Angelier, Damasio, Dumay et Lehman à la radio

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Erion
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Message par Erion » mar. août 16, 2011 4:46 pm

caliban a écrit :
Erion a écrit : Et alors ? C'est quoi le rapport avec le propos politique ?
Un auteur de polar ou de SF peut, en tant que citoyen, tenir des propos politiques
de toutes natures. En tant qu'auteur de polar ou de SF publiant chez un éditeur
spécialisé, il me semble qu'on peut s'attendre à ce qu'il leur applique les normes
du genre.
Non. On peut faire de la spéculation ET avoir des propos politiques. L'un n'exclut pas l'autre sans pour autant que le propos politique soit spéculatif. Ca dépend de chaque auteur et ils sont libres de faire ce qu'ils veulent.
Erion a écrit : Certes. Mais lorsque le propos politique se réduit à "j'aime pas Sarko et son élection
m'inquiète", il semble bienvenu qu'un soupçon de profondeur supplémentaire soit
discernable dans un autre aspect de l'œuvre au moins.
Pourquoi ? Y'a une charte de la profondeur exigée dans chaque oeuvre ? Un auteur a pas le droit d'exprimer son ressenti politique ? Je vois pas en quoi, le fait d'écrire de la SF obligerait fatalement les auteurs à s'abstenir de commenter la vie politique au nom de je ne sais quelle responsabilité.
Tous les auteurs ont le droit d'avoir des propos politiques, profonds ou pas, et si, dans le tas, y'a un auteur qui a une réflexion plus approfondie, tant mieux, c'est lui qu'on retiendra.
Erion a écrit :Je revendiquais, pour moi et pour l'essentiel du public en question, la capacité de
trouver mon chemin dans les rayons d'une librairie ou d'une bibliothèque, y compris
bien sûr en dehors de mes domaines de prédilection.
Dans ce cas, pas la peine de faire une émission sur la SF. Y'a qu'à dire "allez dans une librairie et débrouillez-vous". Les auditeurs de France Culture sont si intelligents qu'ils n'ont pas besoin qu'on les guide. Tu as raison, ne parlons pas de SF sur France Culture, ne donnons pas des noms d'auteurs à chercher dans les rayons, c'est beaucoup mieux. Dès fois que ça inciterait des auditeurs à acheter de la SF française, on est jamais trop prudent.
De mon expérience à France Culture, je sais une chose, c'est que les auditeurs s'en servent PRECISEMENT pour se guider et faire des listes d'achat. A "Mauvais Genres", il y a de nombreux courriers demandant les références de telle ou telle oeuvre citée dans l'émission. Certains achètent même toute oeuvre évoquée.

Erion a écrit : Ca... Quand il analysait les possibles conséquences politiques d'un événement
cinq ou dix ans avant qu'il ne se produise, il lui arrivait de tomber moins juste dans
le détail marquant que les commentateurs a posteriori.
Ce que je voulais dire, c'est qu'il était dans le commentaire politique, pas dans la spéculation. Quand on lit du Heinlein, on voit de la doctrine politique, pas de la théorie.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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MF
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Message par MF » mar. août 16, 2011 4:56 pm

Erion a écrit :
caliban a écrit :
Erion a écrit : Et alors ? C'est quoi le rapport avec le propos politique ?
Un auteur de polar ou de SF peut, en tant que citoyen, tenir des propos politiques de toutes natures. En tant qu'auteur de polar ou de SF publiant chez un éditeur spécialisé, il me semble qu'on peut s'attendre à ce qu'il leur applique les normes du genre.
Non. On peut faire de la spéculation ET avoir des propos politiques. L'un n'exclut pas l'autre sans pour autant que le propos politique soit spéculatif.
Un propos politique spéculatif, n'est-ce pas de la "simple" politique-fiction ?
Qu'en est-il de la science-fiction, à supposer qu'il existe une science politique (et pas simplement des études politique) ?

p.s. pour une fois, oubliez ma signature
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Lhisbei
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Message par Lhisbei » mar. août 16, 2011 5:05 pm

il ne fallait donc pas que nos dieux s'adressent aux profanes sans passer par le clergé...

* prenez ce post comme vous le voulez hein, il n'est qu'un mouvement d'humeur et d'aigreur *
Malheureusement, les progrès de la science sont souvent comme une hache dans les mains d’un criminel pathologique - Albert Einstein

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Erion
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Message par Erion » mar. août 16, 2011 5:12 pm

MF a écrit :Non. On peut faire de la spéculation ET avoir des propos politiques. L'un n'exclut pas l'autre sans pour autant que le propos politique soit spéculatif.
Un propos politique spéculatif, n'est-ce pas de la "simple" politique-fiction ?
Qu'en est-il de la science-fiction, à supposer qu'il existe une science politique (et pas simplement des études politique) ?

p.s. pour une fois, oubliez ma signature[/quote]

L'une des distinctions de la science politique concerne la "Normative political theory" et l'"Empirical political theory". La traduction de ces termes en français sépare d'un côté la "doctrine politique" et la "théorie politique". On a donc beaucoup de textes de SF sur la doctrine politique mais très peu sur la théorie politique.
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Sylvaner
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Message par Sylvaner » mar. août 16, 2011 5:20 pm

Intéressant... je n'ai pas pris le temps d'écouter l'émission au delà des 5 min que j'ai attrapé en direct, mais les rôles respectif du polar et de la SF dans la politique (ou peut-être l'inverse) me semblent sujets à débat.

Est-ce que JP Manchette, qui a mis dans ces polars une vision politique autre que tenant rigoureusement au crime, faisait du polar politique ? ou faisait-il du polar et de la politique ? et d'ailleurs, je crois savoir qu'il s'est fait copieusement insulter, au départ, lorsqu'il a commencé a mettre des blousons noirs hyper-réac ou hyper-gauchistes dans ses polars...
caliban a écrit : Un auteur de polar ou de SF peut, en tant que citoyen, tenir des propos politiques
de toutes natures. En tant qu'auteur de polar ou de SF publiant chez un éditeur
spécialisé, il me semble qu'on peut s'attendre à ce qu'il leur applique les normes
du genre.
Précisément non. Et c'est précisément ce que Heinlein ou Manchette ne faisaient pas, ou pas seulement. Heinlein ne se gênait pas pour parler des institutions, du respect des lois, du droit à la succession par exemple, de façon totalement incidente et déconnectée de l'aspect futuriste ou science-fictif de ses récits - je pense en particulier aux tardifs Number of the Beast et Time enough for love, mais aussi à des nouvelles comme Nous promenons aussi les chiens dont je retiens un vibrant plaidoyer pour le marché dérégulé et la concurrence libre et non faussée... le procès dans En terre étrangère est également de la pure satire politique.

Et dire que l'analyse est sommaire, quand on parle de Damasio qui a écrit une jolie dystopie politique, que je range pour ma part juste à côté de Révolte sur la Lune, me semble un peu gonflé. On n'est pas obligé d'être d'accord, ni même d'être de gauche, mais il faut admettre que la zone du dehors a un propos politique... ou rien n'en a.

Enfin, pour répondre à MF sur la science-fiction politique, elle existe selon moi dès que l'auteur tente un système politique nouveau, ou décalé par rapport à l'existant, dans un contexte SF. Heinlein en est plein, la Zone en est, le Sénat galactique de Star Wars également, la Frontière de Mike Resnick itou...
Je limite pour ma part la "politique-fiction" à l'exploration des dérives du système actuel : qu'arriverait-il si, avec nos institutions, tel et tel évènements se produiraient.

The Mandchourian Candidate incarnant selon moi à peu près la frontière.

Bon, je vais essayer d'écouter l'émission ce soir, sinon je vais vraiment faire troll...
---
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Erion
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Message par Erion » mar. août 16, 2011 5:41 pm

Sylvaner a écrit : Enfin, pour répondre à MF sur la science-fiction politique, elle existe selon moi dès que l'auteur tente un système politique nouveau, ou décalé par rapport à l'existant, dans un contexte SF. Heinlein en est plein, la Zone en est, le Sénat galactique de Star Wars également, la Frontière de Mike Resnick itou...
Et la fantasy aussi.
Il y a maintenant très longtemps, j'avais fait une communication à Nancy sur les institutions en SF, et j'avais fait remarquer que dans Tigane, de Guy Gavriel Kay, on a de la théorie politique (et pas de la doctrine). La scène de l'anneau jeté à la mer, montre que Brandin (le méchant de l'histoire) ne veut pas asseoir son pouvoir juste par la force, mais en utilisant les symboles. Un geste politique, parce qu'il sait que c'est la seule manière d'être accepté. Il y a tout un très beau passage où l'on voit que le tyran en autorisant la cérémonie, se soumet au peuple pour être accepté.

En SF, à part Banks et la Culture, la plupart des "systèmes politiques nouveaux" sont des transpositions de systèmes anciens (d'où la discussion sur le libertarianisme de Heinlein qui montre que sur le plan empirique, sa doctrine ne fonctionne pas et s'apparente à de la fantasy). Après, voir mis en scène sous forme de fiction des doctrines politiques, je trouve ça intéressant, c'est plus ou moins élaboré, mais surtout je vois pas au nom de quoi on interdirait à un auteur de SF d'avoir un propos politique même s'il n'est pas hautement spéculatif.
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Lensman
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Message par Lensman » mar. août 16, 2011 6:57 pm

Sylvaner a écrit : Je limite pour ma part la "politique-fiction" à l'exploration des dérives du système actuel : qu'arriverait-il si, avec nos institutions, tel et tel évènements se produiraient.

The Mandchourian Candidate incarnant selon moi à peu près la frontière.
En ce qui concerne The Manchourian Candidate, je suppose que tu parle du roman de Richard Condon (en français, il avait été traduit sous le titre Un crime dans la tête) et du très bon film avec Frank Sinatra qui en a été tiré (je n'ai pas vu le remake récent).
On est plutôt dans le roman d'espionnage ambiance guerre froide, avec les fantasmes de l'époque sur le prétendu lavage de cerveau, conditionnement, etc. Pour le public (et les auteurs) de l'époque c'est quelque chose de reçu et conçu comme "réaliste", "crédible" c'est dans l'actualité (même si, plus tard, on peut faire un bilan et constater le caractère fantasmatique de ce qui se présentait comme crédible). Ce qui fait que, de manière paradoxale, cela ressemble pour nous à de la SF, alors que ce n'est pas perçu comme de la SF en son temps ...
Au fond, si on veut, et d'une certaine manière, on peut AUSSI dire que les gens de l'époque vivaient dans la SF, à ce niveau... c'était tellement évident, comme idée, qu'il allait être, est même qu'il ETAIT possible de "programmer" (*) mentalement quelqu'un, que cela passait pour être utilisé.
Mais cela me semble un peu abusif de parler de SF. disons que, dans une certaine SF, on retrouve une ambiance de paranoïa du même type.

Tiens, j'apprends que Coco Chanel était une espionne nazie...

(*) Et cela reste un fantasme aujourd'hui... on ne peut pas sérieusement assimiler les différentes méthodes d'abrutissement (dans les sectes par exemple) à de la programmation.

Oncle Joe

caliban
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Message par caliban » mar. août 16, 2011 8:37 pm

Erion a écrit :ils sont libres de faire ce qu'ils veulent.
Soyons clairs : en matière de littérature, chacun est libre de faire ce qu'il veut.
Loin de moi l'idée d'empêcher un auteur de raconter ce qu'il a envie de raconter,
ou un éditeur de publier ce qu'il a envie de publie, sous l'étiquette qui lui chante.

Simplement, cela vaut aussi pour les lecteurs et pour les acheteurs de livres ;
et il se trouve que la situation de l'offre et de la demande met plutôt ces derniers
en position de force. Un éditeur ou un auteur qui se réserve de publier de mauvais
livres, ce qui est son droit le plus strict, risque de ramer un peu pour rétablir ensuite
sa crédibilité. (je pense d'ailleurs que nous sommes d'accord là-dessus)
Erion a écrit :
caliban a écrit : Un auteur de polar ou de SF peut, en tant que citoyen, tenir des propos politiques
de toutes natures. En tant qu'auteur de polar ou de SF publiant chez un éditeur
spécialisé, il me semble qu'on peut s'attendre à ce qu'il leur applique les normes
du genre.
Non. On peut faire de la spéculation ET avoir des propos politiques.
Je ne me suis pas bien fait comprendre. Je parlais de normes générales de qualité
en vigueur dans le genre. Quand j'achète un livre d'un auteur de SF publié chez
un éditeur de SF dans une collection SF, je pense être fondé à me sentir un peu
escroqué si le bouquin est une bouse infâme, au regard des normes SF. Celles-ci
supposent en effet souvent (sauf exception, donc), pour moi, un minimum de contenu
spéculatif, mais évidemment pas à propos de tous les éléments du livre.

Je n'ai donc aucun problème avec un ouvrage de SF offrant une spéculation d'ordre
scientifique ou esthétique, avec quelques propos politiques banals à droite ou à
gauche. Ce que je disais, c'est qu'un ouvrage qui ne contient que des propos
politiques de Café du Commerce relève pour moi de l'arnaque s'il est vendu sous
couvert d'une réputation SF.
Erion a écrit : Un auteur a pas le droit d'exprimer son ressenti politique ? Je vois pas en quoi,
le fait d'écrire de la SF obligerait fatalement les auteurs à s'abstenir de commenter
la vie politique au nom de je ne sais quelle responsabilité.
Là, tu fantasmes. Personne ne dit cela.


Plus intéressant à mon sens :
Erion a écrit : Y'a une charte de la profondeur exigée dans chaque oeuvre ?
Bonne question. A partir de quel moment commence-t-on à attendre d'un auteur
ou d'un éditeur que l'on connaît un peu plus de profondeur que du commun des
besogneux dont on n'ira jamais sonder les productions ? Quel est le lien qui se crée
alors, et quelles facilités sont-elles susceptibles de le rompre ?

Il y a certainement autant de réponses que d'auteurs. Mais oui, assurément, je crois
qu'à tout auteur un tant soit peu reconnu est associé un certain niveau d'attente,
et qu'il court le risque de décevoir, bien plus qu'un débutant à niveau égal, s'il ne
l'atteint pas. Ca vaut d'ailleurs aussi au niveau commercial : des chiffres de vente
qui auraient été inespérés trois bouquins plus tôt peuvent se révéler désastreux
après une mise en place un peu trop confiante, et briser la carrière d'un auteur.

caliban a écrit :
Erion a écrit : J'ai l'impression, à écouter l'émission, que les participants ont voulu passer
le message suivant : "vous pouvez aller dans le rayon SF et vous pourrez trouver
quelque chose susceptible de vous intéresser". (...)
Un peu court, quand même
(...) Je revendique, pour moi et pour l'essentiel du public en question, la capacité
de trouver mon chemin dans les rayons d'une librairie ou d'une bibliothèque
Erion a écrit :Dans ce cas, pas la peine de faire une émission sur la SF.
Soit tu ne suis pas, soit tu es d'une mauvaise foi insigne, sur ce coup-là.

Erion a écrit :Quand on lit du Heinlein, on voit de la doctrine politique, pas de la théorie.
Nous ne tomberons pas d'accord là-dessus (as-tu lu, par exemple, For Us the Living ?),
mais c'est un autre débat.

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Erion
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Message par Erion » mar. août 16, 2011 9:11 pm

caliban a écrit : Simplement, cela vaut aussi pour les lecteurs et pour les acheteurs de livres ;
et il se trouve que la situation de l'offre et de la demande met plutôt ces derniers
en position de force. Un éditeur ou un auteur qui se réserve de publier de mauvais
livres, ce qui est son droit le plus strict, risque de ramer un peu pour rétablir ensuite
sa crédibilité. (je pense d'ailleurs que nous sommes d'accord là-dessus)
Vu le nombre de rééditions d"Appel d'air", on peut dire que c'est une tendance plébiscitée. Si ça plaît aux lecteurs, pourquoi s'en offusquer ? Tu nous refais le coup de "la Nouvelle science-fiction politique française coupable du déni du genre" ? Imaginer que ça pourrait rebuter les lecteurs actuels me semble être totalement fantasmatique.
Je n'ai donc aucun problème avec un ouvrage de SF offrant une spéculation d'ordre
scientifique ou esthétique, avec quelques propos politiques banals à droite ou à
gauche. Ce que je disais, c'est qu'un ouvrage qui ne contient que des propos
politiques de Café du Commerce relève pour moi de l'arnaque s'il est vendu sous
couvert d'une réputation SF.
Ce n'est pas lié à la SF en tant que tel, c'est lié à la fiction. Si tu lisais un polar avec les mêmes propos, ça te dérangerait autant. L'étiquette SF n'a rien à voir avec ça. L'étiquette SF ne protège ni contre les simplifications politiques ou psychologiques. Si tu lis un roman de SF hautement spéculatif, mais avec des personnages à la psychologie caricaturale, tu penses que c'est indigne parce que c'est publié sous l'étiquette SF ou indigne parce que ce n'est pas de la bonne fiction ?
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caliban
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Message par caliban » mar. août 16, 2011 10:48 pm

MF a écrit :Un propos politique spéculatif, n'est-ce pas de la "simple" politique-fiction ?
Qu'en est-il de la science-fiction, à supposer qu'il existe une science politique
(et pas simplement des études politique) ?
Pour commencer par la seconde question, il est clair pour moi que la spécificité de la
science-fiction se joue dans son rapport à la connaissance — d'ordre scientifique, donc,
c'est à dire privilégiant les arguments rationnels et la construction collective du savoir,
plutôt que mystique (au sens d'un accès individuel direct à la connaissance) ou
scolastique. Les théoriciens de la SF ne sont donc pas près d'en donner une définition
explicite, là où les épistémologues se cassent les dents depuis des siècles sur celle
de la science elle-même.

Pour autant, on peut dégager un certain nombre de critères de scientificité, à commencer
par des indices de confrontation consciente entre une "réalité" (physique ou fictionnelle)
et une "théorie", c'est à dire un arsenal conceptuel permettant de naviguer entre le
général et le particulier, et entre différents points de vue, chacun forcément réducteur,
sur une réalité trop complexe pour être analysée dans son entièreté.


Si par "propos politique spéculatif" tu entends quelque chose de l'ordre de l'épreuve
délibérée d'une théorie politique, plus ou moins complète et plus ou moins explicite,
pour moi, on est bien sinon dans la science-fiction, du moins dans quelque chose
d'apparenté.

Si en revanche il s'agit de (se) raconter une histoire à propos des conséquences
espérées ou redoutées d'un événement politique fictionnel, c'est-à-dire imaginaire car
contrefactuel, ou simplement non encore advenu, on est dans la politique-fiction,
simple ou pas.

Il me semble que, sauf exception, la première catégorie ne fournit pas à elle seule
matière à de la très bonne littérature (un exemple pitoyable : For Us the Living,
de Heinlein — rien que ça — que j'évoquais plus haut). Je suis donc tenté de dire
que la bonne "science-politique-fiction" doit d'abord être de la bonne politique-fiction,
ou de la bonne science-fiction, ou ce qu'on voudra, mais qui va chercher sa chair
ailleurs.

En revanche, la seconde tient très bien toute seule : on peut raconter de très bonnes
histoires sans arrière-plan théorique bien clair pour l'auteur lui-même. La "simple
politique-fiction" n'est donc pas nécessairement de la SF. (mais ce n'est pas non
plus nécessairement de la bonne littérature pour autant !)



Erion a écrit : L'une des distinctions de la science politique concerne la "Normative political theory"
et l'"Empirical political theory". La traduction de ces termes en français sépare d'un côté
la "doctrine politique" et la "théorie politique".
Nous n'employons clairement pas le terme "théorie" dans la même acception,
mais c'est aussi une distinction intéressante.
Erion a écrit : On a donc beaucoup de textes de SF sur la doctrine politique mais très peu
sur la théorie politique.
(Dans le sens dans lequel tu emploies ces termes donc, donc)
Je n'en suis pas entièrement convaincu. Tu as probablement raison en ce qui concerne
la pure science politique ; mais la SF est aussi, et peut-être d'abord, l'un des lieux
fictionnels de rencontre de contraintes issues de domaines très différents — par
exemple, que devient une "doctrine politique" développée sur Terre, où l'on a en
général le temps d'en appeler à toutes sortes d'instances avant de mourir de froid
ou de faim, dans un environnement étranger, comme celui de la Lune, où la survie
de l'individu est affaire de minutes lorsqu'il arrive à court d'air. Il me semble que ce
type d'expérience de pensée (dans The Moon Is a Harsh Mistress, par exemple,
pour rester avec RAH) relève directement de l'"empirical theory".

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Lensman
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Message par Lensman » mar. août 16, 2011 10:52 pm

caliban a écrit : Je n'ai donc aucun problème avec un ouvrage de SF offrant une spéculation d'ordre
scientifique ou esthétique, avec quelques propos politiques banals à droite ou à
gauche. Ce que je disais, c'est qu'un ouvrage qui ne contient que des propos
politiques de Café du Commerce relève pour moi de l'arnaque s'il est vendu sous
couvert d'une réputation SF.
Ce qui est compliqué, c'est aussi de savoir quelle est la culture politique commune que l'on suppose être celle des lecteurs, pour pouvoir s'appuyer dessus et spéculer...
C'est un peu pareil pour la SF "économique"... Qu'est-ce que les lecteurs sont censés connaître et comprendre à peu près, dans ce domaine ? quelle est leur base d'accord commune sur ce sujet ? Où s'arrête la vision "café du commerce" et commence une vision prétendument travaillée? en tout cas, si on veut écrire de la SF se passant dans un futur pas trop lointain, il faut prendre comme donnée que pour 99,999999% (et des brouettes) de l'humanité, la vision est du type "café du commerce", et que ce facteur a une importance non négligeable sur le fonctionnement et les effets de la politique...
L'exercice est donc des plus difficiles... ce qui ne faut pas dire qu'il ne faut pas s'y livrer...

Oncle Joe

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Erion
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Message par Erion » mar. août 16, 2011 11:14 pm

caliban a écrit : mais la SF est aussi, et peut-être d'abord, l'un des lieux
fictionnels de rencontre de contraintes issues de domaines très différents — par
exemple, que devient une "doctrine politique" développée sur Terre, où l'on a en
général le temps d'en appeler à toutes sortes d'instances avant de mourir de froid
ou de faim, dans un environnement étranger, comme celui de la Lune, où la survie
de l'individu est affaire de minutes lorsqu'il arrive à court d'air. Il me semble que ce
type d'expérience de pensée (dans The Moon Is a Harsh Mistress, par exemple,
pour rester avec RAH) relève directement de l'"empirical theory".
Non, the Moon is a Harsh Mistress, c'est de la doctrine politique, pas de la théorie politique. C'est exactement du même ordre que ce qui était présent dans "Appel d'air".
Dans ma communication à Nancy, je comparais notamment The Moon is a Harsh Mistress, la série F.A.U.S.T (le premier volume), qui appartenaient au politique classique et je les confrontais à Tigane de Kay et la Culture de Banks (avec un politique plus diffus).
Il n'y a pas de doctrine politique chez Kay, mais de la théorie politique (sur la notion de légitimité par exemple). Chez Heinlein, on reste dans de la doctrine politique, c'est la question du "bon gouvernement" qui est centrale dans "The Moon is a Harsh Mistress", pas l'interprétation des faits. On apprend rien sur la nature du politique et les phénomènes sociaux, mais il présente une autre manière de concevoir les rapports entre individus, avec un autre système de valeurs. Ce sont ces valeurs qui font sens (alors que la théorie politique ne se prononce pas sur les valeurs).
A noter la différence de l'utopie politique chez Le Guin, qui, précisément est ambiguë. On pourrait croire au début qu'on est dans de la doctrine, pour finalement s'en échapper et atteindre une manière de théorie politique ("comment appliquer des idées dans un monde différent de celui dans lesquelles elles avaient sens ?")
Chez Banks, la question du "bon gouvernement" ne se pose pas : il l'est plutôt assez. Et toutes les histoires de la Culture mettent en scène la confrontation d'une idéologie ouverte avec des systèmes de pensée différent, et ce que ça implique.

Bref, non, désolé, je ne vois aucune différence entre les textes d'Appel d'Air et Heinlein sur le plan politique. Que tu puisses préférer l'approche d'Heinlein, pourquoi pas, mais c'est une préférence personnelle, ça n'a pas grand chose à voir avec ce que doit être la SF. Heinlein est un doctrinaire, et c'est un aspect passionnant de sa lecture, parce qu'il veut mettre en avant des valeurs et les fait transparaître dans ses récits.
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Message par caliban » mar. août 16, 2011 11:21 pm

Erion a écrit : Vu le nombre de rééditions d"Appel d'air", on peut dire que c'est une tendance
plébiscitée. Si ça plaît aux lecteurs, pourquoi s'en offusquer ?
Si ça plaît aux (autres) lecteurs, grand bien leur fasse, et ça ne me pose aucun
problème. Je suis juste un peu surpris de n'en avoir jamais rencontré qui m'en aient
dit du bien — ou plus précisément, de n'avoir entendu (et émis) de commentaires
positifs que sur les deux textes du recueil qui n'en jouaient pas le jeu, ceux de Lehman
(qui s'inscrivait en faux) et de Bellagamba (qui partait en réalité d'une tout autre
émotion).

Cela dit, et sans connaître aucun chiffre, je ne serais pas tout à fait aussi rapide
pour parler de tendance plébiscitée — du point de vue littéraire, j'entends. Une part
significative des lecteurs ont pu acheter le bouquin simplement pour le plaisir du
geste, "l'opposition" à bon compte. La littérature de réaction politique instantanée
semble assez propice aux coups éditoriaux.
Erion a écrit : Tu nous refais le coup de "la Nouvelle science-fiction politique française coupable
du déni du genre" ?
Non. La "SF politique" de la fin des années 70 était un mouvement passablement
envahissant, en tout cas suffisamment pour masquer ce que la SF française avait de
meilleur (qu'eux...) au lycéen que j'étais à l'époque. Nuisible donc, au moins à mon
échelle. Appel d'air est juste un livre médiocre, donc sans importance aucune,
en ce qui me concerne.
Erion a écrit : Ce n'est pas lié à la SF en tant que tel, c'est lié à la fiction. Si tu lisais un polar avec
les mêmes propos, ça te dérangerait autant. L'étiquette SF n'a rien à voir avec ça.
Pur procès d'intention. J'ai dit que je me sens arnaqué par des étiquettes éditoriales
sans rapport avec le contenu d'un livre. J'aurais été tout aussi choqué par le même
livre, Appel d'air, dans une collection marquée polar, où il n'aurait pas eu sa place
non plus.
Erion a écrit : Si tu lis un roman de SF hautement spéculatif, mais avec des personnages
à la psychologie caricaturale, tu penses que c'est indigne parce que c'est publié
sous l'étiquette SF ou indigne parce que ce n'est pas de la bonne fiction ?
Compte tenu de ta prémisse — un roman de SF, bon ou mauvais — je n'ai a priori
aucun problème avec l'étiquette, parfaitement exacte.
A partir de là, si le roman est caricatural de tous les points de vue, il est juste mauvais.
En revanche, si ladite spéculation est du plus haut intérêt — je pense à Incandescence
d'Egan, par exemple — je peux penser que c'est de la très bonne SF, en dépit de ses
graves défauts.

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Hoêl
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Message par Hoêl » mar. août 16, 2011 11:27 pm

Lensman
C'est un peu pareil pour la SF "économique"... Qu'est-ce que les lecteurs sont censés connaître et comprendre à peu près, dans ce domaine ? quelle est leur base d'accord commune sur ce sujet ? Où s'arrête la vision "café du commerce" et commence une vision prétendument travaillée?
Tiens , c'est marrant , dans le cadre du "Socle des Connaissances" que nous avions à valider , mes collègues et moi , pour l'obtention du Brevet , il y avait un item sur les connaissances économiques de base qu'avaient acquises nos élèves (la citation est plus qu'approximative mais le sens demeure) , nous somme restés coits...
Et j'ai pas mis de tréma sur le i !
"Tout est relatif donc rien n'est relatif !"

caliban
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Message par caliban » mar. août 16, 2011 11:34 pm

Sylvaner a écrit :
caliban a écrit : En tant qu'auteur de polar ou de SF publiant chez un éditeur spécialisé, il me semble
qu'on peut s'attendre à ce qu'il leur applique les normes du genre.
Précisément non. Et c'est précisément ce que Heinlein ou Manchette ne faisaient pas,
ou pas seulement. Heinlein ne se gênait pas pour parler des institutions, du respect des
lois, du droit à la succession par exemple, de façon totalement incidente et
déconnectée de l'aspect futuriste ou science-fictif de ses récits
Je ne dis absolument pas le contraire, ou je me suis mal exprimé. La meilleure SF
— celle que j'aime, en tout cas, à commencer en effet par celle de Heinlein — a souvent
une dimension politique, voire militante, essentielle. Ce que je disais, c'est que, d'un
auteur de SF publiant chez un éditeur SF, j'attends un texte de SF (ou sinon un caveat
m'indiquant qu'un ouvrage donné n'en relève pas). Ni plus, ni moins.
Sylvaner a écrit :Et dire que l'analyse est sommaire, quand on parle de Damasio
(...) me semble un peu gonflé.
J'ai personnellement beaucoup de mal avec le style de Damasio, mais je ne crois
pas avoir jamais rien dit de la sorte sur les analyses politiques de ses fictions.
Cela dit, quand il caractérise l'implication politique de la SF par Appel d'air, ça me
semble en effet passablement réducteur — sommaire, si tu veux.

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