De retour de la Eaton Conference sur la SF

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silramil
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Message par silramil » sam. févr. 19, 2011 4:58 pm

Incidemment, je remarque que tu n'as pas fait un sort à mes objections, seulement contesté mon incompréhension initiale.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

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Lensman
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Message par Lensman » sam. févr. 19, 2011 4:58 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Ce n'est pas moi qui vais regretter que l'on parle graphisme, mais je trouve que l'on passe de "littérature" à "graphisme" avec trop de facilité
Pourquoi ? Si on parle de la SF comme subculture et non plus seulement comme littérature, le graphisme en fait partie. (Tu n'es pas le dernier, en général, à souligner les mérites structurants des couvertures de pulps.)
Je suis tout à fait d'accord!
Mais à ce moment là, l'aspect "structure éditoriale" devient central: couverture de pulps, couvertures de revues (Fiction, chez nous, par exemple), couvertures de collections spécialisées, BD...
Je voulais juste faire remarque que, parfois, on part de l'idée que la littérature SF, c'est de la "vraie" littérature, et puis que brusquement, on retombe dans l'idée qu'il faut regarder ça dans un cadre que l'on appelle une "subculture".
Perso, ça me va très bien, même si j'emploierais plutôt le terme de "culture SF" que "subculture SF").
Oncle Joe

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Erion
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Message par Erion » sam. févr. 19, 2011 5:04 pm

Lem a écrit : A ce sujet, il me semble avoir lu – mais je ne sais plus du tout où, c'est peut-être un faux souvenir – qu'il avait été le premier auteur occidental traduit en japonais. Ça te dit quelque chose ?
Ca dépend ce que tu désignes comme auteur. John Stuart Mill est traduit en 1872 et son "La Liberté" est un best seller. Verne est traduit en 1878. Mais l'auteur occidental le plus populaire sous l'ère Meiji, c'est Samuel Smiles avec "Self Help" (Caractère, Conduite et Persévérance), traduit en 1871.
Si on veut chercher des auteurs occidentaux ayant marqué explicitement, on peut trouver Verne et Poe, mais très peu Wells, par exemple.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Lem

Message par Lem » sam. févr. 19, 2011 5:04 pm

silramil a écrit :Tes deux réponses s'articulent à ce concept de "subculture", auquel il me semble que nous ne donnons pas le même sens. pour moi, il n'existe pas "une" subculture de SF, mais bien autant de subcultures qu'il y a de lieux de création. Et chaque domaine artistique fait naître une subculture différente.
En ce sens, nous ne pouvons pas nous mettre d'accord - il faudrait d'abord nous accorder sur ce que nous visons.
Je peux toujours préciser ce que j'entends par là : en aucun cas "sub" comme "locale", "régionale" ou "nationale". "Subculture" au sens de "culture disposant d'une certaine cohérence interne, fonctionnant en partie de manière endogène, appuyée sur des références et des codes qui lui sont propres, etc." sans aucune considération de lieux.

Cela dit, tu peux tout à fait contester cette acception au motif qu'elle est une vue de l'esprit. C'est ce que tu fais, d'ailleurs, si je comprends bien.
Il est pour moi caractéristique d'une illusion frappante, celle d'une possible unité de la culture de SF. Ma position était justement d'affirmer qu'il ne peut y avoir une seule culture SF, mais bien des pôles plus ou moins féconds, et parfois fort mal interconnectés.
Il me semble pourtant qu'indépendamment des "pôles" (ou les surplombant), il existe une culture SF presque homogène appuyée sur quelques références mondialement connues : Verne, Wells, l'imagerie générale des pulps, King Kong, Superman, Clarke, etc…

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silramil
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Message par silramil » sam. févr. 19, 2011 5:13 pm

Lem a écrit : Je peux toujours préciser ce que j'entends par là : en aucun cas "sub" comme "locale", "régionale" ou "nationale". "Subculture" au sens de "culture disposant d'une certaine cohérence interne, fonctionnant en partie de manière endogène, appuyée sur des références et des codes qui lui sont propres, etc." sans aucune considération de lieux.

Cela dit, tu peux tout à fait contester cette acception au motif qu'elle est une vue de l'esprit. C'est ce que tu fais, d'ailleurs, si je comprends bien.
je ne considère pas cette définition comme une vue de l'esprit, mais comme profondément incomplète si on ne fait pas cas de ses coordonnées spatio-temporelles. La subculture américaine n'est pas la même en 1935, 1955, 1975, 1995. La subculture française de 1975 n'est pas la subculture américaine de 1975.

Il est pour moi caractéristique d'une illusion frappante, celle d'une possible unité de la culture de SF. Ma position était justement d'affirmer qu'il ne peut y avoir une seule culture SF, mais bien des pôles plus ou moins féconds, et parfois fort mal interconnectés.
Il me semble pourtant qu'indépendamment des "pôles" (ou les surplombant), il existe une culture SF presque homogène appuyée sur quelques références mondialement connues : Verne, Wells, l'imagerie générale des pulps, King Kong, Superman, Clarke, etc…
Je suis d'accord avec les références surplombantes, mais avant d'étudier leurs relations avec les pôles nationaux, que peux-tu citer qui vienne de France ?
Verne, Métal hurlant, et ?
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

Lem

Message par Lem » sam. févr. 19, 2011 5:25 pm

silramil a écrit :Incidemment, je remarque que tu n'as pas fait un sort à mes objections, seulement contesté mon incompréhension initiale.
Oh, c'est samedi. Je ne fais pas de sort le samedi. Et d'ailleurs, rien ne dit que tes objections puissent être réfutées. Je faisais juste remarquer qu'on assimile un peu trop vite "SF" et "SF écrite américaine".

De toute façon, sur toutes ces choses, j'ai des vues intéressées, tu le sais. Par exemple – ce fut un sujet de discussion avec Oncle pendant plusieurs années – j'intègre désormais systématiquement dans ma réflexion sur la SF la bande dessinée. Il y a des arguments objectifs pour cela (nombre de lecteurs, nombre et qualité des œuvres, proximité de ce domaine avec la SF écrite à certains moments) mais le premier argument à mes yeux – à mes yeux d'historien de la SF française – c'est que le public ici a une relation très forte à la BD de science-fiction, une relation amoureuse pourrait-on dire – de Blake et Mortimer aux Cités Obscures en passant par Valérian – et que, stratégiquement, on a tout à gagner à insister sur l'unité du domaine.

Mes biais personnels étant signalés, je reviens sur tes objections :
1) L'influence de Jules Verne, quelle que soit sa force, n'est pas un signe d'une activité française sur la culture SF dominante, mais bien plutôt de la neutralisation d'une référence : il fait partie du patrimoine mondial, passé, et non d'une tendance spécifiquement française.
Je comprends ce que tu veux dire, mais je ne te suivrai pas sur ce terrain. Expliquer que celui qui est universellement considéré comme le grand-père ou le père de la SF, éternellement lu, relu, adapté, transposé, n'a pas d'importance, c'est – de mon point de vue – se tirer une balle dans le pieds. Si Verne n'a pas d'importance, qui en a ?
2) L'influence de Gernsback sur la science fiction me paraît être du même ordre (alors même que je retiens ses activités comme seuil liminaire d'apparition de la SF) : il est resté en quelque sorte sur le seuil d'une culture qu'il a contribué à lancer (je rejoins Claude Ecken sur ce point). de ce fait, toute connection Gernsback/Renard me paraît anecdotique.
Même remarque que précédemment. Chacun sait que j'ai des réserves sur Gernsback mais son rôle dans la construction de la SF comme culture ayant conscience d'elle-même est indéniable. S'il s'avère que les articles de Renard ont eu une influence sur lui, ce ne serait pas anecdotique (en tout cas pas dans l'optique d'une histoire française de la SF, qui ne peut faire l'économie d'aucun titre de gloire.)

(Incidemment : je trouve étrange – mais j'ai peut-être mal compris – ta tendance à considérer les créateurs de catégories comme négligeable, alors que ceux qui évoluent ensuite dans lesdites catégories retiennent ton attention.)
3) Métal Hurlant a une influence notable, c'est sûr. Que cette influence ait beaucoup pesé sur l'évolution de la SF aux Etats-unis, c'est moins sûr (certains universitaires que j'ai vus m'ont quand même dit que pour eux, métal hurlant était l'apport le plus important de la France à la SF).
Nous sommes d'accord.
4) Je ne crois pas qu'il y ait de lien à faire entre l'activité critique de Fiction et les études universitaires américaines qui se sont développées à partir des années 70. Du moins, aucun indice ne plaide en ce sens. je n'ai pas connaissance de la moindre traduction de textes critiques français vers l'anglais, et je n'ai pas rencontré de référence à Fiction qui aille dans ce sens. Si tu en connais, je suis preneur.
Non, je n'ai rien de tel. Plutôt une espèce de pattern général sur 1) le caractère premier de la critique approfondie en France 2) l'impact symbolique que ces critiques (et les activités éditoriales de l'époque) ont eu sur quelques auteurs américains. Il faudrait voir du côté de Damon Knight par exemple. Par ailleurs, il me semble que l'Encyclopédie de Versins a eu un effet réel sur la recherche (elle a reçu le prix Hugo, non ?) Même s'il ne s'agit que de quelques dizaines de personnes, ça peut avoir eu un impact : on est de toute façon en tout petit comité sur ces matières. A creuser…

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Lensman
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Message par Lensman » sam. févr. 19, 2011 5:37 pm

Lem a écrit :Superman
Tiens, dans ce cas, j'ai nettement l'impression que le "grand public" repère très bien, aujourd'hui, les super-héros au cinéma. Un film avec "Superman" sera bien plus vu comme un film de "super héros" que comme un "film de science-fiction", même s'il y a plein de SF dedans.
Pour King Kong, je crois aussi que très peu de gens, dans le "grand public" y verrait de la SF, même si nous, on relèvera l'aspect "monde perdu".
Je me demande d'ailleurs ce que ce "grand public" (qui est peut-être un concept inoppérant) met aujourd'hui sous le vocable "science-fiction", terme que l'on entend prononcer assez souvent, tout de même. J'ai l'impression (mais je ne peux pas le prouver, il faudrait que je note à chaque fois, je suis fou, mais il y a des limites...), que "science-fiction" est tout de même très lié, dans l'emploi médiatique que j'entends ou je vois à la télé, à ce qui se passe clairement dans le futur, ou alors dans l'espace, avec des vaisseaux spatiaux et tout le matos. Pour Avatar, oui, bien sûr, trés souvent entendu (ça paraît normal...) King Kong, non. Pour les Indiana Jones, non plus. Star Trek, oui
En tout cas, le terme "science-fiction" me semble très rarement employé (je ne parle pas de nous...) pour les films avec des super-héros. J'ai vraiment l'impression qu'ils ne sont pas vus comme de la "science-fiction", même si ça nous paraît un peu bizarre.
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le sam. févr. 19, 2011 5:38 pm, modifié 1 fois.

Lem

Message par Lem » sam. févr. 19, 2011 5:38 pm

Erion a écrit :Ca dépend ce que tu désignes comme auteur. John Stuart Mill est traduit en 1872 et son "La Liberté" est un best seller. Verne est traduit en 1878. Mais l'auteur occidental le plus populaire sous l'ère Meiji, c'est Samuel Smiles avec "Self Help" (Caractère, Conduite et Persévérance), traduit en 1871.
Les deux titres que tu cites sont ceux d'essais, n'est-ce pas ? Alors, peut-être qu'auteur n'est pas assez précis. Verne aurait été le premier romancier

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silramil
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Message par silramil » sam. févr. 19, 2011 5:39 pm

Merci pour tes précisions.

Une réponse générale :

Mes analyses sont fondées sur le postulat suivant : le fonctionnement de la SF est cumulatif mais aussi synchronique. gernsback a une bonne valeur initiale, puis il n'a plus d'influence - ce qui compte sont les textes eux-mêmes, ainsi que les prises de position contemporaines. Verne est une référence surplombante, mais il est daté - à part dans des pastiches (pas si fréquents que ça, si on compare à Wells ou Conan Doyle) il n'est pas un facteur de création, du moins pas comme les robots d'Asimov, ou le Non-A de van vogt, ou la chronolyse de jeury...
Ce qui m'intéresse est le fonctionnement en réseau - tout ce qui précède la mise en réseau de la subculture a une importance archéologique, pas vraiment pour comprendre le réseau.

En ce qui concerne la stratégie de légitimation, je comprends tes arguments, mais je suis pour ma part persuadé qu'on ne gagne rien à mélanger les choses.
Jules Verne est une figure de plus en plus valorisée, mais à quoi bon l'invoquer si ce qu'on veut faire lire n'a plus rien à voir avec ce qu'il a fait ?
De même, l'affection portée à Blake et Mortimer ne me paraît pas très porteuse si on veut faire lire des romans qui n'ont rien à voir avec des aventures mystérieuses.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

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Message par Erion » sam. févr. 19, 2011 5:42 pm

Lem a écrit :
Erion a écrit :Ca dépend ce que tu désignes comme auteur. John Stuart Mill est traduit en 1872 et son "La Liberté" est un best seller. Verne est traduit en 1878. Mais l'auteur occidental le plus populaire sous l'ère Meiji, c'est Samuel Smiles avec "Self Help" (Caractère, Conduite et Persévérance), traduit en 1871.
Les deux titres que tu cites sont ceux d'essais, n'est-ce pas ? Alors, peut-être qu'auteur n'est pas assez précis. Verne aurait été le premier romancier
Peut-être, mais les données que j'ai sont celles des best-seller. Rien ne permet de dire qu'il n'y a pas eu des traductions d'autres auteurs avec un moindre succès.
Ce qu'on peut affirmer, c'est que Jules Verne a été le premier romancier occidental populaire au Japon.
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Message par Lem » sam. févr. 19, 2011 5:42 pm

Lensman a écrit :Tiens, dans ce cas, j'ai nettement l'impression que le "grand public" repère très bien, aujourd'hui, les super-héros au cinéma. Un film avec "Superman" sera bien plus vu comme un film de "super héros" que comme un "film de science-fiction", même s'il y a plein de SF dedans.
Pour King Kong, je crois aussi que très peu de gens, dans le "grand public" y verrait de la SF, même si nous, on relèvera l'aspect "monde perdu".
C'est peut-être vrai. Mais ça n'est pas un problème. C'est juste à nous d'expliquer que tout ça procède de la culture SF – tout simplement parce que c'est le cas !

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Message par silramil » sam. févr. 19, 2011 5:43 pm

Oncle Joe : la catégorie super-héros me paraît d'ailleurs plus pertinente que la catégorie SF pour ces films, même s'ils ont leur place dans cette dernière. C'est bien plus précis et compréhensible comme ça.
De même Godzilla et Cloverfield sont des films de monstre, par ex.

En revanche, des films comme Alien et terminator, ou plus récemment Event Horizon, qui ont une sacré composante "horreur", me semblent être plus nettement marqués SF (peut-être parce que ça a un rapport avec le futur, effectivement).
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Message par silramil » sam. févr. 19, 2011 5:46 pm

Lensman a écrit : Pour King Kong, je crois aussi que très peu de gens, dans le "grand public" y verrait de la SF, même si nous, on relèvera l'aspect "monde perdu".
Bah, c'est de l'imagination scientifique, de toute façon.
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Message par silramil » sam. févr. 19, 2011 5:47 pm

Lem : concernant l'encyclopédie de versins, c'est un bon exemple. J'y réfléchirai.
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Message par Lensman » sam. févr. 19, 2011 5:52 pm

silramil a écrit : De même, l'affection portée à Blake et Mortimer ne me paraît pas très porteuse si on veut faire lire des romans qui n'ont rien à voir avec des aventures mystérieuses.
(Hors débat, si j'ose dire: la dernière "reprise" (suite) est ahurissante de nullité, avec un scénario entièrement repris d'Indiana Jones (l'influence américaine, encore!), avec l'"objet sacré" aux pouvoir lié au merveilleux religieux (les deniers de Judas ont remplacé l'Arche d'Alliance et le vase du Saint Graal...). Ce n'est même pas un "bon pastiche" de B&M. Avec la masse formidable de reliques perdues à travers le monde, on n'a pas fini de s'ennuyer: ce qui était un excellent gag (vous vous souvenez du hangar géant dans le premier Indiana Jones) est devenu un procédé pénible... un album ou film par morceau de la Sainte Croix... et les dents du Bouddha...)

Oncle Joe

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