‘ Fabrice Colin est mort
Posté : dim. avr. 13, 2008 10:02 pm
à 33 ans, dans l’incendie de son petit appartement de banlieue’
Extrait du préambule de Comme des fantômes : histoires sauvées du feu de Fabrice Colin, Ed. Les Moutons électriques.
Fabrice Colin vient de sortir un recueil de nouvelles et, comme il a un sens de l’humour déplorable, il a décidé de donner à ce livre une allure funèbre en mettant en scène sa propre mort. « On dirait que je serais claqué et qu’André-François Ruaud profiterait de l’occasion pour publier ce bouquin ».
De plus, comme Fabrice Colin crédite ses amis du même sens de l’humour malsain que celui dont il est affligé, le livre est bourré de rubriques nécrologiques rédigées par tout un tas de gens du milieu SFFF. Morts de rire.
Le recueil, belle chose illustrée par Arnaud Cremet avec rabats, vernis et toute la sauce, commence par une préface de Claro, qui explique qu’avec son pote Colin, ils avaient décidé « de créer une collection imaginaire de monocles. » A la mort de Colin, « j’ai jeté ma collection de monocles aux chiottes et j’ai tiré la chasse. Evidemment, ça les a bouchées illico. J’allais pas appeler le plombier pour déboucher des chiottes qu’obstruaient des trucs imaginaires. J’ai déménagé. »
Suit une biographie où l’on apprend que Colin a fait un voyage en Toscane avec Xavier Mauméjean (« Oui, eh bien parlons-en, de cette rencontre en Toscane, commente Mauméjean. J’avais fait le voyage en Italie sur les traces de Pinocchio, Colin me l’a entièrement gâché. »),
qu’il s’est brouillé avec Johan Heliot (« Au fond, Johan n’est qu’un faiseur », F. Colin, Carnets de notes),
un commentaire de Xavier Vernet, libraire (« A un moment je suis allé le trouver pour lui dire à quel point j’avais aimé son texte. C’était un mensonge, évidemment. »),
de Gilles Dumay (« Fabrice m’a envoyé une de ses nouvelles que j’ai retenue pour publication. Sincèrement, je ne me souviens plus du texte – il ne devait pas être très bon. »),
d’Audrey Petit (« Je me souviens avoir soupiré, je crois. Non, vraiment, éditeur est un métier sérieux. »),
quelques considérations de l’auteur sur l’acte d’écrire (« Pour voir si le néant est soluble dans le verbe ». C’est beau. Qu’on se rassure, c’est l’inverse.),
un souvenir d’André-François Ruaud (« Au moment où je commençais à travailler au Panorama illustré de la fantasy et du merveilleux , [j’ai téléphoné à Fabrice et] je lui ai appris que je pensais à Xavier Mauméjean pour la notice sur Rackham. « Super, a-t-il déclaré, vraiment génial. Xavier va foncer sur Wikipédia, il va te faire trois copier/coller et il va te rajouter une batterie d’adverbes. Tu as raison de prendre des types qui n’y connaissent rien. » »),
une interview par Richard Comballot (qui est une copie saoule d’une interview réellement publiée dans Bifrost :
R.C. : « Je m’efforce d’écrire chaque jour, que ça me plaise ou non », réponds-tu lors d’une interview. C’est ça, entre autres, être professionnel ?
F.C. : Ah, ah, je ne sais pas où tu as lu une connerie pareille mais je n’ai certainement jamais dit ça ! Mon idéal professionnel, c’est de trouver une nana qui accepte de m’entretenir ou de gagner au loto,
le récit anonyme de son enterrement (« le prêtre est arrivé, bourré comme un coing »),
et une épreuve de nouvelles avec les corrections (en tout cas au début, parce qu’à la fin le papier est tout froissé, c’est illisible, tout raturé, avec un grand MOI VIVANT CE PUTAIN DE TEXTE NE SERA JAMAIS PUBLIE AH AH ! griffonné par dessus.) Dans le même genre, il y a Xperiment, texte automatique en colonne dont on comprend mal le début et pas du tout la fin, vu que la tête d’impression s’est décalée et que les caractères sont brouillés, et aussi Ladicius , un pouème illustré par « une jeune dessinatrice néerlandaise internée en même temps que l’auteur ») et enfin, une postface de David Calvo (« Avant ce coup de fil de Ruaud, je n’avais jamais entendu parler de Fabrice Colin. Ruaud m’a dit : Colin est mort.
- Qui ?
- Fabrice Colin, tu sais.
- Non
[…]
- Tu crois qu’il va devenir célèbre, maintenant ? Comme Grégory Lemarchal ? »)
Tout le livre est rempli de trucs comme ça. Je me suis bien marrée.
Bon, c’est pas le tout, passons aux nouvelles. D’abord Naufrage mode d’emploi, GPI 1999, ou « Ce qui se passe dans les marécages de l’inconscient d’un auteur de fantasy que son éditeur oblige à écrire du roman historique », texte aussi connu sous le nom de Frodon et le mildiou, très bien.
Ensuite vient Arnarstapi , Alice Liddell à l’age de, euh… 130 ans, bon pied bon œil, et son garde malade un peu névrosé qui traque avec son chiffon ce fichu chat du Cheshire qui fout des sourires partout.
Puis Une autre fois, Damon , immonde. C’est l’histoire d’un père qui essaye de se remettre de la mort de son fils, elle est immonde.
Suit Chez les vivants, immonde aussi, si vous voulez savoir ce qui se passe entre le moment où votre médecin vous dit, sur un ton doucereux : « Il faudrait faire une biopsie / un scanner / un test HIV» et le moment où les résultats tombent, lisez-la.
Après, on trouve Le coup du lapin , (« Papa, ils vont où les lapins après les tours de magie ? », ça ! C’est de l’intro), et Eloge des poissons-gouffres, où un type nommé Elric fait des choses sexuelles à une fille nommée Etyhelia avec une épée nommée Strombringer, hahaha ! Ca a l’air vachement bien. Sauf à la fin où ça dérape, forcément. Bien fait. Never play leapfrog with a unicorn.
Dans le tas, on trouve aussi Ghost story, quand un jeune homme rencontre son grand père pourtant décédé :
- Papy, j’ai dit. Tu es censé être mort.
- Je suis mort, fils.
- Alors qu’est-ce que tu fous là ?
Comme d’habitude avec Fabrice Colin, l’écriture est à la fois poétique et drôle. Comme le dit certain critique émérite : « Et puis zob, c’est bien écrit ». Moi, je n’avais jamais remarqué à quel point Fabrice Colin est obsédé par la mort mais c’est que je me fatigue peu à réfléchir. En tout cas, ce type est un vrai punk à la Patti Smith : il a réussi à avoir une mort rock’n roll sans devoir mourir vraiment. Chapeau.
Bon, c’est pas tout ça, mais je n’ai pas tout fini alors j’y retourne. J’en suis à un texte nommé Ivre au temps . Il paraît que quand on le lit, on finit bourré. C’est bien, ça fait des économies.
Extrait du préambule de Comme des fantômes : histoires sauvées du feu de Fabrice Colin, Ed. Les Moutons électriques.
Fabrice Colin vient de sortir un recueil de nouvelles et, comme il a un sens de l’humour déplorable, il a décidé de donner à ce livre une allure funèbre en mettant en scène sa propre mort. « On dirait que je serais claqué et qu’André-François Ruaud profiterait de l’occasion pour publier ce bouquin ».
De plus, comme Fabrice Colin crédite ses amis du même sens de l’humour malsain que celui dont il est affligé, le livre est bourré de rubriques nécrologiques rédigées par tout un tas de gens du milieu SFFF. Morts de rire.
Le recueil, belle chose illustrée par Arnaud Cremet avec rabats, vernis et toute la sauce, commence par une préface de Claro, qui explique qu’avec son pote Colin, ils avaient décidé « de créer une collection imaginaire de monocles. » A la mort de Colin, « j’ai jeté ma collection de monocles aux chiottes et j’ai tiré la chasse. Evidemment, ça les a bouchées illico. J’allais pas appeler le plombier pour déboucher des chiottes qu’obstruaient des trucs imaginaires. J’ai déménagé. »
Suit une biographie où l’on apprend que Colin a fait un voyage en Toscane avec Xavier Mauméjean (« Oui, eh bien parlons-en, de cette rencontre en Toscane, commente Mauméjean. J’avais fait le voyage en Italie sur les traces de Pinocchio, Colin me l’a entièrement gâché. »),
qu’il s’est brouillé avec Johan Heliot (« Au fond, Johan n’est qu’un faiseur », F. Colin, Carnets de notes),
un commentaire de Xavier Vernet, libraire (« A un moment je suis allé le trouver pour lui dire à quel point j’avais aimé son texte. C’était un mensonge, évidemment. »),
de Gilles Dumay (« Fabrice m’a envoyé une de ses nouvelles que j’ai retenue pour publication. Sincèrement, je ne me souviens plus du texte – il ne devait pas être très bon. »),
d’Audrey Petit (« Je me souviens avoir soupiré, je crois. Non, vraiment, éditeur est un métier sérieux. »),
quelques considérations de l’auteur sur l’acte d’écrire (« Pour voir si le néant est soluble dans le verbe ». C’est beau. Qu’on se rassure, c’est l’inverse.),
un souvenir d’André-François Ruaud (« Au moment où je commençais à travailler au Panorama illustré de la fantasy et du merveilleux , [j’ai téléphoné à Fabrice et] je lui ai appris que je pensais à Xavier Mauméjean pour la notice sur Rackham. « Super, a-t-il déclaré, vraiment génial. Xavier va foncer sur Wikipédia, il va te faire trois copier/coller et il va te rajouter une batterie d’adverbes. Tu as raison de prendre des types qui n’y connaissent rien. » »),
une interview par Richard Comballot (qui est une copie saoule d’une interview réellement publiée dans Bifrost :
R.C. : « Je m’efforce d’écrire chaque jour, que ça me plaise ou non », réponds-tu lors d’une interview. C’est ça, entre autres, être professionnel ?
F.C. : Ah, ah, je ne sais pas où tu as lu une connerie pareille mais je n’ai certainement jamais dit ça ! Mon idéal professionnel, c’est de trouver une nana qui accepte de m’entretenir ou de gagner au loto,
le récit anonyme de son enterrement (« le prêtre est arrivé, bourré comme un coing »),
et une épreuve de nouvelles avec les corrections (en tout cas au début, parce qu’à la fin le papier est tout froissé, c’est illisible, tout raturé, avec un grand MOI VIVANT CE PUTAIN DE TEXTE NE SERA JAMAIS PUBLIE AH AH ! griffonné par dessus.) Dans le même genre, il y a Xperiment, texte automatique en colonne dont on comprend mal le début et pas du tout la fin, vu que la tête d’impression s’est décalée et que les caractères sont brouillés, et aussi Ladicius , un pouème illustré par « une jeune dessinatrice néerlandaise internée en même temps que l’auteur ») et enfin, une postface de David Calvo (« Avant ce coup de fil de Ruaud, je n’avais jamais entendu parler de Fabrice Colin. Ruaud m’a dit : Colin est mort.
- Qui ?
- Fabrice Colin, tu sais.
- Non
[…]
- Tu crois qu’il va devenir célèbre, maintenant ? Comme Grégory Lemarchal ? »)
Tout le livre est rempli de trucs comme ça. Je me suis bien marrée.
Bon, c’est pas le tout, passons aux nouvelles. D’abord Naufrage mode d’emploi, GPI 1999, ou « Ce qui se passe dans les marécages de l’inconscient d’un auteur de fantasy que son éditeur oblige à écrire du roman historique », texte aussi connu sous le nom de Frodon et le mildiou, très bien.
Ensuite vient Arnarstapi , Alice Liddell à l’age de, euh… 130 ans, bon pied bon œil, et son garde malade un peu névrosé qui traque avec son chiffon ce fichu chat du Cheshire qui fout des sourires partout.
Puis Une autre fois, Damon , immonde. C’est l’histoire d’un père qui essaye de se remettre de la mort de son fils, elle est immonde.
Suit Chez les vivants, immonde aussi, si vous voulez savoir ce qui se passe entre le moment où votre médecin vous dit, sur un ton doucereux : « Il faudrait faire une biopsie / un scanner / un test HIV» et le moment où les résultats tombent, lisez-la.
Après, on trouve Le coup du lapin , (« Papa, ils vont où les lapins après les tours de magie ? », ça ! C’est de l’intro), et Eloge des poissons-gouffres, où un type nommé Elric fait des choses sexuelles à une fille nommée Etyhelia avec une épée nommée Strombringer, hahaha ! Ca a l’air vachement bien. Sauf à la fin où ça dérape, forcément. Bien fait. Never play leapfrog with a unicorn.
Dans le tas, on trouve aussi Ghost story, quand un jeune homme rencontre son grand père pourtant décédé :
- Papy, j’ai dit. Tu es censé être mort.
- Je suis mort, fils.
- Alors qu’est-ce que tu fous là ?
Comme d’habitude avec Fabrice Colin, l’écriture est à la fois poétique et drôle. Comme le dit certain critique émérite : « Et puis zob, c’est bien écrit ». Moi, je n’avais jamais remarqué à quel point Fabrice Colin est obsédé par la mort mais c’est que je me fatigue peu à réfléchir. En tout cas, ce type est un vrai punk à la Patti Smith : il a réussi à avoir une mort rock’n roll sans devoir mourir vraiment. Chapeau.
Bon, c’est pas tout ça, mais je n’ai pas tout fini alors j’y retourne. J’en suis à un texte nommé Ivre au temps . Il paraît que quand on le lit, on finit bourré. C’est bien, ça fait des économies.