Lem a écrit :Lensman a écrit :Cela voudrait dire qu'il y a avait nettement distinction ente "Beau" et "Vrai" avant, dans le langage, sinon Platon n'aurait pas pris la peine de sortir son énoncé. J'en déduis que les deux concepts étaient déjà nettemment différents avant.
On en serait donc plutôt à chercher le lien, plutôt qu'à le rétablir.
C'est assez cohérent que tu dises ça. Car – sous réserve que Systar ne corrige – le lien entre le Beau et le Vrai est intimement lié à la naissance de la métaphysique. Il me semble que c'est l'endroit où Platon se sépare des présocratiques qui cherchait la réalité ultime comme un élément (eau, feu…). Platon dit : la réalité ultime (l'être), c'est la pensée. La quête de la vérité se fait en pensée et ne peut donc déboucher que sur une pensée. Si cette pensée est vraie, elle me paraîtra belle. Et si la pensée suivante est encore plus vraie, elle me paraîtra plus belle. Tout au bout de cette chaîne hypothétique, il y a la pensée suprême, l'être suprême – donc la plus grande beauté. (C'est même à ça qu'on le reconnaît.)
Edité :
L'approche d'Almotasim de Borgès est la réification à peu près parfaite de cette idée.
Pour Platon, il y a un au-delà de l'être... (c'est compliqué), qui est le Bien pur, à l'état pur.
(c'est une idée que Lévinas reprend dans totalité et infini, notamment en réaffirmant - Tonton, ne lis pas cette phrase, elle va t'effrayer - "la métaphysique n'est pas l'ontologie"...).
Le Beau, je ne sais pas s'il est mis par Platon au rang d'expérience suprême, ou d'expérience du suprême. C'est surtout le Bien.
Mais theoria, à l'origine, et notamment chez Aristote, c'est "considération" (là, Lem savoure: dans tout geste théorique, on entend une étoile: con-sidération!), c'est "regarder", "contempler", mais contempler un objet bien précis: les étoiles, considérées comme des êtres divins parfaits, éternels (et selon une interprétation que j'ai lue récemment: la seule vraie divinité selon Aristote, à l'exclusion, donc, du "premier moteur", qu'on a souvent lu comme la première élaboration conceptuelle d'un dieu purement philosophique, purement conceptuel, hors de toute révélation religieuse ou croyance sociale).
L'expérience de la vérité, ou la "théorie", c'est l'expérience des êtres les plus "vrais". Lesquels sont peut-être aussi les plus beaux, parce que les plus parfaits... Je ne sais pas si Aristote aurait parlé de "beauté" pour qualifier les étoiles. Mais on n'en est pas loin.
Vérité, beauté, et éthique sont nouées, en tout cas, quoique selon des modalités distinctes, dès Platon et Aristote. La beauté comme moment de la connaissance (pas forcément le moment ultime, c'est ce point qui est en discussion, d'une théorie sur l'art à l'autre), c'est une conception qui n'est pas rare, donc...
Pour revenir à Platon, et compléter ce que dit Lem: je ne sais plus ce qui meut l'anabase, si c'est la beauté ou autre chose: je crois que c'est surtout un mouvement d'abstraction: d'abord je fais l'expérience d'un corps que je trouve beau, puis au-dessus je fais l'expérience de la Beauté elle-même (donc: une Idée, plutôt que l'être lui-même dont ont émané les Idées), et ainsi de suite je découvre l'Être.
Mais dans la République, en sortant de la caverne, je vois le soleil, qui est l'image, dans cette allégorie, du suprême: (517b-517c)
Platon a écrit : Voilà donc comment m'apparaissent les choses qui se manifestent à moi: dans le connaissable, ce qui se trouve au terme, c'est la forme du bien, et on ne la voit qu'avec peine, mais une fois qu'on l'a vue, on doit en conclure que c'est elle qui constitue en fait pour toutes choses la cause de tout ce qui est droit et beau, elle qui dans le visible a engendré la lumière et le seigneur de la lumière, elle qui dans l'intelligible, étant elle-même souveraine, procure vérité et intellect; et que c'est elle que doit voir celui qui désire agir de manière sensée, soit dans sa vie privée, soit dans la ie publique.