Jean et Doris Le May - Dame Lueen
Posté : mar. mai 12, 2009 3:42 pm
Salut,
Je continue ponctuellement mon exploration permanente de ces deux auteurs hélas tombés dans l'oubli des années 70, et là je dois avouer que Dame Lueen est sans doute un de leurs chef-d'oeuvres.
Cependant, je me suis bien fait avoir en l'entamant puisqu'il s'agit de la suite d'un autre roman, L'Empreinte de Shark Ergan, publié la même année (1973) et que les deux font partie du cycle des "Contes et Légendes du Futur". Je ne suis toutefois pas démonté et n'ai pas pris le temps d'acheter et de lire le premier volume. Après quelques flottements, il s'avère que Dame Lueen peut se lire indépendamment, et que les allusions au premier roman ne font que renforcer l'effet poétique de celui-ci.
Dame Lueen est un magnifique roman de chevalerie du futur. Imaginez une planète, Erem, dont la société a totalement éradiqué la guerre. Mais cette éradication a un prix: d'une part on tolère des tournois et des duels qui peuvent être mortels, d'autre part on envoie régulièrement les plus jeunes et les plus fougueux sur d'autres planètes plus primitives, avec pour mission de se dégoûter de la guerre. Une fois sur ces planètes, ils prennent l'apparence et la mémoire d'autochtones, et vivent à leur place durant quelques temps. Un principe simple, mais globalement hypocrite puisque pour que la paix soit éternelle sur Erem, il faudra toujours qu'il y ait un monde en guerre, ce qu'est justement Zirkande.
Et Zirkande va être le siège de la lutte de deux éminents érémides, la belle et redoutable Dame Lueen, qui se joue des hommes comme des pièces de jeu d'échec en les manipulant avec son corps, et l'intègre, le chevaleresque Stellan, qui va entrer en rébellion contre l'ordre établi.
Les personnages sont donc hauts en couleurs, même s'ils ne sont pas très subtils. Ils sont en tout cas magnifiques (dans tous les sens du terme). Tout comme l'est le style, grandiloquent mais sans excès, et surtout très poétique (qui m'a d'ailleurs fait un peu penser après coup au roman de Norbert Merjagnan), surprenant en tout cas pour qui ne connait pas l'oeuvre des Le May et s'attendrait à un banal petit Fleuve Noir. On en vient à regretter que ces deux-là n'aient jamais écrit un Grand roman, hors de la littérature dite populaire.
Jugez-en avec ce premier paragraphe, une des descriptions de paysage les plus sexuées que j'ai jamais pu lire:
A+
Patrice
Je continue ponctuellement mon exploration permanente de ces deux auteurs hélas tombés dans l'oubli des années 70, et là je dois avouer que Dame Lueen est sans doute un de leurs chef-d'oeuvres.
Cependant, je me suis bien fait avoir en l'entamant puisqu'il s'agit de la suite d'un autre roman, L'Empreinte de Shark Ergan, publié la même année (1973) et que les deux font partie du cycle des "Contes et Légendes du Futur". Je ne suis toutefois pas démonté et n'ai pas pris le temps d'acheter et de lire le premier volume. Après quelques flottements, il s'avère que Dame Lueen peut se lire indépendamment, et que les allusions au premier roman ne font que renforcer l'effet poétique de celui-ci.
Dame Lueen est un magnifique roman de chevalerie du futur. Imaginez une planète, Erem, dont la société a totalement éradiqué la guerre. Mais cette éradication a un prix: d'une part on tolère des tournois et des duels qui peuvent être mortels, d'autre part on envoie régulièrement les plus jeunes et les plus fougueux sur d'autres planètes plus primitives, avec pour mission de se dégoûter de la guerre. Une fois sur ces planètes, ils prennent l'apparence et la mémoire d'autochtones, et vivent à leur place durant quelques temps. Un principe simple, mais globalement hypocrite puisque pour que la paix soit éternelle sur Erem, il faudra toujours qu'il y ait un monde en guerre, ce qu'est justement Zirkande.
Et Zirkande va être le siège de la lutte de deux éminents érémides, la belle et redoutable Dame Lueen, qui se joue des hommes comme des pièces de jeu d'échec en les manipulant avec son corps, et l'intègre, le chevaleresque Stellan, qui va entrer en rébellion contre l'ordre établi.
Les personnages sont donc hauts en couleurs, même s'ils ne sont pas très subtils. Ils sont en tout cas magnifiques (dans tous les sens du terme). Tout comme l'est le style, grandiloquent mais sans excès, et surtout très poétique (qui m'a d'ailleurs fait un peu penser après coup au roman de Norbert Merjagnan), surprenant en tout cas pour qui ne connait pas l'oeuvre des Le May et s'attendrait à un banal petit Fleuve Noir. On en vient à regretter que ces deux-là n'aient jamais écrit un Grand roman, hors de la littérature dite populaire.
Jugez-en avec ce premier paragraphe, une des descriptions de paysage les plus sexuées que j'ai jamais pu lire:
J'adore et j'en veux encore!Bleu, le ciel trop clair au zénith et devenant de la teinte délicate de la lavande des adrets avant de prendre la luminosité des pervenches pour, finalement, se fondre à l'horizon du sud avec l'indigo profond de la mer.
Rouges, les montagnes, mais d'une teinte contenant toutes les nuances de cette couleur chaude et heureuse, active et tonique, depuis le pourpre des failles humides comme des lèvres de jeune fille jusqu'à l'ocre presque jaune des pics déchiquetés par l'action du gel, du vent et de la foudre, en ordre indifférent.
Sombres, les vallées sinueuses, sans que l'on puisse définir avec exactitude si la dominante frôle le vert, comme pousse à le croire l'instinct qui sait discerner le dessin des forêts couvrant les pentes et les fonds d'un manteau en lambeaux, ou s'il convient plutôt de chercher la vérité dans les bruns subtils, mélange de pigmentations diverses fondues par l'éloignement et l'altitude sous un manteau translucide de brumes de chaleur.
A+
Patrice