La Ligue de l'imaginaire...

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Nicky
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Message par Nicky » mar. juin 02, 2009 8:43 pm

Erion a écrit :
MF a écrit : Depuis un demi-siècle, ce questionnement plein de verve et de talent -dans le meilleur des cas de noms d'oiseaux- sur le caractère extrinsèque ou intrinsèque au regard des canons du genre reste un des moyens les plus sûrs pour affirmer qu'elle fait partie de la SF.
Je signale, quand même, que sans les taxinomistes, ceux qui classifient les espèces, cherchent des caractères définissant des sous-groupes, et sous-sous-groupes, on aurait jamais eu la théorie de Darwin.
S'il n'y avait qu'une vaste catégorie appelée "oiseaux", on apprendrait toujours que Dieu a créé l'Homme à son image.
Malheureusement, ces enfoirés de généticiens ont découvert que le génome de l'humanité est suffisamment identique quel que soit l'ethnie pour rendre le concept de race obsolète, hélas donnant une forte montée des arguments des "humanistes".
Alors que franchement "humain", c'est vraiment trop vague pour être exploitable ou signifier quelque chose, quand on y met des choses aussi dissemblables que le géant scandinave et le pygmée africain.

(Non non, c'est juste que bon, faut comparer ce qui est comparable hein.)

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Erion
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Message par Erion » mar. juin 02, 2009 8:45 pm

Nicky a écrit : Malheureusement, ces enfoirés de généticiens ont découvert que le génome de l'humanité est suffisamment identique quel que soit l'ethnie pour rendre le concept de race obsolète, hélas donnant une forte montée des arguments des "humanistes".
Alors que franchement "humain", c'est vraiment trop vague pour être exploitable ou signifier quelque chose, quand on y met des choses aussi dissemblables que le géant scandinave et le pygmée africain.
Je parlais histoire des sciences. C'est parce que des gens ont catalogué les espèces qu'on a pu mettre au point la théorie de l'évolution.
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M le maudit
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Message par M le maudit » mer. juin 03, 2009 9:56 am

Je suis pas sûr que la distinction entre les genres littéraires soit aussi facile à établir que la différence entre une fourmi et un termite (pour prendre un exemple qui soit en rapport avec un des membres de la ligue des imaginaires) ou entre une palourde et un ours.

Après tout, Marc Lévy, dont les titres d'ouvrages (j'ai du mal à employer oeuvres dans ce cas précis) suffisent à me faire fuir, écrit de la littérature (ou en tout cas est étiquetté comme tel) et appartiendrait donc au même "genre" qu'un Hugo. Personnellement, j'ai du mal, mais pourtant, aucune étiquette ne permet de les distinguer sur le papier. Enfin, façon de parler parce qu'en vrai, je ne doute pas qu'il y en ait une sacrée, de différence.

Tout ça pour dire que comparer la définition des genres littéraires avec la classification des espèces me semble hors de propos...
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Message par Lensman » mer. juin 03, 2009 10:01 am

Nicky a écrit :.
Alors que franchement "humain", c'est vraiment trop vague pour être exploitable ou signifier quelque chose, quand on y met des choses aussi dissemblables que le géant scandinave et le pygmée africain.

(Non non, c'est juste que bon, faut comparer ce qui est comparable hein.)
Tiens, c'est vrai, je me suis souvent demandé ce que ça donnerait, un film historique se passant chez les vikings où tous les acteurs seraient noirs. Un autre avec Conan joué par un pygmée africain (tu me diras qu'il a bien été joué par un Autrichien)...
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Message par M le maudit » mer. juin 03, 2009 10:08 am

Et inversement, le film Zoulou avec de grands guerriers blonds armés de sagaies face à de courageux soldats britanniques noirs dans de superbes (et très fonctionnels) uniformes rouges boutonnés jusqu'au col.
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Message par Lensman » mer. juin 03, 2009 10:20 am

M le maudit a écrit :Et inversement, le film Zoulou avec de grands guerriers blonds armés de sagaies face à de courageux soldats britanniques noirs dans de superbes (et très fonctionnels) uniformes rouges boutonnés jusqu'au col.
... ça serait un truc à la Monty Python ! (aussi bien, ils l'ont fait...)
Enfin, ça montre que ces classifications, peu humanistes, sont tout de même utiles pour les responsables de casting...
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Message par Erion » mer. juin 03, 2009 10:25 am

M le maudit a écrit : Tout ça pour dire que comparer la définition des genres littéraires avec la classification des espèces me semble hors de propos...
C'est pour ça que la taxinomie moderne a une composante statistique.
Le tout est de savoir à partir de quand on change d'espèce ou de genre.
Donc oui, Marc Lévy, c'est de la littérature. Ce n'est pas du tricot, ni de la forge à haute température. Il y a des humains gentils, des méchants, des juifs, des musulmans, mais ils font tous partie de l'espèce humaine. En revanche, ils ne sont ni des insectes, ni des oiseaux. Dire qu'ils font partie des "êtres vivants" ne mène pas à grand chose.

Je me souviens que dans la seule libraire de ma ville quand j'étais lycéen, le libraire (elle a fermé, heureusement) avait eu l'idée de mettre TOUS les poches dans les mêmes rayonnages, mélangeant SF, fantasy, littérature, etc. En pratique, pour qui n'est pas aguerri, c'est indémerdable. Tu te retrouves à chercher les ouvrages en regardant vaguement le dos s'il est d'une certaine couleur, de loin.
Bref, on y retrouve rien. Du coup, on ne va en librairie QUE pour chercher un ouvrage précis, dont on connaît le nom. Ca restreint énormément le choix et interdit la découverte.
Quand on est un peu plus expérimenté ou ouvert d'esprit, c'est pas très grave, parce qu'on peut lire de tout. Mais ce n'est pas la majorité. La proportion d'ouvrages de littérature générale étant tellement plus grande que celle d'ouvrages de SF, un auteur n'est trouvable que s'il a écrit BEAUCOUP de livres et fait masse dans les rayons. Ca avantage donc les écrivains prolifiques ou qui font des gros livres bien épais.
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Message par M le maudit » mer. juin 03, 2009 10:29 am

Lensman a écrit : ... ça serait un truc à la Monty Python ! (aussi bien, ils l'ont fait...)

Oncle Joe
ça ne m'étonne pas d'eux. Dans laquelle de leurs oeuvres ? Le film Zoulou étant un de mes classiques de quand j'étais tout petit, ça me fera rudement plaisir de voir une pastiche :lol:

Et un western avec des indiens en uniformes sabrant de la racaille blanche, ça doit bien se trouver non ? Mel Brooks s'y sera bien collé à défaut des Monty Python, non ? Dans le shériff est en prison, je n'ai pas souvenir d'indiens (en tout cas pas en uniformes), mais ça remonte à assez loin, même pour le blanc-bec que je suis...
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Message par M le maudit » mer. juin 03, 2009 11:44 am

Erion a écrit :
M le maudit a écrit : Tout ça pour dire que comparer la définition des genres littéraires avec la classification des espèces me semble hors de propos...
C'est pour ça que la taxinomie moderne a une composante statistique.
Le tout est de savoir à partir de quand on change d'espèce ou de genre.
Donc oui, Marc Lévy, c'est de la littérature. Ce n'est pas du tricot, ni de la forge à haute température. Il y a des humains gentils, des méchants, des juifs, des musulmans, mais ils font tous partie de l'espèce humaine. En revanche, ils ne sont ni des insectes, ni des oiseaux. Dire qu'ils font partie des "êtres vivants" ne mène pas à grand chose.

Je me souviens que dans la seule libraire de ma ville quand j'étais lycéen, le libraire (elle a fermé, heureusement) avait eu l'idée de mettre TOUS les poches dans les mêmes rayonnages, mélangeant SF, fantasy, littérature, etc. En pratique, pour qui n'est pas aguerri, c'est indémerdable. Tu te retrouves à chercher les ouvrages en regardant vaguement le dos s'il est d'une certaine couleur, de loin.
Bref, on y retrouve rien. Du coup, on ne va en librairie QUE pour chercher un ouvrage précis, dont on connaît le nom. Ca restreint énormément le choix et interdit la découverte.
Quand on est un peu plus expérimenté ou ouvert d'esprit, c'est pas très grave, parce qu'on peut lire de tout. Mais ce n'est pas la majorité. La proportion d'ouvrages de littérature générale étant tellement plus grande que celle d'ouvrages de SF, un auteur n'est trouvable que s'il a écrit BEAUCOUP de livres et fait masse dans les rayons. Ca avantage donc les écrivains prolifiques ou qui font des gros livres bien épais.
Je ne conteste pas la validité d'une classification (je travaille dans une bibliothèque, où c'est un peu la base :wink: ), mais la pertinence de la comparaison avec les espèces et les sous-espèces animales.

Ceci dit, évidemment que en librairie ou en bibliothèque, classer les ouvrages par genre a du sens sinon pour les libraires / bibliothécaires, tout du moins pour les lecteurs qui, non seulement l'apprécie mais encore l'encourage. Je sais que si les oeuvres de SFFF étaient classées en vrac avec le reste de la littérature (polars compris), il ne se passerait pas trois jours avant que nous nous fassions engueuler par les lecteurs parce qu'ils ne retrouvent pas leurs auteurs / livres fétiches...

Il y a donc, de la part même du lectorat un désir de cloisonnement, qui peut même avoir un côté valorisant du type : "la SF toute pourrie dans son coin de péstiféré" vs les "vrais" livres. Et l'inverse est bien sûr vrai des lecteurs Sf qui s'enorgueillissent d'être les seuls à "savoir" et à lire leurs romans.

Bien sûr je caricature. Les lecteurs n'en sont pas à ce point là (encore que, pour certains...) et les jugements ne sont pas aussi tranchés et les esprits pas si fermés.En tout cas de la part des lecteurs de SF qui ne lisent pas QUE ça dans leur grande majorité. L'inverse est loin d'être vrai, il y a énormément de lecteurs de polars exclusivement ou de polars et de romans (c'est la distinction standard en bibli : romans, policiers et SF, on est encore loin de débattre de l'imaginaire :) ) et qui Ô grand jamas ne voudront toucher un livre de SF !

La lutte est rude, mais je veux croire qu'il est possible d'amener des gens à découvrir la SF malgré ça. Et force est de constater qu'inclure Weber dans la SF en bibliothèque, c'est amener du monde dans le rayon et on peut souhaiter ô miracle ! qu'un jour il pioche à côté... L'étiquette imaginaire ne serait de ce point de vue là, pas un apport je crois.
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Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mer. juin 03, 2009 5:47 pm

"Dans l'intérêt de la raison, distinguez."
Ainsi nous exhortent deux esprits aussi différents qu'Alfred Korzybski et Pierre Bourdieu.
Lorsqu'Érion, de qui je partage pour l'essentiel le point de vue, rapproche la taxonomie du vivant, ébauchée de manière systématique au 18ème siècle, et celle de "genres" littéraires, il me semble bien clair qu'il propose une analogie ou une comparaison mais ne prétend aucunement qu'il s'agit de domaines de même nature.
Toutefois, cette analogie est féconde. De même qu'avant le cladisme, la classification des espèces a été conduite selon des critères d'apparence et qu'il a fallu parfois sérieusement la retoucher quand on a eu accès à des critères génétiques, il est possible de distinguer entre des formes de littérature en retenant des critères de forme ou de structure.
C'est pourquoi j'ai proposé, sans grand succès populaire jusqu'ici, de parler d'espèces littéraires plutôt que de genres, réservant ce dernier terme aux genres classiques, poésie, théatre, roman, etc, sous peine de confusionnisme généralisé.
Il est tout à fait possible de distinguer sur des critères objectifs ou du moins quantitatifs, pour répondre au vœu d'un intervenant, entre les romans de Marc Lévy et ceux de Victor Hugo, en tenant compte par exemple de la longueur des œuvres, de celle des phrases et de la richesse du vocabulaire, toutes choses qu'un programme simplet dans un ordinateur inintelligent saura départager. En étendant un peu la démarche, il sera possible de classer dans des domaines différents, d'un côté Lévy, Chrichton et Harlequin, et de l'autre Hugo, Proust, Nerval, Rimbaud et Thomas Mann ou Goethe, sans même faire intervenir les époques, les écoles et les circonstances d'édition.
Je suis convaincu qu'une analyse même grossière du vocabulaire permettrait de distinguer sur des critères quantitatifs roman policier, roman érotique et science-fiction, par exemple. Bien entendu, des textes échapperaient à ce crible. Et il serait alors intéressant de les examiner.
D'autant que je considère que les systèmes de reconnaissance de formes dont sont équipés les humains sont bien plus puissants que les cribles quantitatifs évoqués.
Une sorte de cladisme est même possible puisque nous connaissons en général les dates des œuvres et que nous pouvons y repérer des thèmes. Ainsi le Frankenstein de Mary Shelley est non seulement l'ancêtre possible de la science-fiction, mais celui du roman judiciaire et celui du roman familial, entre autres. De même que chez Poe…
Et il me semblerait curieux d'évacuer les intentions des auteurs, souvent clairement exprimées dans un commentaire ou un paratexte, les pratiques des éditeurs et les attentes manifestes des lecteurs. Si les éditeurs ont une pratique de classement en collections, ce n'est ni par perversité obsessionnelle, ni par souci tout militaire d'encadrer le consommateur, mais c'est en suivant la demande souvent explicite des lecteurs, des libraires et même des critiques. Cela confère à nos espèces littéraires une certaine objectivité et même une objectivité certaine.
Fort étrangement, je viens d'observer dans mon supermarché que les vins et les jus de fruits étaient disposés dans des rayons différents bien que leur origine soit de même nature, que le beurre et les yaourts étaient également séparés bien qu'il s'agisse de produits laitiers et que même, les rosés, les rouges et les blancs étaient disjoints, de même que la viande de boeuf et celle de veau. Et pourtant, tout cela est de la nourriture.
(à suivre.)

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Lensman
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Message par Lensman » mer. juin 03, 2009 5:55 pm

M le maudit a écrit :
Lensman a écrit : ... ça serait un truc à la Monty Python ! (aussi bien, ils l'ont fait...)

Oncle Joe
ça ne m'étonne pas d'eux. Dans laquelle de leurs oeuvres ? .
Ce n'était hélas qu'une conjecture (hé! hé!) de ma part...
Oncle Joe

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » mer. juin 03, 2009 6:41 pm

La raison pour laquelle ce fil atteint l'âge respectable de 31 pages sans avoir beaucoup avancé ni fait fléchir les positions, me semble assez évidente.
C'est qu'il ne s'agit pas, ici, de discuter de propositions taxinomiques, mais d'avancer des stratégies, opposées et inconciliables.

La stratégie des inventeurs de la Ligue de l'imaginaire est claire et multiple:
il s'agit de prétendre à la réunion d'auteurs que beaucoup de choses séparent en dehors de leur commune vulgarité voire de l'étendue commune de leurs succès en utilisant un terme suffisamment général et englobant pour ne fâcher personne même et surtout s'il ne désigne rien de précis. Qui serait contre l'imaginaire? De même que qui serait contre la liberté, l'égalité, la fraternité et la prospérité? C'est dans l'application que les choses se compliquent.
Il y a une variante de cette stratégie de la confusion qui revient à nier l'existence d'espèces littéraires de manière à les dissoudre, la science-fiction en particulier, dans un ensemble plus vaste de façon à leur refuser toute autonomie. C'est une vieille stratégie, bien connue. Qui et que sert-elle, c'est une question intéressante.
Une sous-variante de la stratégie de la confusion fut celle de Presses-Pocket sous le règne de Jacques Goimard. Disposant d'une collection de science-fiction de qualité et bien installée et souhaitant pour plusieurs raisons introduire dans son programme de la fantasy, il trouva habile de faire comme si c'était la même chose et de prétendre le justifier dans quelques textes supposément théoriques. Le curieux de la chose est que finalement cette stratégie s'avéra contre-productive, les publics n'étant que marginalement les mêmes, et à peu près tous les éditeurs, Pocket inclus, qui avaient cru bon de suivre cet exemple sont revenus en arrière et ont distingué physiquement entre les genres, pardon, les espèces.
Il semble y avoir toutefois une exception intéressante, celle de Folio SF qui publie sous l'étiquette SF un peu de tout. Une façon de faire la blanche tout en s'en distinguant ?

Une deuxième stratégie, celle de l'intervenant bibliothécaire entre autres, consiste à reconnaître l'existence pratique des espèces tout en la déplorant et en la récusant. C'est une position inconfortable. Elle me semble étroitement liée à la nostalgie d'un temps largement mythique où le champ littéraire n'aurait pas encore éclaté et cela de façon indiscutable et irréversible, en domaines très variés avec des pratiques d'écriture, de publication et de lecture très différentes. Cette nostalgie procède d'une illusion intéressée dans laquelle on a entretenu les enseignants et ceux-là leurs élèves, celle de l'unité du champ littéraire. Illusion intéressée disais-je, car elle procède d'une idéologie politique de l'unité fondamentale de la société, unité qu'un système de valeurs dont celui de la littérature est censé refléter et porter. Cela a conduit bien évidemment à éjecter dans l'indignité tout ce qui ne correspondait pas au programme. Puis à le réintégrer quand on pouvait à la petite semaine.

La troisième stratégie consiste à affirmer l'autonomie d'espèces littéraires, dont au premier chef la science-fiction, et donc à proposer et à défendre une classification. Cette autonomie a notamment mais pas seulement une valeur critique. Les critères, si tant est que cela existe, selon lesquels on jugera une œuvre de science-fiction, ne seront pas obligatoirement les mêmes que ceux applicables à la littérature blanche ou au roman sentimental.

Ces trois grandes stratégies, bien représentées dans ce débat, correspondent à des enjeux culturels et parfois économiques, voire politiques, qui n'ont pas grand chose à voir avec la taxonomie mais stratégies qui se servent de cette dernière pour l'affirmer, la contester ou la redistribuer, en poursuivant leurs buts propres, bien différents.
Tant que ces enjeux ne sont pas clairement exposés, ne serait-ce qu'en dévoilant qui parle et en révélant quels sont ses intérêts, le véritable débat ne peut pas avoir lieu et son faux-semblant ne peut que reconduire des oppositions plus profondes.

J'ajouterai qu'une classification des espèces littéraires n'implique pas que leurs lectorats ne se recoupent pas souvent même si les espèces elles-mêmes ne s'hybrident que très rarement et localement une fois leur autonomie assurée.
Pour revenir à ma métaphore de supermarché, il m'arrive de manger du bœuf, du veau, et même du porc et du poulet. Rarement dans le même plat.Et en tout cas, je préfère les trouver dans des rayons clairement identifiés.
On aura compris que je suis opposé au mélange du rouge et du blanc pour faire du rosé. Cette belle Ligue de l'imaginaire ne serait-elle que la sœur de la Ligue du rosé industriel par mélange? Pas loin de ce que quelqu'un appelait la littérature à l'estomac.

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Message par Lensman » mer. juin 03, 2009 11:22 pm

Gérard Klein a écrit :
On aura compris que je suis opposé au mélange du rouge et du blanc pour faire du rosé. Cette belle Ligue de l'imaginaire ne serait-elle que la sœur de la Ligue du rosé industriel par mélange? Pas loin de ce que quelqu'un appelait la littérature à l'estomac.
Là, c'est la métaphore qui tue! Personne ne va oser te contredire, sauf à risquer de ne pas passer pour un amateur de bons vins, ce qui est proprement inconcevable...
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Message par Eons » jeu. juin 04, 2009 7:56 am

Je ne suis pas amateur de bons vins – et même pas amateur de vin du tout, sauf en tant qu'ingrédient dans la préparation d'un coq, d'un lapin ou d'une choucroute –, je n'en plussoierai pas moins Gérard. :)
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr

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Message par Hoêl » jeu. juin 04, 2009 8:05 am

Cela dit , on fait du champagne blanc à partir de cépages rouges ! (d'où l'appellation Blanc de Blanc). :wink:

Tiens , pour les connaisseurs , j'ai effectué avec quelques copains un mélange de blanc et de rouge dans mon système digestif ce week-end , ça consistait en un magnum de Figeac 1990 et un Suduiraut 1995 ... à la vôtre !
"Tout est relatif donc rien n'est relatif !"

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