HAMLET AU PARADIS de Jo Walton
Posté : jeu. oct. 22, 2015 8:36 pm
Bonjour
Jo Walton poursuit sa trilogie de l’inspecteur Carmichael avec, n'hésitons pas, un chef d’œuvre : Hamlet au paradis.
La trilogie se situe dans une uchronie où le fascisme progresse dans le monde entier et où seul Staline s’oppose encore à Hitler. Le Royaume-Uni bascule tout doucement vers une dictature inféodée aux nazis. Hamlet au paradis raconte l’histoire d’un attentat contre Hitler et le premier ministre britannique, attentat perpétré à l’occasion d’une représentation de la célèbre pièce de Shakespeare.
La construction de l’ouvrage est habile. Deux trames, deux points de vue, celui de Viola, l’actrice principale de la pièce, et celui de Carmichael, cheminent parallèlement, se croisent parfois, pour converger dans les ultimes pages, dans un climax de sang et de violence. Le suspens va crescendo et la conclusion est tragique, même si on la pressentait au vu de celle du Cercle de Farthing, l’opus précédent de la trilogie. La référence à Alfred Hitchcock et à son Homme qui en savait trop (la version de 1956) est évidente. Jo Walton nous fera grâce du coup de cymbale mais elle distille avec un art consommé l’inquiétude, l’angoisse et l’envie de savoir.
Le terrorisme politique est analysé avec beaucoup de finesse. On pense bien évidemment aux Justes de Camus. Viola est la sœur de Kaliayev. Elle a les mêmes hésitations que lui, les mêmes remords et prend au final la même décision.
La critique sociale est toujours présente et toujours très bien amenée chez Walton. Elle est ainsi présente dans mille détails, que ce soit dans les propos du sergent Royston, dans la diatribe antiaristocratique de Devin ou plus simplement et plus subtilement dans les modestes conditions de vie de Carmichael.
La mise en abyme est très bien faite. L’auteure s’offre même le luxe d’une double mise en abyme avec l’incrustation d’une pièce de théâtre dans la pièce de théâtre, elle-même incrustée dans le livre, une vrai poupée russe ! Viola qui joue le rôle d'Hamlet dans la pièce et donc lutte contre Claudius va, dans la réalité (!), enfin dans l'’uchronie, combattre le pouvoir illégitime de Normanby. Le travestissement des personnages de Shakespeare est une idée brillante qui permet de renforcer encore le féminisme du livre pourtant déjà présent à la seule lecture des incroyables destinées des sœurs Larkin. Les soeurs Brontë sont surpassées !
La sexualité est présente et source d’une superbe invraisemblance, l’inféodation de Viola à Devin. Eros et Thanatos. Bon, enfin, on va pardonner cette obsession waltonnienne car le roman est remarquable en tout point, très intelligent et très intelligemment construit, encore meilleur, de mon point de vue, que le déjà excellent Cercle de Farthing. Les personnages sont criants de vérité que ce soit la troupe théâtrale, le policier de faction à l’accueil du Yard ou encore le metteur en scène.
Après un tel exploit, on ne peut que se poser la question du troisième tome ? Le crépuscule des dieux ? Toi qui entre ici, abandonne toute espérance (Dante) ? Merci en tout cas à Gilles Dumay pour cette publication.
Cordialement
Eléanore-clo
Jo Walton poursuit sa trilogie de l’inspecteur Carmichael avec, n'hésitons pas, un chef d’œuvre : Hamlet au paradis.
La trilogie se situe dans une uchronie où le fascisme progresse dans le monde entier et où seul Staline s’oppose encore à Hitler. Le Royaume-Uni bascule tout doucement vers une dictature inféodée aux nazis. Hamlet au paradis raconte l’histoire d’un attentat contre Hitler et le premier ministre britannique, attentat perpétré à l’occasion d’une représentation de la célèbre pièce de Shakespeare.
La construction de l’ouvrage est habile. Deux trames, deux points de vue, celui de Viola, l’actrice principale de la pièce, et celui de Carmichael, cheminent parallèlement, se croisent parfois, pour converger dans les ultimes pages, dans un climax de sang et de violence. Le suspens va crescendo et la conclusion est tragique, même si on la pressentait au vu de celle du Cercle de Farthing, l’opus précédent de la trilogie. La référence à Alfred Hitchcock et à son Homme qui en savait trop (la version de 1956) est évidente. Jo Walton nous fera grâce du coup de cymbale mais elle distille avec un art consommé l’inquiétude, l’angoisse et l’envie de savoir.
Le terrorisme politique est analysé avec beaucoup de finesse. On pense bien évidemment aux Justes de Camus. Viola est la sœur de Kaliayev. Elle a les mêmes hésitations que lui, les mêmes remords et prend au final la même décision.
La critique sociale est toujours présente et toujours très bien amenée chez Walton. Elle est ainsi présente dans mille détails, que ce soit dans les propos du sergent Royston, dans la diatribe antiaristocratique de Devin ou plus simplement et plus subtilement dans les modestes conditions de vie de Carmichael.
La mise en abyme est très bien faite. L’auteure s’offre même le luxe d’une double mise en abyme avec l’incrustation d’une pièce de théâtre dans la pièce de théâtre, elle-même incrustée dans le livre, une vrai poupée russe ! Viola qui joue le rôle d'Hamlet dans la pièce et donc lutte contre Claudius va, dans la réalité (!), enfin dans l'’uchronie, combattre le pouvoir illégitime de Normanby. Le travestissement des personnages de Shakespeare est une idée brillante qui permet de renforcer encore le féminisme du livre pourtant déjà présent à la seule lecture des incroyables destinées des sœurs Larkin. Les soeurs Brontë sont surpassées !
La sexualité est présente et source d’une superbe invraisemblance, l’inféodation de Viola à Devin. Eros et Thanatos. Bon, enfin, on va pardonner cette obsession waltonnienne car le roman est remarquable en tout point, très intelligent et très intelligemment construit, encore meilleur, de mon point de vue, que le déjà excellent Cercle de Farthing. Les personnages sont criants de vérité que ce soit la troupe théâtrale, le policier de faction à l’accueil du Yard ou encore le metteur en scène.
Après un tel exploit, on ne peut que se poser la question du troisième tome ? Le crépuscule des dieux ? Toi qui entre ici, abandonne toute espérance (Dante) ? Merci en tout cas à Gilles Dumay pour cette publication.
Cordialement
Eléanore-clo