henri a écrit :N’ayez pas peur, je ne fais que passer…
Je voudrais juste adresser ici un petit message public à Fabrice Colin, co-fondateur de la Ligue2, puisque dans son dernier post il dit qu’il est : « nécessaire de différencier ceux qui pensent que l'écriture n'est qu'un moyen de raconter une histoire (et qui, donc, n'en ont rien à foutre du style) et ceux qui estiment qu'elle peut véhiculer, par sa beauté, sa complexité, une grâce ou des émotions indépendantes du récit », puis qu’il range Celui dont le nom ne doit pas être prononcé parce que ça fout la merde sur les forums et moi-même dans la première catégorie et se range, lui, dans la seconde. Dans un débat sur « écrire pour le grand public », le glissement logique vers « raconter une histoire c’est juste pour vendre plus de livres et gagner plein de brouzoufs » est presque sous-entendu… Mais je ne lui prêterai pas ce raccourci honteux.
Alors… D’abord, je voudrais te répondre, Fabrice, que non, je n’en ai pas « rien à foutre du style », loin de là. En tant que lecteur comme en tant qu’auteur, je lui attache beaucoup d’importance. Il se trouve que, dans mes romans, je fais bien plus attention à mon style que tu ne sembles le croire. Peut-être, en revanche, n’avons-nous pas les mêmes critères de jugement quant à ce que doit être le « style ». C’est un autre débat. Toujours est-il que je fais toujours attention à ce que chacune de mes phrases, mais aussi la construction de mon récit, soient non seulement utiles au propos que j’ai envie de défendre, mais soient également, aussi souvent que possible, une source de satisfaction pour moi et pour les lecteurs à qui je propose mes romans… Que tu n’y sois pas sensible et que tu places tes critères stylistiques à d’autres endroits que les miens te regarde, mais je ne crois pas que tu puisses, en mon nom, dire que « j’en ai rien à foutre du style ». D’autant, cher Fabrice, que je suis prêt à mettre ma main à couper que tu n’as pas lu un seul de mes romans ou, si c’est le cas, aucun de ceux que j’ai pu écrire depuis au moins sept ou huit ans…
Ensuite, je voudrais te dire, aussi, que mon gros problème, c’est que j’ai une mémoire assez redoutable. Ça me procure bien des déceptions. Visiblement, ce n’est pas ton cas. Alors, si tu le veux bien, je vais te rappeler deux anecdotes qui nous concernent tous les deux.
La première, c’était il y a quelques années. Tu es venu me voir, et tu m’as dit mot pour mot : « Putain, Henri, j’en ai marre des faire bouquins qui se vendent pas, tu veux pas qu’on fasse un best-seller tous les deux, un truc bien trash qu’on vendrait à Marion Mazauric au Diable Vauvert ? ». Tu te souviens ? Intérieurement, ça m’a bien fait rigoler. On a même parlé d’un éventuel sujet. Et puis je me suis dit que ça ne me ressemblait pas. Que je n’ai jamais écrit de roman en me disant que je me foutais de ce que j’allais écrire du moment que c’était un best-seller. Mes livres, Fabrice, j’y crois, j’y tiens, et mon intention première n’est pas de faire des best-sellers – quand on essaie, ça marche rarement – mais bien de partager des choses qui me touchent. Alors je n’ai pas donné suite… Et tu es allé au Diable tout seul…
La seconde, c’était il y a moins longtemps. Tu m’as envoyé un mail pour me demander de te mettre en contact avec Olivier Besancennot, dont tu savais qu’il était un de mes amis. Tu m’as dit, en gros : « Putain, ce mec, il a des idées vachement intéressantes, et ya plein de gens qui le savent pas. J’aimerais bien écrire un livre sur lui, un genre d’entretien, histoire de le faire connaître à un plus large public, parce qu’il mérite bien mieux que l’image que les gens ont de lui, alors un entretien avec un écrivain, ça pourrait servir son propos, surtout que je commence à avoir des bons contacts dans les milieux intellos… ». Je t’avoue, Fabrice, qu’en lisant ton mail – je crois même te l’avoir dit dans ma réponse – j’ai un peu halluciné… Je me suis demandé pour qui tu te prenais. Olivier Besancennot a reçu un million quatre cent mille voix lors de la dernière présidentielle. Il passe à longueur de temps dans les médias… Alors je te pose une question : es-tu certain que c’était pour l’amour du style que tu voulais écrire ce livre ? Comme je n’arrivais pas à m’en convaincre, je n’ai pas fait suivre à Olivier, j’espère que tu ne m’en veux pas.
Sur ce, je retourne à mon bouquin, et je vous salue tous bien bas.
L’infâme Henri Loevenbruck
Hello Henri,
Pour commencer, et puisque l'heure est manifestement au grand déballage, puisque, également, certains semblent penser qu'il peut être question de courage sur un forum - une idée qui m'a toujours fait doucement rigoler - j'adresse un petit message public à Denis Guiot : compadre, tes interventions stériles à mon endroit commencent sérieusement à me gonfler. Il me semble t'avoir déjà signifié, en privé et à plusieurs reprises que si tu avais un problème avec moi, nous pouvions en discuter d'homme à homme, dans la vraie vie. Manifestement, il y a un truc que tu ne comprends pas dans cette phrase. Peut-être que si tu la vois écrite sur un forum de SF, ça passera mieux. Qui ne tente rien n'a rien.
Ensuite, Henri, ce que tu écris ne fait au fond que confirmer ce que je pense : discuter d'écriture et de style ne sert pas à grand-chose. Effectivement, nous n'avons probablement pas les mêmes critères en la matière. Pour commencer, il faudrait s'entendre sur la "source de satisfaction" que tu évoques. Bien sûr que tout le monde essaie d'écrire des bouquins agréables à lire. Il y a des lecteurs à qui ça ne suffit tout simplement pas.
Pour ton information, j'ai commencé
Le Syndrome Copernic, il y a quelque temps et je l'ai reposé parce que je n'y arrivais pas. Bon, je ne suis pas très bon client de toute façon. Mais pour moi, il manquait quelque chose. Tu n'y peux rien. Ce n'est même pas un reproche. Alors ok, disons que tu n'en as pas "rien à foutre" du style. Super, on est contents. Et après ? La prose de Guyotat, de Chevillard, de Claro, de Faulkner, de Brautigan, me bouleverse. Est-ce que ta prose bouleverse quelqu'un ? Et quand bien même ? Je veux dire, est-ce qu'on est réellement dans le domaine de la démonstration ? Il y a des gens qui pensent que tout se vaut. Pas moi.
En ce qui concerne le Diable Vauvert, mes souvenirs de l'histoire sont sensiblement différents, mais peu importe. Ceux qui ont lu
La Mémoire du vautour auront, je pense, du mal à imaginer que la moindre considération commerciale ait pu traverser mon esprit quand j'ai livré ce roman à Marion. Il n'a rien à voir avec nous. Si nous avons évoqué un projet commun, il me semble, c'est plutôt parce que nous nous sommes dit - enfin, moi, je me suis dit : expertise d'Henri en matière de littérature populaire (au sens noble du terme) + exigences stylistiques de Fabrice = bingo. Le fait que le projet n'ait pas dépassé le stade des intentions me semble, rétrospectivement, hautement significatif.
Je te rejoins sur le fait que le succès ne se décrète pas. Fondamentalement, même, je ne place pas le style au-dessus de l'histoire : chacun fait comme bon lui semble. Je persiste à penser, néanmoins, que la jauge penche toujours d'un côté ou de l'autre. Quand elle penche trop du côté du style, ça donne des bouquins chiants à lire. Quand elle penche trop du côté de l'efficacité narrative, ça donne BW - tout aussi impossible à avaler pour moi. Quand elle est à peu près au milieu, ça donne, pour citer des exemples récents,
La Horde du contrevent ou La Route de McCarthy : des chefs-d'œuvre littéraire, et qui se vendent.
Je passerai plus rapidement sur l'affaire Besancenot. Je ne vois pas juste le rapport avec la choucroute. Nous parlons de romans. Pour info, si je voulais juste faire du fric en écrivant sur une personnalité politique, je choisirais de préférence celle pour laquelle les gens votent : Sarkozy ou un quelconque leader PS. Le projet s'inscrivait plutôt dans la continuité de mon livre
Engagés !, mais je ne suis pas sûr que tu lises non plus tout ce que j'écris.
Pour finir, et parce que le ciel commence à se couvrir, je précise (pas spécialement à ton intention, parce que je penses que tu le sais) que je ne nourris aucun ressentiment envers toi, Henri.
On attaque et on défend des idées, ici. Pas des personnes.