Pareil.Lem a écrit : je n'ai jamais accepté le fait qu'il soit jugé incompatible avec la culture française par des gens qui ne le connaissaient pas. Théoriser, historiciser, définir, c'était une réponse à ça.
Du sense of wonder à la SF métaphysique
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Et si c'était la culture française qui n'était pas en phase avec toi? Je ne suis pas écrivain, pour ma part, mais elle est largement en déphasage avec moi. Je l'aime bien quand même! Pierre de Coubertin est une gloire nationale qui a relancé le sport au niveau mondial. Vu ce que je pense du sport, il faudrait que je devienne apatride dans l'heure!Lem a écrit : le domaine a été pour moi quelque chose d'identitaire, jamais un simple métier ou un genre, et je n'ai jamais accepté le fait qu'il soit jugé incompatible avec la culture française par des gens qui ne le connaissaient pas.
Oncle Joe
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Bref, ton approche me semble phénoménologique. En avant Husserl. Qui précisément, sauf erreur de ma part qui ne connaît son œuvre que de troisième main, cherchait avec la phénoménologie à régler son compte à la métaphysique ou du moins à l'éviter.Lem a écrit :Que je n'arrive pas à quoi ? "En tant que lecteur", à neutraliser les mauvaises perceptions, justifier l'élasticité, nuancer la réputation US ? Je ne sais pas quel sens donner à ta question.MF a écrit :Est-ce que ça veut dire que tu n'y arrives pas en tant que lecteur ?Lem a écrit :Tant que je me perçois comme un écrivain de SF, un critique ou un historien de la SF, je me sens en demeure de neutraliser les mauvaises perceptions de l'étiquette et du genre, de justifier son élasticité, de nuancer sa perception "american only", etc.
(Dans le cadre ancien, avant la speculative fiction) : la même chose que quand je lis La bibliothèque de Babel. Quand je découvre que le texte prend mon appétit de "merveille" au sérieux – qu'il ne se défile pas – ; quand je vois que la bibliothèque est vraiment infinie et que c'est ça qui intéresse l'auteur, que c'est ça qu'il explore (et non prend pour prétexte d'une satire ou d'une allégorie) ; il y a un instant de transition où j'ai l'impression d'assister à quelque chose de primordial ; l'impression de voir des idées, des concepts "tomber" dans la matière ; et où j'éprouve une sorte de sidération. Comme si le texte tenait une promesse que le monde ordinaire passe son temps à décevoir… (Je n'interprète pas ce qui se passe, hein ; je me contente de décrire ce que j'éprouve.)Parce que c'est bien cela que je te demandais : ton analyse de ta perception de lecteur.
Ce qui fais que tu considéres que L'Enfer quand Dieu n'est pas présent ou En remorquant Jéhovah sont de la SF
Si maintenant j'analyse ce que j'éprouve quand je lis… je ne sais pas… Rendez-vous avec Rama, pour prendre de la SF pure et dure, j'ai la même impression au moment critique où l'éclairage intérieur de l'objet s'allume et où le narrateur découvre qu'il est suspendu à une échelle de deux kilomètres de long. Et encore quand Rama se dégèle, que l'océan cylindrique craque, que la vague se forme, etc. Je suis conscient, bien sûr, du caractère particulier que confère aux images leur plausibilité scientifique mais sous ce caractère, je crois profondement que l'impression est la même. Voilà pourquoi j'ai cherché le point commun.
Mon immortalité est provisoire.
Aussi bien, il va falloir que tu reprennes toute ta théorie (Husserl, ce n'est pas n'importe qui, ça sonne sérieux, comme nom), et tu vas t'apercevoir que, finalement, tu écris bien de la SF. Rien n'est encore perdu!Lem a écrit :Oui, c'est juste. Systar m'a dit ça, aussi. Bon. J'ai Husserl à relire, ou plutôt à lire vraiment.phénoménologique
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La Physique des Métaphores commençait par un bon exemple de ce que Husserl appelait la "variation eidétique", qui était une des techniques fondamentales de la méthode phénoménologique.Lem a écrit :Oui, c'est juste. Systar m'a dit ça, aussi. Bon. J'ai Husserl à relire, ou plutôt à lire vraiment.phénoménologique
D'ailleurs, pour Husserl, toute fiction pouvait s'inscrire dans ce procédé de variation autour d'un noyau essentiel invariant. Varier autant que possible, et voir malgré tout se dégager un invariant.
Une essence.
ça implique de croire qu'il existe des essences...
Pour les rapports complexes entre phénoménologie et métaphysique, je passe mon tour pour cette fois-ci.
Rien que le cas de Jean-Luc Marion est emblématique: notre nouvel Académicien a bâti son oeuvre comme une phénoménologie centrée sur ce qu'il appelle la "donation", le "il y a" qui fait qu'on voit des phénomènes apparaître; il a parlé de "phénomènes saturés" ( = excédant toute conceptualité qui tenterait de les décrire; ce qui, soit dit en passant, rejoint un peu ce que Kant voyait à l'oeuvre dans l'Art, avec les Idées esthétiques, la notion de jugement réfléchissant...)...
Bref, la phénoménologie, qui s'est voulue sciences des commencements, fait beaucoup de métaphysique, même si, comme le rappelle Gérard Klein, elle s'est construite d'abord par une reconduction du regard sur ce qui apparaît, et les conditions de possibilité de cette apparition, donc contre la métaphysique dans sa version spéculative.
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La définition pragmatique (au sens américain du terme) de la valeur d'un concept, c'est le nombre de découvertes et d'applications qu'il autorise. On pourrait transposer cette approche en disant : la valeur d'un concept métaphysique, c'est la qualité de la sidération cognitive qu'il procure. Ce serait une manière assez étonnante de renouer le lien entre le beau et le vrai.Gérard Klein a écrit :… qui cherchait avec la phénoménologie à régler son compte à la métaphysique ou du moins à l'éviter.
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Lecture "affective" ou "esthétique" de la philosophie?Lem a écrit : la valeur d'un concept métaphysique, c'est la qualité de la sidération cognitive qu'il procure. Ce serait une manière assez étonnante de renouer le lien entre le beau et le vrai.
C'est souvent la mienne, mais il ne faut pas trop le dire, ni en rester là! (sauf pour Nietzsche, et si on se sent nietzschéen, là, il faut laisser les affects jouer à fond pendant la lecture!)
La valeur du concept métaphysique tient au nombre de problèmes théoriques réels qu'il permet de penser, ou de résoudre.
"Durée" chez Bergson, "schème" chez Kant, ou encore "distance" chez Henry (que je lis en ce moment), par exemple, ce sont des concepts d'une grande validité, parce qu'ils sont autant de solutions possibles à des problèmes métaphysiques, ou autant de façons de se porter aux limites du pensable...
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Chez Platon, papa glorieux de la métaphysique, oui...Lensman a écrit :Parce que c'est forcément noué au départ?Lem a écrit : Ce serait une manière assez étonnante de renouer le lien entre le beau et le vrai.
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Le beau est un moment dans la découverte de la vérité ultime. C'est en commençant par faire l'expérience du Beau qu'on finit par connaître la vérité...
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Ah, et puis avec Husserl, on va vers Prague, vu que c'est Tomas Masaryk (futur premier président de Tchécoslovaquie) qui a guidé Husserl vers les travaux de Brentano. (Et pour ma thèse, j'ai même poussé le vice jusqu'à lire des travaux sur Husserl, afin de pouvoir lire Patocka.).Lensman a écrit :Aussi bien, il va falloir que tu reprennes toute ta théorie (Husserl, ce n'est pas n'importe qui, ça sonne sérieux, comme nom), et tu vas t'apercevoir que, finalement, tu écris bien de la SF. Rien n'est encore perdu!Lem a écrit :Oui, c'est juste. Systar m'a dit ça, aussi. Bon. J'ai Husserl à relire, ou plutôt à lire vraiment.phénoménologique
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C'était la minute : "Ca fait longtemps tout ça"
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/
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Ceux qui imaginent du Beau sans Vrai n'ont rien compris à Platon. Comment est-ce possible, vu la clarté de son énoncé? Cela voudrait dire qu'il y avait nettement distinction ente "Beau" et "Vrai" avant, dans le langage, sinon Platon n'aurait pas pris la peine de sortir son énoncé. J'en déduis que les deux concepts étaient déjà nettement différents avant.systar a écrit :Chez Platon, papa glorieux de la métaphysique, oui...Lensman a écrit :Parce que c'est forcément noué au départ?Lem a écrit : Ce serait une manière assez étonnante de renouer le lien entre le beau et le vrai.
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Le beau est un moment dans la découverte de la vérité ultime. C'est en commençant par faire l'expérience du Beau qu'on finit par connaître la vérité...
On en serait donc plutôt à chercher le lien, plutôt qu'à le rétablir.
A supposer que les concepts ne se modifient pas, en gardant le même nom...
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C'est assez cohérent que tu dises ça. Car – sous réserve que Systar ne corrige – le lien entre le Beau et le Vrai est intimement lié à la naissance de la métaphysique. Il me semble que c'est l'endroit où Platon se sépare des présocratiques qui cherchaient la réalité ultime comme un élément (eau, feu…). Platon dit : la réalité ultime (l'être), c'est la pensée. La quête de la vérité se fait en pensée et ne peut donc déboucher que sur une pensée. Si cette pensée est vraie, elle me paraîtra belle. Et si la pensée suivante est encore plus vraie, elle me paraîtra plus belle. Tout au bout de cette chaîne hypothétique, il y a la pensée suprême, l'être suprême – donc la plus grande beauté. (C'est même à ça qu'on le reconnaît.)Lensman a écrit :Cela voudrait dire qu'il y a avait nettement distinction ente "Beau" et "Vrai" avant, dans le langage, sinon Platon n'aurait pas pris la peine de sortir son énoncé. J'en déduis que les deux concepts étaient déjà nettemment différents avant.
On en serait donc plutôt à chercher le lien, plutôt qu'à le rétablir.
Edité : L'approche d'Almotasim de Borgès est la réification à peu près parfaite de cette idée.
Modifié en dernier par Lem le sam. janv. 23, 2010 7:03 pm, modifié 2 fois.
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A supposer que les distinctions conceptuelles se superposent exactement aux distinctions réelles...Lensman a écrit : A supposer que les concepts ne se modifient pas, en gardant le même nom...
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Bon, ton objection porte; mais il est vrai aussi que le lien entre beauté et vérité a souvent été posé, dans l'histoire de la philosophie de l'art.
C'est du reste la problématique qu'on privilégie souvent en terminale, sur l'art, avec les élèves: l'art nous donne-t-il accès à la vérité?
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