Tes remarques montrent bien l'importance de la volonté de l'auteur d'écrire ou non de la science-fiction. En introduisant cet aspect "conte philosophique", c'est-à-dire, en faisant en sorte que le lecteur ne prenne pas "au sérieux" (au sens: ne s'immergera pas complètement dans le texte, ne va pas "y croire" le temps de la lecture), l'auteur décide sciemment de ne pas écrire de la science-fiction, dans laquelle (selon moi, en tout cas) l'immersion est une donnée de base.Gérard Klein a écrit :La moitié au moins de l'œuvre de Pierre Boulle relève de la science-fiction, en particulier parmi ses nouvelles:
Le titre du recueil E=MC2 n'a pas été choisi par hasard.
Une nuit interminable en est un exemple exceptionnel à tous points de vue.
Et Boulle le savait, et n'ignorait pas l'espèce littéraire mais il détestait qu'on parle de science-fiction à propos de son œuvre parce qu'il redoutait de se trouver enfermé dans un genre, voire dans un ghetto. C'était une simple précaution d'auteur, au demeurant sans doute encouragée par ses éditeurs. La crainte de repousser un public généraliste.
Alors il tournait autour du pot et parlait de contes philosophiques. En quoi il ne différait pas des auteurs de littgén tentés par la sf de son temps (et d'aujourd'hui encore, paraît-il) ainsi Robert Merle.
Je me souviens qu'il a fait des manières quand j'ai repris Une nuit… dans une anthologie ouvertement de science-fiction en 1975 mais il a accepté et en était très content. Je crois même que j'ai une lettre quelque part.
Il est regrettable qu'il soit surtout connu pour un roman mineur, La Planète des singes, qui demeure son seul texte aujourd'hui disponible.
Assez curieusement du reste, le roman La planète… n'a jamais été traduit en anglais et le public américain n'en connaît que la novelisation du film !!!.
L'auteur a ses raisons de poser cette distance, bonnes ou mauvaises. Mais quand il la pose, il n'écrit pas de la science-fiction.
Après, évidemment, on est peu de chose, et il y a des nuances, mais c'est là que je placerais une césure fondamentale.
Oncle Joe