Transhumain a écrit :
Sauf que tu n'as pas émis le moindre début de critique de mes hypothèses de travail sur la métamorphose. Pour être bien clair : ces hypothèses, si elles sont encore mal dégrossies, ne sont pas nées d'une envie soudaine de déblatérer sur un forum ou de nier la spécificité des genres, ou de réunir artificiellement ces genres, mais de réflexions passablement avancées (dont je ne suis ni l'initiateur ni la pierre angulaire mais le vil profiteur) sur les livres-univers. Or il est vite apparu (je n'ai hélas pas le temps de vous expliquer comment) que la distinction de genre n'était pas toujours opérante. Quand John Barth écrit en 1967 son remarquable article sur Beckett, Borges et Nabokov ("The Literature of Exhaustion"), n'importe quel clampin de Floride ou d'ailleurs peut lui répondre doctement, avec moult gloussements, qu'on ne mélange pas les carottes et les tomates au prétexte qu'elles sont dans le même tiroir du frigo. Mais, au final, l'article de Barth est infiniment fois plus intéressant, et pertinent, que la leçon assénée par notre docteur ès légumes...
Oh mais que tu sois sincère, je n'en doute pas. Qu'il soit possible de critiquer tes hypothèses, je n'en doute pas non plus. Mais, pour en revenir à mon exemple tchécoslovaque, ce n'est pas parce qu'on trouve tout un argumentaire étayé pour justifier l'union des deux peuples, que c'est pour autant pertinent et utile. Les Tchèques et les Slovaques se sont épuisés à se démontrer les uns les autres que le concept de "tchécoslovaquie" existait légitimement ou pas (pendant, allez, presque un siècle), les arguments ont même été présentés à Sèvres et Versailles en 1920. Cela a même justifié la destruction de l'Autriche-Hongrie.
N'empêche que désormais, Tchèques et Slovaques vivent dans deux pays différents et que trouver un livre écrit en slovaque dans une librairie de Prague relève de l'exploit.
Définir la SF, le fantastique, et la fantasy, ça n'a certes pas un grand intérêt, mais on définit un corpus, on distribue, on classifie. On détermine une sorte de moteur, ce qui donne une production identifiable.
Définir l'union de ces genres, c'est trouver un plus petit commun dénominateur. Une fois qu'on l'a trouvé, on en fait pas grand chose. Dire que la SF fait partie des genres de l'imaginaire, ça ne définit pas ce qu'est la SF, ca n'explique pas sa particularité (parce que sa particularité est sans doute plus à trouver dans sa différence que dans son caractère commun).
En revanche, expliquer comment ces trois genres se sont structurés dans le champ littéraires en se rapprochant, ça permet de comprendre pourquoi ils existent ensemble, pourquoi on peut passer de l'un à l'autre quand on est lecteur, ça définit les pratiques, etc.
Autrement dit, le concept de "littératures de l'imaginaire" n'a de sens que sur le plan sociologique. Et c'est ce qu'ont bien compris les initiateurs de la "ligue de l'imaginaire" : ils structurent le champ littéraire autour d'eux et le mot est un très bon outil pour ça. C'est parce qu'on peut y mettre n'importe quoi qu'ils peuvent s'en servir à leur avantage (qui est : vendre des livres).