Imaginales 2010 : Conf. "Écrire pour le grand public...

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Le_navire
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Message par Le_navire » mar. juin 08, 2010 10:29 am

MF a écrit :
Le_navire a écrit :
Bull a écrit :Et ce que je comprends probablement encore moins, c'est ce qui pousse ceux qui n'ont pas aimé tel ou tel livre à se sentir supérieur à ceux qui ont apprécié.

Vous n'avez pas aimé : ok, soit vous n'étiez pas le coeur de cible, soit vous êtes passé à autre chose.
Gné ? Tu as vu ça où ?
Ici :
Le_navire a écrit :
fabrice a écrit :Peut-être, en poussant le raisonnement un cran plus loin, peut-on même verser les écrivains en deux camps : ceux qui veulent avant tout vendre des livres, et ceux qui veulent avant tout écrire de beaux (bons) livres. La qualité et le succès ne s'excluent pas mutuellement mais au niveau des intentions initiales, un choix s'opère de façon quasi systématique, consciemment ou non, d'ailleurs.
Oui, ça me parait évident aussi.
L'esthétique d'un coté, le commercial de l'autre.
Et ? C'est l'énoncé d'une réalité, pas un jugement de valeur.
MF a écrit :
Le_navire a écrit :
Bull a écrit :Comprendre pourquoi tel ou tel livre va trouver un grand publique et pas un autre (de manière général), voire pourquoi un livre va vous plaire à coup sûr.

Ça ce serait vachement intéressant à suivre comme sujet.
Ah oui, ça je suis d'accord. Si tu trouves une réponse, tu me dis. Parce que j'aimerai bien trouver le bouquin qui va se vendre à 150 000 à coup sûr, 'tain je serai riche et infiniment puissante. Je suis sûre que tous les éditeurs de la place publique, y compris ceux qui ces derniers temps claquent des fortunes en pariant sur des titres qui se plantent lamentablement, seraient ravis de t'entendre...
Outre le ton de galéjade qui me semblait évident ici, c'est une autre réalité. TOUS les éditeurs rêvent de tomber sur un bouquin qu'il vont à la fois aimer passionnément, et qui va faire tourner leur maison à plein régime : L'Aube a eu Gao Xianjian, Viviane Hamy, Fred Vargas et Golaria Sapienza, Attila a Hilsenrath etc.

J'ai le ton primesautier, ce n'est pas pour autant que je méprise. Encore une fois, la seule chose que je méprise, c'est le positionnement politique affiché de celui qui considère que son lecteur est un imbécile au niveau duquel on doit s'abaisser.

MF a écrit :Les deux sont utiles à l'humanité.
Oui. Dans ce cas là. Mais je ne suis pas sûre que TF1, Voici, Christian Clavier, Christophe Maé, Franck Dubosc ou Bernard Werber soient bien utiles à l'humanité. Je veux dire, en comparaison d'une femme de ménage, ou d'un agriculteur. Et bien entendu, en mettant de côté leur valeur intrinsèque d'être humain, que je voudrais nous voir partager tous. Bref. Je pense aussi que tout n'est pas égal à tout, et que, s'il y a pour chacun de nous une échelle de valeur, en fonction d'un moment, d'une culture et du monde dans lequel on vit mais aussi de notre éducation, certaines valeurs sont plus fondamentales que d'autres et certains apports ont plus de poids que d'autre... Après, si c'est vécu par certains comme du mépris, là, je n'y peux rien...
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Seb
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Message par Seb » mar. juin 08, 2010 10:36 am

Et ? C'est l'énoncé d'une réalité, pas un jugement de valeur.
C'est aussi, in fine, une jugement de valeur. On a tendance à accorder une certaine noblesse à la recherche esthétique parce que ça participe de l'Art alors que la dimension commerciale est perçue comme une intrusion du trivial, quelque chose d'un peu dégueulasse.

henri
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Message par henri » mar. juin 08, 2010 10:37 am

Ah merde, je savais bien que j'arriverais pas à ne pas répondre...
Bon…
Alors…

1 – @ Fabrice : d’abord, tu me dis « tes interventions stériles à mon endroit commencent sérieusement à me gonfler. » et là, je pense que tu te fous un peu de ma gueule. Comme dirait l’autre, « C’est toi qu’a commencé, con ! ». Un, sur ce thread, tu balances un message en nous opposant toi et moi, en disant clairement que « le style j’en ai rien à foutre », sous-entendu que j’écris comme de la merde… J’appelle ça chercher la baston, frangin. Deux, tu as créé sur Internet un site sur lequel tu te fous ouvertement de ma gueule. Tu aurais pu faire un site rigolo, m’appeler et me dire « Eh, Riton, le prends pas mal, on fait une parodie de la Ligue, on va bien s’marrer, viens voir. ». Et, tu me connais, je me serais marré. Mais non. Tu t’es publiquement et collectivement foutu non pas seulement de la ligue en tant que collectif, mais bien de ma gueule en particulier. Alors sois gentil, moi, je n’ai jamais fait ce genre de trucs, je ne me suis jamais publiquement foutu de ta gueule (et je pourrais le faire), mais permets-moi au moins, quand tu parles de moi sur un forum, de venir te dire toute la tendresse que je garde pour ces grands moments de notre amitié.
Ensuite, tu me dis « La prose de Guyotat, de Chevillard, de Claro, de Faulkner, de Brautigan, me bouleverse. Est-ce que ta prose bouleverse quelqu'un ? ». En fait, j’ai compris le problème. Je pense que tu n’es pas conscient de la suffisance démesurée qu’il faut pour sortir une phrase pareille. Relis-toi.

2 - @ Eric et Jérôme :
Comment expliques-tu ton succès ? Comment travailles-tu ?
Je pourrais te répondre par la seule phrase logique : mon succès s’explique par le fait que beaucoup de gens achètent mes livres, en France et dans une quinzaine de pays… Point final.
En dehors de ça, le succès ne s’explique pas. Et quand on tente de l’expliquer, si c’est dans le but de le reproduire, ça ne fonctionne pas. En outre, le succès n’est pas vraiment le sujet le plus intéressant dont j’ai envie de parler, concernant mes livres. Je préfèrerais qu’on parle de mes livres, mais ça, je ne peux le faire qu’avec les gens qui les ont lus, et donc très peu d’entre vous… L’avantage que j’ai sur Fabrice Colin, c’est que moi j’ai lu pas mal de ses livres, et je peux donc témoigner d’une chose que nous avons en commun (ayant lu les miens aussi) : en dix ans, on a fait des progrès, mec.
Tout ce que je peux vous dire, c’est que j’écris avec mes trippes, que j’essaie de ne pas tricher, ni avec moi, ni avec mes lecteurs, et que chacun de mes romans est pour moi un bout de ma vie que j’essaie de partager avec des lecteurs dans ma hantise de l’incommunicabilité. Vous dire que j’essaie, contrairement à ce que pense Fabrice, de bouleverser les gens comme ils me bouleversent. Et visiblement, mes romans trouvent, d’année en année, un petit peu plus de gens qui sont, ne lui en déplaise, « bouleversés »… Mais il faut relativiser. Le mot succès me fait marrer. Mes livres se vendent à 25 000 ex. en grand format, 40 000 en poche et 60 000 en club. Ça fait 125 000 personnes à chaque fois, un peu plus si on considère que les livres circulent. Soit. C’est mortel et j’aurais jamais rêvé pouvoir toucher autant de monde. Mais à côté des dizaines de millions de personnes qui font un box office du cinéma, le succès d’un livre est ridicule… Ça devrait forcer la modestie.
Tiens, vous voulez savoir pourquoi j’écris. Je l’ai dit dans mon dernier roman, par la bouche de l’un de ses personnages : « (…) Car même si je suis l’un des plus célèbres, je ne suis que copiste quand j’aurais voulu être auteur, quand j’aurais voulu dire le plus intime lien qui nous unit tous, quand j’aurais voulu dégager, par les mots, l’harmonie de nos différences, cette harmonie qui fait l’humaine condition ; quand j’aurais voulu être un Chrétien de Troyes, une Christine de Pisan. Lui, ce visionnaire qui, sous cette forme nouvelle et pleine de promesses, montra combien les légendes, même les plus merveilleuses, sont de justes miroirs de nos pauvres vies ; et elle, cette érudite qui sait montrer aux hommes combien ils se trompent en refusant de prêter aux femmes une âme au moins égale à la nôtre…
L’un et l’autre auront tant laissé.
Et moi ? Que vous aurai-je laissé ? Tout ce que les mots ne livrent pas est perdu. C’est l’angoisse de cette perte qui nous pousse à écrire, les uns après les autres, comme si nous devions nous transmettre une vérité originelle que seul le silence pourrait détruire.
Je remplirai, bientôt, mon devoir de parole.
(…) Je crois pouvoir dire que mon métier me donne quelque faveur dans la connaissance de la nature humaine. Après tout, je ne fais rien d’autre qu’écouter mes semblables, les regarder et reporter sur des pages ces petits bouts de vie qu’ils me dictent, qu’ils me confient aveuglément. À l’écrivain que je suis on livre sans pudeur ses peurs, ses espoirs, ses envies, et même ses mensonges, parfois.
Depuis le temps que j’observe les hommes, je crois pouvoir dire que je les connais fort bien. Je sais leurs défauts, leurs qualités, leurs forces et leurs faiblesses. Et s’il est indéniable que ce sont leurs différences qui les rendent intéressants, leurs ressemblances, avec le temps, me les ont rendu plus attachants.
Avec les horreurs que certains m’ont fait, avec toutes les calomnies que Pernelle et moi avons dû essuyer, j’aurai pu céder au mépris et poser sur mes contemporains un regard critique, nourri de rancœur et de haine. Et pourtant, je les aime bien plus que je ne saurais vous le dire.
J’aime les hommes, non pas pour ce qu’ils ont de meilleur, mais pour ce qu’ils ont de pire. Il n’y a d’ailleurs aucune autre façon de les aimer. J’aime le menteur et la menteuse, j’aime le lâche, j’aime l’égoïste et le manipulateur, j’aime la cruauté de l’adulte comme celle de l’enfant qui arrache ses pattes à la fourmi, j’aime le cynique, j’aime le fou, je les aime tous car tous sont un petit peu moi. Allons, ne te mens pas à toi-même, mon cher lecteur. Il y a en chacun de nous tout à la fois un menteur, un lâche, un égoïste, un manipulateur, un cruel, un cynique et un fou. Savoir le reconnaître chez soi autant que chez autrui est salvateur car cette communauté de faiblesses a ceci de formidable qu’elle efface nos solitudes.
Si la naissance comme la mort sont deux expériences qui ne se partagent pas, si notre entrée et notre sortie dans ce monde doivent être marquées du sceau d’un inévitable isolement, autant chérir ce qui, entre les deux, nous lie les uns aux autres, même si ce n’est pas ce qu’il y a de plus beau chez l’homme.
Si je suis écrivain, c’est pour reconnaître et éclairer chez vous ces faiblesses qui, à mon grand soulagement, me confirment que nous sommes frères. »

Es-tu d'accord ou non avec les critiques négatives ?
Je n’ai pas à l’être. Toutes m’instruisent. Certaines sur ce que je pourrais améliorer dans mes romans. D’autres sur la bêtise humaine. Les dernières sur ce que la jalousie peut produire de méchanceté.

Pourquoi la ligue de l'imaginaire et comprends-tu que certains s'y opposent ?
Parce que j’aime le vin chilien et les potes avec lesquels je l’ai fondée. Parce que, comme beaucoup ici, j’ai envie de défendre les littératures de l’imaginaire dans les médias… Le pire, c’est que les seuls qui nous foutent vraiment sur la gueule, ce sont ceux qui prétendent avoir le même combat que nous mais qui, en réalité, en se déchirant et en s’enfermant, font tout pour que cette littérature continue d’être considérée comme de la merde… Les critiques les plus dures viennent toujours de ceux dont, à l’origine, tu partageais le combat. C’est marrant, en ce moment, je bosse sur un nouveau projet avec Renaud – le chanteur, pas les bagnoles. Hier, il me racontait comment, après son troisième disque, qui a été le début de son énorme succès, il s’était fait soudain défoncer par une partie de son public des débuts, qui, en somme, ne supportait pas l’idée qu’il pût gagner du blé avec ses chansons… populaires. J’y ai retrouvé tous les clichés de ce que je vis, moi, dans le milieu SF, depuis quelques années. Et la douleur de Renaud, comme la mienne, ont beau être stériles et ridicules, on n’arrive pas à ne pas les éprouver… L’essentiel étant que, parfois, on en rigole, et puis aussi, on s’en branle un peu la plupart du temps.

As-tu vraiment l'impression d'être ignoré des médias "parisien" ?
Oui, comparé à certains autres auteurs, mais je ne m’en plains pas tant que ça. Ça m’énerve parfois, mais comme je le disais dans ce débat aux Imaginales, que vous pouvez ré-écouter, ça ne me choque pas qu’un journaliste estime plus important de faire découvrir à ses lecteurs des auteurs qui n’ont pas eu la chance, eux, de rencontrer le succès. Au contraire. Ce qui me gonfle VRAIMENT, ce sont les gens qui ne lisent pas mes livres et les descendent, souvent en utilisant un pseudonyme… Ça, vraiment, ça me gonfle.

3 – Pour finir – et après faut vraiment que je retourne écrire ma prochaine merde pour le grand-public – je suis on ne peut plus d’accord avec toi, Msieur Wagner. Je ne comprends pas l’opposition que font Fabrice et d’autres entre histoire et style (sans compter, encore une fois, que la notion de style me semble bien subjective…). Pour moi, l’un et l’autre sont nécessaires et inséparables. Les romans qui me touchent le plus sont ceux qui ne négligent ni l’un ni l’autre, qui mettent l’autre au service de l’un et l’un au service de l’autre. Le maître en la matière, pour moi, est Romain Gary. Il n’y a pas une phrase de Gary qui ne soit au service de son histoire, et la plupart d’entre elles me fout les poils. Du Gary sans style, ça me toucherait moins, et du style Gary sans histoire, pareil. Du Colin avec une histoire, ça pourrait me faire bande. Oh, ça va, Fabrice…

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Lensman
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Message par Lensman » mar. juin 08, 2010 10:42 am

Seb a écrit :
Et ? C'est l'énoncé d'une réalité, pas un jugement de valeur.
C'est aussi, in fine, une jugement de valeur. On a tendance à accorder une certaine noblesse à la recherche esthétique parce que ça participe de l'Art alors que la dimension commerciale est perçue comme une intrusion du trivial, quelque chose d'un peu dégueulasse.
C'est peut-être aussi parce que nous avons "mythifié" l'Art, d"une certaine manière. Son statut a beaucoup bougé et continue à bouger, il n'y a pas d'Art "en soi". Mais on est élevé danc cette idée de l'Art "en soi".

Quand je m'enthousiasme sur des planche de Jack Kirby, en comics, je sais aussi qu'il faisait ça à la pelle, et pour des raisons commerciales, dans un système purement commercial, totalement organisé pour faire de l'argent. L'un ne gène pas l'autre, mais nous trouvons plus "beau" de dire que l'un gène l'autre.

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MF
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Message par MF » mar. juin 08, 2010 10:47 am

Le_navire a écrit :Et ? C'est l'énoncé d'une réalité, pas un jugement de valeur.
Ce que j'essaye d'expliquer, depuis un moment, c'est qu'il existe des ensembles qu'il est impossible de munir d'une relation d'ordre.
Ici tu juges.
Le_Navire a écrit :Oui. Dans ce cas là. Mais je ne suis pas sûre que TF1, Voici, Christian Clavier, Christophe Maé, Franck Dubosc ou Celui dont le nom ne doit pas être prononcé parce que ça fout la merde sur les forums soient bien utiles à l'humanité. Je veux dire, en comparaison d'une femme de ménage, ou d'un agriculteur.
Parce que dès que tu écris "en comparaison" tu t'installes, que tu le veuilles ou pas, dans une relation d'ordre.
Le_Navire a écrit :Et bien entendu, en mettant de côté leur valeur intrinsèque d'être humain, que je voudrais nous voir partager tous. Bref. Je pense aussi que tout n'est pas égal à tout, et que, s'il y a pour chacun de nous une échelle de valeur, en fonction d'un moment, d'une culture et du monde dans lequel on vit mais aussi de notre éducation, certaines valeurs sont plus fondamentales que d'autres et certains apports ont plus de poids que d'autre...
Et tu doubles la mise.
Non seulement il y a une échelle de valeur, mais certaines valeurs sont supérieures aux autres.
Je n'ai qu'une question : QUI décide ?
Le_Navire a écrit :Après, si c'est vécu par certains comme du mépris, là, je n'y peux rien...
Je ne le ressens pas comme du mépris.
Plutôt comme une méprise.
Modifié en dernier par MF le mar. juin 08, 2010 10:49 am, modifié 2 fois.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » mar. juin 08, 2010 10:48 am

Roland C. Wagner a écrit :Bon, peut-être que cet exemple était un peu excessif (je savais qu'il te ferait réagir). Je te rejoins assez sur la définition du juste milieu - disons Roberto Bolano, alors : assez facile à lire, remarquablement intelligent. Je te laisse le soin de nous trouver d'autres exemples en SF.
Simplement lisible. Que la difficulté de lecture soit au niveau de l'ensemble des plaisirs suscités par le livre. Que l'exercice de style, si exercice de style il y a, serve l'histoire, qu'il la nourrisse au lieu de la reléguer au second plan.

Le « juste milieu » est une plage assez large, en fait. Tu peux faire varier l'emplacement du point d'équilibre en déplaçant les charges respectives — plus de style, moins d'histoire, plus de sens, on touche pas à l'intelligence ; ou alors moins de style, moins de sens, plus d'histoire, on touche pas à l'intelligence.

Une intrigue est un fil rouge que le lecteur va suivre du début à la fin. Mais une intrigue, ce n'est pas seulement une histoire, des personnages, un sujet, servi par l'écriture qui convient, c'est aussi quelque chose d'abstrait, que je serais bien en peine de décrire et qui est la vraie raison d'exister du livre.

Est-ce que tu vois ce que je veux dire ?
fabrice a écrit :Personnellement, néanmoins, je préfèrerais toujours un bouquin ambitieux, démesuré, vibrant de colère ou d'amour (ce que d'aucuns appelleront "un grand livre malade") à un truc écrit expressément pour plaire.
Moi ça dépend. Je n'opère pas a priori une telle distinction.

Tiens, un exemple en bit-litt : j'ai lu Soulless de Gail Carrigan. Je pense que, selon tes critères, c'est écrit « pour plaire ». Eh bien oui, mais non.

C'est léger, c'est fun, c'est plaisant, ça se lit tout seul, l'émotion est passée par un léger filtre d'ironie tout à fait seyant et l'intelligence est bien là. Et ça n'empêche pas la sincérité chez l'auteur, tout est ici une question de simplicité.

Elle ne prend pas ses lecteurs pour des cons ou des cochons de payants, elle leur propose un moment de plaisir dans un univers qui suscite tout de même une certaine stimulation intellectuelle, et je pense qu'il y aurait deux ou trois trucs intéressants à dire sur le plan social/sociologique mais je préfère attendre d'avoir lu la suite de la série avant de m'avancer sur ce terrain.

fabrice a écrit :Il est facile à un écrivain, une fois son livre sorti, de dire que c'est sincère, que ça vient du cœur, qu'il le portait en lui, etc. Qui ne le ferait pas ? Dans certains cas, quand même, j'ai de gros doutes.
Voilà le genre de truc que je ne me souviens pas d'avoir déjà dit. En tout cas pas au sujet d'un roman.

Va falloir que j'y songe pour le prochain, tiens.

fabrice a écrit :Tu peux faire plein de procès à Damasio, mais il y est allé avec ses tripes.
8)

Mais c'est dégueulasse !

Remarque, un cerveau, c'est pas vraiment plus appétissant…

:lol:

Plus sérieusement, c'est peut-être pour ça que je n'aime pas le bouquin : les tripes mallarméo-nietzschéennes de l'auteur y débordent un peu trop à mon goût. Mais je ne suis pas vraiment un lecteur qui recherche les émotions fortes et exacerbées, je connais trop bien les effets de la saturation sensorielle.

Les livres qui ont les défauts de leurs qualités suscitent débats et polémiques, c'est normal. Parce que tu as deux sensibilités qui s'opposent.

Et moi, les tripes, j'aime pas ça.


Après, on peut discuter de la forme du bouquin, mais je crains que ça ne devienne franchement trop technique.
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Message par Lensman » mar. juin 08, 2010 10:49 am

Salut Henri!
Ton Goldorak qui t'aime!

Joe

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Message par Patrice » mar. juin 08, 2010 10:49 am

Salut,

Eh bien voilà.

Je vais être sincère et sérieux: merci, Henri Loevenbruck.
Un message constructif et détaillé. Et ça n'est pas une perte de temps.

Juste un point de détail:
Au contraire. Ce qui me gonfle VRAIMENT, ce sont les gens qui ne lisent pas mes livres et les descendent, souvent en utilisant un pseudonyme… Ça, vraiment, ça me gonfle.
lors de la table ronde des Imaginales, tu tapais sur Olivier Girard, Gilles Dumay, ActuSF et le Cafard Cosmique.
Il fallait donc comprendre uniquement: "les forums d'ActuSF et du Cafard Cosmique"?

A+

Patrice

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Seb
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Message par Seb » mar. juin 08, 2010 10:49 am

Lensman a écrit :
Seb a écrit :
Et ? C'est l'énoncé d'une réalité, pas un jugement de valeur.
C'est aussi, in fine, une jugement de valeur. On a tendance à accorder une certaine noblesse à la recherche esthétique parce que ça participe de l'Art alors que la dimension commerciale est perçue comme une intrusion du trivial, quelque chose d'un peu dégueulasse.
C'est peut-être aussi parce que nous avons "mythifié" l'Art, d"une certaine manière. Son statut a beaucoup bougé et continue à bouger, il n'y a pas d'Art "en soi". Mais on est élevé danc cette idée de l'Art "en soi".

Quand je m'enthousiasme sur des planche de Jack Kirby, en comics, je sais aussi qu'il faisait ça à la pelle, et pour des raisons commerciales, dans un système purement commercial, totalement organisé pour faire de l'argent. L'un ne gène pas l'autre, mais nous trouvons plus "beau" de dire que l'un gène l'autre.

Oncle Joe
On parle donc de culpabilité ? D'un sentiment de ?

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Le_navire
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Message par Le_navire » mar. juin 08, 2010 10:54 am

Erion a écrit :
Alors, si vous voulez pas que ça reparte à chaque fois que le sujet revient sur le tapis, acceptez que Loevenbruck et Werber peuvent légitimement demander la reconnaissance littéraire. Et puis parlez d'autre chose. Il fait beau, les filles sont jolies, et y'a des bières dans le frigo.
Ah, mais qu'ils la demandent, ce n'est pas tant ça le vrai problème. C'est la manière dont ils la demandent qui est problématique.

Ils demandent à ce que la reconnaissance leur soit due sur le fait qu'ils vendent beaucoup et selon un critère équivalent à celui d'une littérature plus complexe et plus aboutie stylistiquement.

En gros, ils veulent qu'on consacre dans la presse spécialisée autant de place à l'analyse de leurs livres qu'à celle des ouvrages des grands auteurs auxquels Werber se compare dans l'interview et ailleurs. Sans tenir compte du fait qu'en choisissant de réduire la complexité de leurs ouvrages à une simple ligne narrative, la conclusion ne peut être que : bah, y a pas grand chose à analyser là dedans.

Et le fait que, pour prouver qu'il est un Victor Hugo en puissance, Werber démolit toute la littérature plus complexe, lui crache à la gueule en considérant qu'elle est faite pour ennuyer les pauvres gens et c'est tout, comme cité plus haut, n'arrange pas ses affaires.




Sinon, je n'ai pas encore réagit à l'épisode de la nuitée. Je dois en effet être plus conformiste que prévu : je trouve ça simplement triste. Triste et pathétique. Si Henri s'en était pris à moi, à Eric, à n'importe qui d'autre qui développons nos théories et nos arguments non sans pugnacité, j'aurais compris.

S'en prendre à Fabrice, un seul message, et qui en plus dit en l'essence, bah, laissez tomber, on ne se comprend tout simplement pas et on ne fait tout simplement pas les mêmes choix, et par le biais d'attaques tout de même fort pauvres (heu... Fabrice, quand même, je te rassure, tous ceux qui ont lu La Mémoire du Vautour ont rigolé illico en lisant Henri, et je doute que l'idée de faire un bouquin sur Besancenot pose problème à grand nombre à part lui.) ça ne m'a pas fait rire.

Mais hein ? Dubosc non plus ne me fait pas rire, et pourtant...
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fabrice
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Message par fabrice » mar. juin 08, 2010 10:54 am

henri a écrit :Ah merde, je savais bien que j'arriverais pas à ne pas répondre...
Bon…
Alors…

1 – @ Fabrice : d’abord, tu me dis « tes interventions stériles à mon endroit commencent sérieusement à me gonfler. » et là, je pense que tu te fous un peu de ma gueule. Comme dirait l’autre, « C’est toi qu’a commencé, con ! ». Un, sur ce thread, tu balances un message en nous opposant toi et moi, en disant clairement que « le style j’en ai rien à foutre », sous-entendu que j’écris comme de la merde… J’appelle ça chercher la baston, frangin. Deux, tu as créé sur Internet un site sur lequel tu te fous ouvertement de ma gueule. Tu aurais pu faire un site rigolo, m’appeler et me dire « Eh, Riton, le prends pas mal, on fait une parodie de la Ligue, on va bien s’marrer, viens voir. ». Et, tu me connais, je me serais marré. Mais non. Tu t’es publiquement et collectivement foutu non pas seulement de la ligue en tant que collectif, mais bien de ma gueule en particulier. Alors sois gentil, moi, je n’ai jamais fait ce genre de trucs, je ne me suis jamais publiquement foutu de ta gueule (et je pourrais le faire), mais permets-moi au moins, quand tu parles de moi sur un forum, de venir te dire toute la tendresse que je garde pour ces grands moments de notre amitié.
Euh, Henri, on se calme et on boit frais, je ne te parlais pas à toi, mais à Denis Guiot, en préambule.
Je serai bien le dernier à te dénier le droit de me répondre.
henri a écrit : Ensuite, tu me dis « La prose de Guyotat, de Chevillard, de Claro, de Faulkner, de Brautigan, me bouleverse. Est-ce que ta prose bouleverse quelqu'un ? ». En fait, j’ai compris le problème. Je pense que tu n’es pas conscient de la suffisance démesurée qu’il faut pour sortir une phrase pareille. Relis-toi.
Ce serait de la suffisance si je prétendais que ma prose à moi bouleverse quelqu'un, ou si je prétendais écrire mieux que toi.
Je parle de mes goûts, là. De mon ressenti de lecteur. Et je te pose une question : tu as le droit de répondre "oui".

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » mar. juin 08, 2010 10:55 am

henri a écrit :Mes livres se vendent à 25 000 ex. en grand format, 40 000 en poche et 60 000 en club. Ça fait 125 000 personnes à chaque fois, un peu plus si on considère que les livres circulent.
Ne sois pas cruel. Pense qu'il y a des auteurs qui lisent ce forum et vendent cent fois moins.

Là, tu cours le risque qu'on vienne essayer de te taper cent balles, quand même…
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Lensman
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Message par Lensman » mar. juin 08, 2010 10:56 am

Seb a écrit :
Lensman a écrit :
Seb a écrit :
Et ? C'est l'énoncé d'une réalité, pas un jugement de valeur.
C'est aussi, in fine, une jugement de valeur. On a tendance à accorder une certaine noblesse à la recherche esthétique parce que ça participe de l'Art alors que la dimension commerciale est perçue comme une intrusion du trivial, quelque chose d'un peu dégueulasse.
C'est peut-être aussi parce que nous avons "mythifié" l'Art, d"une certaine manière. Son statut a beaucoup bougé et continue à bouger, il n'y a pas d'Art "en soi". Mais on est élevé danc cette idée de l'Art "en soi".

Quand je m'enthousiasme sur des planche de Jack Kirby, en comics, je sais aussi qu'il faisait ça à la pelle, et pour des raisons commerciales, dans un système purement commercial, totalement organisé pour faire de l'argent. L'un ne gène pas l'autre, mais nous trouvons plus "beau" de dire que l'un gène l'autre.

Oncle Joe
On parle donc de culpabilité ? D'un sentiment de ?
Je crois que tu as raison quand tu parles de culpabilité.
A un certain niveau, on voudrait que l'Art soit installé dans un système de valeur "pur", "juste", "universel" et "indiscutable" On est tous plus ou moins influencés par ce conditionnement, quand bien même on prétend ne pas y être sensible.

Oncle Joe

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Nébal
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Message par Nébal » mar. juin 08, 2010 10:58 am


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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » mar. juin 08, 2010 11:08 am

fabrice a écrit :Ce serait de la suffisance si je prétendais que ma prose à moi bouleverse quelqu'un, ou si je prétendais écrire mieux que toi.
Soyons précis :

Selon les critères que je me suis fixé, j'écris « mieux » que Fabrice ou Henri.

Je suppose que, selon les critères qu'il s'est fixé, Fabrice écrit « mieux » qu'Henri ou moi.

Je me permets également de supposer que, toujours selon les critères qu'il s'est fixé, Henri écrit « mieux » que Fabrice ou moi.

Parce que là, bon, je voudrais pas dire, mais on a trois auteurs très, très différents, qui jouent dans trois cours de récréation différentes avec des objectifs qui me semblent également très différents, quoique je refuse de préjuger de ce dernier point en ce qui concerne les deux autres.

Un roman, c'est un projet dont le style est une composante. Donc le style change en fonction du projet. Donc il faut juger de l'adéquation du style et du projet plutôt que de mettre le style sur un piédestal d'absolu.

Poil au…
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

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