Hoêl a écrit :C'est quand même bizarre cette manie de vouloir tout étiqueter , définir , enfermer dans des cases ; je ne compte plus le nombre de débats sur "Qu'est-ce que la S.F.? Le fantastique ? la Fantasy ? etc..." Voilà maintenant qu'on s'attaque à l'imaginaire ! Pour moi , l'important , c'est qu'il s'agisse de littérature ! Les ghettos , non merci ! et quand ceux qui les fabriquent s'y enferment de leur propre chef , je crie :"Au fou !"
Les ghettos sont une force pour le lecteur, cela a un sens.
Ton raisonnement serait légitime s'il n'existait qu'une dizaine de livres parus par an. Mais dans la pléthore d'ouvrages, l'absence de repères est une plaie.
Chaque genre a des particularités, une grammaire, des outils. Ca lui permet d'être très réactif (parce qu'il peut utiliser ces outils pour traduire un phénomène de société) et de faire passer des choses qui ne seraient pas évidentes sans ça. Nier ces outils, c'est enlever tout cela, toute cette capacité.
Si on veut une théorie du complot, je peux en sortir une (il se trouve qu'elle en a presque des effets). Les "instances de légitimation littéraire" n'ont pas réussi à détruire les "mauvais genres" en les excluant, en les marginalisant, bien au contraire, c'est ce qui les a fait prospérer (le mauvais genre s'opposant au "bon goût", au goût bourgeois). Aussi, elles procèdent différemment, elles légitiment certaines oeuvres, certains auteurs (dernier en date, Ballard) pour lui enlever toute particularité, toute spécificité et ne garder que l'écume ("c'est trop bien pour être de la SF"). En diluant les particularités, on détruit tout potentiel, toute force, tout aspect subversif. La grande bourgeoise se fait un léger frisson en lisant le mot "bite" ou "couille", et voilà.
Lors de la mort de Ballard, sur France Culture, il y a eu deux émissions d'hommage, réalisées par des personnes qui n'avaient jamais lu du Ballard (ou quasiment pas) pour la simple raison que comme c'était de la littérature, on allait pas demander à des spécialistes de la SF de parler de choses qu'ils connaissaient parfaitement. Dès qu'un mauvais genre n'est pas assez extrème, il est phagocyté, digéré, et on lui coupe tout ce qui dépasse et pourrait être intéressant. Au nom de la "littérature".
Et en tant qu'agent aliéné par la bourgeoisie (c'est amusant les gros mots, mais les discussions de ce type me semble relever de ce genre de logomachie) vous encouragez la domination de celle-ci sur le champs littéraire, en vous positionnant par rapport à ses critères de jugement à elle, plutôt qu'aux vôtres (qui sont tout aussi légitimes).
La peinture et la photo existent, mais l'expression "arts de la vision" n'a pas englobé le tout et n'est pas le vocable normal pour désigner ces arts.