Florent a écrit :Elle ne prend en compte que ce qui arrange sa propre opinion et ses préjugés, surtout. Si on se place du point de vue des associations de protections de l'enfance, cette histoire est également horrible. Du point de vue des protecteurs des animaux, pareil. Mais encore une fois, c'est le contexte médiéval qui veut ça. C'est à croire qu'elle n'a jamais ouvert un livre d'Histoire, la réalité est bien pire que tout ce que peut décrire Martin. Ou bien alors il faudrait réécrire les livres d'Histoire, pour qu'ils soient en accord avec ses principes. Et c'est à peine une blague...
L'argument de "la réalité contient x, donc l'auteur a le droit (voire raison) de reconduire x dans sa fiction" est très faible, surtout s'agissant d'un monde dans lequel on trouve de la magie.
Martin a fait des choix en établissant sa fiction. Il a choisi quels éléments de notre monde il reprenait, de quelle manière il les agençait et pour quel effet. Il a choisi quels éléments nouveaux il introduisait, de quelle manière il rompait avec notre réalité.
La réalité ne s'est pas imposée à lui : il a décidé ce qu'il en gardait.
Ce qui s'est imposé, c'est la nécessité de construire un monde qui plaise à ses lecteurs, avec des péripéties intéressantes. Et il a choisi une modalité sinistre, dont il joue à la perfection, dans laquelle tous ses personnages sont des victimes potentielles.
La convergence de cadres médiévalisants dans lesquels les hommes agissent, et cette nécessité dramatique de créer des victimes, aboutit à créer une histoire où les femmes souffrent beaucoup.
le déséquilibre entre hommes et femmes ne tient pas seulement au fait qu'elles soient plus facilement victimes, car comme je l'ai moi-même rappelé les hommes souffrent aussi de plein de façons.
Il tient au fait que les femmes ne sont presque que des victimes dans cette histoire. S'il s'en trouve pour agir, leurs actes sont mal inspirés ou inutiles. Les hommes, eux, souffrent, mais ils réussissent parfois dans leurs entreprises et beaucoup d'entre eux sont admirables : ned Stark et tous ses fils; les trois hommes Lannister, et j'en passe.
Catelyn Stark, Cersei, au contraire, ne font que des trucs stupides et/ou dangereux, sauf quand elles sont guidées par des hommes. Sansa Stark est une cruche abominable et même Aria, que j'apprécie beaucoup, passe plus de temps à s'enfuir et être capturer qu'à quoi que ce soit d'utile. Leurs frères, en revanche, ont des destins extraordinaires.
Et ça, c'est un choix spécifique de Martin. Il n'est ni le premier, ni le dernier à reprendre des schémas de ce genre, mais j'estime qu'on a droit de le signaler.
Un personnage intéressant à cet égard est Daenerys, qui réussit bien plus que tous les autres personnages féminins. Le problème est qu'elle est souvent paralysée par l'indécision et peu perspicace. Si on me signale qu'elle a 13 ou 14 ans, je répondrai simplement que Martin a choisi son âge. Il a décidé de lui donner cette caractéristique.
Il y a un argument moralisant vicieux (si j'ose écrire...) qui consisterait à dire que, justement, dans une fiction, il ne faudrait pas reproduire les horreurs de la réalité...
Oncle Joe
Ou plus exactement, que celui qui les reconduit sait très bien ce qu'il fait et qu'il fait des choix. Il serait donc hypocrite de dire "c'est normal qu'il y ait de la torture dans l'histoire, parce que la torture existe". Et il vaut mieux assumer tranquillement, comme je le fais volontiers, en disant "oui, ce livre repose sur une série de renversements de fortune au cours desquels de nombreux personnages, en particulier des femmes et des jeunes filles, subissent des tortures, des humiliations et des viols, mais je trouve que ça fait une bonne histoire, en l'occurrence".
Florent a écrit :]Pourquoi ? Un livre n'est pas censé présenter un monde de bisounours nettoyé de toutes les horreurs de la réalité. Le jour où en sera arrivé là, je m'exile sur une île déserte, déjà que ça me tente pas mal... L'écrivain qui décide d'écrire une histoire dans un contexte médiéval, mais où les femmes ne sont pas opprimées, pour ne pas choquer les féministes, où les tribus de l'est ne sont pas sauvages, pour ne pas contrarier les antiracistes, où aucun animal n'est molesté, pour ne pas perturber les amis des animaux, et où on mange végétarien et on on trie ses déchets, je ne suis pas sûr d'avoir envie de le lire.
Et si c'est un bon livre ? Là, tel que tu le décris, ça m'a l'air intéressant. ça me rappelle même un peu
ça
Parce qu'il n'y a pas de relation de cause à effet entre "livre contenant des scènes de viol, des sous-entendus racistes et des mauvais traitemetns sur animaux" et "livre que tu as envie de lire", selon toi, si ?
Il se trouve que le trône de fer est composé de bons bouquins, mais je connais aussi beaucoup de bons bouquins qui ne sont pas particulèrement sexistes ni racistes.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.