Imaginales 2010 : Conf. "Écrire pour le grand public...

Modérateurs : Estelle Hamelin, Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m, Mathilde Marron, sebastieng

Gérard Klein
Messages : 1595
Enregistré le : ven. oct. 06, 2006 6:06 pm
Localisation : En face de la Fac Jussieu

Message par Gérard Klein » jeu. juin 10, 2010 12:45 am

Je peux donner un exemple, accessible pour tout le monde sur Edistat, moyennant 10€80. Je ne trahis donc aucun secret.
Je tiens les chiffres Edistat pour fiables à 5% près et probablement beaucoup moins dans le cas considéré.

Le Papillon des étoiles, de BW, que tous ici ont lu, publié en 2006 chez Albin Michel, s'est vendu chez cet éditeur à environ 190 000 exemplaires dont 45 000 en Surfaces Alimentaires et 56 000 en librairies, le reste allant aux grandes surfaces spécialisées. Il ne se vend plus dans cette édition.

Dans son édition du Livre de Poche, de 2008, il s'est vendu à environ 130 000 exemplaires dont 35 000 en Alimentaires et 38 000 en Librairies. Il s'en vend encore un tout petit peu.

J'ai choisi ce titre en raison de son extrême originalité et parce que nous avons un peu de recul.

On remarquera deux choses: la part croissante des Surfaces Alimentaires, inexistantes il y a dix ans, au détriment d'abord des librairies traditionnelles puis des grandes surfaces spécialisées (FNAC, Virgin, etc.); ensuite que ces chiffres, certes importants, sont bien en deçà de ceux des grands best-sellers qui se sont faits au détriment de ce qu'on pourrait appeler l'imaginaire traditionnel qui a fortement reculé sur ces quatre ans.

J'ajouterai que c'est un petit joueur comparativement aux gros best-sellers.
Modifié en dernier par Gérard Klein le jeu. juin 10, 2010 2:09 pm, modifié 1 fois.
Mon immortalité est provisoire.

henri
Messages : 8
Enregistré le : ven. févr. 08, 2008 2:21 am

Message par henri » jeu. juin 10, 2010 2:15 am

"ces chiffres, certes importants, sont bien en deçà de ceux des grands best-sellers et se sont faits au détriment de ce qu'on pourrait appeler l'imaginaire traditionnel qui a fortement reculé sur ces quatre ans"

Euh... Gérard, malgré tout le respect que je vous dois, je trouve le lien logique un peu léger, là, tout de même, voire un soupçon malhonnête...

D'abord, les chiffres de Bernard ces dernières années ont reculé tout comme ceux de "l'imaginaire traditionnel", et ensuite je ne vois pas ce qui vous permet de dire que les chiffres d'un auteur en particulier sont responsables de la chute d'un genre tout entier. Cela nécessiterait une étude un peu plus approfondie (et plus digne de votre remarquable intelligence)... A la limite, que vous me disiez que la Fantasy a bouffé des parts de marché de la SF, je veux bien, mais que BW ait bouffé des parts de marché de "l'imaginaire traditionnel", c'est méconnaître le lectorat de Bernard, qui, n'ayez crainte, n'est pas dans votre cible potentielle et ne vous vole pas votre pain.

M'en voulez pas, hein, mais c'est une argumentation à peu près aussi fondée que celle d'un diabolique, au sens Umberto Ecoien du terme... Avec ce genre de pseudo démonstration, on prouve que Nicolas Sarkozy est le descendant de Jésus, ce qui, en soi, est possible, je vous l'accorde... J'ai toujours trouvé que ce fameux Jésus avait quelque chose d'agaçant...

D'autre part, cher Gérard... Pour revenir à l'un de vos posts plus anciens, où vous disiez : "quand je lis un BW récent ou feuillette un HL, ces livres me tombent des mains au bout de trente pages. Or ils ont un réel succès..."

Il faudrait, pour compléter l'analyse qui s'ensuivait, que vous considériez un autre élément. Il y a peut-être, dans ceux qui restent bien attachés entre vos doigts, des livres qui tombent des mains d'autres lecteurs qui ne sont pas pour autant dénués d'intelligence, de culture ou de sensibilité littéraire...

Je vous donne un exemple concret : même si je ne le fais plus aujourd'hui, car mon goût pour la SF s'est épuisé et je préfère passer le peu de temps que j'ai pour lire de la fiction en me plongeant dans d'autres littératures, j'ai, à une époque, suivi de près les livres que vous pouviez publier, notamment chez Ailleurs & Demain. Si certains ont pu m'éblouir - et je ne me privais pas de les chroniquer à l'époque - comme les Sterling & Gibson, les Dan Simmons ou les Kim Stanley Robinson, d'autres ne se contentaient pas de me tomber des mains mais faisaient un énorme trou dans le plancher ce faisant (au risque d'aller jusqu'à assommer mes voisins du dessous dans leur chute)... Pourtant, je suis certain que nous nous rejoignons parfois sur l'émotion que peuvent nous procurer certains romans... Tout ça pour vous dire qu'il me semble un peu hasardeux d'établir quelque théorie que ce soit en vous demandant pourquoi tel livre tombe de vos mains et sautille dans celles d'autrui... Et je me méfie toujours des éditeurs qui essaient d'analyser les causes d'un succès public, comme s'il y avait quelque hard science à cela... Je ne suis pas sûr que les raisons du succès de Werber soient les mêmes que pour celui de Jonathan Littell, par exemple, ni que celles du succès de Marc Levy soient les mêmes que celles d'Erik Orsenna, ou, pour parler d'un sujet que vous connaissez bien, je ne suis pas sûr que les raisons du succès de Frank Herbert puissent expliquer le flop de Greg Bear...

Avatar du membre
MF
Messages : 4466
Enregistré le : jeu. déc. 28, 2006 3:36 pm
Localisation : cactus-blockhaus

Message par MF » jeu. juin 10, 2010 6:57 am

Lensman a écrit :Ce qui m'intrigue, c'est comment, dans ces conditions, la SF (sous sa forme littéraire) a pu exister et continue, malgré tout à exister. Cela tient du miracle...
Ou alors, c'est juste que la SF c'est une forme de perversion...
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » jeu. juin 10, 2010 7:20 am

henri a écrit :"Et je me méfie toujours des éditeurs qui essaient d'analyser les causes d'un succès public, comme s'il y avait quelque hard science à cela... Je ne suis pas sûr que les raisons du succès de Werber soient les mêmes que pour celui de Jonathan Littell, par exemple, ni que celles du succès de Marc Levy soient les mêmes que celles d'Erik Orsenna, ou, pour parler d'un sujet que vous connaissez bien, je ne suis pas sûr que les raisons du succès de Frank Herbert puissent expliquer le flop de Greg Bear...
Et d'ailleurs, Gérard n'a donné aucune analyse du succès en question, ou j'ai mal lu.
Personnellement, je ne me méfie en rien des analyses des éditeurs, quand ils en font (pourquoi s'en méfier?), par contre, je les trouve rarement convaincantes.

Oncle Joe

Avatar du membre
Sybille
Messages : 1115
Enregistré le : sam. sept. 30, 2006 11:10 am

Message par Sybille » jeu. juin 10, 2010 7:24 am

Eric a écrit :Je suis mal placé pour dire ça, mais il est vrai aussi que les supports susceptibles de publier/découvrir de nouveaux auteurs se raréfient et de ce côté-là, le support internet montre qu'il n'est pas capable de prendre la relève du magazine papier.
Est-ce qu'il n'est pas capable ou est-ce qu'on ne veut pas qu'il prenne... ?
Parce que, perso, ce qui m'a marquée au fil des années, c'est que, à travail égal (i.e. la même personne), un truc papier, on en parle, y'a des chroniques, mais que, si c'est sur le web, silence radio.
Modifié en dernier par Sybille le jeu. juin 10, 2010 8:00 am, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » jeu. juin 10, 2010 7:29 am

Sybille a écrit :
Eric a écrit :Je suis mal placé pour dire ça, mais il est vrai aussi que les supports susceptibles de publier/découvrir de nouveaux auteurs se raréfient et de ce côté-là, le support internet montre qu'il n'est pas capable de prendre la relève du magazine papier.
Est-ce qu'il n'est pas capable ou est-ce qu'on ne veut pas qu'il prenne... ?
Parce que, perso, ce qui m'a marquée au fil des années, c'est que, à travail égal (i.e. la même personne), fait un truc papier, on en parle, y'a des chroniques, mais que, si c'est sur le web, silence radio.
C'est à ceux qui lisent de se prendre en main et de parler de ce qu'ils ont apprécié. Où sont-ils? que font-ils? Il n'y a pas de service public payé par les contribuables chargé de parler de ceci ou de cela, sur les sites. Chacun peut envoyer une critique (enfin,je crois...). Le Net, c'est une auberge espagnole.

Oncle Joe

Avatar du membre
Eric
Administrateur - Site Admin
Messages : 5185
Enregistré le : ven. déc. 16, 2005 1:03 pm
Localisation : Paris

Message par Eric » jeu. juin 10, 2010 7:51 am

Sybille a écrit :
Eric a écrit :Je suis mal placé pour dire ça, mais il est vrai aussi que les supports susceptibles de publier/découvrir de nouveaux auteurs se raréfient et de ce côté-là, le support internet montre qu'il n'est pas capable de prendre la relève du magazine papier.
Est-ce qu'il n'est pas capable ou est-ce qu'on ne veut pas qu'il prenne... ?
Parce que, perso, ce qui m'a marquée au fil des années, c'est que, à travail égal (i.e. la même personne), fait un truc papier, on en parle, y'a des chroniques, mais que, si c'est sur le web, silence radio.
Je pense que les gens ne lisent pas sur Net. Aussi simplement que ça.

D'une part c'est malpratique, même pour des gens aussi habitué à l'outil que nous (on verra ce que l'arrivée de tablettes et des liseuses changera à cela)

D'autre part, il est difficile de trier le bon grain de l'ivraie. Les gens ont encore besoin de la caution d'un éditeur pour leur signaler que tel texte est assez bon pour qu'ils investissent quelques heures dessus.

Alors est-ce que c'est une limite du support ou un palier dans son évolution ? L'avenir le dira (j'aurais tendance à pencher pour la deuxième hypothèse).

Il serait intéressant de voir ce que donnent les initiatives de magazines en ligne publiés aux US. Je ne crois pas que ça soit mirobolant.

Avatar du membre
Don Lorenjy
Messages : 1442
Enregistré le : jeu. mars 09, 2006 9:03 am
Contact :

Message par Don Lorenjy » jeu. juin 10, 2010 7:57 am

Lensman a écrit : C'est à ceux qui lisent de se prendre en main et de parler de ce qu'ils ont apprécié. Où sont-ils? que font-ils? Il n'y a pas de service public payé par les contribuables chargé de parler de ceci ou de cela, sur les sites. Chacun peut envoyer une critique (enfin,je crois...). Le Net, c'est une auberge espagnole.

Oncle Joe
Beaucoup le font, mais dans les cercles déjà sensibilisés.
Je n'ai pas fais de recherche sur la question, mais si vous voulez, on fait un sondage sur "qui va poster des fiches de lectures ailleurs que sur des sites ou forums sensibilisés à l'imaginaire ?"

Après, on se compte, on prend son bâton et on pèlerinne...
Les marques Don Lorenjy et Don Lo sont retirées des rayons

Avatar du membre
Erion
Messages : 5025
Enregistré le : sam. oct. 21, 2006 10:46 am

Message par Erion » jeu. juin 10, 2010 8:15 am

Eric a écrit : D'autre part, il est difficile de trier le bon grain de l'ivraie. Les gens ont encore besoin de la caution d'un éditeur pour leur signaler que tel texte est assez bon pour qu'ils investissent quelques heures dessus.
Dans ton analyse, il y a un aspect que tu oublies, qui a été assez bien mis en évidence par O'Reilly. Avec le numérique, les éditeurs sont confrontés à un problème nouveaux, contre lequel ils sont totalement démunis : ils doivent s'adresser à leurs lecteurs.
Ca fait 50 ans que ce n'est pas arrivé, puisque, comme l'avait signalé Gérard, à juste titre, les éditeurs vendent aux libraires, pas aux lecteurs.

Etonnez-vous ensuite qu'ils rament. On change pas de stratégie de promotion en un an ou deux.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

Avatar du membre
Erion
Messages : 5025
Enregistré le : sam. oct. 21, 2006 10:46 am

Message par Erion » jeu. juin 10, 2010 8:16 am

Don Lorenjy a écrit :
Lensman a écrit : C'est à ceux qui lisent de se prendre en main et de parler de ce qu'ils ont apprécié. Où sont-ils? que font-ils? Il n'y a pas de service public payé par les contribuables chargé de parler de ceci ou de cela, sur les sites. Chacun peut envoyer une critique (enfin,je crois...). Le Net, c'est une auberge espagnole.

Oncle Joe
Beaucoup le font, mais dans les cercles déjà sensibilisés.
Je n'ai pas fais de recherche sur la question, mais si vous voulez, on fait un sondage sur "qui va poster des fiches de lectures ailleurs que sur des sites ou forums sensibilisés à l'imaginaire ?"

Après, on se compte, on prend son bâton et on pèlerinne...
Ah ouais, sur Amaz... Non, rien...
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

Avatar du membre
Sybille
Messages : 1115
Enregistré le : sam. sept. 30, 2006 11:10 am

Message par Sybille » jeu. juin 10, 2010 8:17 am

Eric a écrit :
Sybille a écrit :
Eric a écrit :Je suis mal placé pour dire ça, mais il est vrai aussi que les supports susceptibles de publier/découvrir de nouveaux auteurs se raréfient et de ce côté-là, le support internet montre qu'il n'est pas capable de prendre la relève du magazine papier.
Est-ce qu'il n'est pas capable ou est-ce qu'on ne veut pas qu'il prenne... ?
Parce que, perso, ce qui m'a marquée au fil des années, c'est que, à travail égal (i.e. la même personne), fait un truc papier, on en parle, y'a des chroniques, mais que, si c'est sur le web, silence radio.
Je pense que les gens ne lisent pas sur Net. Aussi simplement que ça.

D'une part c'est malpratique, même pour des gens aussi habitué à l'outil que nous (on verra ce que l'arrivée de tablettes et des liseuses changera à cela)

D'autre part, il est difficile de trier le bon grain de l'ivraie. Les gens ont encore besoin de la caution d'un éditeur pour leur signaler que tel texte est assez bon pour qu'ils investissent quelques heures dessus.

Alors est-ce que c'est une limite du support ou un palier dans son évolution ? L'avenir le dira (j'aurais tendance à pencher pour la deuxième hypothèse).

Il serait intéressant de voir ce que donnent les initiatives de magazines en ligne publiés aux US. Je ne crois pas que ça soit mirobolant.
Je parlais de textes "édités".
Et les gens lisent, si, mais ceux qui chroniquent et relaient l'info ne le font pas.
C'est un constat, après des années.

Avatar du membre
Erion
Messages : 5025
Enregistré le : sam. oct. 21, 2006 10:46 am

Message par Erion » jeu. juin 10, 2010 8:26 am

Gérard Klein a écrit : Soit € la quantité d'euros que l'ensemble des acheteurs de livres acceptent de dépenser sur l'année (supposée constante, elle est en nette régression ces derniers temps);
Soit T la quantité de temps que l'ensemble des lecteurs de livres (en sensible diminution ces dernières années) consacrent à cette lecture sur l'année :
Alors, comme dirait AEVV, si n best-sellers correspondent à une fraction significative de la quantité €, il en restera d'autant moins pour tous les autres livres;
Si ces même n best-sellers correspondent à une fraction significative du temps de lecture, soit T, il en restera d'autant moins pour les autres livres.
Pas du tout convaincu par l'argumentation.

En gros, elle repose sur le fait que le lectorat est constitué d'atomes tous identiques. Sur 30 ans, la part d'individus ne possédant aucun livre est passée de 25% en 1973 à 9%. Il y a donc plus de gens qui possèdent UN livre (et je rajoute en plus que la proportion d'individus ayant acheté un livre dans les 12 derniers mois est passée de 53 à 61% depuis 1973). On peut imaginer qu'il s'agit du best-seller dont tout le monde parle.
En revanche, sur la même période, le nombre de grands lecteurs (plus de 25 livres par ans) est passé de 22 à 14% (sources l'Etat de la France édition 2007-2008).
Qui achète les "moyens" ? sans doute pas les lecteurs d'un seul livre (ils en achètent qu'un seul, ils veulent être satisfaits), mais les gros lecteurs, qui sont en mesure de prendre des risques, d'être curieux.

Par conséquent, je ne crois pas du tout à l'effet d'éviction. Les lecteurs ne sont pas dans des stratégies équivalentes. Le lecteur qui achète Werber, il a pas hésité entre Werber et Robert J. Sawyer, il est allé directement sur Werber, et ce sera son seul livre acheté de l'année.

Après, on peut s'interroger sur ce qui s'est passé chez les grands lecteurs, pourquoi leur nombre s'est effondré ? Mais c'est un peu facile d'accuser les best-seller.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

Avatar du membre
Sybille
Messages : 1115
Enregistré le : sam. sept. 30, 2006 11:10 am

Message par Sybille » jeu. juin 10, 2010 8:42 am

Erion a écrit :Après, on peut s'interroger sur ce qui s'est passé chez les grands lecteurs, pourquoi leur nombre s'est effondré ? Mais c'est un peu facile d'accuser les best-seller.
On a simplement accès à plus de loisirs.
Avant, on lisait car on n'avait rien de mieux à faire. Quand j'étais enfant, il n'y avait que quelques chaines de télé, le magnétoscope venait juste de sortir, y'avait pas de jeux vidéo...

Lucie
Messages : 1126
Enregistré le : dim. août 13, 2006 2:10 pm

Message par Lucie » jeu. juin 10, 2010 9:00 am

Lensman a écrit :
henri a écrit :"Et je me méfie toujours des éditeurs qui essaient d'analyser les causes d'un succès public, comme s'il y avait quelque hard science à cela... Je ne suis pas sûr que les raisons du succès de Werber soient les mêmes que pour celui de Jonathan Littell, par exemple, ni que celles du succès de Marc Levy soient les mêmes que celles d'Erik Orsenna, ou, pour parler d'un sujet que vous connaissez bien, je ne suis pas sûr que les raisons du succès de Frank Herbert puissent expliquer le flop de Greg Bear...
Et d'ailleurs, Gérard n'a donné aucune analyse du succès en question, ou j'ai mal lu.
Personnellement, je ne me méfie en rien des analyses des éditeurs, quand ils en font (pourquoi s'en méfier?), par contre, je les trouve rarement convaincantes.

Oncle Joe
Si bien sûr, Gérard a fait une analyse :
On remarquera deux choses: la part croissante des Surfaces Alimentaires, inexistantes il y a dix ans, au détriment d'abord des librairies traditionnelles puis des grandes surfaces spécialisées (FNAC, Virgin, etc.); ensuite que ces chiffres, certes importants, sont bien en deçà de ceux des grands best-sellers et se sont faits au détriment de ce qu'on pourrait appeler l'imaginaire traditionnel qui a fortement reculé sur ces quatre ans.
Deux fois "au détriment", c'est à deux reprises déduire (ou induire) une relation de cause à effet. Et comme Henri l'a souligné,
les chiffres d'un auteur en particulier sont responsables de la chute d'un genre tout entier. Cela nécessiterait une étude un peu plus approfondie (et plus digne de votre remarquable intelligence)
Moi j'aurais dit qu'il fallait un peu moins de mauvaise foi :wink:

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire sur un autre fil, lorsqu'ils étaient au collège, mon fils et ses amis ont eu une période où ils étaient fans de Werber (et où quand j'allais au salon du livre, j'avais intérêt à revenir avec une dédicace 1+1=3).J'ai eu un petit coup de flip quand ils se sont mis à calculer leurs points pour savoir comment ils allaient se réincarner, comme s'ils oubliaient que c'était de la fiction, et prenaient les Thanataunautes comme un guide.

Jusqu'au moment où je me suis rappelée qu'après tout, merde, la fiction, c'est aussi ça. Et qu'on se construit aussi comme ça, en jouant, en y croyant, et que moi, la mère, ça ne me regardait pas vraiment.

Certains ont continué à lire de la SFFF, d'autres non. Et c'est leur affaire. Deux ans plus tard, mon fils m'a fait découvrir Jared Diamond, et je crois que sa lecture des livres de Werber (sauf les Fourmis, curieusement, mais je crois que c'est parce que je lui conseillais) a contribué à le sensibiliser à cet autre chose, à cette façon différente de voir, de chercher à comprendre ce qui nous entoure.

Moi, Werber, je l'avais découvert plus tôt, au moment des Fourmis. Et j'ai adoré ce bouquin. Et entre autre, j'ai adoré les énigmes (que je suis très fière d'avoir toutes trouvées ;)) J'ai été déçue par les romans suivants (et j'ai arrêté de lire du Werber) et j'ai été agacée, ensuite, par l'usage commercial qui était fait des trouvailles originales des Fourmis ("L' Encyclopédie des mondes imaginaires" ? pas sûre du titre), mais en même temps, je ne vois pas au nom de quel principe absurde un écrivain devrait se priver de publier des livres qui lui rapportent de l'argent, ni d'ailleurs au nom de quoi mon plaisir de lecture déterminerait son plaisir d'écriture. (en clair, c'est pas parce que j'ai pas aimé les autres livres qu'il ne s'est pas fait plaisir à les écrire)

La SF pure et dure et la désaffection du public ? Mais une bonne part de la SF est devenue ennuyeuse, ou angoissante. Parce que des événements décrits dans des ouvrages de science-fiction se sont produits, on a parlé de prospective, voire de prédiction. Et beaucoup d'auteurs aiment cette "anticipation réaliste". Je pense à Ligny qui milite autant qu'il distraie ses lecteurs.

Mais la majorité du public, des lecteurs de SF, ne souhaite pas être, par le biais de la fiction, avertie des malheurs qui vont lui tomber sur la tête. Et ça n'en fait pas pour autant de mauvais citoyens, bordel ! Il y a d'autres façons de se sensibiliser à une cause que la fiction. Moi, ça marche bien, souvent un roman m'apprend plus qu'un essai, mais si quelqu'un préfère lire Diamond d'un côté, et se divertir avec quelque chose d'à la fois dépaysant, distrayant et, pourquoi pas, marrant, c'est très bien. Ça deviendra un auditeur du Donjon de Naheulbeuk, un rôliste, un lecteur de fantasy ET un citoyen.

Sans compter qu'un roman d'anticipation qui "prédit" l'avenir... eh bien, ça n'est plus de l'Imaginaire. C'est du réalisme. Alors le coup de la défense de l'Imaginaire...

Et s'il n'est pas littératureux, on s'en fout. Ce qu'on doit enseigner à autrui, ça n'est pas l'amour des belles lettres, mais celui des gens. Ce qu'on doit sauver, ça n'est pas la SF, mais plutôt la Terre ou la liberté-égalité-fraternité. Un truc réellement important, quoi !

Parce que bon, la SF, tout comme la fantasy ou le fantastique, pour tout vous avouer, pour moi, c'est un plaisir. Un grand plaisir, certes, mais tout à fait superflu. Je peux vivre sans. J'ai plus de mal à vivre avec certaines injustices.

Je sais que ça peut paraitre dédaigneux pour ceux d'entre vous qui vivent de la SFFF, en tant qu'auteurs ou éditeurs. Moi, j'en suis loin, même si ça met du beurre dans mes pâtes.

Mais par moments, vous semblez oublier cette notion essentielle : les gens lisent des romans pour le plaisir. Et un roman flippant n'est pas plaisant à moins de jouer un rôle de catharsis.

Lucie
Messages : 1126
Enregistré le : dim. août 13, 2006 2:10 pm

Message par Lucie » jeu. juin 10, 2010 9:03 am

Eric a écrit :
Sybille a écrit :
Eric a écrit :Je suis mal placé pour dire ça, mais il est vrai aussi que les supports susceptibles de publier/découvrir de nouveaux auteurs se raréfient et de ce côté-là, le support internet montre qu'il n'est pas capable de prendre la relève du magazine papier.
Est-ce qu'il n'est pas capable ou est-ce qu'on ne veut pas qu'il prenne... ?
Parce que, perso, ce qui m'a marquée au fil des années, c'est que, à travail égal (i.e. la même personne), fait un truc papier, on en parle, y'a des chroniques, mais que, si c'est sur le web, silence radio.
Je pense que les gens ne lisent pas sur Net. Aussi simplement que ça.

D'une part c'est malpratique, même pour des gens aussi habitué à l'outil que nous (on verra ce que l'arrivée de tablettes et des liseuses changera à cela)

D'autre part, il est difficile de trier le bon grain de l'ivraie. Les gens ont encore besoin de la caution d'un éditeur pour leur signaler que tel texte est assez bon pour qu'ils investissent quelques heures dessus.

Alors est-ce que c'est une limite du support ou un palier dans son évolution ? L'avenir le dira (j'aurais tendance à pencher pour la deuxième hypothèse).

Il serait intéressant de voir ce que donnent les initiatives de magazines en ligne publiés aux US. Je ne crois pas que ça soit mirobolant.
je connais des éditeurs qui préféraient m'envoyer des SP pour nooSFere, plutôt que pour Galaxies ou Faeries. Donc déjà, faudrait préciser de quels supports papier on parle, et de quels supports-on-the-web. Télé 7 jours, à mon avis, c'est plus intéressant qu'un blog lu par une dizaine d'abonnés. Mais entre un site spécialisé et très visité et une revue envoyée à 1000 abonnés...

Répondre

Retourner vers « Les événements salons/festivals/dédicaces »