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Posté : mer. juil. 14, 2010 9:47 am
par Lensman
Fabien Lyraud a écrit :
Mais je crois aussi que la pensée non rationnelle et magique a eu un autre terrain pour s'exprimer : le surréalisme. Ce mouvement a été malheureusement stoppé par la deuxième guerre mondiale avant d'avoir pu donner un versant populaire.
Un versant populaire... cela me paraît très difficile à concevoir d'un point de vue littérature quand on voit ce qu'a été le surréalisme. Relis un peu des textes surréalistes... aujourd'hui, quand on pense au surréalisme, on a tendance à penser aux arts plastiques. La littérature surréaliste, je la sens mal susciter quoi que ce soit de "populaire" au niveau littéraire.
Vraiment rien à voir avec la "fantasy", même de loin, mais je veux bien qu'on argumente.
Oncle Joe

Posté : mer. juil. 14, 2010 9:50 am
par Lensman
Jean-Claude Dunyach a écrit : Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, l'église catholique a pesé sur les débats idéologiques d'une façon qu'on imagine mal aujourd'hui... La SF a peut-être vu sa dimension "militante" amplifiée par ce contexte-là, elle a pu jouer pour certains un rôle d'agitateur d'idées face à la sclérose religieuse. Je ne suis pas historien, c'est juste une hypothèse.
Par contre, comment tout cela s'articule avec la "Fantasy", je ne vois pas bien...
Oncle Joe

Posté : mer. juil. 14, 2010 10:06 am
par Daelf
Lensman a écrit :
Jean-Claude Dunyach a écrit : Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, l'église catholique a pesé sur les débats idéologiques d'une façon qu'on imagine mal aujourd'hui... La SF a peut-être vu sa dimension "militante" amplifiée par ce contexte-là, elle a pu jouer pour certains un rôle d'agitateur d'idées face à la sclérose religieuse. Je ne suis pas historien, c'est juste une hypothèse.
Par contre, comment tout cela s'articule avec la "Fantasy", je ne vois pas bien...
Oncle Joe
Moi je vois.
Garde la scène en changeant les acteurs pour les rendre plus "exotiques", et hop.

J'ai effectivement du mal à digérer la réalité de ce genre de choses. "On vous a pas vue à la messe on croyait que vous étiez morte"... Bin voyons... (hallucinant.)

Posté : mer. juil. 14, 2010 10:52 am
par Fabien Lyraud
Par contre, comment tout cela s'articule avec la "Fantasy", je ne vois pas bien...
Une littérature qui la plupart du temps a comme contexte des sociétés polythéistes, à mon avis ça aurait très mal passé à l'époque. Nous sommes à un époque où les bibliothèques publiques sont de véritables champs de ruine et où le rôle qui est aujourd'hui celui de la lecture publique revient aux bibliothèque paroissiale qui diffuse les romans conformes "aux bonnes moeurs". On hésite pas non plus à faire des procés contre des éditeurs (c'est ce qui arrivé aux Offenstadt pour le roman de José Moselli, la fin d'Illa). Je n'ose imaginer ce qui se serait passé si l'on avait réellement publié de la fantasy à l'époque.

Posté : mer. juil. 14, 2010 11:01 am
par Erion
Fabien Lyraud a écrit :
Par contre, comment tout cela s'articule avec la "Fantasy", je ne vois pas bien...
Une littérature qui la plupart du temps a comme contexte des sociétés polythéistes, à mon avis ça aurait très mal passé à l'époque. Nous sommes à un époque où les bibliothèques publiques sont de véritables champs de ruine et où le rôle qui est aujourd'hui celui de la lecture publique revient aux bibliothèque paroissiale qui diffuse les romans conformes "aux bonnes moeurs". On hésite pas non plus à faire des procés contre des éditeurs (c'est ce qui arrivé aux Offenstadt pour le roman de José Moselli, la fin d'Illa). Je n'ose imaginer ce qui se serait passé si l'on avait réellement publié de la fantasy à l'époque.
De toute manière, comme on l'apprend avec Paul di Philippo, la fantasy a surtout été victime d'un bombardement qui a tué CS Lewis, Tolkien et Jos. Campbell. Et Lovecraft a dû vendre des glaces.

Heureusement, plus personne ne lit de fantasy de nos jours.

Posté : mer. juil. 14, 2010 11:06 am
par Lensman
Daelf a écrit : Moi je vois.
Garde la scène en changeant les acteurs pour les rendre plus "exotiques", et hop.

J'ai effectivement du mal à digérer la réalité de ce genre de choses. "On vous a pas vue à la messe on croyait que vous étiez morte"... Bin voyons... (hallucinant.)
Là, c'est plus du fantastique rural expliqué que de la Fantasy...
Oncle Joe

Posté : mer. juil. 14, 2010 11:07 am
par Sarmate
Personnellement, j'ai du mal à concevoir une pré-fantasy française.

Certes, quelques auteurs ont écrit, dès le XIXe siècle, des œuvres qui ne sont pas sans rapport avec l'imaginaire fantasy. Il faut lire ou relire Les chevaliers errants dans La légende des siècles, du père Hugo ; l'incontournable Salammbô de Flaubert, certains poèmes en prose de Gaspard de la Nuit d'Aloysius Bertrand… Mais dans ces textes, c'est surtout l'influence du romantisme, plus ou moins diluée, qui s'exprime.

Quant au surréalisme, même s'il a innervé une grande partie de la culture française, j'ai du mal à concevoir comment il aurait pu donner naissance à un versant populaire, surtout un versant de proto-fantasy. La fantasy s'exprime par un genre privilégié, le roman ; or le surréalisme a violemment attaqué le roman, perçu comme le genre bourgeois par excellence. Certes, pas mal d'anciens surréalistes ont écrit des romans, et même des romans importants ; mais ils avaient alors plus ou moins pris leurs distances avec le mouvement.

Un autre volet qui m'inciterait à distinguer création surréaliste et fantasy, c'est la recherche surréaliste. Le surréalisme innove et déstructure, alors que la fantasy est fondée sur l'exploitation souvent formatée de schémas et de mythèmes récurrents.

Je crains que ce qui pèse sur la création littéraire française ne soit un lourd legs sur la valeur du roman. Pendant des siècles, le roman a été un genre honteux ; l'Eglise n'était pas la seule à le vilipender, la faculté de médecine aussi… Il a fallu ruser avec le public et la mauvaise réputation du genre, en surinvestissant la valeur signifiante du roman, ce qui a donné naissance à l'idée maintenant redoutablement enracinée (même dans les littératures de l'imaginaire) que le roman doit délivrer une vérité. Comme la culture française est rationnelle depuis la période moderne, le merveilleux n'a plus été admis que comme métaphore ou allégorie du monde réel - parce qu'il devait en définitive délivrer une vérité. Notez que le fantastique lui-même n'est qu'un épiphénomène du romantisme, courant venu de l'étranger… (Comme la fantasy, serais-je tenté de dire.) L'autofiction elle-même n'est qu'un ultime avatar de cette conception du roman qui doit être en connexion avec le réel - et la littérature du "je" a de très vieilles racines dans le XVIIIe et le XIXe siècles français… C'est cet héritage qui m'amène à penser qu'il n'y a pas eu émergence française de la fantasy : la fantasy vient de l'étranger. Ce qui n'empêche nullement que les auteurs français puissent en donner une version singulière : après tout, le pétrarquisme ou le romantisme ont été eux aussi des mouvements importés, qui ont donné de riches surgeons français.

Posté : mer. juil. 14, 2010 11:09 am
par Lensman
Fabien Lyraud a écrit :
Par contre, comment tout cela s'articule avec la "Fantasy", je ne vois pas bien...
Une littérature qui la plupart du temps a comme contexte des sociétés polythéistes, à mon avis ça aurait très mal passé à l'époque. Nous sommes à un époque où les bibliothèques publiques sont de véritables champs de ruine et où le rôle qui est aujourd'hui celui de la lecture publique revient aux bibliothèque paroissiale qui diffuse les romans conformes "aux bonnes moeurs". On hésite pas non plus à faire des procés contre des éditeurs (c'est ce qui arrivé aux Offenstadt pour le roman de José Moselli, la fin d'Illa). Je n'ose imaginer ce qui se serait passé si l'on avait réellement publié de la fantasy à l'époque.
Le polythéisme, là non plus, je ne vois pas bien. Je crois même que les lecteurs de Fantasy n'y font même pas attention...
Oncle Joe

Posté : mer. juil. 14, 2010 11:22 am
par arsenie
Fabien Lyraud a écrit :
Par contre, comment tout cela s'articule avec la "Fantasy", je ne vois pas bien...
Une littérature qui la plupart du temps a comme contexte des sociétés polythéistes, à mon avis ça aurait très mal passé à l'époque. Nous sommes à un époque où les bibliothèques publiques sont de véritables champs de ruine et où le rôle qui est aujourd'hui celui de la lecture publique revient aux bibliothèque paroissiale qui diffuse les romans conformes "aux bonnes moeurs". On hésite pas non plus à faire des procés contre des éditeurs (c'est ce qui arrivé aux Offenstadt pour le roman de José Moselli, la fin d'Illa). Je n'ose imaginer ce qui se serait passé si l'on avait réellement publié de la fantasy à l'époque.
:lol: oh, tu sous - estime le pouvoir de l'ignorance!
j'habite en face de la "bibli paroissiale" (trop cher pour un vrai lecteur, tu payes "au bouquin" :roll:
faut voir ce que la chtite mamie de 90 berges met en vitrine :roll: les "bestsellers" truffés de sexe! (ptêt le diable en "sous bibliothéquaire?" :lol: )
Chez "emmaüs" , j'ai vu trôner "soeur Marie-Thérèse des Batignolles" au rayon bondieuseries 8)
sinon, je m'entends très bien avec "la curaille" locale pour une excellente raison : ils ne sont pas du tout "du côté du manche"
- ils tiennent plus du curé de Jean Valjean, en accueillant par ex des gamins des rues que je trouve vraiment psychopathes-

Posté : mer. juil. 14, 2010 11:59 am
par Daelf
Lensman a écrit :
Daelf a écrit : Moi je vois.
Garde la scène en changeant les acteurs pour les rendre plus "exotiques", et hop.

J'ai effectivement du mal à digérer la réalité de ce genre de choses. "On vous a pas vue à la messe on croyait que vous étiez morte"... Bin voyons... (hallucinant.)
Là, c'est plus du fantastique rural expliqué que de la Fantasy...
Oncle Joe
Gné ?

... Voilà pourquoi je ne participe pas à ce genre de discussion en principe.

Posté : mer. juil. 14, 2010 12:04 pm
par Fabien Lyraud
Curieusement au 17éme siècle apparaissent tout un tas de romans d'aventures assez copieux en volume. Et bon nombre d'auteurs de l'époque comme Gomberville introduisent des éléments fantastiques issus pour la plupart de la mythologie. Le problème c'est qu'il n'existe malheureusement pas de réédition moderne de ces textes. Parce que ce doit être assez intéressant. Certes ce n'est pas de la fantasy au sens moderne mais c'est bel et bien de l'aventure fantastique échevelée. Je n'ai seulement qu'entendu parler de ces oeuvres dans mes cours d'histoire littéraire.
Ce qui est curieux c'est que l'on a de l'aventure fantastique au 17éme et qu'il faille ensuite attendre la fin du 20éme et l'influence anglo saxonne pour voir arriver la fantasy. Il y a forcément des choses entre qui ont été oubliées. Je pense justement qu'il y a toute une amnésie colective sur cette proto fantasy. Je peux certes me tromper mais bon j'espère toujours.

Posté : mer. juil. 14, 2010 12:11 pm
par Sand
(en même temps, le fantastique et la fantasy c'est pas pareil...)

Posté : mer. juil. 14, 2010 12:20 pm
par Lensman
Sarmate a écrit :Personnellement, j'ai du mal à concevoir une pré-fantasy française.

Certes, quelques auteurs ont écrit, dès le XIXe siècle, des œuvres qui ne sont pas sans rapport avec l'imaginaire fantasy. Il faut lire ou relire Les chevaliers errants dans La légende des siècles, du père Hugo ; l'incontournable Salammbô de Flaubert, certains poèmes en prose de Gaspard de la Nuit d'Aloysius Bertrand… Mais dans ces textes, c'est surtout l'influence du romantisme, plus ou moins diluée, qui s'exprime.

Quant au surréalisme, même s'il a innervé une grande partie de la culture française, j'ai du mal à concevoir comment il aurait pu donner naissance à un versant populaire, surtout un versant de proto-fantasy. La fantasy s'exprime par un genre privilégié, le roman ; or le surréalisme a violemment attaqué le roman, perçu comme le genre bourgeois par excellence. Certes, pas mal d'anciens surréalistes ont écrit des romans, et même des romans importants ; mais ils avaient alors plus ou moins pris leurs distances avec le mouvement.

Un autre volet qui m'inciterait à distinguer création surréaliste et fantasy, c'est la recherche surréaliste. Le surréalisme innove et déstructure, alors que la fantasy est fondée sur l'exploitation souvent formatée de schémas et de mythèmes récurrents.
Tout à fait d'accord avec toi.
Oncle Joe

Posté : mer. juil. 14, 2010 12:56 pm
par Lem
Oui, Sarmate voit juste.

Quelques nuances / rappels sur cette question intéressante :

Notre Père A Tous, à savoir Rabelais, abrite dans sa masse énorme tous les ferments nécessaires & suffisants au développement d'une fantasy française – exactement comme Shakespeare pour l'anglais – mais il est clair que cette ligne de développement est restée lettre morte ou quasiment. On lui a historiquement préféré les maîtres du mètre.

On peut trouver les éléments disjoints d'une "tradition" (le mot est trop fort) de ce qu'on pourrait appeler fantasy urbaine dans des livres comme Malpertuis de Jean Ray, La brume ne se lèvera plus de Seignolle, Rue des maléfices de Yonnet…

L'influence du surréalisme est, paradoxalement, surtout sensible dans la SF (j'écarte la question du populaire qui me paraît sans objet) : Spitz, certains Bruss, Sternberg, certains Wul, Drode, Duits (que Breton a rencontré aux USA et dont il a, si mes souvenirs sont bons, courtisé l'épouse), Curval, certains Ruellan, peut-être Le seuil du jardin d'André Hardellet, peut-être La montagne morte de la vie de Bernanos (grand livre), Brussolo, Stolze, Jouanne, etc. Ne pas oublier non plus son empreinte dans l'œuvre graphique de l'un des grands illustrateurs de la SFF : W. Siudmak.

Posté : mer. juil. 14, 2010 1:04 pm
par Fabien Lyraud
or le surréalisme a violemment attaqué le roman,
A signaler que le Testament de Merlin de Briand est un roman en vers.