Lem a écrit :
Je ne me fais pas spécialement d'illusion mais j'aimerais avoir dissipé tes craintes de devoir abandonner le luxueux parc d'attraction pour une remise à cause d'un projet comme celui-ci. C'est le contraire je crois. La SF est une grande forme culturelle. Elle touche à peu près tous les arts et bien d'autres domaines. Elle a pesé sur la formation du réel au XXème siècle, elle a eu une influence. Elle ne se limite pas au roman, ni même à la fiction. Les lettres de Lovecraft, le journal cryptique de Dick (et même sa biographie, d'une certaine manière, comme celle de Bergier) sont des documents majeurs du genre – pas des ressources documentaires, des objets littéraires qui disent, à leur manière, ce qu'est la SF. L'Encyclopédie de Versins est également dans ce cas. Les couvertures de pulps, les décors du Metropolis de Fritz Lang, aussi. Et c'est tout à fait normal : une grande littérature, une culture qui s'assume devrait être capable de tout revendiquer,. Qu'il y ait une étrange connection entre la SF et les rares mythes et phénomènes para-religieux modernes ne me paraît pas spécialement embarassant : c'est aussi significatif pour l'histoire du genre que sa relation à l'astronautique ou, pour le roman policier, le fait que Conan Doyle ait conseillé la police anglaise. La légitimité espérée au bout du processus de reconstruction historique, ce n'est pas celle d'un genre qui se serait castré pour être acceptable – mais celle d'une sensibilité qui a déjà un long passé quand elle prend conscience d'elle-même et qui assume tout, ses fous, ses bizarreries, ses formes de sociabilité, ses faiblesses aussi. Et dans le cas précis de ce pays : qui rappelle qu'elle y est née aussi. Je ne vois sincèrement pas en quoi il y a quelque chose à redouter.
J'ai l'impression que, davantage que de la SF, tu parles plutôt d'un vaste ensemble, formé certes la SF, mais aussi toute une galaxie d'objets annexes, qui peuvent être d'ailleurs passionnants, et entretiennent des liens plus ou moins étroits avec la SF. Par exemple, dans ta liste, tu mets les lettres de Lovecraft, voire les biographies plus ou moins "rêves" du personnage, que tu prends en tant qu'objets littéraires en eux-mêmes, indépendamment de leur valeur documentaire. Le journal de Dick, etc. L'astronautique, etc. Y compris les "formes de sociabilité" de la SF. Y compris, bien sûr, les "discours sur" (on ne fait que ça... aussi (pour MF))
Bref, si j'ose dire, un peu tout ce qu'il y a dans la tête des amateurs de SF (ils n'ont pas tous TOUT cela dans la tête, bien sûr, mais on se comprend).
C'est un peu comme si on visitait un colossal cabinet de curiosités scientifico-littéraires, une immense foire dont tu serais à la fois le client émerveillé, ET le bateleur empressé, un peu bonimenteur (mais c'est le métier qui veut ça...). et le bateleur nous explique que tout ceci aurait une sorte de cohérence; "Vous ne la sentez pas? elle est dans votre tête! Mais si... il suffit de prendre un peu de distance...vous voyez?"
Comme beaucoup de ces choses (pas toutes, mais tout de même...) virevoltent aussi dans ma tête, j'aurais mauvaise grâce à faire la grimace...
Cependant, je doute que cette manière d'englober tout ce qui vient se coller sur l'esprit aimanté de l'auteur/amateur de SF aide tellement à une approche historique du genre.
Par contre, du point de vue de l'artiste, on peut en tirer des choses étonnantes: par exemple, l'entreprise de "collage" de la "Brigade chimérique" (tiens, ce qui est marrant, ça me fait penser, d'une certaine manière, à ces couvertures/collages des vieux "Fiction" que j'aime tant).
Je reste le Grand Sceptique, comme la Légende.
Oncle Joe