis de ne plus contourner, à l’avenir !
Ce voyage fut entrepris à but purement documentaire, comme on s’en doute, et s’il demeure des sceptiques, je le leur prouve, en alignant quelques mots sur un ouvrage qui n’existe pas encore (puisque son copyright est de juin 2013, c’est marqué dessus) : « Françatome », de Johan Héliot (Mnémos, collection Hélios, 9€ (c’est pas cher)).
« Nous ne sommes rien d’autre que l’addition d’images et de sensations révolues, soumises au filtre de la mémoire. » (p.242)
Au filtre, mais aussi au philtre, serait-on tenté d’ajouter à cette pertinente réflexion du narrateur et protagoniste principal (quantique ?) de ce roman au titre bien trouvé de Johan Héliot, auteur justement réputé pour ses uchronies.
Dans un accès de purisme (ce qui me prend parfois), je qualifierais les uchronies de Johan Héliot d’univers parallèles à tendance uchronique, plutôt que d’uchronies à strictement parler, et c’est particulièrement flagrant pour « Françatome », mais enfin, ce débat nous mènerait trop loin et ne présente guère d’intérêt dans le cadre ludique du billet du café du matin. Ce qui importe, c’est de dire que « Françatome » va réjouir tous les savanturiers (ou assimilés) fascinés par les somptueuses fusées et autres stations spatiales à la von Braun qui, dans les années cinquante-soixante, hantaient les pages des magazines type « Collier’s » aux États-Unis, ou « Science et Vie » en France : Johan Héliot leur redonne vie dans « Françatome » et, cerise sur le gâteau, en fait une spécialité… française ! Dans son monde parallèle, en effet, ce ne sont pas les Américains, mais les Français qui ont récupéré le savant allemand, lequel construit la « Roue », une station spatiale pour le compte du général de Gaulle, au moyen de fusées à propulsion atomique !!!
Il y a cependant un petit problème, du fait que Magnus Maximillian — comme se fait désormais appeler le concepteur des V2 — semble avoir perdu les pédales, tout comme le père du héros, atomiste de génie un tantinet dépourvu de sens moral.
On aura compris que malgré les apparence, il ne faut pas s’attendre à trouver dans « Françatome » la pure description d’un univers technophile aseptisé sur papier glacé pour passionnés de machines prodigieuses. Car chez Johan Héliot, la réflexion socio-politique pointe toujours son nez, la satire n’est jamais loin, et le moins que l’on puisse dire est que l’univers cancéreux de « Françatome », saturé de radiations et dévasté par la guerre civile, n’apparaît guère comme une alternative heureuse à celui que nous avons le bonheur (hum) d’habiter. En imaginant les conséquences qu’aurait eu sur la France (et par contrecoup le reste du monde) un général de Gaulle légèrement plus mégalomane et davantage influencé par certains militaires, jusqu’au boutistes de l’empire français (ce n’est pas ce qui manquait, dans les années cinquante-soixante…), l’auteur de « La Trilogie de la Lune » dénonce les mécanismes de toute une tradition politique française d’égémonisme à tendance paranoïaque encore souvent et inexplicablement valorisée de nos jours (et ayant débouché sur l’obsession de l’arme atomique, par exemple).
On saluera au passage la réussite que constitue l’illustration de couverture signée Carlo Oliveira, parfaitement dans le ton… avant que tout ne commence à se déglinguer sérieusement… Fortement recommandé !
Mon grand regret : ne pas pouvoir discuter de ce roman avec Roland C. Wagner, l’auteur de « Rêves de gloire ».
Pour les admirateurs de Rosny, une petite curiosité, dénichée dans le n°202 (15 octobre 1922) de « Je Sais Tout » : « Les Éléphants bleus ». On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un chef-d’œuvre, mais ça se laisse lire, surtout à 8h du matin et en dégustant un bon café.