Mystification extraterrestre et science-fiction
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Ah ? Vous sembliez pourtant, dans une de vos fameuses préfaces, différencier la langue (par extension assimilable au formalisme mathématique) du simple code (informatique) :Gérard Klein a écrit :Mathématiciens et informaticiens sont des écrivains.
D'un genre un peu spécial, je l'admets.
Donc ce sont des artistes dans le meilleur des cas.
Au-delà de l'anecdote, votre réflexion sur les "xénolectes"(néologismes science-fictionnels) me semble pouvoir apporter un éclairage particulier à la question qui nous occupe ici : l'ufologie.Gérard Klein, dans sa Préface au Xénolexique de Simon Lequeux a écrit :Il y a bien eu des créateurs de langues artificielles mais comme l'espéranto, elles empruntaient leurs règles au corpus simplifié de langues naturelles, ou encore, comme les langages informatiques, elles sont en réalité des codes et non pas des langues. La différence, fondamentale, entre un code et une langue, que je n'ai pas le loisir d'approfondir ici, me paraît tenir à ceci : un code n'a pas de sémantique propre ; toute sémantique qui lui est affixée est empruntée aux usages d'une langue préexistante
Les "xénolectes" sont à la fois témoins de l'invention lexicale particulière à l'écriture SF et d'un certain "air du temps" fait d'emprunts et de détournements massifs du jargon techno-scientifique du moment. Avec parfois des mouvements en sens inverse et le réappropriement par la société du corpus SF (vous citiez l' exemple du "waldo" d'Heinlein).
Cette capacité à inventer des mots, propre à ce que vous appeliez "littératures du surgissement", peut donc nous servir à repenser les filiations intellectuelles internes à la SF tout comme ses rapports avec le "métatexte" sociétal qui enserre le genre :
Gérard Klein, dans sa Préface au Xénolexique de Simon Lequeux a écrit :Dans cette perspective, il convient de féliciter Simon Lequeux. En fournissant immédiatement la date d'apparition des xénolectes, telle qu'elle ressort au moins de la date de parution des œuvres qui les contiennent, comme font les lexicographes, il rend plus facile un classement chronologique et la recherche de diachronies et de synchronies éventuelles.
Pour l'étude de littératures du surgissement, en évolution permanente, comme la Science-Fiction, où apparaissent sans cesse de nouveaux objets, de nouvelles idées, voire de nouveaux concepts, qui sont ensuite retravaillés, on n'insistera jamais assez sur l'intérêt de chronologies aussi fiables que possible.
De tels classements, par auteur et collectivement, permettraient d'explorer les généalogies individuelles et collectives, si elles existent, de ces vocabulaires. Y a-t-il une évolution des xénolectes dans l'œuvre d'un auteur ? Se manifeste-t-il entre les xénolectes de différents auteurs des effets d'intertextualité comme on en relève si souvent dans la littérature de Science-Fiction ?
Nous avions évoqué ailleurs la difficulté soulevée par tout projet de cartographie sémantique, classification, thesaurus ou graphe "phylogénétique" du genre.
Cette difficulté est double :
* d'une part, l'histoire "axiologique" du genre peut parfois conduire à transposer anachroniquement nos goûts contemporains sur des réalités défuntes;
* il faut donc conjurer le risque téléologique inhérent à cet exercice en reconstituant méticuleusement les strates successives d'interprétations auxquelles chaque texte a donné jour
* d'autre part, comment établir cette généalogie critique sans faire référence à l'"en-dehors" du texte qui occupe la sociologie littéraire ? (les conditions d'écriture, l'état des connaissances, les réseaux, l'économie éditoriale, les publics, les cercles interprétatifs)
Sur toutes ces questions je renvoye au site de référence FABULA .ORG et en particulier à la communication de Jean-Louis Jeannelle sur " Histoire littéraire et genres factuels" <http://www.fabula.org/lht/0/Jeannelle.html>
Vous me demanderez peut-être ce que les petits bonhommes verts, Lagrange et l'ufologie viennent faire dans un projet de classification et d'histoire du genre ?
Tout ! Le grand mérite de la sociologie des sciences et des connaissances n'est-il pas d'avoir mis en évidence la sociabilité qui irrigue les terminologies propres aux communautés savantes, médiatiques ou professionnelles ? Peut-on continuer à raisonner en termes de "grand partage" quand les emprunts parcourent tout le champ du savoir, des lettres et des pseudo-sciences, au risque de tomber dans le bric à brac post-moderniste dénoncé en son temps par Sokal ?
Je ne doute pas qu'on puisse trouver dans l'immense corpus de la SF des auteurs suffisamment géniaux ou autistes pour ne tirer que d'eux-mêmes leurs créations xénolectiques. Mais ces cas mis à part, la SF n'est-elle pas traversée par une double intertextualité : à l'intérieur du genre, d'un auteur à l'autre, et à l'extérieur du genre dans les rapports complexes que la plume peut entretenir avec son siècle ?
À mes yeux, la SF appelle un double traitement qui tienne à la fois compte de son authentique "littérarité" et de sa riche tradition conceptuelle, sans oublier par ailleurs son insertion problématique dans le monde et ce qu'elle peut nous dire de "l'esprit du temps" ou de communautés plus circonscrites comme le fandom ou d' "hétéroclites et soucoupomanes" influences.
Pour vous donner un bref exemple de la richesse de cette intertextualité, dans et hors le genre, je voudrais vous donner quelques thèmes et sous-thèmes glanés au fur et à mesure de mes recherches préparatoires. Ces thèmes apparaissent dans mon corpus étudié, mais également dans les interviews de FH ou sous la plume de ses commentateurs de presse (académique la plupart du temps) et de ses apocryphes (cinéastes en particulier). Leur mise en parallèle témoigne à la fois de l'environnement littéraire et intellectuel de l'auteur comme des analogies proposées par une partie (limitée mais influente) de son lectorat.
J'attire également votre attention sur l'hétérogénéité des "réseaux" sémantiques mis en lumière par ces petites listes : où des images purement fictionnelles font écho à des concepts scientifiques installés, des théories discutées, des conjectures indémontrables mais sérieuses, des spéculations, des allégations para- ou pseudoscientifiques, des extrapolations philosophiques, des thèmes analytiques, des rêveries new age voire des délires sectaires. Il ne saurait être question de dresser des filiations arbitraires entre ces registres. Tout au contraire, certains n'appartiennent qu'à FH, d'autres à ses lecteurs, d'autres encore aux deux. Mais dans l'hétérogénéité même de ces rapprochements (à expliciter), reste l'idée que la SF offre un double visage à ses herméneutes : à la fois esthétique et idéologie, tradition littéraire et discours sur le monde, dans le monde. Double inscription d'un média, lui-même enserré dans les réemplois intermédiaux de notre société de l'image.
→ écologie sociale, évolutionnisme & civilisations
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Modifié en dernier par Askaris le ven. sept. 04, 2009 5:56 pm, modifié 1 fois.
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Je maintiens évidemment la distinction entre langages naturels et codes.
Mais les informaticiens se servent le plus souvent, sinon toujours, des langages machine, assembleurs et évolués comme s'il s'agissait de langages naturels à quelques distinctions près.
C'est même pourquoi leurs créations sont aussi bricolées et nécessitent toujours des patchs dans toutes les directions.
Sur tout le reste, faut voir. J'ai tendance à penser qu'on avance par essais et erreurs et que si on attend d'avoir une méthodologie parfaite, on ne fera pas grand chose avant longtemps. Mais ça permet de palabrer sur la méthodologie, ce qu'adorent faire certains philosophes.
Pour ma part, je suis assez pour le bricolage, tendance Feyerabend. C'est du reste sous son patronage que j'ai placé mon essai Trames et moirés qui fut débattu à Peyresq juste avant l'été dernier. J'espère en rééditer un jour prochain une version enfin complète.
Le problème ne me semble pas être d'atteindre le réel et la vérité, ce qui me paraît tout à fait inaccessible, comme à Zwirn, mais d'essayer de dire des choses provisoirement intelligentes et utiles.
>Eons.
J'aimerais bien voir cette preuve de la propagation de la gravitation plus rapide que la lumière. Mais c'était à peu près ce à quoi croyait Newton et pas mal de physiciens plus récents qui devaient avoir du mal avec la relativité.
Quant à l'instabilité des systèmes à plus de deux corps, c'est bien connu depuis Poincaré, et, si je ne me trompe, quelle que soit la vitesse de transmission.
Mais les informaticiens se servent le plus souvent, sinon toujours, des langages machine, assembleurs et évolués comme s'il s'agissait de langages naturels à quelques distinctions près.
C'est même pourquoi leurs créations sont aussi bricolées et nécessitent toujours des patchs dans toutes les directions.
Sur tout le reste, faut voir. J'ai tendance à penser qu'on avance par essais et erreurs et que si on attend d'avoir une méthodologie parfaite, on ne fera pas grand chose avant longtemps. Mais ça permet de palabrer sur la méthodologie, ce qu'adorent faire certains philosophes.
Pour ma part, je suis assez pour le bricolage, tendance Feyerabend. C'est du reste sous son patronage que j'ai placé mon essai Trames et moirés qui fut débattu à Peyresq juste avant l'été dernier. J'espère en rééditer un jour prochain une version enfin complète.
Le problème ne me semble pas être d'atteindre le réel et la vérité, ce qui me paraît tout à fait inaccessible, comme à Zwirn, mais d'essayer de dire des choses provisoirement intelligentes et utiles.
>Eons.
J'aimerais bien voir cette preuve de la propagation de la gravitation plus rapide que la lumière. Mais c'était à peu près ce à quoi croyait Newton et pas mal de physiciens plus récents qui devaient avoir du mal avec la relativité.
Quant à l'instabilité des systèmes à plus de deux corps, c'est bien connu depuis Poincaré, et, si je ne me trompe, quelle que soit la vitesse de transmission.
Pour revenir une minute à l'ufologie, ce document tout récent qui nous montre qu'il y a des pays plus en avance que d'autres...
Oncle Joe
Japan's new first lady says rode in a spaceship
Reuters – Yukio Hatoyama and his wife Miyuki pose for the media after casting their absentee ballots for the upcoming …
Wed Sep 2, 1:18 pm ET
TOKYO (Reuters) – Japan's next prime minister might be nicknamed "the alien," but it's his wife who claims to have had a close encounter with another world.
"While my body was asleep, I think my soul rode on a triangular-shaped UFO and went to Venus," Miyuki Hatoyama, the wife of premier-in-waiting Yukio Hatoyama, wrote in a book published last year.
"It was a very beautiful place and it was really green."
Yukio Hatoyama is due to be voted in as premier on September 16 following his party's crushing election victory over the long-ruling Liberal Democratic Party Sunday.
Miyuki, 66, described the extraterrestrial experience, which she said took place some 20 years ago, in a book entitled "Very Strange Things I've Encountered."
When she awoke, Japan's next first lady wrote, she told her now ex-husband that she had just been to Venus. He advised her that it was probably just a dream.
"My current husband has a different way of thinking," she wrote. "He would surely say 'Oh, that's great'."
Yukio Hatoyama, 62, the rich grandson of a former prime minister, was once nicknamed "the alien" for his prominent eyes.
Miyuki, also known for her culinary skills, spent six years acting in the Takarazuka Revue, an all-female musical theater group. She met the U.S.-educated Yukio while living in America.
(Reporting by Colin Parott; Editing by Linda Sieg)
Oncle Joe
Japan's new first lady says rode in a spaceship
Reuters – Yukio Hatoyama and his wife Miyuki pose for the media after casting their absentee ballots for the upcoming …
Wed Sep 2, 1:18 pm ET
TOKYO (Reuters) – Japan's next prime minister might be nicknamed "the alien," but it's his wife who claims to have had a close encounter with another world.
"While my body was asleep, I think my soul rode on a triangular-shaped UFO and went to Venus," Miyuki Hatoyama, the wife of premier-in-waiting Yukio Hatoyama, wrote in a book published last year.
"It was a very beautiful place and it was really green."
Yukio Hatoyama is due to be voted in as premier on September 16 following his party's crushing election victory over the long-ruling Liberal Democratic Party Sunday.
Miyuki, 66, described the extraterrestrial experience, which she said took place some 20 years ago, in a book entitled "Very Strange Things I've Encountered."
When she awoke, Japan's next first lady wrote, she told her now ex-husband that she had just been to Venus. He advised her that it was probably just a dream.
"My current husband has a different way of thinking," she wrote. "He would surely say 'Oh, that's great'."
Yukio Hatoyama, 62, the rich grandson of a former prime minister, was once nicknamed "the alien" for his prominent eyes.
Miyuki, also known for her culinary skills, spent six years acting in the Takarazuka Revue, an all-female musical theater group. She met the U.S.-educated Yukio while living in America.
(Reporting by Colin Parott; Editing by Linda Sieg)
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Je croyais que les femmes venaient de Vénus (et les hommes de Mars), pas qu'elles y allaient.
Toutes mes convictions scientifiques s'effondrent. Alors qu'elles avaient été péniblement acquises dans des piles d'ouvrages savants qu'on trouve à la FNAC?
À qui se fier?
J'ai même un doute désormais sur la validité de Philosophie de la mécanique quantique, de Bricmont et Zwirn, Vuibert.
Dont je recommande par ailleurs la lecture.
Toutes mes convictions scientifiques s'effondrent. Alors qu'elles avaient été péniblement acquises dans des piles d'ouvrages savants qu'on trouve à la FNAC?
À qui se fier?
J'ai même un doute désormais sur la validité de Philosophie de la mécanique quantique, de Bricmont et Zwirn, Vuibert.
Dont je recommande par ailleurs la lecture.
Modifié en dernier par Gérard Klein le dim. sept. 06, 2009 12:57 pm, modifié 2 fois.
Nous sommes bien d'accord là-dessus. Il ne suffit plus de plaquer arbitrairement je ne sais quelle méthodologie en vogue, ou de réproduire des discours construits pour d'autres genres, voire d'autres disciplines.Gérard Klein a écrit :
Sur tout le reste, faut voir. J'ai tendance à penser qu'on avance par essais et erreurs et que si on attend d'avoir une méthodologie parfaite, on ne fera pas grand chose avant longtemps. Mais ça permet de palabrer sur la méthodologie, ce qu'adorent faire certains philosophes.
Pour ma part, je suis assez pour le bricolage, tendance Feyerabend. C'est du reste sous son patronage que j'ai placé mon essai Trames et moirés qui fut débattu à Peyresq juste avant l'été dernier. J'espère en rééditer un jour prochain une version enfin complète.
Le problème ne me semble pas être d'atteindre le réel et la vérité, ce qui me paraît tout à fait inaccessible, comme à Zwirn, mais d'essayer de dire des choses provisoirement intelligentes et utiles.
Quand je dépouille la littérature sur le genre je trouve de tout : narratologues, sociologues, psycho-sociologues, sémiologues, anthropologues, philosophes, linguistes ou sociologues des sciences...
...Mais d'historiens des idées, nada ! Peut-être suis-je mal informé, mais des érudits du genre de Versins, Goimard, vous même ou Altairac sont des raretés au sein du paysage critique. J'ai pourtant dépouillé de long en large les recensions de Spehner, mais à part de brillantes thèses isolées, je ne trouve pas de travaux pragmatiques basés sur un dépouillement intensif des sources et une utilisation de l'archive.