Du sense of wonder à la SF métaphysique

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MF
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Message par MF » lun. nov. 30, 2009 7:00 pm

Lem a écrit :Je m'intéresse au déni qui a frappé la SF pendant un quasi-siècle comme à un point d'histoire littéraire (ou d'histoire des idées. J'essaie d'apporter de nouvelles solutions à un problème critique resté en suspens.
A supposer que ton hypothèse soit valide, comment l'inscris-tu dans le dernier tiers de ce quasi-siècle (en gros 1968-2000) ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

Lem

Message par Lem » lun. nov. 30, 2009 7:04 pm

MF a écrit :Les recueils de nouvelles ou les anthologies (une des spécificités de la SF au regard des autres genres), tu les mets dans romans ? Ou tu fais comme poésie, tu les classes à part ?
Ne me dis pas que pour ce qui concerne l'hypothèse d'un éventuel déni, tu ne t'es pas posé ces questions ?
Ce qui est spécifique à la SF, c'est l'importance que la nouvelle a dans l'histoire et l'actualité du genre. Mais il y a des recueils de nouvelles et des anthologies dans tous les genres, et en littérature blanche. Ils n'apparaissent nulle part. C'est donc que tout cela est rangé dans la catégorie "romans".
S'il y a un déni dans ton tableau, c'est celui de la nouvelle comme format éditorial spécifique, pas celui de la sf. (Ce qui est en soi intéressant).

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Erion
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Message par Erion » lun. nov. 30, 2009 7:05 pm

Lem a écrit :
Inutile de chercher plus loin par suite de quel découragement Wells a cessé d'œuvrer dans le sens de La guerre des mondes et pourquoi Rosny publie si rarement des Xipéhuz ou des Forces mystérieuses. Gagner sa vie en s'adressant à l'intelligence, cela, oui, ce serait vraiment fantastique !
A tel point que Verne critiquait Wells parce qu'il n'utilisait pas la science : "J'utilise la Physique. (...) Il invente. Je vais sur la Lune dans un boulet, projeté par un canon. Il n'y a là aucune invention. Il va sur Mars dans un navire volant, qu'il construit dans un métal qui ignore les lois de la gravitation. Ca, c'est très joli, mais montrez moi ce métal. Laissez-le le produire" (1903)

En gros, même Verne s'indignait des largesses avec la réalité et la science qu'employait Wells. Mais bon, là, tu cites deux personnes favorables à la SF. Sauf que, dans les extraits que tu évoques, j'y vois surtout des effets de rhétoriques typiques de la période. On exagérait les oppositions, pour justifier la sienne, mais à chaque fois, l'individu opposé est désigné de manière vague. Surtout pour un genre qui démarre et qu'on veut faire naître.

Tu parlais du futurisme, mais la rhétorique du manifeste du futurisme est exactement du même ordre, accusant l'ennemi indéfini de lutter contre la nouveauté, contre la naissance d'un nouveau mouvement. C'est un effet de la concurrence dans un champ artistique structuré ou qui se restructure.

C'est pour ça que j'avais souhaité que tu cites des manifestations de déni plus récentes, pour avoir une constance.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Eons
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Message par Eons » lun. nov. 30, 2009 7:08 pm

Vous êtes tous au chômedu ou quoi ? Je viens ici 2 fois par jour, et chaque fois il y a 5 pages de plus. Image
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr

Pete Bondurant
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Message par Pete Bondurant » lun. nov. 30, 2009 7:19 pm

Mais qui sait donc qu’une littérature existe, insoupçonnée, consacrée à décrire ces mondes, ces hypermondes ? On ne s’en soucie guère, ordinairement. Le public vit sur l’idée que ces sujets, exclusivement destinés à la jeunesse, sont abandonnés à des auteurs de second ou même de quatorzième ordre, qui peuvent se permettre toutes les faiblesses, ayant affaire à des lecteurs peu exigeants. (…) Sans doute, il existe des œuvres de ce genre. Il en existe même beaucoup. Mais il en existe d’autres. S’il y a Jules Verne [et des douzaines de sous-Jules Verne], il y a aussi Wells et Poe. Et des auteurs que Wells et Poe ont utilisés, et qu’ils nous masquent pour ainsi dire. Il y a les étrangers que l’on n’a jamais songé à traduire, et les Français qu’on ne songe pas à lire. (…) Ils savent, ces magiciens, nous entraîner à leur suite quand nous formons le vœu de partir n’importe où pourvu que ce soit hors du monde : anywhere out of the world. (…)
Régis Messac, préface à Quinzinzinzili, 1935
Génial, ce texte !

Lem

Message par Lem » lun. nov. 30, 2009 7:21 pm

MF a écrit :
Lem a écrit :Je m'intéresse au déni qui a frappé la SF pendant un quasi-siècle comme à un point d'histoire littéraire (ou d'histoire des idées. J'essaie d'apporter de nouvelles solutions à un problème critique resté en suspens.
A supposer que ton hypothèse soit valide, comment l'inscris-tu dans le dernier tiers de ce quasi-siècle (en gros 1968-2000) ?
C'est anticiper sur ce qui sera sans doute la fin de ce fil (la fin du déni) mais enfin, à la louche : à partir de 68, et plus encore de 75, il y a une tolérance qui est une forme plus raffinée du déni : les grands organes de presse et les médias embauchent des spécialistes de la sf pour en parler mais la critique reste au fond internaliste et sa portée sur le grand public est réduite, pour ne pas dire nulle. Le même phénomène se produit à la télé avec Temps-X (la case des gens bizarres habillés avec du papier alu). Il me semble que le vrai tournant se produit entre 95 et 2000 : Houellebecq, Dantec : pendant presque cinq ans, l'actualité littéraire, les polémiques sont structurées publiquement par des textes de science-fiction (romans et journaux). Et puis vient l'an 2000 qui est une bonne date pour faire amende honorable et admettre qu'il y a là quelque chose qui mérite qu'on en parle. A peu près à la même époque, il y a des circonstances externes favorables : Caro et Jeunet avaient remporté en grand succès critique avec Delicatessen ; le deuxième part faire Alien IV à Hollywood. Il y a la starisation de Bilal. Dick et Ballard passent en collections blanches, Gibson est reconnu. Il commence à y avoir pas mal de travaux universitaires. Le mot lui-même, science-fiction, cesse peu à peu d'être employé de manière systématiquement désobligeante. A mon sens, on ne peut plus parler de déni à partir de ce moment-là.

Lem

Message par Lem » lun. nov. 30, 2009 7:46 pm

Erion a écrit :En gros, même Verne s'indignait des largesses avec la réalité et la science qu'employait Wells.
Et symétriquement, Renard et Messac, les deux théoriciens de l'avant-guerre, excluent Verne du roman scientifique pour la même raison inversée : parce que des largesses, il n'en prend pas assez. Mais c'est un autre sujet.
dans les extraits que tu évoques, j'y vois surtout des effets de rhétoriques typiques de la période. On exagérait les oppositions, pour justifier la sienne, mais à chaque fois, l'individu opposé est désigné de manière vague.
Je ne suis pas d'accord. Je n'ai cité que quelques petits fragments, surtout pour montrer que pratiquement dès le début, dès 1914, les animateurs du genre ont eu la perception de quelque chose qui ressemble bien à un déni. Mais quand on entre dans le détail des arguments (même juste dans les fragments précités), il y a déjà beaucoup de choses spécifiques. La difficulté de bien lire la sf, par exemple. La demande adressée aux critiques de changer leur grille de lecture et de ne pas demander au genre ce à quoi il n'est pas destiné. Le désir de réfuter la réputation "pour ado". Les problèmes de forme liés à l'emploi du vocabulaire scientifique. L'opposition apparente entre la matière du roman et celle des développements théoriques qui sont consubstantiels à la sf – et le contre-jugement disant en substance : "on ne peut pas sacrifier la théorie pour vous plaire, elle est consubstantielle au nouveau genre". Tout ça me paraît structurant et pour tout le XXème siècle.

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MF
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Message par MF » lun. nov. 30, 2009 8:05 pm

Lem a écrit :S'il y a un déni dans ton tableau, c'est celui de la nouvelle comme format éditorial spécifique, pas celui de la sf. (Ce qui est en soi intéressant).
Plutôt que la nouvelle, c'est le format "recueil" qui m'interroge.
Et ce qui n'explique pas, sinon historiquement, la spécificité de la poésie.
Mais on sort largement du sujet...
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
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Lem

Message par Lem » lun. nov. 30, 2009 8:07 pm

MF > Pour compléter sur la fin du déni : dans les facteurs qui y ont contribué, on peut difficilement éviter de penser à l'actualité scientifique elle-même, à la façon dont des objets qui semblaient réservés à la SF sont, en très peu de temps, devenus bien réels et même d'une actualité brûlante à la une de tous les journaux : réseau mondial, clônage, réchauffement climatique (comme une fenêtre plausible sur la fin du monde), découverte des planètes extrasolaires… Tout ça, c'est de la SF devenue vraie d'un coup. Dans ce monde-là, il est plus difficile de se moquer d'un genre qui met en scène ce type de scénarios depuis des décennies.

Shalmaneser
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Message par Shalmaneser » lun. nov. 30, 2009 8:09 pm

Erion a écrit :
Lem a écrit : Ce serait effectivement idéal mais je crains qu'une telle histoire n'existe pas.
Ben, c'est tout le problème. Pour qu'on avale tes prémisses, il faut des éléments. Tu prétends que c'est une évidence, mais quand on demande les preuves, on ne trouve rien en faveur d'une éventuelle variable cachée.
S'il fallait à chaque fois s'appuyer sur des sources "idéales", sans scories ni parasites, pour pouvoir construire une représentation cohérente de l'histoire littéraire (et plus encore de l'histoire de la réception des oeuvres), personne n'irait jamais nulle part. Il faut recouper, inférer, lire entre les lignes, identifier des tendances. Aucun texte ne saurait être suffisamment limpide et dénué d'ambiguïtés pour être instrumentalisé à ce point. Encore une fois, la démarche scientifique est inapplicable en littérature.

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MF
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Message par MF » lun. nov. 30, 2009 8:18 pm

Lem a écrit :
MF a écrit :
Lem a écrit :Je m'intéresse au déni qui a frappé la SF pendant un quasi-siècle comme à un point d'histoire littéraire (ou d'histoire des idées. J'essaie d'apporter de nouvelles solutions à un problème critique resté en suspens.
A supposer que ton hypothèse soit valide, comment l'inscris-tu dans le dernier tiers de ce quasi-siècle (en gros 1968-2000) ?
C'est anticiper sur ce qui sera sans doute la fin de ce fil (la fin du déni)...
... Le mot lui-même, science-fiction, cesse peu à peu d'être employé de manière systématiquement désobligeante. A mon sens, on ne peut plus parler de déni à partir de ce moment-là.
Ma question ne portait pas sur la fin du déni (je suis, en gros, d'accord avec toi sur cette situation) mais sur la confrontation de ton hypothèse à cette situation.

Tu n'as pas, dans ta réponse, utilisé une seule référence à la métaphysique.
Alors que c'est ton hypothèse et le fond de ma question.
Qu'est ce qui fait que depuis 1975 (pour reprendre ta datation) la métaphysique ne serait plus facteur de rejet ?

L'émergence du flower power, l'entrée dans l'ère du verseau, l'apparition du combi Volkswagen, la découverte des routes de Katmandou et l'adhésion massive aux philosophies orientales ? L'effritement de la métaphysique dont les questionnements basculent dans le domaine de la science, de l'éthique, du politique ? Tout autre ?
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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » lun. nov. 30, 2009 8:31 pm

MF a écrit :Ma question ne portait pas sur la fin du déni (je suis, en gros, d'accord avec toi sur cette situation)
Marrant, j'avais au contraire l'impression que les choses étaient devenues plus difficiles dans les médias pour la science-fiction depuis les années 2000. Au siècle dernier, quand je sortais un bouquin, j'avais des critiques dans la presse, genre Libé, Le Monde, Le Magazine littéraire, etc. Depuis l'an 2000, ben à part un article dans l'Huma, que dalle.

Alors si déni il y a, je trouve qu'il s'est aggravé, et que ça ne va pas en s'arrangeant.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

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jeandive
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Message par jeandive » lun. nov. 30, 2009 8:31 pm

ouf , un peu moins de " métaphysique" , un peu moins de " blabla -tourne en rond " ! :)

effectivement ça tire plus vite que son ombre par ici niveau quantité de message !

globalement j'ai un peu l'impression d'un " ça s'en va et ça revient " concernant la sf , sa place dans la litterature , sa perception par " les autres" etc :
- renard and co , les défenseurs , versus les ecraseurs au debut XX e
- puis rebellote année 50 : la " sf" arrive , sous entendu : americaine , puisque bien sur elle etait deja la en france sous un autre nom et hop , de nouveau critique positive et négative ( et deja on parle de ses problemes -michel butor par exemple )
- paf , ds les années 70 , de nouveau sur la selette , en + et en - ( " malaise ds la sf " etc )
- et vlan ( je sais , je suis trop litteraire !) , repartie pour un tour en 2000 ( je reste approximatif dans les décennies) , tj avec le pour , le contre , et aujourd'hui , on en revient qd meme souvent a la meme chose : tj a chercher a definir la SF , avec souvent les memes poncifs ( on cherche plus a definir SA sf , et pourquoi vouloir definir ce qui ne peut plus l'etre vraiment , juste etre " approché" , dans ses grandes lignes , le terme en lui-meme ne définissant plus exactement le contenu de ce qu'il devrait censé être : de la science et de la fiction ) , et tj a dire que ça va mal , avec souvent les memes discours

apres , un peu de metaphisyque ( pourquoi pas , on en trouve partout ) , d'esthetisme , d'etat d'esprit ( pour reprendre d'autres définitions proposées recement ) : chacun sa preference

perso j'aime bien des articles comme celui-ci , qui me parle plus , plus dans le concret
http://www.quarante-deux.org/archives/b ... tique.html

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Erion
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Message par Erion » lun. nov. 30, 2009 8:35 pm

Lem a écrit :Mais quand on entre dans le détail des arguments (même juste dans les fragments précités), il y a déjà beaucoup de choses spécifiques. La difficulté de bien lire la sf, par exemple. La demande adressée aux critiques de changer leur grille de lecture et de ne pas demander au genre ce à quoi il n'est pas destiné. Le désir de réfuter la réputation "pour ado". Les problèmes de forme liés à l'emploi du vocabulaire scientifique. L'opposition apparente entre la matière du roman et celle des développements théoriques qui sont consubstantiels à la sf – et le contre-jugement disant en substance : "on ne peut pas sacrifier la théorie pour vous plaire, elle est consubstantielle au nouveau genre". Tout ça me paraît structurant et pour tout le XXème siècle.
Je crois que tu devrais relire le manifeste du futurisme, et les textes de Marinetti. Tout ce que tu dis concernant la SF, existait aussi pour les autres arts (le futurisme introduisait la machine, l'électricité dans l'Art), le besoin de faire exploser les critères anciens.
Ce type de rhétorique existait dans de nombreux domaines, pas spécifiquement pour la SF.
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Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » lun. nov. 30, 2009 8:37 pm

Nous vivons une société de transition entre la société industrielle et la société de l'information. Or deux des éléments apportés par la société de l'information sont particulièrement interessant :
- Les technologies découlent de la recherche fondamentale.
- Les sciences humaines sont revalorisées.

Régis Debray de son côté fait dater des années 70 un changement de paradigmes. Les valeurs techniques ont été longtemps des valeurs de gauche tandis que les valeurs culturelles étaient des valeurs de droite. Les années 70 ont vu un renversement de situation. Faut - il voir là une des causes du déclin de la SF et l'ascension de la fantasy ? Sans doute pas directement. Mais il va va s'en dire que les sciences humaines sont indispensables pour revitaliser la SF et que l'approche anthropologique est sans doute une approche d'avenir.
Bienvenu chez Pulp Factory :
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Le blog impertinent des littératures de l'imaginaire :
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