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Posté : mer. juin 09, 2010 1:15 pm
par Lucie
dracosolis a écrit :8) tu sais bien que c'est la wicca qui est censurée Lucie, pas le genre en fait :)
Je n'en suis pas si sûre. Je pense que ça n'est pas la wicca seule, ni la fantasy seule, ni le féminisme seul. Mais le rapprochement entre les trois.... ou la !

C'est bien ce qui était réclamé plus haut, non ? Situer nos mauvais genres dans leur contexte, ce qui les influence et ce qu'ils influencent.

Posté : mer. juin 09, 2010 1:41 pm
par Lensman
Lucie a écrit :
dracosolis a écrit :8) tu sais bien que c'est la wicca qui est censurée Lucie, pas le genre en fait :)
Je n'en suis pas si sûre. Je pense que ça n'est pas la wicca seule, ni la fantasy seule, ni le féminisme seul. Mais le rapprochement entre les trois.... ou la !

C'est bien ce qui était réclamé plus haut, non ? Situer nos mauvais genres dans leur contexte, ce qui les influence et ce qu'ils influencent.
De fait, si j'étais féministe, ça ne m'amuserait pas du tout d'être rapproché de la wicca. Mais je doute que ce soit la raison de l'éditeur...

Oncle Joe

Posté : mer. juin 09, 2010 2:20 pm
par Transhumain
Lucie a écrit :D'un autre côté, quand on voit qu'unessai universitaire sur la fantasy est censuré on peut se demander si les chroniqueurs littéraires des médias généralistes sont vraiment libres du choix des bouquins qu'ils présentent au public.
Aucun rapport avec la choucroute.
Le chroniqueur n'est libre de chroniquer ce qu'il veut, que dans la mesure où son rédac chef, ou son chef de rubrique, le lui autorise. C'est un fonctionnement professionnel, y a un chef qui décide : de publier un article, de publier un livre, ou, comme ici, de le retirer des ventes (ce qui est très con, nous sommes bien d'accord, mais à mon avis, l'éditeur avait publié le truc sans faire attention, et là, sur les conseils hilares d'un ami, il tombe sur : un mouvement spirtuel fumeux de sorcières new age, Virgine Despentes et Michel Onfray. Il a eu honte, et a préféré se ridiculiser plutôt que d'associer son nom à un truc pareil).

Posté : mer. juin 09, 2010 2:25 pm
par Lensman
Transhumain a écrit :Michel Onfray. Il a eu honte, et a préféré se ridiculiser plutôt que d'associer son nom à un truc pareil).
Là, je dois dire que ça pourrait se comprendre, si c'est le cas. Mais tout de même, pour le principe...

Oncle Joe

Posté : mer. juin 09, 2010 2:53 pm
par Eric
Fabien Lyraud a écrit : C'est ce qui est arrivé pour le roman noir grâce à Manchette qui a été le premier à utiliser pour parler de ce type de littérature d'une grille qui lui est propre.
Rivière a fait la même chose pour le roman à énigme.
Exactement !

Après, on peut épiloguer sur le fait que, se faisant, Manchette a rigidifié les codes du genre. On peut même le déplorer (si vous lancez Thierry Marignac là-dessus, il chausse les gants de boxe).

Mais au moins, il a permis au genre d'exister dans des médias généralistes où on le chronique avec l'attention qu'il mérite et surtout, avec les outils appropriés.

Je n'ai pas le souvenir, par exemple, d'avoir lu dans Libé ou le Monde un papier commençant par :

"Bien-sûr, ce n'est qu'un polar, mais..."
Fabien Lyraud a écrit :Pourquoi ce ne serait pas possible pour la SF, le fantastique et la fantasy.
La question à un million d'euros. On va encore arguer que la SF est un genre difficile d'accès. Moui... Bon... si on veut. Je ne vois pas ce que Le Prestige a de moins accessible que La Route, pas plus que je ne vois ce qu'il y a de très compliqué à comprendre dans Spin, où Wilson donne toutes les clefs dans les 100 premières pages.

Si la SF est difficile d'accès, alors que font Pynchon et Joyce au pinacle des critiques littéraires ? Si le fait de ne pas comprendre la moitié de ce qu'ils lisent est un critère valide (parce qu'on ne me fera pas croire que tous les critiques qui se turlutent la quéquette sur Joyce et Pynchon comprennent vraiment leurs romans), on doit bien pouvoir leur trouver un ou deux Moorcock bien imbittables (même pour Moorcock).

On va dire que la fantasy est trop légère pour qu'on s'y attarde. Sans doute pour une (grosse) partie de la production, mais ce n'est pas le cas de TOUS les romans de fantasy.

Quant au fantastique, tout le monde l'oublie, alors qu'il est devenu une composante prépondérante de la litt' gen'.

Donc pourquoi nous refuse-t-on cette putain de grille de lecture spécifique ? N'a-t-on pas eu assez de volontaires pour être les Manchette du genre ?

Posté : mer. juin 09, 2010 2:54 pm
par Eric
Transhumain a écrit :Michel Onfray. Il a eu honte, et a préféré se ridiculiser plutôt que d'associer son nom à un truc pareil).
Et pourtant, il n'est plus à ça prêt.

Posté : mer. juin 09, 2010 2:55 pm
par Lucie
Transhumain, tu ne devrais pas parler de ce que tu ne connais pas.

Je ne parle pas de la wicca, que je ne connais pas plus que ça, mais du livre d'Anne Larue. Certes, il y est question de wicca, tout comme il y est question de fantasy. Et l'auteure analyse la façon dont une forme de féminisme a pu être "sauvegardée" et transmise, par le biais de la wicca et/ou par celui de la fantasy, depuis le blacklash des années 80.

Refuser de parler de sorcières, ça signifierait refuser de parler de fantasy et de fantastique.

Censurer un livre au motif qu'on y parle de sorcières (ou se disant telles, là n'est pas la question), c'est censurer l'un des plus importants thèmes de la littérature de l'Imaginaire et le seul qui place d'emblée la femme sur un statut important.

Comme dit Oncle Joe, il y a une question de principe, mais il y a plus, bien plus en jeu.

Posté : mer. juin 09, 2010 3:08 pm
par Transhumain
Eric a écrit :
Transhumain a écrit :Michel Onfray. Il a eu honte, et a préféré se ridiculiser plutôt que d'associer son nom à un truc pareil).
Et pourtant, il n'est plus à ça prêt.
C'est l'éditeur, qui a eu honte. Citer Onfray dans un ouvrage universitaire sur la fantasy, ça n'est pas très sérieux !

Posté : mer. juin 09, 2010 3:16 pm
par Lucie
Transhumain a écrit :
Eric a écrit :
Transhumain a écrit :Michel Onfray. Il a eu honte, et a préféré se ridiculiser plutôt que d'associer son nom à un truc pareil).
Et pourtant, il n'est plus à ça prêt.
C'est l'éditeur, qui a eu honte. Citer Onfray dans un ouvrage universitaire sur la fantasy, ça n'est pas très sérieux !
L'ouvrage ne traite pas que de fantasy. Son titre est "Fiction,
féminisme et postmodernité Les voies subversives du roman contemporain à grand succès" et le roman contemporain dont il est question est, pour la plus grande part, de la fantasy.

edit : je supprime l'extrait pour raisons de droits, bla-bla... pas nets en ce moment

Posté : mer. juin 09, 2010 3:17 pm
par Sarmate
Lensman a écrit :
Sarmate a écrit :. Et qui n'empêchent pas, par ailleurs, de s'intéresser aussi à l'esthétique.
Tiens, comment tu définis l'esthétique? Pour moi, ça fait partie de ces termes que l'on emploie tout le temps, mais dont on ne sait jamais trop bien ce qu'ils recouvrent.

Oncle Joe
Je vais répondre de façon concise, donc forcément réductrice.

L'esthétique comporte l'ensemble des procédés qui visent à donner de la beauté au texte.

Au sens traditionnel, l'esthétique se rapporte plutôt au style, c'est-à-dire aux procédés formels conçus pour toucher la sensibilité du lecteur. (Stratégies narratives, rythmes, registres, figures, etc…) Toutefois, elle n'est pleinement efficace que lorsqu'il y a correspondance entre la forme et son contenu. Le système d'échos ainsi créé peut générer un sentiment de vertige esthétique chez le lecteur qui le perçoit.

Un petit exemple. Voici deux paragraphes d'Un Roi sans divertissement, de Jean Giono. Ces paragraphes se situent au début de la deuxième partie du roman, quand le personnage principal, Langlois, revient après une absence. Ils précèdent immédiatement la réapparition de Langlois :
C'était vers la fin du printemps, au crépuscule du soir. Un très beau crépuscule que nous avons souvent : gentiane et or. On se préparait aux grands travaux de l'été et, présentement, on farfouillait un tout petit peu dans les jardins potagers au lieu-dit Pré-Villars, dans la boucle de la route de Saint-Maurice. A cet endroit-là, la route débouche d'une tranchée, au-dessus d'une cuvette dans laquelle tout le village a ses potagers, et pour aller entrer au village, la route fait le tour de cette cuvette, presque un rond complet.

Il ne s'agissait pas, ni à cette heure ni en cette saison, de travaux rapides ou qui accaparent votre attention ; c'étaient des rigoles d'arrosage qu'on faisait, ou bien on buttait ; ce qui permet de lever souvent la tête. Surtout dans ces beaux soirs de velours.
Si on s'intéresse à la structure de cette description, on se rend compte que la figure du rond est évoquée au centre (fin du deuxième paragraphe), tandis que les deux paragraphes sont structurés par une épanadiplose, (figure qui consiste à reprendre le même thème ou la même expression au début et à la fin d'une unité syntaxique ou narrative), puisque le soir est le sujet de la première phrase et de la dernière phrase. En d'autres termes, la structure de ces paragraphes est circulaire. Or elle précède immédiatement un retour, dans lequel le cercle va réapparaître dans une discrète métaphore filée. Mieux encore : les trois parties du roman sont itératives, puisqu'elles se terminent toujours par le même schéma (mise à mort du monstre), et l'or qui apparaît dans le premier paragraphe est aussi la dernière couleur qui sera citée dans la dernière page du roman, au moment de la mort du héros qui, ici, s'apprête à apparaître.

Nous avons donc ici l'exemple type d'une série de correspondances entre la forme et le sujet, qui manifeste une démarche esthétique.

Ceci dit, il faut aussi ajouter deux précisions :
1. L'esthétique d'une œuvre peut reposer sur autre chose que des procédés strictement formels. Les jeux intertextuels ou la dimension réflexive peuvent aussi susciter un sentiment esthétique.

2. Même si l'esthétique est très fréquente dans les œuvres littéraires, elle n'est pas une condition sine qua non de sa littérarité, si d'autres caractéristiques littéraires y sont observables.

Posté : mer. juin 09, 2010 3:24 pm
par Transhumain
Bisounours a écrit :L'extrait où il est question d'Onfray, le voilà :
« Le vrai art, il est toujours là où on ne l’attend pas », déclare Dubuffet au début de ­­L’Homme du ­­commun à ­­l’ouvrage1. Il en va de même pour la littérature. Elle n’est pas dans le panthéon masculiniste des vieux manuels ; elle ­­ n’est pas dans la ­­ culture parisianiste à couverture blanche. Elle ­­ n’est pas dans les « textes fondateurs » – fondateurs de quoi, au juste, sinon d’un discours normé qui vaut pour vérité indiscutable ? Elle n’est pas dans les stars autoproclamées de la piquette mondaine. La philosophie n’est pas dans les rassottements éternels sur Aristote, Socrate et Platon, sur la répétition inchangée des gloires et des références qui se répètent les unes les autres. Soulignons le phénomène Onfray : les auditeurs veulent autre chose, et se détournent de la ­­culture officielle et de sa prétendue légitimité2.
C'est encore pire que ce que j'imaginais.

Posté : mer. juin 09, 2010 3:27 pm
par Lensman
Sarmate:
Merci pour ta réponse argumentée et précise. Je vois que tu ne penses pas;, comme apparemment notre Transu, que l'esthétique est une catégorie naturelle inhérente à la perception humaine, mais qu'elle nécessite une explicitation.
Dans l'exemple que tu donnes, je ne vois pas bien la différence entre l'esthétique et une structuration du texte en référence à différents concepts. Mais c'est peut-être, justement, ce que l'on appelle esthétique.
C'est donc quelque chose d'entièrement formel, sans lien nécessaire avec une éventelle perception immédiate qu'à peu près tout le monde pourrait éprouver.

Oncle Joe

Posté : mer. juin 09, 2010 3:30 pm
par Don Lorenjy
Eric a écrit : Après, on peut épiloguer sur le fait que, se faisant, Manchette a rigidifié les codes du genre. On peut même le déplorer (si vous lancez Thierry Marignac là-dessus, il chausse les gants de boxe).

Mais au moins, il a permis au genre d'exister dans des médias généralistes où on le chronique avec l'attention qu'il mérite et surtout, avec les outils appropriés.
...

Donc pourquoi nous refuse-t-on cette putain de grille de lecture spécifique ? N'a-t-on pas eu assez de volontaires pour être les Manchette du genre ?
Discussion à Pinal sur le sujet avec Jacques Baudou, qui a aussi failli chausser les gants de boxe.

Pour lui (je résume 3/4 d'heures et 5 kirs chez moi), le polar est mort à cause de cette démarche. Il ne veut pas que l'on tue les genres de l'imaginaire en suivant le même chemin.

Après réflexion, je m'incline devant sa connaissance du sujet, mais je demande : quel autre chemin peut-on se tracer pour avoir droit à une critique "hors du club" ?

Posté : mer. juin 09, 2010 3:32 pm
par Travis
le polar est mort


ah tu m'en apprends une bonne.

Posté : mer. juin 09, 2010 3:33 pm
par Lensman
Don Lorenjy a écrit :
Eric a écrit : Après, on peut épiloguer sur le fait que, se faisant, Manchette a rigidifié les codes du genre. On peut même le déplorer (si vous lancez Thierry Marignac là-dessus, il chausse les gants de boxe).

Mais au moins, il a permis au genre d'exister dans des médias généralistes où on le chronique avec l'attention qu'il mérite et surtout, avec les outils appropriés.
...

Donc pourquoi nous refuse-t-on cette putain de grille de lecture spécifique ? N'a-t-on pas eu assez de volontaires pour être les Manchette du genre ?
Discussion à Pinal sur le sujet avec Jacques Baudou, qui a aussi failli chausser les gants de boxe.

Pour lui (je résume 3/4 d'heures et 5 kirs chez moi), le polar est mort à cause de cette démarche. Il ne veut pas que l'on tue les genres de l'imaginaire en suivant le même chemin.

Après réflexion, je m'incline devant sa connaissance du sujet, mais je demande : quel autre chemin peut-on se tracer pour avoir droit à une critique "hors du club" ?
Je me demande ce que pense Baudou de l'approche actuelle de Lem.

Oncle Joe