De quoi la fantasy est-elle le nom?

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marypop
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Message par marypop » mer. nov. 25, 2009 5:48 pm

silramil a écrit : On a donc des certitudes absolues sur la nature d'un monde de fiction : soit la magie existe, soit elle n'existe pas.
Non.
Je peux chercher des contre-exemples si tu insistes, mais j'en ai en mémoire un rapide dont je ne me souviens pas du titre, une histoire de semaine de la folie dans une babel antique centrée sur l'histoire d'un juge de la cité (merci aux généreux contributeurs bénévoles qui me rappelleraient le titre)

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silramil
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Message par silramil » mer. nov. 25, 2009 5:57 pm

marypop a écrit :
silramil a écrit : On a donc des certitudes absolues sur la nature d'un monde de fiction : soit la magie existe, soit elle n'existe pas.
Non.
Je peux chercher des contre-exemples si tu insistes, mais j'en ai en mémoire un rapide dont je ne me souviens pas du titre, une histoire de semaine de la folie dans une babel antique centrée sur l'histoire d'un juge de la cité (merci aux généreux contributeurs bénévoles qui me rappelleraient le titre)
J'indiquais plus haut qu'il existait la possibilité d'une hésitation ontologique. Dans le cas de Car je suis légion de Xavier Mauméjean, que je n'ai pas encore lu, je veux bien admettre qu'il y ait une hésitation dans le courant du récit.

Tu sors ici ma phrase de son contexte. Le but était de distinguer fiction et réalité : il y a dans une fiction des certitudes ontologiques qui sont inaccessibles dans la réalité. Si l'auteur indique que de la magie existe, elle existe effectivement. Mais si un auteur choisit de laisser planer le doute, OK, c'est ce qui se passe dans énormément de textes fantastiques, ça ne me pose pas de problème de dire que c'est indécidable.

Le fait que le statut ontologique du monde fictionnel ne soit pas réglé par le texte lui-même ne change rien au statut ontologique effectif du texte : soit le monde est magique, soit il est rationnel. Il n'est pas les deux en même temps, c'est juste que le lecteur ne sait pas à quoi s'en tenir.

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 25, 2009 5:59 pm

marypop a écrit :
silramil a écrit : On a donc des certitudes absolues sur la nature d'un monde de fiction : soit la magie existe, soit elle n'existe pas.
Non.
Je peux chercher des contre-exemples si tu insistes, mais j'en ai en mémoire un rapide dont je ne me souviens pas du titre, une histoire de semaine de la folie dans une babel antique centrée sur l'histoire d'un juge de la cité (merci aux généreux contributeurs bénévoles qui me rappelleraient le titre)
C'est d'un certain Momojean ou Méméjean, quelque chose comme ça...
Oncle Joe

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marypop
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Message par marypop » mer. nov. 25, 2009 6:02 pm

Je venais de retrouver le titre de cet excellent mauméjean et je vous en remercie malgré tout :)

Donc Xavier peut nous dire si oui ou non la magie existe dans son livre, mais dans tous les cas tu ne peux pas prendre pour postulat que la magie existe ou pas.

Il y a masse d'ouvrages où le ressort est justement sur la disparition ou réapparition de la magie par exemple.

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silramil
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Message par silramil » mer. nov. 25, 2009 6:04 pm

Marypop : as-tu lu ma réponse?

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Message par marypop » mer. nov. 25, 2009 6:11 pm

silramil a écrit :Marypop : as-tu lu ma réponse?
Oui d'où la mienne.

Il y a des textes qui traitent précisément de la disparition de la magie.
Typiquement dans LsdA on peut le lire selon cette approche.

Cela revient à parler d'un "il était une fois" qui peut être l'ancêtre de notre monde (ou pas) et la magie existait mais n'existe plus.

Mais je t'avoue que la notion d'ontologie est aussi limpide pour moi que celle de métaphysique ne semble l'être pour l'oncle :)
Puisque je me doute que tu n'utilises pas ce terme dans le sens informatique mais dans le sens philosophique. Si wikipedia qui est mon ami m'a vaguement éclairée pour le premier cas, j'avoue que ma connaissance de la philiosophie étant assez proche de celle d'un élève moyen de première ...

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Message par systar » mer. nov. 25, 2009 6:20 pm

ontologie: branche de la philo qui se demande quelle est la nature de ce qui est, de tout ce qui existe.
En l'occurrence: est-ce que la nature (= l'essence) du monde mis en scène relève de la magie ou de la raison...

Sarmate
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Message par Sarmate » mer. nov. 25, 2009 6:21 pm

systar a écrit :
Pour GLG, l'intéressant sera d'aborder la question de la réflexion politique en fantasy. On va voir si la discussion nous y mène (et si l'argument massue de Sarmate citant Tolkien sur l'impossibilité d'une fantasy à thèse en laisse encore la possibilité)
J'ai rappelé que Tolkien rejetait l'interprétation allégorique de la fantasy parce que c'est une idée qu'il a défendue de façon opiniâtre. Ceci dit, ça ne signifie pas que ça soit parole d'évangile… :wink:

Pour en revenir à mes spéculations toute personnelles sur la fantasy, c'est chez Donald W. Winnicott qu'il m'avait semblé trouver une piste à explorer. En lisant ce fil, je me rends compte du reste que cela rejoint deux thèses soulevées plus haut.

Cela peut rejoindre ce que note Célia :
Célia a écrit : La fantasy, celle dont je parle ici et que j'apprécie, se focalise sur les processus d'individuation en utilisant ces fameux outils symboliques/métaphoriques - comment devenir soi à partir, et en tenant compte, d'un héritage collectif.
Et c'est très proche, en termes psychanalytiques plutôt que philosophiques, de ce que note Systar :
systar a écrit : donc, on a une chaîne: conscience - transcendantal - monde. (chaîne qui n'est pas chronologique, hein, mais "logique", et permanente: c'est tout le temps qu'elle opère)

On le voit, l'intéressant, c'est de voir le "contenu" de tout ce transcendantal, c'est-à-dire: quelles sont les opérations de l'esprit qui vont faire que je vais percevoir un monde qui prend sens, qui s'organise, s'informe, de manière à être vivable, et non pas un pur donné brut dénué de tout sens?

A cette question, Ernst Cassirer a donné une réponse, nourrie par une érudition impressionnante.
Ce transcendantal ne consiste pas uniquement en opérations abstraites d'agencement spatial et temporel du donné sensible. Il est pluriel, et il y a diverses choses qui permettent à une conscience d'unifier son expérience du monde et de lui donner sens.
Le langage, par exemple (je ne peux pas percevoir ni penser le monde au-delà des limites de mon propre langage; le lexique et la syntaxe des langues que je maîtrise font que j'arriverai à penser certaines choses, mais pas telles autres), mais aussi la connaissance scientifique rationnelle, l'art... et le mythe.
Ces différentes médiations entre conscience et monde, Cassirer les a nommées "formes symboliques". Elles coopèrent, elles agissent de concert, même si historiquement elles ont apparu parfois contradictoires et incompatibles à l'échelle des populations.
A propos du mythe, il ne faut donc pas le faire entrer en concurrence radicale avec la rationalité, puisque ce sont deux formes symboliques qui contribuent toutes deux à organiser mon expérience des choses (et de moi-même, aussi).

Ainsi, ce que je me demande, c'est si la fantasy ne joue pas, structurellement, ce rôle d'art qui rend visible le rôle du mythe dans la constitution de mon expérience.
Dans Jeu et réalité, l'espace potentiel, Winnicott ajoute une troisième réalité aux deux réalités reconnues par la psychanalyse freudienne. Dans la psychanalyse classique, il y a une réalité intérieure, qui est celle que nous percevons subjectivement, et une réalité extérieure, objectivement identique pour tous, mais aussi difficile à percevoir parce qu'elle est rarement en adéquation avec notre réalité intérieure. Winnicott y ajoute une troisième aire, médiane, qu'il appelle l'espace potentiel. C'est en quelque sorte l'espace symbolique qui sert d'interface entre réalité intérieure et réalité extérieure.

En tant que pédiatre, Winnicott s'est intéressé à la formation de cet espace potentiel dans la psyché de l'enfant. Il l'associe à ce qu'il appelle "l'objet transitionnel" : un objet, souvent une peluche ou un doudou, où le nourrisson développe et transfère un symbolisme affectif quand il commence à souffrir de la perte de la toute puissance et de la séparation avec la mère. D'après Winnicott, cet objet transitionnel est à la base du développement du jeu, et le jeu finit par créer l'espace potentiel qui permet à l'enfant de s'approprier le monde. Même si ce n'est pas le sujet de son étude, Winnicott affirme à plusieurs reprises que les individus capables de continuer à cultiver leur aire transitionnelle peuvent développer, à l'âge adulte, des tempéraments religieux, artistiques ou philosophiques.

Ce qui me séduit dans cette hypothèse psychanalytique, c'est que certaines notions associées à la fantasy s'y accordent très bien. Le "monde secondaire" est un espace potentiel manifeste ; la connexion entre jeu et créativité, en fantasy, est aussi très proche de la fonction remplie par l'objet ou l'aire transitionnels ; l'objet transitionnel conçu comme un substitut à une perte passée cadre assez bien avec le caractère rétrospectif (plutôt que régressif) de la fantasy - en atteste du reste la notion de "consolation" posée par Tolkien.

La fantasy pourrait donc remplir le rôle d'un objet transitionnel : elle construit un espace potentiel structurant pour l'individu qui se l'approprie. Le caractère cyclique ou itératif des motifs fantasy doit d'ailleurs être lié à cette structuration : c'est dans la ritualisation de la fiction que s'affirment une identité et une appropriation du monde.
Modifié en dernier par Sarmate le mer. nov. 25, 2009 7:00 pm, modifié 1 fois.

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Lensman
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Message par Lensman » mer. nov. 25, 2009 6:24 pm

Pour "Le Seigneur des anneaux", personne n'arrive à croire qu'il s'agit du lointain passé de notre monde, avec des petits personnages qui ont des pantoufles qui poussent directement sur les pieds. Ce n'est pas le propos.
Pour "La guerre du feu", tout le monde arrive à croire que c'est notre monde, au passé, même s'il y a toutes les erreurs que l'on veut.
Pour "Fondation" tout le monde arrive à croire que ça se voudrait le futur possible de notre monde.
Voilà au moins trois catégories de textes, en fait deux, pour moi (devinez lesquelles).
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Message par marypop » mer. nov. 25, 2009 6:25 pm

systar a écrit :ontologie: branche de la philo qui se demande quelle est la nature de ce qui est, de tout ce qui existe.
En l'occurrence: est-ce que la nature (= l'essence) du monde mis en scène relève de la magie ou de la raison...
C'est à peu près ce que j'avais compris.

Et donc certaines oeuvres, en particulier de fantasy, abordent pile cette question avec l'idée que la réponse pourrait bien être :
- oui
- non
- peut-être
- à un moment oui mais plus maintenant
- à tel endroit tel moment oui, mais pas partout tout le temps
- etc

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Aldaran
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Message par Aldaran » mer. nov. 25, 2009 6:25 pm

MF a écrit :17 pages et, pour l'instant, semble se dégager un accord : si il y a de la magie, c'est de la fantasy.
Trop simple, je pense. On doit trouver autant de compartiments en Fantasy qu'en SF. Que faire des romans qui relèvent visiblement de la Fantasy mais dans lesquels il n'est pas question (ou vraiment très - très - peu) de magie ?
Chez Kay, par exemple, c'est le cas. Et, pour aider les étiqueteurs, il ajoute parfois un deuxième satellite nocturne dans les cieux que contemplent ses personnages. On se situe où, là ?

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Message par marypop » mer. nov. 25, 2009 6:27 pm

Lensman a écrit :Pour "Le Seigneur des anneaux", personne n'arrive à croire qu'il s'agit du lointain passé de notre monde, avec des petits personnages qui ont des pantoufles qui poussent directement sur les pieds. Ce n'est pas le propos.
Pour "La guerre du feu", tout le monde arrive à croire que c'est notre monde, au passé, même s'il y a toutes les erreurs que l'on veut.
Pour "Fondation" tout le monde arrive à croire que ça se voudrait le futur possible de notre monde.
Voilà au moins trois catégories de textes, en fait deux, pour moi (devinez lesquelles).
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Je n'arrive pas à croire qu'Isolation soit un futur possible de notre monde.

Plein de gens arrivent à croire que toutes les légendes arthuriennes sont notre monde, au passé.

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Message par Mélanie » mer. nov. 25, 2009 6:32 pm

Sarmate a écrit :Ce qui me séduit dans cette hypothèse psychanalytique, c'est que certaines notions associées à la fantasy s'y accordent très bien. Le "monde secondaire" est un espace potentiel manifeste ; la connexion entre jeu et créativité, en fantasy, est aussi très proche de la fonction remplie par l'objet ou l'aire transitionnels ; l'objet transitionnel conçu comme un substitut à une perte passée cadre assez bien avec le caractère rétrospectif (plutôt que régressif) de la fantasy - en atteste du reste la notion de "consolation" posée par Tolkien.

La fantasy pourrait donc remplir le rôle d'un objet transitionnel : elle construit un espace potentiel structurant pour l'individu qui se l'approprie. Le caractère cyclique ou itératif des motifs fantasy doit d'ailleurs être lié à cette structuration : c'est dans la ritualisation de la fiction que s'affirme une identité et une appropriation du monde.
Quelle serait pour toi cette "perte passée" dans le cadre de la fantasy ?
En tout cas, ça me paraît particulièrement bien vu.

Sarmate
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Message par Sarmate » mer. nov. 25, 2009 6:42 pm

Mélanie a écrit :
Quelle serait pour toi cette "perte passée" dans le cadre de la fantasy ?
En termes mythiques, ce pourrait être l'âge d'or, le paradis perdu. Ce qui, en termes individuels, pourrait recouvrir pas mal de choses, un sevrage affectif par exemple.

En termes collectifs ou communautaires, l'imaginaire fantasy pourrait être un substitut (donc un objet transitionnel) pour pas mal de grands repères qui ont disparu ou qui sont battus en brèche depuis quelques décennies : déchristianisation, démarxisation, dissolution des sentiments nationaux dans la dynamique mondialisée. Mine de rien, culturellement parlant, nous sommes sevrés de pas mal de grandes représentations structurantes.

(J'ajoute, même si c'est vraiment de la psychanalyse de comptoir, que le cas Tolkien est particulièrement intéressant : il n'a jamais connu son père, il perd sa mère à douze ans et se retrouve balloté dans une situation incertaine avec son frère… Or, dès la fin de son adolescence, il se lance dans une proto-création de mythes, et des années plus tard, dans le premier tome du SdA, la Comté est remplie d'éléments inspirés de ses souvenirs d'enfance avant la disparition de sa mère… Objet transitionnel ?)

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Message par MF » mer. nov. 25, 2009 6:43 pm

Aldaran a écrit :
MF a écrit :17 pages et, pour l'instant, semble se dégager un accord : si il y a de la magie, c'est de la fantasy.
Trop simple, je pense. On doit trouver autant de compartiments en Fantasy qu'en SF. Que faire des romans qui relèvent visiblement de la Fantasy mais dans lesquels il n'est pas question (ou vraiment très - très - peu) de magie ?
Ha, mais même très - très - peu, même un thaum, c'est déjà de la magie.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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