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Hoêl
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Message par Hoêl » mar. août 16, 2011 11:39 pm

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caliban
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Message par caliban » mer. août 17, 2011 12:16 am

Lensman a écrit :
caliban a écrit :un ouvrage qui ne contient que des propos politiques de Café du Commerce
relève pour moi de l'arnaque s'il est vendu sous couvert d'une réputation SF.
Ce qui est compliqué, c'est aussi de savoir quelle est la culture politique commune
que l'on suppose être celle des lecteurs, pour pouvoir s'appuyer dessus et spéculer...
Evidemment. Le problème me semble exactement le même qu'en matière de culture
scientifique, et justifier un spectre de sophistication politique tout aussi étendu.
Et des seuils de tolérance similaires.
Erion a écrit :
caliban a écrit : que devient une "doctrine politique" développée sur Terre, où l'on a en
général le temps d'en appeler à toutes sortes d'instances avant de mourir de froid
ou de faim, dans un environnement étranger, comme celui de la Lune, où la survie
de l'individu est affaire de minutes lorsqu'il arrive à court d'air. Il me semble que ce
type d'expérience de pensée (dans The Moon Is a Harsh Mistress, par exemple,
pour rester avec RAH) relève directement de l'"empirical theory".
Non, the Moon is a Harsh Mistress, c'est de la doctrine politique, pas de la théorie
politique. C'est exactement du même ordre que ce qui était présent dans "Appel d'air".
S'il y a une réflexion politique de ce niveau dans Appel d'air, que je n'ai en effet pas
relu, je suis tout prêt à m'excuser platement... Tu penses à un texte ou à une idée
en particulier ?

Pour autant, tu procèdes par affirmations, sans le moins du monde commenter
l'exemple que je te propose. A quelle doctrine politique existante associes-tu l'idée
que le système politique dépend du rapport entre le temps caractéristique des
urgences vitales individuelles et celui de la réponse de la société ? Et si ce n'est
discuté nulle part ailleurs, où trouves-tu chez Heinlein la doctrine afférente ?
Ni l'un, ni l'autre ? Comment justifies-tu, alors, qu'elle ne relève pas de l'empirical
theory
?
Erion a écrit :Chez Heinlein, on reste dans de la doctrine politique, c'est la question du "bon gouvernement"
qui est centrale dans "The Moon is a Harsh Mistress", pasl'interprétation des faits.
Rectification : c'est la question qui t'intéresse, toi, dans ce roman. Tu me permettras
d'y chercher autre chose, ou du moins plus pointu, y compris du point de vue politique
— ne serait-ce que parce que cette question particulière est amplement traitée dans
des œuvres antérieures de Heinlein.
Erion a écrit :On apprend rien sur la nature du politique et les phénomènes sociaux
Si, donc : que leur dépendance envers les variations de contraintes environnementales,
assez anecdotique sur Terre, peut devenir dominante dans des environnements plus
exotiques. Sans être un historien des idées politiques (mais non sans avoir posé la
question à l'un ou l'autre), il me semble que c'est une idée originale (même si, comme
on me l'a fait remarquer, elle a des équivalents directs sur Terre, comme la réorganisation
des priorités et des obligations mutuelles dans des situations d'urgence ou de combat).
Erion a écrit : il présente une autre manière de concevoir les rapports entre individus,
avec un autre système de valeurs. Ce sont ces valeurs qui font sens
Non, donc. Ou pas seulement.
Erion a écrit : Heinlein est un doctrinaire,
Comment l'entends-tu ?
Un amateur de doctrines diverses et variées ? Assurément.
Un propagandiste d'une doctrine particulière ? Certainement pas !

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Lensman
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Message par Lensman » mer. août 17, 2011 8:28 am

caliban a écrit :
Lensman a écrit :
caliban a écrit :un ouvrage qui ne contient que des propos politiques de Café du Commerce
relève pour moi de l'arnaque s'il est vendu sous couvert d'une réputation SF.
Ce qui est compliqué, c'est aussi de savoir quelle est la culture politique commune
que l'on suppose être celle des lecteurs, pour pouvoir s'appuyer dessus et spéculer...
Evidemment. Le problème me semble exactement le même qu'en matière de culture
scientifique, et justifier un spectre de sophistication politique tout aussi étendu.
Et des seuils de tolérance similaires.
Il me semble que c'est curieusement plus compliqué.
Il existe un consensus assez large sur la valeur de la connaissance scientifique "dure". Il y a peu de remise en cause du "savoir" lui-même (je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais il y en a peu), il y a par contre vaste débat sur l'emploi de la connaissance scientifique. (Ma description est à la hache, je l'admets sans peine...)
Pour la politique, cela me semble très différent. Il y a évidemment des personnes très compétentes, qui connaissent bien mieux que la moyenne les systèmes et leur fonctionnement, mais leur savoir ne fait pas vraiment l'objet du type de "respect" (je cherche le bon terme) général dont bénéficie le savoir scientifique (même de la part de ceux qui s'en méfient). Je veux dire par là que, même à un niveau de culture relativement élevé du public, un personne qui est compétente pour parler de "politique" (au sens fonctionnement de la politique, système; etc...) bénéficiera d'un respect qui est davantage lié au fait que l'on sait que cette personne est capable de réfléchir à un haut niveau et dispose d'un forte culture très maîtrisée, davantage que pour la "valeur même" de son savoir. Sa formation est davantage respectée que son savoir "pur". Ce n'est pas le même type de respect que les sciences plus ou moins "dures" (je parle de notre société, aujourd'hui).
Disons que par exemple, pour revenir à la fiction, la "hard SF" très poussée aura droit à une considération respectueuse (pas forcément une affection...) élevée de la part des lecteurs, dont la plupart ne "comprennent" pas en détail, mais font confiance. Pour les spéculations politiques, cette "confiance" ne fonctionnera pas d'autorité, même si la spéculation est faite par un génie de Science-Po, et même si le public est très cultivé.
Aborder "de front" le problème de la politique en fiction, c'est forcément casse-gueule, même pour un auteur talentueux, compétent (tant que faire se peut) et qui a quelque chose à dire. Il est sans dote plus prudent pour lui d'aborder le problème par le biais de la SF sociologique ou anthropologique, en plaçant l'affaire sur une autre planète, dans un futur éloigné, en évitant ou en déguisant les parallèles trop visibles avec les situations "politiques" actuelles.
Il me semble presque impossible de mettre la SF qui s'intéresse de près aux situations politiques de l'avenir proche à l'abri des passions épidermiques et donc des diatribes et des noms d'oiseau. Un discours qui ne plait pas sera toujours ressenti comme soit relevant de la discussion de comptoir, soit de la complète invraisemblance utopique (ou dystopique), soit de la propagande (et toutes les combinaisons possibles de ces options...). C'est beaucoup trop "passionnel".
Mais cela ne doit pas discréditer par principe l'entreprise: ce type de SF, risqué, doit exister et est aussi passionnant, si on accepte de prendre un peu de distance. Cependant, il sera très rare de trouver des oeuvres faisant consensus sur leur qualité (*) (cela fait leur prix...).

(*) Par pitié, éviter les jugements du genre: "C'est bien écrit (sic), mais quelle naïveté politique!"

Oncle Joe

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Erion
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Message par Erion » mer. août 17, 2011 9:02 am

caliban a écrit : Pour autant, tu procèdes par affirmations, sans le moins du monde commenter
l'exemple que je te propose. A quelle doctrine politique existante associes-tu l'idée
que le système politique dépend du rapport entre le temps caractéristique des
urgences vitales individuelles et celui de la réponse de la société ? Et si ce n'est
discuté nulle part ailleurs, où trouves-tu chez Heinlein la doctrine afférente ?
Ni l'un, ni l'autre ? Comment justifies-tu, alors, qu'elle ne relève pas de l'empirical
theory
?
Parce que c'est un discours sur des valeurs, pas sur des faits. Heinlein ne spécule pas à partir des faits, il définit des valeurs et les met en scène.
Toute la discussion sur le libertarianisme a bien montré que ses idées n'avaient que peu à voir avec la réalité des faits politiques et qu'il y avait beaucoup plus une idéologie que des analyses scientifiques.
Personnellement, ça ne me dérange pas, mais qu'on ne vienne pas me dire qu'il faisait de la science politique. Il est un objet d'analyse intéressant, ce qui est déjà bien.
Erion a écrit :Chez Heinlein, on reste dans de la doctrine politique, c'est la question du "bon gouvernement"
qui est centrale dans "The Moon is a Harsh Mistress", pasl'interprétation des faits.
Rectification : c'est la question qui t'intéresse, toi, dans ce roman. Tu me permettras
d'y chercher autre chose, ou du moins plus pointu, y compris du point de vue politique
— ne serait-ce que parce que cette question particulière est amplement traitée dans
des œuvres antérieures de Heinlein.
[/quote]

Nan, nan. Chez Heinlein, c'est la question du "bon gouvernement" qui prime. C'est la même question chez Platon, chez Machiavel, chez tout un tas d'auteurs, fort respectables au demeurant, qui cherchent un optimum politique.
Mais ce n'est rien de scientifique, au sens de la pure théorie.
Je t'accorde qu'en général, les idéologues tentent d'expliquer que leur doctrine repose sur des faits et pas sur des valeurs, mais c'est juste pour légitimer.

Erion a écrit :O
Si, donc : que leur dépendance envers les variations de contraintes environnementales,
assez anecdotique sur Terre, peut devenir dominante dans des environnements plus
exotiques. Sans être un historien des idées politiques (mais non sans avoir posé la
question à l'un ou l'autre), il me semble que c'est une idée originale (même si, comme
on me l'a fait remarquer, elle a des équivalents directs sur Terre, comme la réorganisation
des priorités et des obligations mutuelles dans des situations d'urgence ou de combat).
Sauf que tout ça, c'est pour mieux mettre en avant ses valeurs, pas pour faire de la théorie politique. C'est de la pure idéologie. Heinlein est quelqu'un d'intelligent, il le fait de manière détournée, mais le propos est bien clair.

Erion a écrit : Heinlein est un doctrinaire,
Comment l'entends-tu ?
Un propagandiste d'une doctrine particulière ? Certainement pas !
Quelqu'un qui met en scène ses valeurs politiques. Elles peuvent évoluer, être complexes, ambiguës, mais la démarche est doctrinaire, pas scientifique.
Comme le souligne Lensman, l'approche "scientifique" de la politique est difficile. Pour m'y connaître un peu dans ce domaine, je la trouve rarement, et j'ai souligné certains cas, pas toujours en SF. On trouve beaucoup d'idéologues (et Heinlein en est un, le nier me paraît totalement aberrant), mais peu qui savent prendre le fait politique en lui-même et le fictionnaliser.
Ca tient au fait, aussi, que le "fait politique" se mélange avec les "idées politiques" et qu'il est très difficile de séparer l'un de l'autre dans une fiction. A part entre scientifiques, les quarks et les électrons ne sont pas des enjeux émotionnels majeurs dans la population, il est possible d'être neutre. Dès que ça parle politique (ou religion), cette neutralité est très difficile à avoir.
Même si ça m'énerve parfois, je préfère des propos politiques clairs, même naïfs, comme dans Appel d'Air, que des systèmes prétendument "scientifiques" mais qui cachent leur idéologie. Il est beaucoup plus facile de faire le tri dans l'un que dans l'autre.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Lensman
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Message par Lensman » mer. août 17, 2011 9:17 am

Erion a écrit : Même si ça m'énerve parfois, je préfère des propos politiques clairs, même naïfs, comme dans Appel d'Air, que des systèmes prétendument "scientifiques" mais qui cachent leur idéologie. Il est beaucoup plus facile de faire le tri dans l'un que dans l'autre.
Je suis d'accord, ça peut être très énervant. Mais c'est toujours mieux, de mon point de vue, que la fausse profondeur, qui consiste à faire croire que l'on s'appuie sur de la science, alors que l'on s'appuie sur l'idéologie. Ce qui est amusant, c'est qu'il est souvent assez facile de détecter telle ou telle idéologie, même si on n'est pas un expert...

Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le mer. août 17, 2011 9:37 am, modifié 1 fois.

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silramil
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Message par silramil » mer. août 17, 2011 9:32 am

Je suis d'accord avec l'oncle Joe sur la différence de statut entre sciences, d'autant que les sciences politiques ne semblent pas être si "scientifiques" : elles sont par nature exploratoires et leurs conditions d'application se modifient irrémédiablement au fil du temps.

De plus, comme tout ce qui touche aux sciences humaines, la politique et les systèmes d'organisation des sociétés concernent des aspects culturels, qui provoquent un positionnement émotionnel de la part des lecteurs, alors que les positionnements résultant d'une spéculation sur des sciences "dures" seront en grande partie rationnels. La partie émotionnelle portera sur l'usage fait d'éventuelles découvertes.

Pour prendre l'exemple de la trilogie martienne de Robinson, le lecteur aura le sentiment de s'informer sur des possibilités effectives portant sur la terraformation (plantes ogm pour fabriquer de l'oxygène, construction et fonctionnement d'un ascenseur spatial, ce genre de choses) ; ce n'est que dans un deuxième temps qu'il prendra position concernant leur usage (pour ou contre une terraformation ? quel est le meilleur système d'adaptation?).
Et c'est à ce niveau qu'il rencontre une réflexion sur l'organisation politique. Là, sans parler même des moyens techniques (qui ne sont que des variables), le lecteur a tendance à prendre position tout de suite, à se mettre à la place des personnages. Robinson a l'habileté de montrer les difficultés des personnages eux-mêmes à se déterminer, ce qui évite que le lecteur éprouve une trop forte antipathie, mais on se sent appelé à s'impliquer au côté de telle ou telle faction.

Informées par sa subjectivité, ses opinions et ses connaissances entrent en compétition directe avec celles de l'auteur. Là où la partie scientifique peut être acceptée sans discussion, ou en mettant entre parenthèses certains doutes (c'est de la spéculation après tout), la partie "politique" est faite pour être jugée et non simplement apprise ou admirée.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

caliban
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Message par caliban » dim. août 21, 2011 5:30 pm

Erion a écrit :Heinlein (...) définit des valeurs et les met en scène.
Ça s'appelle poser un personnage, non ?
Toute la discussion sur le libertarianisme a bien montré que ses idées n'avaient que peu à voir avec la réalité des faits politiques et qu'il y avait beaucoup plus une idéologie que des analyses scientifiques.
Non. Tu confonds les thèses des - de certains - personnages avec celles de l'auteur.

Pour toute "valeur" ou "idéologie" que tu lui prêtes au vu de l'une de ses fictions ou de l'un de ses personnages, je me fais fort d'en trouver un autre dans son œuvre qui induit la conclusion inverse. C'est même l'un de ses petits jeux favoris.

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Erion
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Message par Erion » dim. août 21, 2011 6:05 pm

caliban a écrit : Pour toute "valeur" ou "idéologie" que tu lui prêtes au vu de l'une de ses fictions ou de l'un de ses personnages, je me fais fort d'en trouver un autre dans son œuvre qui induit la conclusion inverse. C'est même l'un de ses petits jeux favoris.
On peut avoir différentes idéologies, selon les ouvrages, ça n'en reste pas moins de l'idéologie et pas de la théorie politique.
Heinlein est profondément idéologue, ça se voit dans sa manière d'aborder le politique. Il ne fait pas de spéculation scientifique à partir de faits politiques.
Il ne raisonne qu'en termes de valeurs, pas en termes de faits politiques.

Autant je peux trouver des choses intéressantes en terme de théorie politique chez Banks (sur la question des institutions notamment et de la symbolique politique) autant on ne trouve rien de cela chez Heinlein. D'ailleurs, les principaux articles sur le politique chez Heinlein traitent de sa doctrine politique, pas de la théorie politique (au sens spéculation à partir de faits). Dans Political Science-Fiction, les deux articles évoquant Heinlein parlent de valeurs et traitent des doctrines politiques. A chaque fois, les idées exprimées dans les romans d'Heinlein sont reliées à des idéologies.
Le fait que l'idéologie d'Heinlein soit complexe n'enlève rien au fait qu'il est un idéologue.
Tu crois sans doute que l'idéologue est quelqu'un de simpliste, unidimensionnel. Désolé, mais ce n'est pas si simple.

Les ouvrages de SF qui traitent du politique comme je peux le voir en science politique sont très rares, vraiment. En tant que vecteur d'idéologies politiques, la SF est un vaste et intéressant sujet d'études, et c'est déjà pas mal.
Mais bon, contrairement à toi, je ne pense pas que l'idéologie en littérature soit le mal absolu.
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caliban
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Message par caliban » dim. août 21, 2011 11:58 pm

Erion a écrit :Les ouvrages de SF qui traitent du politique comme je peux le voir en science politique
sont très rares, vraiment.
Là, je te crois sur parole. Dans la mesure où je ne suis toujours pas sûr de bien voir ce
que tu entends par "théorie politique" (en tout cas, il semble clair que nous n'employons
pas le terme de "théorie" dans la même acception), je suis aussi tout prêt à admettre
que, au sens où tu l'entends, on n'en trouve pas chez RAH.
Erion a écrit :On peut avoir différentes idéologies, selon les ouvrages, ça n'en reste pas moins
de l'idéologie et pas de la théorie politique.
Heinlein est profondément idéologue, ça se voit dans sa manière d'aborder le politique.
Si, comme tu sembles le suggérer dans un précédent message, en matière politique,
tu définis "idéologue" par opposition à "scientifique", tu as tout à fait raison.
(D'un autre côté, à ce tarif, il ne faudra pas me pousser beaucoup pour estimer
que les études en "sciences politiques" ne produisent que de purs "idéologues".
Mais c'est un autre débat, et en effet difficile.)
Erion a écrit :Il ne fait pas de spéculation scientifique à partir de faits politiques.
Tout dépend donc de ce que tu entends par "scientifique".
Heinlein fait de la spéculation sociale et politique à partir de contraintes imaginaires,
d'ordre physique, géographique, social ou politique. Et contrairement aux réductionnistes
ès sciences politiques, il ne présuppose qu'elles sont décorrélées que dans ses romans
pour adolescents.
Erion a écrit :Il ne raisonne qu'en termes de valeurs, pas en termes de faits politiques.
Je sens qu'il va falloir que tu définisses aussi ce qu'est pour toi un "fait politique"...
Erion a écrit : les principaux articles sur le politique chez Heinlein traitent de sa doctrine
politique, pas de la théorie politique (au sens spéculation à partir de faits). Dans
Political Science-Fiction, les deux articles évoquant Heinlein parlent de valeurs et
traitent des doctrines politiques. A chaque fois, les idées exprimées dans les romans
d'Heinlein sont reliées à des idéologies.
Il me semble que ça établit surtout 1/ que tu ne reconnais comme significatifs que
les articles approchant la question politique de la même façon que toi (ce qui n'est
pas illégitime, mais n'a certainement rien de général, ni ne leur confère d'autorité
particulière) et 2/ que ceux-là ne s'intéressent, chez Heinlein, qu'à la doctrine politique.
Surprise.

Erion a écrit :Mais bon, contrairement à toi, je ne pense pas que l'idéologie en littérature
soit le mal absolu.
Erion a écrit : Tu crois sans doute que l'idéologue est quelqu'un de simpliste, unidimensionnel.
Non. Je crois surtout qu'on a toujours tort de prêter aux autres des idées stupides.
Personne n'est dupe.

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Erion
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Message par Erion » lun. août 22, 2011 9:06 am

caliban a écrit : (D'un autre côté, à ce tarif, il ne faudra pas me pousser beaucoup pour estimer
que les études en "sciences politiques" ne produisent que de purs "idéologues".
Mais c'est un autre débat, et en effet difficile.)
Pas vraiment difficile. La science politique produit autant de science que la physique. On peut s'interroger sur le degré de scientificité des sciences molles, mais après 10 ans d'études dans la discipline, je peux t'assurer que la science politique existe.
Après, tout est question de paradigme. Avant Copernic, l'astronomie existait, mais selon un certain paradigme, pareil avant Einstein.
Mais bon, comme disait Lensman, la plupart des gens pensent avoir un avis sur ce qu'est la politique rien qu'en lisant le journal, alors leur parler science...
Erion a écrit : Heinlein fait de la spéculation sociale et politique à partir de contraintes imaginaires,
d'ordre physique, géographique, social ou politique.
Nan. Il créé les conditions physiques, géographique et autres pour prouver son idéologie, ce qui est différent. C'est la différence avec la Culture de Banks. On connaît les idées politiques de Banks, il ne s'en cache pas, mais les romans ne se contentent pas de prouver la supériorité de ses valeurs sur tout le reste. Il regarde comment la Culture s'adapte à un problème, une contradiction. "Excession" est un cas typique.
On voit à quel point ce n'est pas une démarche si évidente, car certains commentateurs voient ces romans comme des attaques contre la société anarcho-libérale (au sens moral) incarnée par la Culture. Or, dans des interviews, il n'y a aucun doute sur les penchants de Banks.
"A few Notes about Culture", détaille toutes les conditions, et on peut en déduire les conséquences sans faire intervenir une doctrine politique quelconque (d'ailleurs, ce serait difficile, vu que cette doctrine change selon l'échelle considérée).
Idem chez Le Guin, qui n'a pas écrit "Les dépossédés" pour prouver une doctrine politique, mais pour évaluer ce qu'est une doctrine en fonction du contexte. Et comment elle se modifie.
Erion a écrit : Il me semble que ça établit surtout 1/ que tu ne reconnais comme significatifs que
les articles approchant la question politique de la même façon que toi (ce qui n'est
pas illégitime, mais n'a certainement rien de général, ni ne leur confère d'autorité
particulière) et 2/ que ceux-là ne s'intéressent, chez Heinlein, qu'à la doctrine politique.
Surprise.
Ma séparation entre doctrine et théorie n'est pas "particulière", c'est un aspect fondamental de la science politique. C'est marrant quand même cette manière qu'on les scientifiques des sciences dures de croire qu'ils sont les seuls dépositaires du degré de scientificité. Les autres sciences ne seraient que de l'idéologie en somme. Je ne te reproche pas de ne rien connaître à la démarche scientifique dans les sciences sociales, ce serait cependant bien que tu admettes qu'elle existe (aussi imparfaite qu'elle soit, vu le sujet). Et il ne tient qu'à toi de citer des articles sur la théorie politique chez Heinlein.
Ce que tu ne veux pas admettre, c'est que "Appel d'air" et les romans d'Heinlein se placent dans la même catégorie.
Pourtant, ça serait plus simple.
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caliban
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Message par caliban » lun. août 22, 2011 10:23 am

Erion a écrit : Mais bon, comme disait Lensman, la plupart des gens pensent avoir un avis
sur ce qu'est la politique rien qu'en lisant le journal
Et ils ont absolument raison. La politique, c'est ce "qui a rapport aux affaires publiques"
(selon la première définition du Littré). Elle existait bien avant qu'une communauté
académique n'en fasse son objet d'étude, et existera toujours bien après que celle-ci
aura été oubliée, heureusement. Et s'il est très naturel qu'une discipline définisse son
propre jargon technique pour mieux travailler, elle n'est en aucune façon fondée à
l'imposer au-delà — et d'autant moins lorsqu'il s'agit d'un vocabulaire de récupération,
donnant de nouvelles définitions à des termes consacrés par l'usage commun.
Erion a écrit : La science politique produit autant de science que la physique.
Je doute que la comparaison ait beaucoup de sens mais, en admettant qu'elle soit
raisonnable, je demande à voir. Si l'on juge l'arbre à ses fruits, les applications des
sciences politiques me semblent pour le moins discutables.
Erion a écrit : Ce que tu ne veux pas admettre, c'est que "Appel d'air" et les romans d'Heinlein
se placent dans la même catégorie.
En effet, je ne suis pas près de l'admettre — ni en termes de qualité littéraire, ni en
termes de démarche, et encore moins de courage politique. Quand Heinlein décidait
de combattre une idée politique, il ne s'achetait pas une bonne conscience avec une
nouvelle facile : il descendait dans l'arène, quel qu'en soit le coût personnel.
Erion a écrit :
Caliban a écrit : Heinlein fait de la spéculation sociale et politique à partir de contraintes
imaginaires, d'ordre physique, géographique, social ou politique.
Nan. Il créé les conditions physiques, géographique et autres pour prouver son
idéologie, ce qui est différent.
Pour la n-ième fois : tu as un exemple particulier, sur lequel on pourrait discuter
concrètement, plutôt que de procéder par affirmations générales et de pure autorité ?
C'est ça, la méthode "scientifique" des "sciences politiques" ?

Pour moi, je vois une paire de romans très précoces — For Us the Living et L'Enfant de
la science
, disons — et une autre de nouvelles — comme « Solution non satisfaisante »,
qui vient d'être enfin publiée en français au Somnium (avec un dossier tentant entre
autres d'en préciser l'idéologie sous-jacente, en effet) et chez ActuSF — qui correspondent
peu ou prou à ta caractérisation. C'est peu, sur une œuvre d'un demi-siècle...
(et encore, For Us the Living relèverait plutôt de la "théorie politique", si je
comprends bien ce que tu entends par là dans un contexte fictionnel)
Erion a écrit : C'est la différence avec la Culture de Banks. On connaît les idées politiques
de Banks, il ne s'en cache pas, mais les romans ne se contentent pas de prouver
la supériorité de ses valeurs sur tout le reste.
Ceux de Heinlein non plus. Tu ne les as pas bien lus, ou pas bien compris.
(oui, c'est aussi un argument d'autorité, en attendant de pouvoir discuter sur pièces !)

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Sand
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Message par Sand » lun. août 22, 2011 10:35 am

Erion a écrit :
Nan. Il créé les conditions physiques, géographique et autres pour prouver son idéologie,
merdoum, moi qui pensait qu'il créait des conditions de mise en scène, pour voir ce qui pouvait bien se passer.

Comme un écrivain, quoi.

La base de la SF, me semble-t-il : Et si ?

Et en fait non, il écrivait pour prouver ?

Ralalalala.
Tout faux.

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Erion
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Message par Erion » lun. août 22, 2011 11:00 am

caliban a écrit :
Erion a écrit : Mais bon, comme disait Lensman, la plupart des gens pensent avoir un avis
sur ce qu'est la politique rien qu'en lisant le journal
Et ils ont absolument raison. La politique, c'est ce "qui a rapport aux affaires publiques"
(selon la première définition du Littré). Elle existait bien avant qu'une communauté
académique n'en fasse son objet d'étude, et existera toujours bien après que celle-ci
aura été oubliée, heureusement. Et s'il est très naturel qu'une discipline définisse son
propre jargon technique pour mieux travailler, elle n'est en aucune façon fondée à
l'imposer au-delà — et d'autant moins lorsqu'il s'agit d'un vocabulaire de récupération,
donnant de nouvelles définitions à des termes consacrés par l'usage commun.
Evidemment, si pour toi, le Littré est un outil scientifique suffisant pour définir ce qu'est la politique, la science devient quelque chose très simple. Je me demande si on peut faire de la science physique en utilisant le Littré, tiens. C'est un dictionnaire si moderne...
On se demande vraiment pourquoi des dizaines et des dizaines de chercheurs ont pondu des milliers et des milliers de texte pour définir "la politique". Il suffisait de prendre le Littré. Ah, les idiots.

Erion a écrit : Je doute que la comparaison ait beaucoup de sens mais, en admettant qu'elle soit
raisonnable, je demande à voir. Si l'on juge l'arbre à ses fruits, les applications des
sciences politiques me semblent pour le moins discutables.
Parce que la production de connaissance, ça n'est pas une preuve suffisante ?
Même le Prince n'a pas suivi Machiavel. Le but d'un politiste n'est pas d'orienter la politique des princes (même si beaucoup le souhaiteraient).
Je crois que personne n'a jamais reproché à un astronome de ne pas être en mesure de déplacer lui-même la lune.
C'est pour ça que doctrine politique et théorie politique sont séparés. La doctrine (l'idéologie) a pour mission d'orienter les hommes politiques, pas la science qui se contente d'analyser les faits et de produire de la connaissance. Les hommes politiques font ce qu'ils veulent de cette connaissance, et c'est très bien ainsi.
La science politique peut être une science, mais la politique n'en est pas une (et n'en sera jamais une, par nature).

Erion a écrit : En effet, je ne suis pas près de l'admettre — ni en termes de qualité littéraire, ni en
termes de démarche, et encore moins de courage politique. Quand Heinlein décidait
de combattre une idée politique, il ne s'achetait pas une bonne conscience avec une
nouvelle facile : il descendait dans l'arène, quel qu'en soit le coût personnel.
Ce n'est que de la littérature, les concept d'arène et de "coût personnel" sont vraiment hors de propos. Et puis on ne mesure par le degré de scientificité au degré de courage politique. Que tu préfères les options d'Heinlein à celles de Damasio, pourquoi pas, mais ce que tu acceptes du premier, tu dois l'accepter du second.
Je rappelle qu'au départ, tu disais que le caractère indigne d'Appel d'Air était lié au fait que comme c'est de la SF, il faut que l'aspect politique soit spéculatif et pas idéologique. Il se trouve que Heinlein et Appel d'Air sont tous les deux dans une démarche idéologique, pas la même, mais le même esprit.
Il me suffit que tu admettes que tu valorises plus la démarche idéologique d'Heinlein que celle d'Appel d'Air, mais ce serait bien de ne pas faire intervenir la spéculation scientifique là-dedans.


Erion a écrit : Pour la n-ième fois : tu as un exemple particulier, sur lequel on pourrait discuter
concrètement, plutôt que de procéder par affirmations générales et de pure autorité ?
C'est ça, la méthode "scientifique" des "sciences politiques" ?
Dans political science-fiction (Hassler/Wilcox), une étude porte sur "The Moon is a Harsh Mistress", "The Dispossessed" et "Triton". La partie sur le roman de Heinlein porte quasi exclusivement sur les valeurs. Il y a la même chose aussi sur Starship Troopers et la Démocratie.
Ce n'est même pas moi qui le dit, ce sont d'autres chercheurs. Après, il y a toujours, chez les idéologues les plus consciencieux, la volonté de faire passer leurs idées pour des faits scientifiques, pour autre chose que des valeurs, des jugements sur ce que "devrait être" un bon gouvernement. C'est une démarche classique d'idéologue. De la même manière que les créationnistes tentent de prouver avec des faits qu'ils ont raison. C'est quand on remonte aux faits qu'on s'aperçoit que ça ne tient pas la route scientifiquement.
Dans la discussion sur le libertarianisme et la place de l'Etat, il a été montré que cette position ne tenait pas avec l'évolution des sociétés, leur complexification. C'est juste une idée, mais si on la ramène au concret de la réalité sociale, économique et politique, ce n'est tout simplement pas applicable en tant que tel.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Erion
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Message par Erion » lun. août 22, 2011 11:03 am

Sand a écrit :
Erion a écrit :
Nan. Il créé les conditions physiques, géographique et autres pour prouver son idéologie,
merdoum, moi qui pensait qu'il créait des conditions de mise en scène, pour voir ce qui pouvait bien se passer.

Comme un écrivain, quoi.

La base de la SF, me semble-t-il : Et si ?

Et en fait non, il écrivait pour prouver ?

Ralalalala.
Tout faux.
Hé oui, c'est ça, l'idéologie.
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Omnibus
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Message par Omnibus » lun. août 22, 2011 11:03 am

merdoum, moi qui pensait qu'il créait des conditions de mise en scène, pour voir ce qui pouvait bien se passer.

Comme un écrivain, quoi.

La base de la SF, me semble-t-il : Et si ?

Et en fait non, il écrivait pour prouver ?

Ralalalala.
Tout faux.
Je ne crois pas que ce soit une aberration majeure de constater que certains auteurs mettent en place des éléments et les développent de façon à illustrer la justesse de leurs opinions, à "prouver" que tel ou tel truc est à favoriser. La spéculation peut être clairement orientée idéologiquement.

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