"La SF, c'est de la fantasy avec des boulons (ou pas...

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bormandg
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Message par bormandg » ven. janv. 30, 2009 11:47 am

silramil a écrit :Le critère de distinction que j'ai essayé de mettre en valeur dans ce petit texte n'enlève rien au fait que les deux genres ont de nombreux points communs, à la fois pour ce qui est de la préparation et de l'inspiration en amont, et pour ce qui est des objets apparents en aval. De plus, il existe de nombreux cas limites dans lesquels l'auteur brouille les pistes ou choisit de laisser la question en suspens. Je ne prétends pas avoir épuisé la question du rapport entre les deux genres, que ce soit pour les distinguer ou les rapprocher.
Comme je crois l'avoir lu dans l'article, ces deux "genres" ont en commun avec leur origine (la littérature "réaliste") une base d'inspiration et de préparation des mondes imaginaires. J'ai toujours dit et répète qu'il n'y a pas de différence de fond entre un mousquetaire de Dumas, un petit homme vert de Frédéric Brown et un hobbit: ce sont tous les trois des personnages de roman, de fiction, construits avec des références plus ou moins "réelles" et "historiques" ou "scientifiques". Mais ce qui est commun à la SF et à la fantasy prend, effectivement, ses racines dans la notion même de fiction. 8)
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Message par Papageno » ven. janv. 30, 2009 1:00 pm

La littérature n'est pas exclusivement formée d'oeuvres spéculatives.


La littérature, probablement pas.. Mais la science-fiction, je me demande ?.

Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » ven. janv. 30, 2009 1:07 pm

La SF est une littérature d'image et une littérature d'univers. Elle est également une littérature de concepts (je préfère dire littérature de concepts que littérature d'idée, ça me paraît plus clair).
La fantasy est une littérature d'image et une littérature d'univers. Certaines de ses oeuvres les plus ambitieuses manipulent également un certains nombre de concepts issus des sciences humaines.
Donc il me semble que ces deux littératures sont soeurs.
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Message par bormandg » ven. janv. 30, 2009 1:13 pm

Fabien Lyraud a écrit :La SF est une littérature d'image et une littérature d'univers. Elle est également une littérature de concepts (je préfère dire littérature de concepts que littérature d'idée, ça me paraît plus clair).
La fantasy est une littérature d'image et une littérature d'univers. Certaines de ses oeuvres les plus ambitieuses manipulent également un certains nombre de concepts issus des sciences humaines.
Donc il me semble que ces deux littératures sont soeurs.
+1
De plus:
Toutes deux possèdent une part "roman d'aventures pures" (space opera ou heroïc fantasy), uine part "pur divertissement (romans d'humour ou de "nonsense") et une part "fiction spéculative" (plus développée en SF, plus exceptionnelle en fantasy, mais réelle dans les deux cas). 8)
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Message par silramil » ven. janv. 30, 2009 3:54 pm

bormandg a écrit : Comme je crois l'avoir lu dans l'article, ces deux "genres" ont en commun avec leur origine (la littérature "réaliste") une base d'inspiration et de préparation des mondes imaginaires. J'ai toujours dit et répète qu'il n'y a pas de différence de fond entre un mousquetaire de Dumas, un petit homme vert de Frédéric Brown et un hobbit: ce sont tous les trois des personnages de roman, de fiction, construits avec des références plus ou moins "réelles" et "historiques" ou "scientifiques". Mais ce qui est commun à la SF et à la fantasy prend, effectivement, ses racines dans la notion même de fiction. 8)
Je n'ai pas dit que l'origine de la fantasy et de la SF était à chercher dans la littérature "réaliste", mais que ces trois types de fiction ont en commun d'élaborer leurs univers de fiction à partir d'objets considérés dans leur matérialité.
De ce point de vue, il ne faut pas oublier la "soeur" réaliste, si on tient à établir des liens de parenté.

Par ailleurs, si je puis me permettre, dire que des types de fiction ont en commun de produire des fictions n'apporte pas grand-chose. Je suis d'accord pour dire qu'un personnage de fiction reste par essence un être imaginaire, quel que soit son rapport supposé à la réalité ; pour autant, la manière dont Balzac, Zola, Scott construisent leurs personnages diffère nettement de celle dont Rabelais, Voltaire ou Cervantes construisent les leurs.
Et les personnages des deux autres types de fictions matérialistes, dont SF et fantasy sont des étiquettes mal ajustées, sont construits de façon similaire (et non pas calquée sur) à ceux des personnages "réalistes".

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Message par bormandg » ven. janv. 30, 2009 4:24 pm

silramil a écrit :
bormandg a écrit : Comme je crois l'avoir lu dans l'article, ces deux "genres" ont en commun avec leur origine (la littérature "réaliste") une base d'inspiration et de préparation des mondes imaginaires. J'ai toujours dit et répète qu'il n'y a pas de différence de fond entre un mousquetaire de Dumas, un petit homme vert de Frédéric Brown et un hobbit: ce sont tous les trois des personnages de roman, de fiction, construits avec des références plus ou moins "réelles" et "historiques" ou "scientifiques". Mais ce qui est commun à la SF et à la fantasy prend, effectivement, ses racines dans la notion même de fiction. 8)
Je n'ai pas dit que l'origine de la fantasy et de la SF était à chercher dans la littérature "réaliste", mais que ces trois types de fiction ont en commun d'élaborer leurs univers de fiction à partir d'objets considérés dans leur matérialité.
De ce point de vue, il ne faut pas oublier la "soeur" réaliste, si on tient à établir des liens de parenté.
Grande soeur alors, parce qu'elle a pris conscience d'elle-même bien avant les deux autres (bon, on ne va pas épiloguer sur le "proto-SF" et les oeuvres fantastiques antiques). Quoique, après tout, par le biais des légendes, le fantastique préexiste au récit réaliste, alors....
silramil a écrit : Par ailleurs, si je puis me permettre, dire que des types de fiction ont en commun de produire des fictions n'apporte pas grand-chose. Je suis d'accord pour dire qu'un personnage de fiction reste par essence un être imaginaire, quel que soit son rapport supposé à la réalité ; pour autant, la manière dont Balzac, Zola, Scott construisent leurs personnages diffère nettement de celle dont Rabelais, Voltaire ou Cervantes construisent les leurs.
Et les personnages des deux autres types de fictions matérialistes, dont SF et fantasy sont des étiquettes mal ajustées, sont construits de façon similaire (et non pas calquée sur) à ceux des personnages "réalistes".
Là, je persiste à penser que cette similarité est une identité de mode de création. On imagine un personnage de la même manière si on se réfère à une image d'origine réelle ou à une image qu'on s'est forgée dans les lectures, contes ou rêves.
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Message par Fabien Lyraud » ven. janv. 30, 2009 4:42 pm

C'est un peu vite oublier que la SF comme la fantasy ont une particularité. L'univers y est un véritable personnage. Personnellement je parlerais de super actant monde. Il y a tout un continuum d'éléments figuratifs qui n'ont aucun référents dans le monde réel. Ces éléments s'organisent en réseau pour consolider la dimention figurative du récit. L'univers peut aller jusqu à avoir un véritable rôle de personnage dans le livre univers.
Pour moi le livre univers tant en SF qu'en fantasy est un roman dans lequel l'univers est le personnage principal.

Quand au rapport entre littérature réaliste, SF et fantasy je ne suis pas d'accord avec ce qui est dit précédemment. Si l'on considère le rapport entre la ligne spatio temporelle du lecteur (la réalité consensuelle) et la ligne spatio temporelle du récit on se rend compte aussi bien dans la SF que dans la fantasy elles se disjoignent. La SF c'est un ailleurs et un demain (à la différence de l'anticipation qui est un ici et demain) et la fantasy c'est un ailleurs spatial et un ailleurs temporel. Dans les deux cas nous avons une rupture de la ligne fictionnelle par rapport à la ligne de la réalité. Dans la littérature rélaiste les deux sont confondu et il y a identification ou localisation (passé, présent).
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Message par silramil » ven. janv. 30, 2009 4:46 pm

bormandg a écrit :
silramil a écrit :
bormandg a écrit : Comme je crois l'avoir lu dans l'article, ces deux "genres" ont en commun avec leur origine (la littérature "réaliste") une base d'inspiration et de préparation des mondes imaginaires. J'ai toujours dit et répète qu'il n'y a pas de différence de fond entre un mousquetaire de Dumas, un petit homme vert de Frédéric Brown et un hobbit: ce sont tous les trois des personnages de roman, de fiction, construits avec des références plus ou moins "réelles" et "historiques" ou "scientifiques". Mais ce qui est commun à la SF et à la fantasy prend, effectivement, ses racines dans la notion même de fiction. 8)
Je n'ai pas dit que l'origine de la fantasy et de la SF était à chercher dans la littérature "réaliste", mais que ces trois types de fiction ont en commun d'élaborer leurs univers de fiction à partir d'objets considérés dans leur matérialité.
De ce point de vue, il ne faut pas oublier la "soeur" réaliste, si on tient à établir des liens de parenté.
Grande soeur alors, parce qu'elle a pris conscience d'elle-même bien avant les deux autres (bon, on ne va pas épiloguer sur le "proto-SF" et les oeuvres fantastiques antiques). Quoique, après tout, par le biais des légendes, le fantastique préexiste au récit réaliste, alors....
Historiquement, je considère que le courant de contestation du réel (auquel appartient la fantasy) est antérieur au courant d'imitation du réel : le fantastique avant le réalisme, en effet. Du point de vue de l'histoire littéraire, les fictions matérialistes ne commencent à être pratiquées qu'à partir de la fin du 18e siècle, et le premier type de fiction matérialiste à obtenir une reconnaissance est le fantastique. La modalité "réaliste" ne s'affirme que vers le milieu du 19e.
Je n'inclus pas dans ces fictions matérialistes des textes antérieurs à 1750, à vue de nez. Il ne s'agit pas de dénier d'éventuels points communs, mais de parler de la construction de mondes fictionnels.
bormandg a écrit :
silramil a écrit : Par ailleurs, si je puis me permettre, dire que des types de fiction ont en commun de produire des fictions n'apporte pas grand-chose. Je suis d'accord pour dire qu'un personnage de fiction reste par essence un être imaginaire, quel que soit son rapport supposé à la réalité ; pour autant, la manière dont Balzac, Zola, Scott construisent leurs personnages diffère nettement de celle dont Rabelais, Voltaire ou Cervantes construisent les leurs.
Et les personnages des deux autres types de fictions matérialistes, dont SF et fantasy sont des étiquettes mal ajustées, sont construits de façon similaire (et non pas calquée sur) à ceux des personnages "réalistes".
Là, je persiste à penser que cette similarité est une identité de mode de création. On imagine un personnage de la même manière si on se réfère à une image d'origine réelle ou à une image qu'on s'est forgée dans les lectures, contes ou rêves.
Il me semble que nous ne disons pas des choses différentes.
J'oppose ici la création d'un personnage chez Dick, Balzac ou Pratchett (personnages tenus pour *réels*, c'est-à-dire que le texte est susceptible de parler d'une multitude de détails physiques et psychologiques qui donnent l'illusion d'une matérialité) à la création d'un personnage dans un conte de fée, un conte philosophique, un roman hellénistique, un poème mythique, une chanson de geste (où les personnages sont essentiellement suscités par leurs noms et des indications générales de comportement et de motivation).

Il y a donc une forme d'identité de création dans les fictions SF, fantasy et réalistes, non pas tant parce qu'il s'agit d'images, mais parce que la manière dont toutes les fictions matérialistes élaborent leurs objets est à chaque fois en quelque sorte pseudo-documentaire.

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Message par silramil » ven. janv. 30, 2009 5:02 pm

Fabien Lyraud a écrit :C'est un peu vite oublier que la SF comme la fantasy ont une particularité. L'univers y est un véritable personnage. Personnellement je parlerais de super actant monde. Il y a tout un continuum d'éléments figuratifs qui n'ont aucun référents dans le monde réel. Ces éléments s'organisent en réseau pour consolider la dimention figurative du récit. L'univers peut aller jusqu à avoir un véritable rôle de personnage dans le livre univers.
Pour moi le livre univers tant en SF qu'en fantasy est un roman dans lequel l'univers est le personnage principal.
Cette "particularité" est incantatoire, à mes yeux. Le monde fictionnel n'agit pas.
Sa recomposition est un enjeu plus ou moins essentiel de l'activité de lecture. Dans la plupart des fictions, la recomposition du monde fictionnel est un enjeu mineur, car il est plastique et ouvertement soumis au bon plaisir de l'auteur.
Dans les fictions matérialistes, il devient en revanche un enjeu majeur. L'activité de lecture d'un lecteur de Balzac ou Zola consiste à découvrir un monde, celui de la Comédie Humaine,ou celui de l'hérédité, à travers les péripéties qui impliquent les personnages. Penser que l'univers fictionnel est un donné, qui irait sans dire, dans les fictions réalistes revient à supposer que les longues descriptions et explications fournies par les auteurs de ce type de fiction n'ont de valeur qu'ornementale.
Je ne fais pas ici de rapprochement pour les besoins d'une démonstration rhétorique : le monde fictionnel est bel et bien aussi central dans une fiction réaliste que dans une fiction scientifique ou une fiction fantaisiste.

Fabien Lyraud a écrit :Quand au rapport entre littérature réaliste, SF et fantasy je ne suis pas d'accord avec ce qui est dit précédemment. Si l'on considère le rapport entre la ligne spatio temporelle du lecteur (la réalité consensuelle) et la ligne spatio temporelle du récit on se rend compte aussi bien dans la SF que dans la fantasy elles se disjoignent. La SF c'est un ailleurs et un demain (à la différence de l'anticipation qui est un ici et demain) et la fantasy c'est un ailleurs spatial et un ailleurs temporel. Dans les deux cas nous avons une rupture de la ligne fictionnelle par rapport à la ligne de la réalité. Dans la littérature rélaiste les deux sont confondu et il y a identification ou localisation (passé, présent).
En ce qui concerne les coordonnées spatio-temporelles (étant bien entendu qu'aucune fiction, même réaliste, ne peut prétendre se superposer effectivement à un réel quelconque), elles sont effectivement essentielles pour mesurer le type de rapport au réel mis en place dans une fiction matérialiste.
Sans originalité, d'ailleurs, je considère que, justement, la fiction scientifique ne postule pas une rupture, mais une extrapolation des postulats courants sur la nature du monde.
La rupture ne se trouve que dans la fiction fantaisiste.
La fiction réaliste se contente de reconduire ces postulats courants.

(j'emploie fantaisiste par commodité, sans connotation péjorative).

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Message par Lensman » ven. janv. 30, 2009 5:03 pm

silramil a écrit :[J'oppose ici la création d'un personnage chez Dick, Balzac ou Pratchett (personnages tenus pour *réels*, c'est-à-dire que le texte est susceptible de parler d'une multitude de détails physiques et psychologiques qui donnent l'illusion d'une matérialité).
Dick et Balzac, d'accord. Mais j'ai du mal à leur associer Pratchett, de manière générale, en tout cas : il n'y a pas d'enjeu de "vraisemblance" (enfin, il me semble...) dans Pratchett. Ou alors, pas plus que dans les personnages de l'opérette "La Belle Hélène" d'Offenbach (je précise en passant que j'aime beaucoup Offenbach).


Fabien: ta conception de la SF me paraît singulièrement restrictive. A te lire, "Tous à Zanzibar" serait de l'anticipation, PAS de la SF. Or, je ne vois pas ce qui empêche que ce soit l'un ET l'autre.

Oncle Joe

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Message par silramil » ven. janv. 30, 2009 5:12 pm

Lensman a écrit :
silramil a écrit :[J'oppose ici la création d'un personnage chez Dick, Balzac ou Pratchett (personnages tenus pour *réels*, c'est-à-dire que le texte est susceptible de parler d'une multitude de détails physiques et psychologiques qui donnent l'illusion d'une matérialité).
Dick et Balzac, d'accord. Mais j'ai du mal à leur associer Pratchett, de manière générale, en tout cas : il n'y a pas d'enjeu de "vraisemblance" (enfin, il me semble...) dans Pratchett.

Oncle Joe
Pratchett présente un cas un peu particulier, puisque son univers est également conçu comme une sorte de gigantesque pastiche. La métatextualité fonctionne indépendamment de la matérialité et peut créer des interférences dans la lecture. Il en est de même dans des textes de SF humoristiques. Le dernier bouquin que j'aie lu dans ce genre est Celui qui bave et qui glougloute, de Wagner, mais Sheckley et Brown en fournissent de nombreux exemples aussi. Le caractère léger et référentiel de leurs fictions n'enlève rien aux procédés de "matérialisation".

La MORT, par exemple, reprend à l'évidence des stéréotypes et les met en scène. Néanmoins, Pratchett décrit avec un luxe de détail les habitudes de ce personnage, son lieu de résidence, son point de vue sur les créatures vivantes... et il procède de même pour tous les personnages : ils ont une psychologie, un passé, des réactions expliquées par le contexte, ils portent des vêtements susceptibles de s'user, d'être réparés...
Enfin bref, les personnages de Pratchett, tout en étant référentiels et burlesques, sont censés avoir une existence matérielle.

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Message par Lensman » ven. janv. 30, 2009 7:02 pm

Oui, avec Pratchett, nous sommes dans le domaine du pastiche.
Il me semble que le "genre" (si c'est un genre...) "humour" pose un problème particulier, par la distance qu'il impose d'emblée, en SF comme ailleurs.
Si on veut sérier les problèmes, il me semble qu'il vaut mieux éviter de trop s'appuyer sur des exemples relevant de ce type.
Je ne parle de texte où par ci, par là, on relève une pointe d'humour, mais de ceux qui jouent entièrement dessus.
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Message par silramil » ven. janv. 30, 2009 8:38 pm

Je comprends tes réticences, mais je pense qu'elles sont en fait infondées. Il faudrait un fil consacré au rapport entre humour et "real deal" pour évoquer ça, mais fondamentalement je pense que la SF d'humour et la SF sérieuse sont des exemples presque de même qualité.

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Message par Lensman » sam. janv. 31, 2009 9:36 am

silramil a écrit :Je comprends tes réticences, mais je pense qu'elles sont en fait infondées. Il faudrait un fil consacré au rapport entre humour et "real deal" pour évoquer ça, mais fondamentalement je pense que la SF d'humour et la SF sérieuse sont des exemples presque de même qualité.
Bien sûr, mes réticences ne proviennent pas d'une question de qualité, et je ne vais pas chipoter sur le caractère fondamentalement SF de certaines oeuvres de Brown, Sheckley ou Roland C. Wagner (les autres sont maintenant inoffensifs, mais ce dernier pourrait encore me tuer!).
Ce que je veux dire, c'est que, lorsque on donne dans le pastiche, la satire, etc, on le fait avec une complicité particulière du lecteur, que l'on pose déjà comme connaisseur d'un genre donné. Quand, dans Brown, une machine à voyager dans l'espace est conçue à partir d'une machine à coudre, ce n'est pas, pour qu'au cours du roman, le lecteur fasse semblant de croire à cette possibilité, mais pour plaisanter sur tous les textes où des scientfiques bricolent des inventions faramineuses dans leur garage. Par contre, dans ces derniers textes, oui, on demande au lecteur de trouver ça plus ou moins plausible. Avec des gradations, mais au moins plausible, et cela participe, de manière fondamentale à mon sens, du fonctionnement de la SF: le lecteur réfléchit à ce qui lui est proposé, et jauge d'une possibilité, probabilité, etc, voire d'une impossibilté assumée (nous ne sommes pas omniscients, non plus...) en fonction de sa vision du monde. Et cette attitude de réflexion n'est pas, comme on lit bizarrement parfois, une prise de tête, mais tout au contraire, un des principaux plaisirs de la SF! (Pour ses lecteurs les plus alumés, on se comprend).
Parce que ce que recherchent les lecteurs en général (de l'aventure, du sentiment, de la poésie, de l'imaginaire débridé, de la belle écriture, du cu, etc.), ça peut se trouver dans TOUTE la littérature. Mais la spéculation, pratiquement pas, il n'y a guère que la SF (je parle de littérature de fiction). On va me sortir Borges, bien sûr. On peut en discuter.
De son côté, la Fantasy (en gros, hein) se préoccupe peu ou pas de sa cohérence vis à vis de la réalité telle que nous la percevons. Ce n'est guère son sujet principal, et il serait bien malvenu de lui reporcher. Elle peut piocher dans tout ce qui peut lui servir (y compris les connaissances les plus sérieuses, les plus documentées) pour son élaboration, évidemment, ce n'est pas le problème.
Par contre, le rapport entre une oeuvre de SF et notre perception de ce qui est "possible" constitue souvent un sujet de débat entre amateurs, et ce n'est pas par hasard: c'est fondamental, ça participe à ce qui fait l'intérêt véritable de la SF.
Maintenant, on peut très bien lire des bouquins de SF et se régaler, sans se préoccuper tellement de cet aspect de la question, et je ne m'en offusque pas du tout! Mais si on veut la caractériser et l'analyser, cela n'a pratiquement aucun sens de ne pas placer cet aspect au centre de l'analyse de la SF.
Oncle Joe

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Message par Lensman » sam. janv. 31, 2009 10:05 am

Une fois que j'ai dit ça, je me rends compte que mon discours peut paraître bizarre, notamment au "jeune" public.
Pourquoi?
Parce que cela fait un moment que, dans pas mal (de plus en plus) d'oeuvres littéraires, cinématographiques, etc, se produisent des "télescopages".
Un exemple de ce que je veux dire: le dernier film Batman (excellent au demurant).
Une histoire de vengeur masqué est traitée comme une histoires policière "normale" de tueur fou. Le public, dans son ensemble, apprécie sans réserve. Pour ma part, j'ai bien aimé, mais j'aurais supprimé le personnage de Batman. Pour moi, ce personnage n'apporte rien, pire, il jure avec le caractère 'grave" du sujet. Un personnage de "comics" n'a rien à faire, de mon point de vue (qui n'est visiblement pas celui du public et du réalisateur!) dans une histoire policière "réaliste" (notez les guilemets). Il n'appartient pas au monde. Mais bon, je suis le dernier de mon espèce à tenir ce genre de discours normatif, votre vieil oncle mammouth préféré!
De fait, pour moi, énormément de productions qui ont "l''air" d'être de la SF sont, fondamentalement, de la Fantasy: utilisation de gadgets, d'archétypes, de personnages, etc, pour réaliser des divertissements qui peuvent être excellents, voire géniaux, mais ne fonctionnent pas sur les ressorts fondamentaux de la SF. Je concède que ces productions relèvent de la SF, mais UN PEU seulement.
Est-ce grave, docteur? Non, mais ça oblige à un discours critique un peu raffiné, qui ne se borne pas à l'appréciation esthétique, et un discours d'analyse qui ne se borne pas à relever la présence d'objets type robot, etc.
Il faut s'y faire: la SF a généré un grand nombre d'images, jolies, effrayantes ou séduisantes, qui sont devenues de commodes accessoires, ou des décors pittoresques (dee moins en moins pittoresques, d'ailleurs). Les utiliser ne signifie PLUS systématiquement qu'il y a production d'une oeuvre SF. Il fut un temps où c'était pratiquement le cas, plus maintenant.
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le sam. janv. 31, 2009 10:15 am, modifié 2 fois.

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