"Je ne pleurniche pas. Je ne fustige pas le milieu. Je ne veux pas le détruire. Je m'interroge sur son avenir, sur sa possible (nécessaire ?) mutation. Qui pourrait prendre la forme d'une dissolution - si tant est que quelque chose qui n'existe pas vraiment puisse être dissous.
Je pars d'un constat : lorsque je vais aux Utopiales, par exemple, je retrouve des amis, je m'en fais de nouveaux, je rencontre des gens extrêmement intéressants. Mais que forment-ils, collectivement ? Vers où vont-ils, que veulent-ils ? Le jour où Nantes ou Epinal cesseront de donner du fric, ça va faire drôle. Combien de romans SF écrits par des auteurs français cette année ? Je ne vois pas de cohérence, pas de projet. Tu vas me dire, on peut vivre sans.
Bon sang, Fabrice, je crois que je comprends enfin ce que tu as voulu dire. Tu te poses des questions (vers où vont-ils ? ) que je ne me pose jamais. Je n'ai aucun sens du collectif, sinon pour constater que certains existent et que je n'en fait la plupart du temps pas partie. Je ne me pose pas la question de savoir si les Utos ou Epinal s'arrêteront un jour : je sais que ça arrivera, comme pour le festival de Metz, comme pour les Galaxiales. Ça sera dommage mais il y aura autre chose. Pareil pour les maisons d'édition.
J'ai eu l'idée de Haute-Ecole en 89, à un moment où il n'y avait aucun éditeur pour ça. Entre 90 et 95, après que Gérard Klein ait abandonné la publication en Ailleurs et Demain d'une antho dont le nom m'échappe, il n'y a eu ni revue, ni festivals, ni rien, que des fanzines et pas de net. La situation actuelle, avec des revues, des gros et des moyens éditeurs, des sites et tout le reste, aussi ahurissant que ça puisse paraître, je la trouve plutôt bonne.
Or, parallèlement, je sens un frémissement. Quelque chose, peut-être, est en train de naître. La publication de Retour sur l'horizon était-elle une étape ? L'avenir nous le dira. Je remarque, pour l'heure, qu'on parle moins des textes que de ce qu'ils disent sur l'état de la science-fiction en France.
Ces temps-ci, le milieu de la SF - de mon point de vue - ne se définit que "contre." C'est un microcosme qui, quoiqu'on en dise (et la virulence de certaines réactions l'atteste) se sent perpétuellement menacé. Il a sans doute raison.
Je ne suis contre rien. Je suis d'accord avec Gilles : je veux que les gens puissent lire Egan, Whitmore, Bacigalupi, Chabon, Kelly Link, etc.s'ils en ont envie.
Mais qu'on ne m'explique pas que tout ça c'est du pareil au même, parce que intellectuellement ça ne me convient pas. Je n'ai pas dit "ça c'est mieux", tout ce que je dis : c'est, je trouve ma nourriture chez un tel plutôt qu'un tel parce qu'un tel aborde des sujets et les traite d'une façon qui me touche et/ou m'intéresse.
Je ne vois pas ce qu'il y a à "ouvrir" en direction de la litt gen ou de l'expérimentation littéraire parce que la New Wave a déjà eu lieu et que je croyais tout ça déjà connu, digéré, absorbé. Pour autant que je sache, personne ne demande à Greg Egan de se "métisser " et d'être Jeffrey Fford et inversement. Mais n'allez pas me dire qu'ils
écrivent la même chose !
Rien n'empêche qui que ce soit d'écrire ce qu'il veut comme il veut et de se décarcasser pour publier. Je n'écris pas de textes à cloche pied en alexandrins et en évitant la lettre B parce que je n'en ai pas envie, mais si d'autres gens sont intéressés, où est le problème ?
Évidemment, il y a la question de l'espace éditorial réel, et c'est une autre histoire. Pour
Retour, J'aurais trouvé plus logique, esthétiquement et intellectuellement, de faire deux anthos, une de french transexpérimentale touch et une couv de votre choix et une autre avec une couv de Manchu et les textes qui vont avec, mais apparemment, c'était pas mûr. Pour moi c'est une question de cohérence esthétique mais apparemment avoir des idées claires est un péché pour certains…
Enfin voilà. Je m'en repars traduire, parce que rien de tout ça ne va faire avancer le schmilblick de l'économie réelle…
Sylvie Denis [/quote]