fabrice a écrit :Légèrement hors-sujet, mais peut-être pas tant que ça : un
article de Jourde consacré à Djian - que je trouve pour le coup légèrement abusif, mais bon. Cet homme parle de style. Concrètement. C'est assez rare pour être signalé.
Je n'ose imaginer le même traitement appliqué à BW. Parfois, le fait qu'un critique élitiste ne s'intéresse pas à votre œuvre peut avoir du bon.
C'est amusant, cet article que tu cites...
Parce qu'il vient d'un auteur dont l'un des romans les plus connus, Festins secrets, est entièrement bâti sur une fausse bonne idée, en matière de style: ce fameux tutoiement, qui est vraiment le gros raté du livre. Du coup, on a beau sympathiser idéologiquement avec le livre (critique des iufm, aberration des premières affectations pour les profs inexpérimentés, etc.), on trouve ça raté...
Jourde fait partie de ces écrivains qui ne sont bons que dans le négatif. Quand il s'agit de proposer quelque chose, ils sont moins convaincants...
On me répondra: oui, mais dans Festins secrets, à la fin, tu comprends le tutoiement, ça fait partie de l'histoire, y a vraiment quelqu'un qui dit "tu" au héros, c'est pas seulement une préciosité de style.
D'où: on ne peut décidément jamais dissocier le style du fond.
Quand le style est naze, c'est que l'histoire racontée manque d'ampleur, d'ambition, de virtuosité romanesque, de pénétration psychologique. Et après tout, même l'Education sentimentale raconte quelque chose, et dépeint son époque, dépeint ce qui, en elle, foire... La vitesse d'un récit, ses sonorités, son rythme, après tout, cela relève de ce qu'il raconte. Un style dépouillé raconte un monde asséché, désenchanté, désespéré. (edit: ou une perception/conception du monde asséchée, désenchantée, désespérée, ou pauvre)
Un style étoffé, rythmé de longues phrases, labyrinthique, sinuant (Musil, Proust) raconte d'abord un monde (edit: ou une perception/conception du monde) encore riche, encore gros(se) de trésors d'intelligence et de sens, et qui ne va pas tarder à payer le prix d'une telle saturation, d'un tel excès, d'une telle débauche, comme la Vienne du début du XXème, ou la France de Proust...
Ce qui rend la majeure partie de ce débat d'aujourd'hui inutile. On a réinventé la roue, l'eau chaude, et le fil à couper le beurre, et dans la douleur, en plus...