Allez hop, je vais faire chier mon monde. Comment ça comme d'hab ?
Je ne sais pas vous, mais en suivant l'argument de Gérard, je retombe moi sur ma chère politique...
Serge lie sa théorie du déni de la SF à l'évolution de la perception de cette branche de la philosophie. Et il considère que nous sortons peu à peu du déni en même temps que la métaphysique retrouve une certaine légitimité intellectuelle. En même temps son raisonnement ne prend pas en compte la réalité éditoriale : il y a 30 ans les lecteurs de SF permettaient de faire vivre un nombre important de collections et de titres, aujourd'hui que couic.
Selon Serge, c'est parce que la SF est prête pour une intégration dans la littérature hors genre. D'autres y voient une dilution liée à la surproduction éditoriale en générale, qui renie les genres à la marge et font de la littérature hors genre un gros gloubiboulga indigeste (il y a donc des passerelles entre les deux visions, même si elles n'entrainent pas les mêmes conclusions).
Première question : est-ce qu'on peut vraiment voir le déni d'hier et celui d'aujourd'hui de la même manière ? Celui des élites littéraires qui n'a jamais empêché la littérature de SF de vivre et de prospérer, et celui d'aujourd'hui qui voit la mort de collections entières et la frilosité de certains éditeurs à publier de la SF grimper en flèche ?
Si je reprends la théorie de l'altérité de Gérard (et que j'y ajoute les nuances par genre de MF qui me semblent pertinentes) en regardant l'adéquation entre les périodes où la Sf a trouvé son public et l'évolution du rapport politique à l'altérité de notre société, j'y vois personnellement des accointances qui me semblent, à moi, évidentes.
Première grande époque, le XIX.
C'est aussi la grande époque du colonialisme triomphant. L'altérité est reconnue et définie, pour être mieux maîtrisée, dominée, elle est là pour prouver la supériorité du monde occidental et de ses valeurs sur le reste du monde, et si on en analyse les textes majeurs, on y retrouve bien, en général cette même notion du dépassement par assimilation ou domination.
Deuxième grande époque, l'après guerre jusqu'à la fin des années 70.
Il faudrait la découper en deux phases.
Juste après guerre, on est dans la période où l'on voit les premières grosses contradictions fleurir : l'autre est encore l'ennemi, mais on rêve d'un monde en paix et on espère avec la mise en place des prémisses de l'Europe et de l'ONU, qu'il ne le sera plus demain. On développe une confiance infinie dans la science pouvoyeuse de bien être mais l'atome fait peur et Hiroshima a marqué les esprits. L'altérité fascine, même si le sentiment est mêlé de crainte et de confusion.
La Sf de l'époque est en phase avec la conception du monde...
Entre les années 60 et 70, c'est la grande époque politique du rêve de village global, des Droits de l'homme, du tous égaux. Les lois envers les étrangers s'assouplissent, le monde rêve de fraternité transfrontières.
La SF est pile poil dans la ligne.
Les années 80 et 90 entament une phase de repli sur soi. La fin des idéologies, la chute du mur, les déceptions politiques, la montée en puissance des craintes de l'impact de la science sur notre vie de tous les jours accompagnent une indifférence à l'altérité.
La SF qui fonctionne bien est, sans beaucoup de surprise, celle de la déliquescence du monde réel et du refuge dans le virtuel.
Depuis dix ans, on en est à un pic : dénonciation des acquis de 68, refuge dans les religions, communautarisme, écologie du not in my backyard, montée des racismes et durcissement des lois envers les étrangers.
La Sf d'aujourd'hui, elle, continue à célébrer les valeurs de l'altérité, quand partout autour d'elle, l'altérité fait peur et rebute.
Je vous fais la conclusion ou vous concluez vous-même ? (ou vous démolissez le tout, hein ? Parce que je n'ai pas la prétention d'être gouroute, moi
)
Alors ? Je sais pas, mais je trouve que ça se tient, mon machin...