
(Source : Forum Bélial')
Modérateurs : Estelle Hamelin, Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m
Le menton appuyé sur la gouttière, les genoux plantés entre deux volées de tuiles, Grégory laisse son regard chuter dans la grande cour. Il aime ce vertige animal, cet émoi de faucon circonscrit par les quatre murs de l'institution Cithéron, son horizon à angle droit dont il partage le panorama grisâtre avec deux cents autres enfants. L'air vicié de la grande cour ne monte pas jusqu'au toit. Des courants le tiennent captif entre le rez-de-chaussée et le sixième étage. Les six derniers étages, jusqu'aux gouttières de plomb oxydé, délimitent le ciel de Grégory, son terrain d'imagination.
En bas, à gauche du portail, il y a le clos du directeur, et sa précieuse vigne, cinquante pieds de Gros-Plant nantais, mal taillés, trop touffus, trop fertiles, qui donnent quelques bouteilles d'un vin astringent dont tout le personnel fait semblant de raffoler. Et il y passe du temps, monsieur Lycurgue ou Docteur Lycurgue ou monsieur le Directeur ou le Dicteur, comme les gamins le surnomment, décoré de la Légion d'honneur, cette petite pustule rouge sur le col de son veston, et qui a plusieurs fois failli être appelé à l'Académie, oui, à l'Académie des Lettres et des Sciences, monsieur l'académicien Lycurgue, savant, bienfaiteur, et amateur de bon vin. En attendant, il se contente de sa Légion d'honneur, de son poste de Trésorier au sein du Cercle des Œnologues, et de sa vigne, qu'il arpente inlassablement, en récitant Virgile dans un latin de bourgeois de province.