La SF n'est pas à la mode

Modérateurs : Estelle Hamelin, Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m, Mathilde Marron, sebastieng

Pryrates
Messages : 30
Enregistré le : sam. mai 12, 2007 11:01 am

Message par Pryrates » sam. déc. 29, 2007 2:17 pm

Fabien Lyraud a écrit : Quand je regarde quels sont les pays européens où la SF marchent le mieux, il s'agit de la Grande Bretagne et de l'Espagne, curieusement deux pays qui ont opté pour des gouvernements de gauche. Et je persiste à croire que la volonté du milieu de la SF de privilégier la critique sociale pousse le genre à être selon les mots de Stéphanie Nicot il y a quelques années 'une littérature de combat" et le combat malheureusement obscurcit l'avenir du genre. Je suis persuadé que si nous avions un gouvernement de gauche aujourd'hui nous aurions une SF beaucoup plus pléthorique qui oserait jouer la carte de la littérature, du mythe et de la création d'univers.
C'est pas un peu dépassé de nos jours cette idée de littérature de droite et de gauche? :shock:

Avatar du membre
kibu
Messages : 2901
Enregistré le : mer. mars 08, 2006 3:54 pm

Message par kibu » sam. déc. 29, 2007 3:47 pm

Surtout lorsque droite et gauche ne veulent plus rien dire.
A l'envers, à l'endroit

Ô Dingos, ô châteaux

Avatar du membre
Patrice
Messages : 3535
Enregistré le : jeu. mai 04, 2006 10:26 am
Contact :

Message par Patrice » sam. déc. 29, 2007 4:15 pm

Salut,
Quand je regarde quels sont les pays européens où la SF marchent le mieux, il s'agit de la Grande Bretagne et de l'Espagne
En Russie les livres de SF occupent plusieurs mètres de rayonnage dans les librairies, environ deux fois plus que les polars, qui pourtant se vendent eux-mêmes comme des petits pains.

Curieusement, seuls les polars russes s'exportent en France, pas la SF...

A+

Patrice

Avatar du membre
kibu
Messages : 2901
Enregistré le : mer. mars 08, 2006 3:54 pm

Message par kibu » sam. déc. 29, 2007 4:57 pm

En Russie les livres de SF occupent plusieurs mètres de rayonnage dans les librairies, environ deux fois plus que les polars, qui pourtant se vendent eux-mêmes comme des petits pains.
Ah ah !

Petite question au passage, quelle est la part des auteurs russes dans ce métrage indéterminé ?

(PS : Je me demande si l'embellie n'est pas plus conjoncturelle que structurelle ?)
A l'envers, à l'endroit

Ô Dingos, ô châteaux

Avatar du membre
Arnaldus
Messages : 80
Enregistré le : mar. oct. 31, 2006 8:37 pm

Message par Arnaldus » sam. déc. 29, 2007 5:06 pm

Est-ce qu'il existe une sorte de synthèse, ou (gasp) de sondage, sur les raisons pour lesquels des lecteurs de romans, ou des critiques ou des journalistes, ne lisent pas de SF et n'en parlent pas ?

Non pas que de telles réponses soient forcément exactes ou même justifiées, mais elles donneraient un éclairage différent.

Je pense qu'on a tous ici plusieurs idées (souvent différentes) sur la question, mais la poser sur ce forum, c'est un peu comme demander à un carnivore pourquoi les végétariens ne veulent pas manger de viande.
Ce sont ces mises en phase, ma petite Laureline, ça me ravage je t’assure … (Mézière - Christin)
So, you wanna be a SFF writer ? http://cocyclics.org

Papageno
Messages : 2270
Enregistré le : dim. sept. 10, 2006 10:28 am
Localisation : Auxerre (Yonne)

Message par Papageno » sam. déc. 29, 2007 6:44 pm

Je crois bien que la SF, en France (ailleurs, je ne sais pas) a toujours été marginal - a toute le époques - avec parfois quelques embellies et quelques exceptions - Mais dans l"ensemble, elle a toujours été rejetée de la culture littéraire française - surtout en s'avouant comme tel. Aujourd'hui, ne me semble pas forcement pire qu'hier. Donc rien de nouveau -
Une des causes possible et peut-être l'apparent copinage de la SF avec la culture Scientifique, mélange insupportable pour certains intellectuelles qui se considèrent comme les seules détenteur de la culture.

Tiens,pour le nouvel an un florilège de citations des nos chéres élites (des années 70) tiré du livre des Bogda "L"effet Science-fiction"
Paul Meurisse
La science-fiction c'est tous ce qu'on voudra sauf de la littérature

Pr. JJean-Claude Simon
La science-fiction montre toute la pauvreté de l'imagination pure

Claude Estier
Ne me parler pas de Science-fiction, je trouve ça insupportable

Albert Ducros (journaliste scientifique)
Le seul conseil que je puis donner, en lire le moins possible.

Jean-Paul Sartre
Je ne souhaite pas faire de commentaire sur la littérature de Science-fiction, sinon qu'elle est trop absurde pour pouvoir représenter vraiment le sentiment de l'absurde.

Duc de Mortemart
La science-fiction a toujours été - et restera - un genre secondaire de la littérature

Karl Lagerfeld
La science- fiction, c'est l'horreur derrière la porte. Mais dieux merci , je n'ouvre jamais les portes moi-même. J'ai des valets pour ça...

Michel Tournier
Science-fiction! Ces deux mot jurent à mon oreille. Ils se font l'un à l'autre une guerre inexpiable qui condamne le produit de leurs amours malheureuses à n'être qu'un avorton minable.

Jean Christophe Averty
La science-fiction...La science-fiction... qu'est-ce que vous voulez que ça me foute?

Jean-François Lyotard
La science-fiction? Ecouter, j'ai faim moi.

Avatar du membre
Roland C. Wagner
Messages : 3588
Enregistré le : jeu. mars 23, 2006 11:47 am

Message par Roland C. Wagner » sam. déc. 29, 2007 6:48 pm

Pourquoi tant de haine ?…
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

الكاتب يكتب

Avatar du membre
Nébal
Messages : 4266
Enregistré le : ven. mai 04, 2007 5:45 pm
Localisation : Paris
Contact :

Message par Nébal » sam. déc. 29, 2007 6:52 pm

Papageno a écrit :Tiens,pour le nouvel an un florilège de citations des nos chéres élites (des années 70) tiré du livre des Bogda "L"effet Science-fiction"
Paul Meurisse
La science-fiction c'est tous ce qu'on voudra sauf de la littérature

Pr. JJean-Claude Simon
La science-fiction montre toute la pauvreté de l'imagination pure

Claude Estier
Ne me parler pas de Science-fiction, je trouve ça insupportable

Albert Ducros (journaliste scientifique)
Le seul conseil que je puis donner, en lire le moins possible.

Jean-Paul Sartre
Je ne souhaite pas faire de commentaire sur la littérature de Science-fiction, sinon qu'elle est trop absurde pour pouvoir représenter vraiment le sentiment de l'absurde.

Duc de Mortemart
La science-fiction a toujours été - et restera - un genre secondaire de la littérature

Karl Lagerfeld
La science- fiction, c'est l'horreur derrière la porte. Mais dieux merci , je n'ouvre jamais les portes moi-même. J'ai des valets pour ça...

Michel Tournier
Science-fiction! Ces deux mot jurent à mon oreille. Ils se font l'un à l'autre une guerre inexpiable qui condamne le produit de leurs amours malheureuses à n'être qu'un avorton minable.

Jean Christophe Averty
La science-fiction...La science-fiction... qu'est-ce que vous voulez que ça me foute?

Jean-François Lyotard
La science-fiction? Ecouter, j'ai faim moi.
Gnihihih !!! Merci, j'adore ! :lol:

Avatar du membre
Arnaldus
Messages : 80
Enregistré le : mar. oct. 31, 2006 8:37 pm

Message par Arnaldus » sam. déc. 29, 2007 6:54 pm

Edifiant en effet.
Mais... rien n'a changé depuis les années 70 ?
Ce sont ces mises en phase, ma petite Laureline, ça me ravage je t’assure … (Mézière - Christin)
So, you wanna be a SFF writer ? http://cocyclics.org

Avatar du membre
Patrice
Messages : 3535
Enregistré le : jeu. mai 04, 2006 10:26 am
Contact :

Message par Patrice » sam. déc. 29, 2007 7:33 pm

Salut,
Petite question au passage, quelle est la part des auteurs russes dans ce métrage indéterminé ?
Largement plus de 50%. Et ça se vend très bien, plus que les américains.

A+

Patrice

Fabien Lyraud
Messages : 2278
Enregistré le : mer. oct. 24, 2007 10:35 am
Localisation : St Léonard
Contact :

Message par Fabien Lyraud » sam. déc. 29, 2007 7:37 pm

entends par là que les images de la SF ne se limitent pas aux oeuvres de SF, alors que les images de fantasy se limitent aux films adaptant des oeuvres de fantasy. Même les MMORPG comme World of Warcraft ont de fortes références SF (dont une notamment à "le jour où la Terre s'arrêta").
Concernant la fantasy ce que tu dis est à la fois vrai et faux. la fantasy est très présente et ce dès le plus jeune age : mythologie greco latine et nordique, épopée arthurienne, contes et légendes. Dès l'enfance et l'adolescence on baigne dans les références culturelles que la fantasy s'est réaproprié.

Je crois que tu confonds dans ton raisonnement critique sociale et militantisme. Ce qui revient à mettre dans le même sac Tous à Zanzibar et la collection complète d'Alerte !
Que la SF puisse faire de la critique pourquoi pas, mais à condition qu'il y ait derrière un univers et des personnages. C'est ça la limite. Quand comme moi on est issu d'un milieu de prolo.on vit les problèmes du quoitidien, les difficultés sociales et on comprend vite quels sont les problèmes et quand je lis de la SF ce n'est pour m'y plonger( encore jusqu'au cou et je p)ense que pour beaucoup de gens c'est pareil. La littérature n'a pas pour but de s'indigner ou de dénoncer. Elle peut le faire certes mais si cette dimension est présente dans une oeuvre elle doit aussi en comprendre d'autres. Ce ne dois être qu'une facette parmi d'autres. Je ne pense pas que la critique doivent être une fin en soit. Pour moi les meilleurs oeuvres sont celles qui sont polydimensionnelles qui sont pourvus de multiples facettes et que l'on peut chosir d'actualiser ou non. On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. Et avertir pour avertir ne sert qu'à précher des convaincus. Personellement je persiste à croire que la SF en tant que critique sociale est un bel échec même si cela a donné à la fin des années 60 des oeuvres majeures.
Bienvenu chez Pulp Factory :
http://pulp-factory.ovh


Le blog impertinent des littératures de l'imaginaire :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com

Avatar du membre
Erion
Messages : 5025
Enregistré le : sam. oct. 21, 2006 10:46 am

Message par Erion » sam. déc. 29, 2007 9:04 pm

Fabien Lyraud a écrit :
entends par là que les images de la SF ne se limitent pas aux oeuvres de SF, alors que les images de fantasy se limitent aux films adaptant des oeuvres de fantasy. Même les MMORPG comme World of Warcraft ont de fortes références SF (dont une notamment à "le jour où la Terre s'arrêta").
Concernant la fantasy ce que tu dis est à la fois vrai et faux. la fantasy est très présente et ce dès le plus jeune age : mythologie greco latine et nordique, épopée arthurienne, contes et légendes. Dès l'enfance et l'adolescence on baigne dans les références culturelles que la fantasy s'est réaproprié.
Non, parce que justement, la mythologie, ce n'est pas de la fantasy. La fantasy emprunte aux mythes. Mais surtout, les images de la fantasy RESTENT dans la fantasy, alors que les images de la SF en sortent. Il n'y a pas d'effet de contamination. La meilleure preuve, c'est qu'on voit des références directes à des oeuvres de SF dans un univers de fantasy comme World of Warcraft, mais presque jamais de références de fantasy dans un univers SF. On trouvera des références mythologiques, oui (le roi arthur dans des épisodes de Babylon 5) mais pas de fantasy (Il y a des références implicites au SdA dans B5, mais aucune image spécifique).
C'est normal, d'une certaine manière, parce que les univers de fantasy sont des univers fermés (le SdA n'est pas une oeuvre symbolique ou métaphorique), alors que les oeuvres de SF sont des univers ouverts (ils sont symboliques ou métaphoriques par construction). Par conséquent, la SF a une force de diffusion plus grande dans la pop culture : les robots, la machine à voyager dans le temps, les IA ne sont pas identifiés à une oeuvre, alors que le Balrog, Stormbringer et Poudlard sont liés à une oeuvre. Et ces inventions de la SF sont nées dans la SF moderne, alors que dragons, fées et autres sont antérieures à la constitution de la fantasy comme genre (d'ailleurs, si on se déplace de continent, ces références disparaissent au profit d'autre, sans changer fondamentalement les récits, preuve que ces éléments ne lui appartiennent pas).

systar
Messages : 1991
Enregistré le : sam. févr. 03, 2007 11:20 pm
Localisation : perdu dans la métaphysique
Contact :

Message par systar » sam. déc. 29, 2007 9:34 pm

Eric a écrit : Maintenant, perso, ce que je recherche dans la SF, c'est une littérature d'idées, une littérature qui me fait progresser ans ma réflexion, m'ouvre sur de nouvelles porblématiques, ou de nouvelles manières de considérer celles qui sont déjà les miennes. Je ne peut pas me contenter de l'optimisme béat du marchand d'armes qui, le pieds dans les douilles encore fumantes viens me dire qu'au moins, il a permis aux ouvriers des usines d'armements de garder leur emploi. Quant à la foi en l'humanisme, un stage d'un dans n'importe quelle compagnie d'assurance, ou n'importe quelle compagnie transnationale t'en guérira à jamais. Si je schématise, la SF est pour moi une littérature de combat. Voire de résistance. C'est un sale boulot, mais il faut bien que quelqu'un le fasse. Et à l'heure de la démission volontaire, comme Ugo l'analyse avec sa pertinence coutumière dans son texte, c'est plus que salutaire.
C'est pour ça que je ne pige pas que tu m'aies dit que tu trouvais la démarche de Volodine un peu "vaine".
Pour quelques éléments de démonstration du fait que la littérature de Volodine est intégralement politique, je ne peux que conseiller la lecture de la première monographie sortie sur Volodine, "Volodine post-exotique", de Lionel Ruffel. Je ne l'ai pas encore fini, mais rien que les 30 ou 40 premières pages de l'essai achèveront de t'en convaincre.

systar
Messages : 1991
Enregistré le : sam. févr. 03, 2007 11:20 pm
Localisation : perdu dans la métaphysique
Contact :

Message par systar » sam. déc. 29, 2007 10:21 pm

Eric a écrit :Elle [= la SF française] paye aussi une image soixante-huitarde qui n'a pas le vent en poupe en ce moment. Et si tu ls bien le texte d'Ugo jusqu'au bout, c'est précisément à un renouveau de ses images et de ses codes qu'il en appelle.

Je fais partie de ces gens qui ont la faiblesse de penser que nous avons sous la main, avec des gens comme Ugo justement, Xavier Mauméjean, Catherine Dufour, Jérôme Noirez, Alain Damasio, Stéphane Beauverger, Fabrice Colin, David Calvo Jean-Marc Agrati, etc... une génération de "jeunes auteurs" tout à fait à même de relever le défi. Le rapprochement qu'ils font naturellement avec les préoccupations des auteurs de la génération précédente, les Wagner, Lehman, Denis, Ecken, Berthelot, etc... est particulièrement significatif.
C'est LA question que j'ai posée récemment à Serge. Eux tous, auteurs de SF, sont-ils, doivent-ils être un groupe, assumer une identité culturelle, intellectuelle et politique, se désignant comme "les auteurs de SF français" (ancienne ou nouvelle génération) devant renouveler les images, les archétypes du genre ?

La nouvelle génération est intéressante à étudier sous l'angle de cette question de son "unité", parce que tous ces gens sont amis entre eux, la plupart du temps, ou, à tout le moins, se respectent profondément. Je me demande en quoi ces amitiés, ces fortes affinités politiques (au moins apparentes, et qui à mon sens n'en sont pas vraiment, si l'on examine auteur par auteur les convictions de chacun) mèneront chacun d'eux à bâtir des oeuvres originales, ou au contraire à n'être que l'expression d'un message collectif circonstancié, d'une pensée certes intelligente, mais trop politisée pour atteindre à la véritable littérature. (je ne dis pas que la littérature est par essence anti-politique, dés-engagée des enjeux du réel, j'énonce simplement une méfiance principielle contre l'énoncé ridicule mais souvent rencontré du "tout est politique", que même un Damasio, fer de lance de l'engagement d'Appel d'air, m'a bien volontiers concédé n'être qu'une formule pour les fats).

"Littérature de combat", oui, c'est une belle formule, que je reprendrais volontiers moi aussi pour définir la SF (au moins de façon normative), mais à condition que l'on comprenne que le combat, c'est moins celui de l'auteur contre on ne sait quelle illusion collective, ou contre des pouvoirs extérieurs subis (le plus souvent fantasmés, n'en déplaise aux défenseurs de la thèse d'une résurgence du bonapartisme français depuis cette année) que le combat qu'un livre doit susciter en chaque lecteur avec et contre lui-même. En ce sens, vous comprendrez vite pourquoi La Horde du Contrevent fut pour moi un livre de combat: parce qu'il m'a fait entrer dans une lutte intime avec certaines de mes convictions antérieures (primat de la singularité, de l'hapax, sur le "lien", les plans, et tout ce qu'Alain appelle d'un terme un peu vague "l'immanence").

Ce que Fabrice Colin suscite en moi par ses livres n'a rien à voir avec ce que Jérôme Noirez a suscité avec les Leçons, ni avec cette espèce d'étrange émotion à la fois douce et triste que Le goût de l'immortalité a provoquée en moi cet automne. Sans parler de la trilogie du dépassement de l'agonistique humaine qu'a proposée S. Beauverger.
Je me limite aux oeuvres, mais quelques échanges avec ces différents auteurs m'ont convaincu que leurs opinions étaient parfois franchement incompatibles entre elles.
Je ne vois un renouvellement profond de la science-fiction que par le haut, si je puis dire, c'est-à-dire par l'esthétique. Parce que réfléchir sur le style, sur l'esthétique, sur l'acte d'écrire de l'imaginaire, c'est déjà, en même temps, réfléchir sur tout le reste (la teneur et la valeur politique du livre écrit, notamment).

Tous ceux qui ont écrit, ou tenté d'écrire, un jour, savent que l'on croit raconter une histoire qui nous tient à coeur et semble originale, mais qu'au fond, on ne fait, au moins dans un premier temps, que solliciter plus ou moins consciemment des options idéologiques, des désirs ou des souvenirs enfouis, qui resurgissent transfigurés par l'acte d'imagination. C'est à mon sens pour cela que se préoccuper uniquement d'esthétique, c'est toujours en même temps élaborer une politique, une sociologie, une interprétation globale du monde, du désir, etc. Chassez les grands discours, ils reviennent au galop. Du coup, pas la peine de nous en badigeonner à la truelle les récits en s'auto-commentant...

C'est peut-être aussi pour cela que je suis moi aussi optimiste, d'un certain point de vue. Dans la liste de nouveaux que tu énumères, Eric, je repère d'abord des gens qui ont tous posé la question du style, et qui, quoi qu'ils en disent dans les interviews, ont finalement fait primer l'esthétique pure sur le discours. Je suis frappé de voir la forte identité stylistique d'une Catherine Dufour, par exemple: j'ai commencé à analyser ses procédés, l'équilibre global du récit, les rythmes, la fusion de l'idée et de la sensation (voyez le titre de son roman GPI), tout cela témoigne d'une vraie esthétique.
Pour des types comme Colin ou Noirez, quoi qu'on ait pensé de l'intérêt ou du sens ultimes de leurs derniers romans respectifs (moi j'y ai vu du sens, mais d'autres critiques meilleurs que moi n'en ont pas vu, ou n'y ont pas vu l'expression aboutie d'un vrai sens), tout notre milieu a souligné des talents de narration, une légèreté, une fluidité, une facilité à poser des ambiances, des mondes, en deux coups de cuillère à pot, qui sont frappantes et très agréables.

Ces styles, ces "voix" singulières que tous façonnent dans leur coin, c'est cela leur véritable pensée (une pensée n'a de valeur que propre, singulière, c'est-à-dire appropriée, singularisée), et c'est là que, comme auteurs d'imaginaire, à mon sens, tous ils font réellement acte de pensée. Et quand ça pense vraiment, comme c'est à mon sens le cas pour les Damasio, Beauverger, Dufour, Colin, Noirez, Calvo, mais aussi (et surtout?) Lehman, le sens politique de leurs oeuvres ne saurait être totalement oublié. Mieux encore: c'est parce qu'il provient d'une pensée par l'image (en SF et fantasy: par la création de monde) que ce sens politique parvient à se dégager, à se libérer, de la version la plus niaise et la plus fatiguée, la plus médiatiquement prostituée, de l'engagement politique compris comme unique possibilité de justifier l'homme.

Avatar du membre
Arnaldus
Messages : 80
Enregistré le : mar. oct. 31, 2006 8:37 pm

Message par Arnaldus » sam. déc. 29, 2007 10:29 pm

Concernant la SF et la Fantasy, c'est vrai que la Fantasy est souvent coupée du monde réel (elle ré-invente son univers, souvent fermé) tandis que la SF conserve presque toujours une référence à ce monde.

En ce sens, la Fantasy est donc plus 'stérile' (au sens biologique) que la SF qui reste 'contaminée' par le réel, et qui peut donc en parler, l'étudier, l'analyser.

(Nota: je ne voudrais pas généraliser. Il y a des exceptions, mais pour moi, en majorité, c'est ça)

Maintenant, et c'est peut-être une conséquence importante, la Fantasy est obligée de construire une intrigue et une histoire qui tienne toute seule, tandis que la SF peut parfois se contenter d'une simple métaphore.

De fait, le lecteur qui cherche d'abord une intrigue et une histoire, c'est à dire l'amateur de littérature populaire, est certain de la trouver (plus ou moins originale) en Fantasy, mais pas en SF.
Ce sont ces mises en phase, ma petite Laureline, ça me ravage je t’assure … (Mézière - Christin)
So, you wanna be a SFF writer ? http://cocyclics.org

Répondre

Retourner vers « Les événements salons/festivals/dédicaces »