Note bibliographique : j'ai retrouvé un des romans scientifiques où Esnault-Pelterie est cité. C'est dans l'inénarrable
Anneau de feu de Miral-Vigier (1922), où un exposé sur le principe des fusées à réaction est assorti d'une note de bas de page :
Au mois de novembre 1913, M. L'ingénieur Esnault-Pelterie présentait à la Société française de physique un remarquable travail où il étudiait les conditions de possibilités d'un voyage dans les astres à l'aide d'une fusée. Dans notre roman, le marquis de Valsorres s'est évidemment inspiré des idées du savant ingénieur car le projet qu'il expose ici est identique.
Et parce que ça marche comme ça, au gré des petites fiches qui flottent dans les courants d'air, des hasards et des associations d'idées, j'ai d'abord cherché dans un autre roman de la même époque (
Voyage de cinq américains dans les planètes, de Graffigny) où EP ne figure pas mais où je trouve ceci, qui nous ramène au sujet du fil et en particulier à l'emprise de Camille Flammarion sur la perception de l'espace comme lieu non-purement-physique. Le discours est prononcé par un personnage d'astronome Américain pour l'inauguration du "Tysonian Institute" :
"On peut penser, mesdames et messieurs, que la science ne détruira jamais le mystère métaphysique, celui qui porte, non seulement sur les lois inconnues mais sur l'essence même de la réalité. Ce ne sont pas seulement les sciences : l'astronomie, la physique, la chimie, qui parlent puissamment à l'imagination ; les sciences les plus abstraites, les mathématiques, ne font pas autre chose et l'on peut dire qu'elles créent un monde idéal sans limite. La science, a dit Coleridge, est comme une lampe dans la nuit, qui de siècle en siècle jette ses rayons un peu plus loin dans le mystère mais qui, à mesure qu'elle éclaire davantage une sphère élargie, fait paraître encore plus profonde l'obscurité de l'infini. Des savants comme Kepler, Pascal, Newton avaient des tempéraments de poètes. Actuellement, malgré les énormes progrès matériels réalisés, nous ne sommes pas satisfaits. A mesure que nos besoins matériels sotn contentés, nous recherchons autre chose. Les uns disent que c'est être semblable à l'enfant qui demande la lune, mais d'autres croient y voir l'éveil et l'aspiration de nos âmes. Il est un vide que le matérialisme ne saurait combler ; il n'y a pas de limite à notre course et c'est de la science que nous avons le plus à espérer pour l'avenir. En ce qui concerne l'infiniment grand, je dirais avec notre célèbre Edgar Poe que notre Terre ne doit pas être considérée comme une individualité mais dans ses rapports planétaires. De ce point de vue général, un homme devient l'humanité et l'humanité un membre de la famille cosmique des intelligences. La condition de l'homme est donc littéralement cosmopolite : c'est un habitant de l'Univers. Les hommes passent, nous ne vivons que quelques jours, mais les idées restent. La grandeur de l'homme ne consiste ni dans les titres retentissants, ni dans les dons plus ou moins aveugles de la fortune, mais seulement dans la valeur intellectuelle et morale. Le premier bien est de savoir penser et nous nous conformerons à ces idées fondamentales dans cet Etablissement."
Pas si mal, pour un vieux romancier scientifique français des années 20.