Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mar. nov. 03, 2009 5:33 pm

Jean-Claude Dunyach a écrit :Ce qui m'a le plus gêné, dans le papier de Roland, c'est le quasi amalgame "métaphysique" <-> "Divin"

Je cite Wikipédia, ce sera plus simple :

La métaphysique est une branche de la philosophie qui étudie les principes de la réalité au-delà de toute science particulière. Elle a aussi pour objet d'expliquer la nature ultime de l'être, du monde, de l'univers et de notre interaction avec cet univers.
L'ontologie est une branche importante de la métaphysique ; elle étudie les types de choses qu'il y a dans le monde et quelles relations ces choses entretiennent les unes avec les autres. Le métaphysicien essaie également de clarifier les notions par lesquelles les gens comprennent le monde ; l'existence, l'objet, la propriété (d'une chose), l'existence de Dieu, l'espace, le temps, la causalité, la possibilité.
Avant le développement des sciences modernes, la philosophie de la nature était une branche de la métaphysique ; étude objective de la nature et des principes physiques. Avec l'introduction des démarches empiriques et expérimentales, cette branche a été appelée « science » à partir du xviiie siècle, afin de la distinguer des interrogations spéculatives concernant les sujets non physiques.

La question du divin (l'existence ou non de Dieu) est une partie importante de la métaphysique mais elle n'en constitue pas l'essentiel, AMHA. Le rapport de l'individu à l'impalpable, au vertige, à la transcendance, à la métamorphose (voir ma préface d'Escales 2000), à "l'au-delà de soi" sont des interrogations métaphysiques. Et je suis au moins d'accord avec Lem sur un point: ces questions sont au coeur de la démarche science-fictionnelle de beaucoup de gens (c'est mon cas) et on ne les voit pas beaucoup traitées ailleurs. Et quand elles sont au coeur de livres non étiquetés SF, genre Murakami ou Pynchon, il se trouve des amateurs de SF pour se sentir en territoire connu :P . C'est également mon cas.
J'ai regretté que cet aspect ne soit pas plus développé dans la préface - il y avait de quoi faire - tout en reconnaissant que ça aurait donné au final un énorme article.
+42

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mar. nov. 03, 2009 5:35 pm

Jean-Claude Dunyach a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :
Jean-Claude Dunyach a écrit :Ce qui m'a le plus gêné, dans le papier de Roland, c'est le quasi amalgame "métaphysique" <-> "Divin"
Dans le papier il y a cette phrase :

Même chez les plus « mystiques » des écrivains de science-fiction, la métaphysique est réductible à la physique.
Rappel de la citation de Wikipédia (extrait)

"Avant le développement des sciences modernes, la philosophie de la nature était une branche de la métaphysique ; étude objective de la nature et des principes physiques. Avec l'introduction des démarches empiriques et expérimentales, cette branche a été appelée « science » à partir du xviiie siècle, afin de la distinguer des interrogations spéculatives concernant les sujets non physiques. "

La métaphysique n'est pas réductible à la physique, si j'en crois Wikipédia... Au contraire, l'approche "physique" de la philosophie de la nature s'est séparée de la métaphysique il y a plus de deux siècles pour devenir "la science", une des composantes du terme science-fiction...
Ce que Lem veut dire, crois-je (tu confirmes, Lem ?) c'est que, dans beaucoup d'oeuvres de SF, les interrogations et émerveillements suscités et supportés par la science s'accompagnent d'une réflexion métaphysique qui n'est justement pas réductible à la composante scientifique de l'oeuvre mais consubstantielle à celle-ci. Et cette dimension métaphysique est souvent absente dans d'autres domaines de la littérature - peut-être justement parce que la dimension fécondante apportée par la science est également absente.
+43

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mar. nov. 03, 2009 5:38 pm

silramil a écrit :
Lensman a écrit : Pour moi, il s'agit, simplement (ou de manière plus compliquée...) d'un état d'esprit du lecteur qui non seulement accepte, mais même, évidemment, recherche ce type de spéculation. Mais cet "état d'esprit", il touche TOUT (enfin, beaucoup de) domaines de la pensée. J'aurais tendance à penser, tout au contraire, que cet état d'esprit est très éloigné de la métaphysique, dans la mesure où changer (fictivement) de conception du monde ne dérange pas, et même plait à ce lecteur! cela me semble parfaitement incompatible avec la métaphysique, où il me semblait que la recherche de l'"absolu" n'était pas considérée comme une plaisanterie (mais bon, je ne m'y connais pas assez).
Oncle Joe
Ben, je suis d'accord avec toi, mais il me semble ici que c'est une simple question de vocabulaire. le terme "métaphysique", même s'il fait un peu peur, convient parfaitement pour désigner les questions du type "qui suis-je, où vais-je", etc. Il ne s'agit pas nécessairement d'une recherche d'un absolu : il ne faut pas confondre les sujets (interrogation sur le réel) et le type de réponse - en général, les réponses ont été verrouillées par des gars qui avaient intérêt à défendre des positions dogmatiques et indétrônables (dieu, la Création, tout ça), mais ce n'est pas une raison pour que les réponses moins sérieuses ne soient pas également métaphysiques.

Et, même si on peut dire que ce n'est pas aussi significatif que le dit Serge Lehman, les objets de la SF touchent tous plus ou moins à la métaphysique au sens le plus général. La pluralité des mondes habités, l'origine des espèces, l'avenir de l'humanité...
Cela peut paraître un peu prétentieux quand il s'agit de soldats de l'espace qui tuent des ET, mais c'est en quelque sorte un aspect inévitable de toute fiction prétendant présenter une réalité alternative concrète.

Par contre, Zola, Flaubert, Maupassant et Balzac, avec toute la vénération qu'ils m'inspirent, ne parlent pas du tout de métaphysique quand ils décrivent des situations réalistes.
+44

Katioucha
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Message par Katioucha » mar. nov. 03, 2009 5:41 pm

Lensman a écrit : Pourquoi ne pas plutôt décortiquer H.G. Wells, nettement plus fondateur, me semble-t-il?
Parce que c'est encore plus chiant ?

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mar. nov. 03, 2009 5:46 pm

systar a écrit :@ Lem:

Le livre de Nef est en outre très réducteur quant à sa compréhension du mot "métaphysique", dans laquelle il n'inclut par exemple rien de la phénoménologie.
Il évoque d'ailleurs plus des querelles internes récentes à la chapelle philosophique professionnelle mondiale (quelques milliers de gus à tout casser) (entre phénoménologie et philo analytique, entre phéno et métaphysique, le rapport à la déconstruction, etc.).
Je ne sais pas trop si tu peux utiliser ces guéguerres microscopiques pour en conclure quoi que ce soit sur la place de la (ou du) métaphysique dans les représentations collectives... Qu'en penses-tu?

Je n'ai pas bien compris, comment tu passes du vocable "métaphysique", à la face obscure de la SF, disons le paranormal et les religions de pacotille d'invention récente.

J'ai l'impression qu'il y a plein de flottements entre les mots suivants: métaphysique, théologie (rationnelle/révélée), ésotérisme, gnose, paranormal, occultisme...
Peux-tu clarifier?
(car s'il s'agit de trouver une pensée métaphysique sans dieu, sans religiosité, sans transcendance, sans substance, sans arrière-monde, on en trouvera sans problème, et c'est aussi ça, et surtout ça d'ailleurs, l'intérêt de faire de la métaphysique).
+45

Lem

Message par Lem » mar. nov. 03, 2009 5:52 pm

Katioucha a écrit :Parce que c'est encore plus chiant ?
Parce que c'est encore plus clair :

"Mon cher ami, c'est là justement ce qui vous trompe. C'est là justement que le monde entier est dans l'erreur. Nous nous éloignons incessamment du moment présent. Nos existences mentales, qui sont immatérielles et n'ont pas de dimensions, se déroulent au long de la dimension du Temps avec une vélocité uniforme. (…) Mais vous avez tort de dire que nous ne pouvons pas nous mouvoir dans tous les sens du Temps. Si je me rappelle quelque incident, je retourne au moment où il s'est produit. je suis distrait, j'ai l'esprit absent comme vous dites. Je fais un saut en arrière pendant un moment. Naturellement, nous n'avons pas la faculté de demeurer en arrière pour une longueur indéfinie de Temps, pas plus qu'un sauvage ou un animal ne peut se maintenir à deux mètres en l'air. Mais l'homme civilisé est à cet égard mieux pourvu que le sauvage. Il peut s'élever dans un ballon en dépit de la gravitation, et pourquoi ne pourrait-il espérer que finalement, il lui sera permis d'arrêter ou d'accélérer son impulsion au long de la dimension du Temps, ou même de se retourner et voyager dans l'autre sens.
– Oh, ça par exemple, commença Filby, c'est…
– Pouruqoi pas ? demanda l'Explorateur du Temps
– C'est contre la raison, acheva Filby.
– Quelle raison ? dit l'Explorateur du Temps.
– Vous pouvez par toutes sortes d'arguments démontrer que le blanc est noir et le noir est blanc, dit Filby, mais vous ne me convaincrez jamais."

L'oncle non plus, je sais. Mais il me semble que si on cherche de la philosophie non-vérifiable expérimentalement, il en traîne un peu ici. (Et sans dieux.)

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Message par Lensman » mar. nov. 03, 2009 5:54 pm

42; 43; 44... ce sont des sortes de numéros d'imprimatur? (le grec redevient à la mode, sur le Forum...)
Oncle Joe

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Message par Lensman » mar. nov. 03, 2009 5:56 pm

Lem a écrit :
L'oncle non plus, je sais. Mais il me semble que si on cherche de la philosophie non-vérifiable expérimentalement, il en traîne un peu ici. (Et sans dieux.)
Et puis, quand on a prouvé que quelque chose est non-vérifable, c'est que quelque part, on a vérifié quelque chose..
Oncle Joe

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Message par Lensman » mar. nov. 03, 2009 6:09 pm

Katioucha a écrit :
Lensman a écrit : Pourquoi ne pas plutôt décortiquer H.G. Wells, nettement plus fondateur, me semble-t-il?
Parce que c'est encore plus chiant ?
... ça, il faut demander à Sand, c'est elle le critère dans domaine...
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » mar. nov. 03, 2009 6:24 pm

Lensman a écrit :On pourrait aussi dire (on pourrait plutôt dire) que Lovecraft propose une explication naturelle à des phénomènes surnaturels. Non?
Non, je ne crois pas. Ce serait faire de lui une sorte d'Evhemère. Sans rien expliquer, Lovecraft conserve tous les attributs classiques des dieux (ils vivent depuis très longtemps, ils dorment au fond des mers ou dans des temples reculés, ils peuvent changer de forme, se déguiser, ils nous contactent par nos rêves, ils peuvent enlever nos esprits hors de corps etc.) MAIS il laisse entendre que ce sont des êtres naturels. Il brouille les limites et crée une sorte d'illusion cognitive.

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Message par Lensman » mar. nov. 03, 2009 6:31 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :On pourrait aussi dire (on pourrait plutôt dire) que Lovecraft propose une explication naturelle à des phénomènes surnaturels. Non?
Non, je ne crois pas. Ce serait faire de lui une sorte d'Evhemère. Sans rien expliquer, Lovecraft conserve tous les attributs classiques des dieux (ils vivent depuis très longtemps, ils dorment au fond des mers ou dans des temples reculés, ils peuvent changer de forme, se déguiser, ils nous contactent par nos rêves, ils peuvent enlever nos esprits hors de corps etc.) MAIS il laisse entendre que ce sont des êtres naturels. Il brouille les limites et crée une sorte d'illusion cognitive.
Et ils existent (fictivement, on s'entend..). N'essaie pas de me dire le contraire (relire "Les montagnes hallucinées"). Et s'ils existent, c'est qu'on n'est pas dans la métaphysique (ou je n'ai toujours pas compris ce qu'est la métaphysique).
Cela dit, je vais être conciliant: si tu veux dire que, la métaphysique, ça consiste à imaginer qu'il puisse exister des créatures "supérieures" à l'homme dans l'univers (et on peut décliner le terme "supérieur" de tas de manière), oui, c'est souvent pratiqué en SF! Mais est-ce bien ça que tu veux dire? Et si c'est bien ça, où mets-tu ta variable cachée dans "Tous à Zanzibar"?
Oncle Joe

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Message par Eons » mar. nov. 03, 2009 7:37 pm

Lensman a écrit :Et si c'est bien ça, où mets-tu ta variable cachée dans "Tous à Zanzibar"?
Justement, elle est bien cachée. :lol:
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr

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Message par Lensman » mar. nov. 03, 2009 7:41 pm

Eons a écrit :
Lensman a écrit :Et si c'est bien ça, où mets-tu ta variable cachée dans "Tous à Zanzibar"?
Justement, elle est bien cachée. :lol:
Hé hé!
Oncle Joe

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Message par systar » mar. nov. 03, 2009 7:43 pm

Lem a écrit :
"C'est contre la raison, acheva Filby.
Quelle raison ? dit l'Explorateur du Temps.
– Vous pouvez par toutes sortes d'arguments démontrer que le blanc est noir et le noir est blanc, dit Filby, mais vous ne me convaincrez jamais."

L'oncle non plus, je sais. Mais il me semble que si on cherche de la philosophie non-vérifiable expérimentalement, il en traîne un peu ici. (Et sans dieux.)
On a peut-être même ici LA (ou l'une des) question(s) métaphysique(s) par excellence.
Une question que seule la discipline, la méthode, nommées "métaphysique", peuvent prendre en charge.
D'ailleurs, les philosophes qui ont le plus posé cette question dans la deuxième moitié du XXème, même s'ils ont une oeuvre conséquente de philo politique, sont enseignés dans les départements de "métaphysique", à la fac. Je pense à Foucault, à Derrida...

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Message par Lensman » mar. nov. 03, 2009 7:46 pm

systar a écrit :
Lem a écrit :
"C'est contre la raison, acheva Filby.
Quelle raison ? dit l'Explorateur du Temps.
– Vous pouvez par toutes sortes d'arguments démontrer que le blanc est noir et le noir est blanc, dit Filby, mais vous ne me convaincrez jamais."

L'oncle non plus, je sais. Mais il me semble que si on cherche de la philosophie non-vérifiable expérimentalement, il en traîne un peu ici. (Et sans dieux.)
On a peut-être même ici LA (ou l'une des) question(s) métaphysique(s) par excellence.
Une question que seule la discipline, la méthode, nommées "métaphysique", peuvent prendre en charge.
D'ailleurs, les philosophes qui ont le plus posé cette question dans la deuxième moitié du XXème, même s'ils ont une oeuvre conséquente de philo politique, sont enseignés dans les départements de "métaphysique", à la fac. Je pense à Foucault, à Derrida...
Et quelle est cette question, que seule peut prendre en charge la métaphysique?
Oncle Joe

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