Un nouveau roman de Maurice G. Dantec

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systar
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Message par systar » dim. juil. 01, 2007 10:12 am

Nébal a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :
Lensman a écrit :Je pense (encore un avis purement personnel) que, contrairement à une opinion répandue dans certains cercles intellectuels, le manque de clarté dans le discours n'est pas générateur de pensées nouvelles et enrichissantes.
Avis que je partage.

Courage, tu n'es plus seul !
Je plussoie... :)
J'ai une question bête: de quels cercles intellectuels s'agit-il? La plupart du temps, les gens des cercles dits "intellectuels" ont l'impression d'être clairs, ou veulent l'être... Sinon ils ne pourraient même pas discuter entre eux... non? Je n'arrive pas à voir dans quelle branche de la philo ou des sciences ou de la littérature on pourrait ériger l'obscurité en synonyme de profondeur... Eclaire ma lanterne, Joe!

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Lensman
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Message par Lensman » dim. juil. 01, 2007 4:50 pm

Pour Dantec romancier, il faudrait peut-être que je m'y remette, vu que je n'ai pas lu le dernier. L'accroche de celui qui va sortir me fait un peu peur, mais enfin, il faudra voir.
Je ne sais plus quel site nous avait indiqué un ami de ce forum, où il était question du prochain Dantec. Je ne le connaissais pas, j'y suis allé, et j'avoue avoir été impressionné par sa débilité vaniteuse. Du grand art! Admettons cependant que Dantec n'y est pas pour grand chose, ça doit être aux mains de fans délirants, mais tout de même, ça fait peur!
Je me rappelle d'un article recueilli dans "Périfériques", qui s'intitulait "Let's roll, mon Amérique est une femme afghane", avec brusquement un invocation à Nietzsche et au Christ Ressuscité, qui m'avait fait penser que, décidément, j'avais perdu le contact avec l'univers mental cet écrivain. Mais il faudra que je retente le coup...
Pour la confusion dans la pensée, je recommande la lecture de "Impostures intellectuelles" de Sokal & Bricmont (Le Seuil). Il n'est pas nécessaire d'adhérer aux prises de position simplificatrices des deux compères pour ne pas s'effarer devant les exemples qu'ils ont relevé chez des gens réputés sérieux - Lacan, Baudrillard, Latour, Deleuze, etc. Comme je n'ai pas de formation pholosophique, j'avoue que je peux me tromper en croyant que ces personnages sont des intellectuels, et qu'il se peut que je les surestime en les considérant comme tel. C'est un peu à ce genre de dérive que je pensais.
Une fois dite toutes ces méchancétés, j'admets parfaitement que l'on peut faire, par ailleurs, de la littérature séduisante avec une pensée confuse, voire foutraque! Mais il faut être très douté. Dantec l'est-il à ce point?
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Message par systar » lun. juil. 02, 2007 12:28 pm

Si, si, Joe, Deleuze et Baudrillard sont de vrais penseurs. Et ne te fais donc pas plus modeste que ne te l'autorise ton érudition... :wink:
Sokal et Bricmont me semblent appartenir à toute une veine de la pensée du XXème née avec Wittgenstein, qui a cherché à provoquer une déflation du vocabulaire de la métaphysique, à montrer que trop de termes de la métaphysique (Dieu, notamment, âme, libre arbitre) n'avaient pas de sens, pas d'emploi correct dans une phrase. C'est devenu une posture, maintenant: ça "fait bien" de dire qu'on comprend rien à Heidegger, à Deleuze, à Derrida, et qu'on préfère traiter de problèmes concrets, avec des énoncés logiquement irréfutables et bien construits. Sans voir que peut-être, tous ces auteurs déjà voulaient penser le concret (le Dasein, ce n'est jamais que l'homme existant, le désir c'est des agencements de choses concrètes, matérielles, pour Deleuze, etc.).
Il faudrait voir où est la part de probité intellectuelle qui mène à traquer les erreurs scientifiques avérées, et où est la part de malhonnêteté qui consiste à refuser par avance et sans examen approfondi tout énoncé de type métaphysique (refus qui se mord la queue, puisque pour être justifié, il n'est énonçable que sous la forme d'un... énoncé métaphysique, enfin bref).
Pour Dantec: Essaie voir le Grande Jonction, Joe, tu me diras s'il n'y a pas, quand même, dans le paquet, quelques dizaines de belles pages d'action, très visuelles, très dynamiques...
Bien à toi,

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Message par Lensman » mar. juil. 03, 2007 8:49 am

Dantec, je vais re-essayer le romancier. Le penseur (si c'est le bon terme) me semble bien faisandé, par contre.
Dans les exemples relevés par S&B qui m'avaient frappé, il ne s'agissait pas d'"erreurs scientifiques avérées" (tout le monde peut se tromper, et ça peut même être très intéressant de voir le comment et le pourquoi des supposées erreurs) ni d'"énoncés de type métaphysique" que l'on aurait refusé d'examiner, mais plus simplement (et plus malheuruesement) de textes qui n'avaient pas de sens, ce qui est autrement problématique, et jette une doute sur l'intérêt (pour moi) d'un investissement fort dans l'étude de la pensée des auteurs concernés.
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Message par Transhumain » mar. juil. 03, 2007 10:19 am

Exactement Bruno. Le cas de Lacan (mais aussi bien de Deleuze) est éloquent. Lacan, c'est entendu, est quasiment illisible. Même ses plus brillants élèves en bavaient. N'est-ce pas Françoise Dolto qui prétendait, sans qu'on la croie, ne rien comprendre à ses écrits ? Et cependant, les travaux du psychanalyste sont passionnants. Imposture intellectuelle, Lacan ? Bien sûr que non !

Le livre de Sokal et Bricmont repose apparemment (je ne l'ai pas lu) sur un incroyable malentendu : on reproche à Deleuze, Derrida, Lacan, Barthes, Foucault ou Kristeva de recourir à des concepts mathématiques dont ils détournent non seulement le sens (qu'ils ne maîtriseraient pas, selon les auteurs de l'essai), mais encore la direction, sans voir qu'il ne s'agit, pour eux, que de se les réapproprier pour faire surgir de nouveaux langages qui, seuls, permettent le surgissement de pensées nouvelles. Les théories lacaniennes sur l'inconscient comme langage n'auraient sans doute jamais vu le jour sans ce "jargon" tant critiqué. En fait, symboliquement, "L'imposture intellectuelle" ressemble fort à une violente négation de la métaphore. Peu importe que l'espace non-euclidien de Baudrillard soit moins rigoureux que celui de Poincaré ou Riemann. L'important, pourtant pas très difficile à saisir, c'est que pour Baudrillard la guerre du Golfe se déroulait, symboliquement, dans un espace conceptuel. Sokal et Bricmont ont-ils seulement fait le boulot de remonter le courant ? A la fin des années 60, McLuhan voyait déjà dans les mathématiques non euclidiennes un symptome, en même temps qu'une image, du basculement d'une ère médiatique à une autre. A la poésie, à la force d'une métaphore, on oppose l'exactitude scientifique ? C'est absurde.

Le problème, c'est qu'on ne peut entrer dans Deleuze ou Lacan (ou Sloterdijk, ou Heidegger) comme on entre dans BHL. La compréhension de leurs concepts exige une formation préalable parce que, précisément, leur pensée vient en interpréter d'autres, les compléter, les affronter. Il ne tient qu'à chacun de se former un minimum (ne serait-ce que par des ouvrages de vulgarisation). Il est certes plus confortable de décréter le texte imbitable... Que nous coûte de recourir à un dictionnaire de la psychanalyse, à un autre de philosophie; et de parcourir ceertaines oeuvres clés des deux disciplines ? Certaines lectures de Freud (auteur limpide par ailleurs), Lacan ou Kristeva (beaucoup plus ardues) sur les psychoses ont été déterminantes pour moi. Et, Joseph, ce qui n'a pas de sens, si je me fie à ce que j'ai pu lire sur le brûlot en question, c'est le procès que leur intentent Sokal et Bricmont.

Mais pour revenir à Dantec, il n'y a pas besoin d'avoir lu Duns Scott et Gunther Anders pour comprendre Cosmos Inc. et Grande Jonction (même si certains passages de Cosmos Inc. me sont restés rigoureusement incompréhensibles, faute de connaissances théologiques, mais le problème est le même avec la Hard Science). C'est curieux, d'ailleurs, cette méfiance de certains envers les citations et références dans un roman. Premièrement, Dantec inscrit sa science-fiction (qui dans Grande Jonction passe de l'autre côté du miroir, et devient du fantastique) dans une réalité culturelle, ce qui n'est pas si fréquent. La SF a souvent tendance à mettre en scène des mondes où l'histoire littéraire, philosophique, religieuse, a été opportunément oubliée... Et deuxièmement, les références chez Dantec ou d'autres, sont surtout des appels à lire les ouvrages cités. Le lecteur qui découvre, via Dantec, l'oeuvre d'Abellio ou celle de Gunther Anders (qu'il s'empresse alors de lire), en sort grandi.

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Lensman
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Message par Lensman » mar. juil. 03, 2007 10:33 am

Pour Lacan, Deleuze et cie, je sens décidément, à lire les interventions des camarades, que ce n'est vraiment pas pour ma tournure d'esprit. Je n'aurai jamais le courage de rentrer sérieusement là-dedans. Je m'en passerai, tans pis!
Pour Dantec, c'est différent, car dans un roman, je ne suis pas nécessairement gêné de ne pas tout comprendre (je suis un vieux fan de Van Vogt, mine de rien...), ou de ne pas saisir toutes les références... On verra.
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Message par systar » mar. juil. 03, 2007 10:43 am

D'après ce que m'a dit un prof de philo qui avait suivi, quand il était étudiant, les séminaires de Lacan, on n'a pas assez perçu à quel point Lacan lui-même avait beaucoup d'humour sur son propre travail. Je crois qu'un penseur qui se sent devenir obscur par moments doit finir par avoir envie de se marrer. Sinon c'est un con, ou un prétentieux, ou les deux.

Que des énoncés n'aient pas de sens: je maintiens, Joe, que ce type de reproche ne relève pas totalement de la lecture naïve, du regard primesautier sur les choses, mais déjà d'une certaine posture intellectuelle qui est loin d'être innocente. Que diable, on sait très bien, quand on met le nez dans ces fameux auteurs incriminés par S&B, qu'on ne va pas tout comprendre, qu'il se passe plus dans le texte que ce que nous pourrons en comprendre. Après, il importe de ne pas se laisser rebuter par cette apparente opacité, de s'accrocher. Il y a des oeuvres qu'on ne comprend qu'à la relecture, malheureusement, et encore... Nous devons faire cet effort-là.
(Après, de là à dire que pour lire Dantec, il faut prendre la même posture de concentration et d'attention philologique que pour lire Deleuze, Derrida ou Heidegger... :wink: )

Sur la place de la métaphore dans l'histoire de la pensée et de la science: elle est prépondérante, je dirais même qu'elle est matricielle. Ce n'est pas moi qui l'invente, c'est toute l'histoire de la philo et donc des sciences (puisque plein de concepts des sciences proviennent de la philo, et que des Heisenberg, des Einstein et compagnie avaient en eux une vocation proprement philosophique) qui est pleine d'images concrètes.
Hans Blumenberg a très bien montré que l'histoire du concept de vérité à travers 2500 ans de pensée, ce n'est pas tant l'histoire de sa définition comme adéquation de la chose et de l'esprit (adaequatio rei et intellectus), sur laquelle au fond peu de variations sont possibles (on peut faire varier le sens du et: est-ce un directif - de l'un à l'autre-, est-ce autre chose?), que l'histoire de toutes les métaphores de la vérité scientifique ou théologique: la vérité "puissante", c'est-à-dire attractive en elle-même, la vérité comme discours "arraché" au réel (Galilée, Bacon), la vérité scientifique comme manteau d'idées posé sur le réel, le monde de la vie (Husserl), etc.

On ne peut donc jamais rêver d'un langage complètement technicisé, purifié, parfaitement "terminologisé" (la formule est de Blumenberg). Parce qu'au fond il y a un présupposé implicite à cette volonté de purification du langage scientifique/philosophique: c'est l'idée que toute la pensée et toute la connaissance marcheraient vers un but terminal, ultime, de perfection du savoir. Une telle conception téléologique de l'histoire de la pensée est illusoire, je pense. L'existence de la SF comme modalité d'exploration, par la narration, de diverses options possibles, et le fait que nous aimions lire des romans dont les hypothèses sont contradictoires d'un roman à l'autre montre bien que nous ne cherchons pas "la" vérité ultime, mais que, si nous concevons bien la SF comme un acte de pensée à part entière, ce sont plutôt des expérimentations que nous entreprenons, forcément dispersées, rhapsodiques.

Deleuze, dans l'Abécédaire, expliquait la façon dont il reprenait un concept venu des sciences, parce qu'il le trouvait pertinent pour exprimer ses idées à lui. Il ne cherchait pas à faire oeuvre de scientifique, mais bien à trouver une langue capable d'exprimer sa pensée.

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Message par Lensman » mar. juil. 03, 2007 11:03 am

Franchement, il est déjà tellement difficile de faire passer des idées, que l'effort devrait porter sur leur clarification, plutôt que l'inverse. Les imprécisions et les failles sont déjà là dans les discours lles plus logiques, et elles s'agrandiront toutes seules sans avoir besoin de les y aider, il n'y a pas à s'inquiéter...
Mais je dois faire partie d'une école de pensée obsolète, place aux jeunes! Bonne chance pour votre mission, les gars!

Bon, je vais lire le prochain Dantec... Enfin, si j'ai le courage.

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Message par systar » mar. juil. 03, 2007 11:06 am

Lensman a écrit :Franchement, il est déjà tellement difficile de faire passer des idées, que l'effort devrait porter sur leur clarification, plutôt que l'inverse. Les imprécisions et les failles sont déjà là dans les discours lles plus logiques, et elles s'agrandiront toutes seules sans avoir besoin de les y aider, il n'y a pas à s'inquiéter...
Mais je dois faire partie d'une école de pensée obsolète, place aux jeunes! Bonne chance pour votre mission, les gars!

Bon, je vais lire le prochain Dantec... Enfin, si j'ai le courage.

Oncle Joe
Tss, tss... Le pire, c'est que je suis sûr que Deleuze et compagnie, ils espéraient être vachement clairs pour les lecteurs... Et puis, regarde les cours oraux de Deleuze: des chefs d'oeuvre de pédagogie!

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Lensman
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Message par Lensman » mar. juil. 03, 2007 11:14 am

Je crois que je vais en rester à Pierre Dac, le disciple le plus douté de Nietzsche en matière d'aphorisme...
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Nébal
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Message par Nébal » mar. juil. 03, 2007 12:10 pm

Lensman a écrit :Franchement, il est déjà tellement difficile de faire passer des idées, que l'effort devrait porter sur leur clarification, plutôt que l'inverse. Les imprécisions et les failles sont déjà là dans les discours lles plus logiques, et elles s'agrandiront toutes seules sans avoir besoin de les y aider, il n'y a pas à s'inquiéter...
Bah voilà. :)

Accessoirement, si un jeune ignare dans mon genre, dôté d'une fort médiocre culture philosophique qui plus est, peut faire quelques remarques sur ce débat...

Quand j'ai plussoyé l'autre jour l'oncle Joe sur "le manque de clarté de certains cercles intellectuels", je ne visais pas tant des intellectuels tels que ceux qui ont été cités (notamment Deleuze ou Lacan) que leurs "disciples". Entendons-nous bien : que certains penseurs de renom emploient, notamment du fait de leur formation, un langage éventuellement obscur pour le quidam, c'est dans l'ordre des choses. Hélas, aurais-je envie de dire, puisque la mission de pédagogie me semble tristement oubliée dans bien des cas ; c'est un peu dommage, non, de confiner la pensée dans le cercle des "hyper-spécialistes" ? Mais le système universitaire actuel ne fait qu'encourager cet état de choses... Passons. Le véritable problème réside quand même à mon sens dans l'appropriation d'une pensée originale par une cohorte de suiveurs plus ou moins pertinents, qui abusent du Grand Nom du Penseur Extraordinaire et de ses Concepts Révolutionnaires dans un discours stérile et confus, où le jargon et l'obscurité tiennent lieu d'intelligence... La prétention de gens qui s'écoutent parler, quoi, avec une bonne louche de mépris pour les non-initiés. Je ne connais rien ou presque à Deleuze et Lacan, honte sur moi : mais j'ai assisté quand même à quelques conversations entre deleuziens ou lacaniens, et c'était au mieux risible (ou, pour prendre un exemple que je maîtrise un peu mieux même si pas trop non plus, les débats de bourdieusiens, c'est parfois du plus haut comique... enfin, il y a encore pire, les adeptes de la systémique sociale par exemple ; eux, en plus, ils font des zoulis schémas...).

Après, il y a aussi, hélas, une tendance de certains intellectuels à employer un langage délibérément obscur : des auteurs qui écrivent "pour ceux qui sont en mesure de les lire" et assument cette posture élitiste. Bon. Pourquoi pas... Si ça débouche sur quelque chose.

Pour en revenir à la SF, et indirectement à Dantec, je ne suis pas si sûr que "La SF a souvent tendance à mettre en scène des mondes où l'histoire littéraire, philosophique, religieuse, a été opportunément oubliée" (copyright Transhumain). Pour prendre l'exemple des réflexions d'ordre théologique, inscrites dans un cercle culturel précis, et à grand renfort de citations si nécessaires, on a quand même pas attendu Dantec, même si ça a donné des choses plus ou moins pertinentes : Dick, par exemple, dans bon nombre de ses textes (et je ne parle pas uniquement de la "Trilogie divine", loin de là...), ou, plus récemment, et loin de notre bonne vieille terre, Dan Simmons dans Hypérion. Et au-delà de la théologie, on pourrait évoquer la filiation marquée chez certains auteurs avec l'utopie, etc. On ne saurait de toutes façons se dégager trop du contexte culturel dans lequel l'oeuvre est émise...

La citation en tant que telle, d'ailleurs, n'est pas nécessairement gênante, surtout si elle vient apporter un plus, une incitation à une réflexion supplémentaire : par exemple, les nombreuses allusions à la complexité et aux conceptions d'Ilya Prigogine dans Schismatrice + de Bruce Sterling, pour citer une lecture récente.

L'hermétisme de certains textes de fiction, par ailleurs, n'est pas non plus nécessairement gênant : je ne prétendrais par exemple certainement pas comprendre tout ce qu'à pu écrire William Gibson, loin de là, mais j'ai toujours trouvé que, chez cet auteur, l'obscurité du propos tendait parfois à conférer à l'oeuvre littéraire une dose supplémentaire de poésie... Finalement, si l'hermétisme de l'oeuvre apporte ainsi une certaine fascination ou suscite un trouble qui amène à la réflexion personnelle, là encore, tant mieux : Kafka, par exemple, pour sortir de la SF...

Le problème est donc celui de la citation et de l'hermétisme à bon escient, et de l'effet (poétique ou "intellectuel") que ces "techniques" peuvent susciter chez le lecteur intéressé et prêt à fournir un effort. Est-ce le cas chez Dantec ? N'ayant pas lu ses derniers romans, je ne pourrais pas vraiment m'engager dans le débat (j'ai bien envie de rattraper mon retard, ceci dit !), mais, dans certains de ses plus vieux romans, on pouvait déjà voir une tendance à la citation à outrance (et un peu vide), et accessoirement une tendance à développer outre-mesure le propos, qui ne sont pas forcément rassurantes... Le pire étant tout de même ses prises de position hors-fiction : finalement, la crainte que j'ai, ce n'est pas tant de ne pas aimer Dantec parce que je ne le comprends pas que parce que je pourrais le comprendre (au-delà d'une certaine dose de pose éventuellement vide)... Mais bon, faut voir. :wink:

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Message par systar » mar. juil. 03, 2007 12:40 pm

Au fond, Nébal, culture philosophique ou pas, on se rejoint, je pense.

En fait, à chacun de trouver ses propres portes d'entrée dans la pensée. Tout ne peut pas nous parler avec la même clarté, on n'a jamais les mêmes "horizons d'attente" (c'est-à-dire le background culturel/intellectuel qui fait qu'on attendra certaines choses d'un texte et qu'on y trouvera certaines choses) qu'un autre. Moi j'ai commencé tout doucement avec des livres d'initiation (j'ai pas honte de dire que j'ai découvert les matérialistes par le Traité du désespoir et de la béatitude de Comte-Sponville!), et petit à petit, quand on s'installe dans une problématique et qu'on y est à l'aise, on a envie de la pousser à fond, d'aller plus loin. C'est là qu'on progresse.
La SF, de ce point de vue, fonctionne un peu comme la philo: un auteur en appelle un autre, un livre en appelle un autre, un univers en appelle d'autres...

Sur les deleuziens ridicules entre eux: ne dites pas ça à Dantec ou à Damasio, vous allez les faire hurler!

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Message par Lensman » mar. juil. 03, 2007 1:12 pm

Je suis tout à fait d'accord avec l'ami Nébal...
Je trouve aussi que les prises de position hors fiction handicapent Dantec: on craint le pire pour la fiction, mais il faut voir.
Tout de même, il en fait des tonnes dans le délire politico-religieux, à tel point que je me demande parfois s'il ne joue pas la comédie. C'est une hypothèse que je n'exclus pas complètement. Au XIXe siècle, il y a bien eu le Dr Bataille qui, pendant des années, a fait croire qu'il dénonçait un délirant complot satanique franc-maçon contre les catholiques, pour avouer un jour, en public, que tout était du pur pipeau, entièrement inventé par lui. (Inutlie de dire qu'on ne l'a pas cru...)
Si c'était le cas, ça me ferait bien rire, et j'en serais content. Mais...

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Message par Nébal » mar. juil. 03, 2007 2:02 pm

Lensman a écrit : Tout de même, il en fait des tonnes dans le délire politico-religieux, à tel point que je me demande parfois s'il ne joue pas la comédie. C'est une hypothèse que je n'exclus pas complètement. Au XIXe siècle, il y a bien eu le Dr Bataille qui, pendant des années, a fait croire qu'il dénonçait un délirant complot satanique franc-maçon contre les catholiques, pour avouer un jour, en public, que tout était du pur pipeau, entièrement inventé par lui. (Inutlie de dire qu'on ne l'a pas cru...)
Si c'était le cas, ça me ferait bien rire, et j'en serais content. Mais...
Effectivement, ça ne m'étonnerait pas plus que ça ; j'ai vraiment l'impression qu'il y a pas mal de pose dans son attitude (et ça expliquerait bien des choses !) ; mais c'est peut-être prendre ses désirs pour des réalités...

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Message par Transhumain » mar. juil. 03, 2007 2:23 pm

Nébal a écrit : Pour en revenir à la SF, et indirectement à Dantec, je ne suis pas si sûr que "La SF a souvent tendance à mettre en scène des mondes où l'histoire littéraire, philosophique, religieuse, a été opportunément oubliée" (copyright Transhumain). Pour prendre l'exemple des réflexions d'ordre théologique, inscrites dans un cercle culturel précis, et à grand renfort de citations si nécessaires, on a quand même pas attendu Dantec, même si ça a donné des choses plus ou moins pertinentes : Dick, par exemple, dans bon nombre de ses textes (et je ne parle pas uniquement de la "Trilogie divine", loin de là...), ou, plus récemment, et loin de notre bonne vieille terre, Dan Simmons dans Hypérion
Bien sûr Nébal ! Ai-je dit que Dantec innovait, ce faisant ? Ne jamais faire dire au forumeur ce qu'il n'a pas dit! Ce que j'ai écrit, très exactement, c'est : "Dantec inscrit sa science-fiction (...) dans une réalité culturelle, ce qui n'est pas si fréquent. La SF a souvent tendance à mettre en scène des mondes où l'histoire littéraire, philosophique, religieuse, a été opportunément oubliée..." Je maintiens. Pour un Hypérion, combien de Fondation (et ceci, sans juger de la qualité des textes) ? Je ne prétends même pas que l'une ou l'autre solution est préférable. Je me réjouis seulement que certains auteurs, comme Dantec, marchent un peu à contrevent.

Il ne s'agit pas de prétendre que tout le monde doit pouvoir comprendre d'emblée Lacan, ou Deleuze. Peu en sont capables ici (pas moi : ça me demande de gros efforts). Mais d'être curieux. D'avoir l'humilité d'essayer de comprendre ce qui nous paraît obscur. Et de ne pas prendre un air soupçonneux quand un texte dépasse nos capacités à un moment donné. Comme le dit Bruno, un livre en appelle un autre, et ainsi de suite, sans fin, et si un sujet nous intéresse particulièrement, ce n'est pas un langage obscur qui nous arrêtera !

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