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par Nathalie » sam. oct. 31, 2009 9:44 pm
Les Utopiales, c'est aussi du cinéma.
Cet après-midi était projeté en compétition
8th wonderland de Nicolas Alberny, Jean Mach
Une petite merveille.
Des hommes et des femmes du monde entier s'unissent pour faire vivre le premier pays virtuel, 8th Wonderland, un espace démocratique de discussions. Qui se voient bientôt prolongées par des actions. Dont une relayée par les médias :
l'installation pirate et nocturne de distributeurs de préservatifs devant les églises du Vatican. Chaque semaine, la communauté toujours en croissance de 8th Wonderland vote pour décider de passer ou non à l'action. D'alerter les consciences sur les questions épineuses telles que la peine de mort. Et de frapper les dictateurs, les usines qui licencient, les responsables politiques qui n'agissent que dans leur propre intérêt...
Un homme émerge dans les médias qui se présente comme le fondateur de 8th Wonderland et passe de plateau de télé en plateau de télé. Cet homme, imposteur, contribue au brouillage, au flouage des messages envoyés par 8th Wonderland. Comment le démasquer et retrouver la maîtrise de la communication ? Jusqu'où aller dans les actions de protestation et d'insubordination sans verser dans le terrorisme ? Comment protéger les membres qui se sont exposés dans des actions ? Comment échapper à l'hostilité grandissante des autres pays ?
Une prouesse de montage, un concentré de questions d'actualité.
La mise en scène de la communauté virtuelle est aussi inventive que réussie. A l'écran apparaît un flot de pixels comme autant de citoyens connectés et ceux qui prennent la parole bénéficient d'un cadre plus grand, du type fenêtre de Skype.
Les montages représentant les émissions télé sont aussi bien maîtrisés, exposant une critique aboutie des grandes messes médiatiques.
Le rythme du montage rend parfaitement le déferlement d'images qui nous submergent entre Internet, la télé et les portables. Et l'envie de zapping qui s'ensuit, soit le doigt sur la télécommande, soit l'esprit en mode amnésie pour permettre à une info de chasser l'autre.
L'apparition de personnages réels de la TV actuelle finit de brouiller les frontières entre virtuel et réel.
A l'enchêvetrement des images s'ajoute l'imbroglio des langues. Les séquences consacrées aux médias en font alterner une dizaine.Mais le tout est parfaitement maîtrisé...
Lectures publiques de la princesse de Clèves, fanfares matinales de la France qui se lève tôt à Neuilly, flashmobs...8th Wonderland pousse à l'extrême ces nouvelles formes de contestations, subversives sous leurs apparences bon enfant. De la vidéo qui met en scène une dinde kidnappée à la pression intime exercée sur les dirigeants du G8, les moyens employés par 8th Wonderland se durcissent férocément au cours du film.
De nombreuses scènes retentissent avec l'actualité. Licenciements provoqués par la délocalisation, manipulations, communications biaisées, frontières entre résistance et terrorisme, ces thèmes se superposent dans la narration.
Et la force ultime du film est d'esquisser toutes ces questions en laissant une large place à l'humour. Ces répliques et ces situations hilarantes ajoutées au montage finement ciselé font de ce film une oeuvre aussi intelligente que divertissante.
Mon favori dans la compétition (sur le très faible échantillonage que j'ai pu voir)
D'ici une heure nous saurons si le jury et/ou le public partagent cet avis.
Et d'ici peu sur ActuSF, l'interview de l'un des deux réalisateurs et de l'un des nombreux acteurs.