"La SF, c'est de la fantasy avec des boulons (ou pas...
Modérateurs : Estelle Hamelin, Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m
je suis d'accord avec ton analyse dans ses grandes lignes.
(par "de même qualité", je voulais dire "ayant les mêmes qualités [ce qui en fait des oeuvres de SF]" et je ne supposais pas que tu établissais une hiérarchie)
Pour poursuivre dans le sens que tu dessines, je dirais que les mécanismes de reconstitution des mondes fictionnels par les lecteurs sont relativement symétriques pour les fictions réalistes et fantaisistes. Le lecteur enregistre au fur et à mesure de sa lecture un certain nombre d'informations incontestables sur le monde (la psychologie des femmes de 30 ans à Paris en 1840 ; le comportement typique d'un nain confronté à un elfe ; le fait qu'une voiture met X heures pour faire le trajet de la capitale à la mer ; le fait qu'une chevauchée met X jours à vous amener dans la Comté ; à quoi ressemble une locomotive ; à quoi ressemble l'orbe magique ultime ; à quoi on peut employer Internet ; à quoi on peut employer un sort trouveur...).
Bien sûr, aucun monde fictionnel n'est absolu, et c'est le lecteur qui doit faire des suppositions pour remplir les espaces laissés dans l'ombre. Même si dans la fiction fantaisiste, le monde reste plus indécidable, puisque le lecteur considère dès l'origine que ce qu'il sait du monde réel est susceptible d'être remplacé par des informations nouvelles, le processus d'inférence est similaire : il s'agit de postuler des éléments cohérents par rapport au monde déjà évoqué.
Fiction réaliste et fiction fantaisiste ont donc ceci en commun qu'il n'est pas requis de la part du lecteur qu'il mette en doute la réalité de ce qui est évoqué : le monde qui sert de décor existe, tout simplement.
En revanche, le monde d'une fiction scientifique reste, par nature, incertain : de nouvelles choses peuvent surgir. C'est un espace de découverte et de singularité, au sens général "d'émergence de phénomènes radicalement nouveaux".
Encore une fois, il ne s'agit pas de vanter une quelconque supériorité d'un type de fiction matérialiste sur un autre, mais de déterminer des propriétés par contraste. J'ai rapproché sur ce point fiction réaliste et fiction fantaisiste, mais cela n'enlève rien aux possibilités de convergence entre fiction réaliste et fiction scientifique, ou entre fiction fantaisiste et fiction scientifique.
(par "de même qualité", je voulais dire "ayant les mêmes qualités [ce qui en fait des oeuvres de SF]" et je ne supposais pas que tu établissais une hiérarchie)
Pour poursuivre dans le sens que tu dessines, je dirais que les mécanismes de reconstitution des mondes fictionnels par les lecteurs sont relativement symétriques pour les fictions réalistes et fantaisistes. Le lecteur enregistre au fur et à mesure de sa lecture un certain nombre d'informations incontestables sur le monde (la psychologie des femmes de 30 ans à Paris en 1840 ; le comportement typique d'un nain confronté à un elfe ; le fait qu'une voiture met X heures pour faire le trajet de la capitale à la mer ; le fait qu'une chevauchée met X jours à vous amener dans la Comté ; à quoi ressemble une locomotive ; à quoi ressemble l'orbe magique ultime ; à quoi on peut employer Internet ; à quoi on peut employer un sort trouveur...).
Bien sûr, aucun monde fictionnel n'est absolu, et c'est le lecteur qui doit faire des suppositions pour remplir les espaces laissés dans l'ombre. Même si dans la fiction fantaisiste, le monde reste plus indécidable, puisque le lecteur considère dès l'origine que ce qu'il sait du monde réel est susceptible d'être remplacé par des informations nouvelles, le processus d'inférence est similaire : il s'agit de postuler des éléments cohérents par rapport au monde déjà évoqué.
Fiction réaliste et fiction fantaisiste ont donc ceci en commun qu'il n'est pas requis de la part du lecteur qu'il mette en doute la réalité de ce qui est évoqué : le monde qui sert de décor existe, tout simplement.
En revanche, le monde d'une fiction scientifique reste, par nature, incertain : de nouvelles choses peuvent surgir. C'est un espace de découverte et de singularité, au sens général "d'émergence de phénomènes radicalement nouveaux".
Encore une fois, il ne s'agit pas de vanter une quelconque supériorité d'un type de fiction matérialiste sur un autre, mais de déterminer des propriétés par contraste. J'ai rapproché sur ce point fiction réaliste et fiction fantaisiste, mais cela n'enlève rien aux possibilités de convergence entre fiction réaliste et fiction scientifique, ou entre fiction fantaisiste et fiction scientifique.
Là, je ne te suis plus, mon onc'. L'usage d'objets de SF est absolument suffisant pour faire de l'univers de fiction un monde SF. Ce n'est pas forcément une fiction réussie, ce n'est pas forcément un type de fiction qui t'intéresse, mais c'est un monde "scientifique".Lensman a écrit : Il faut s'y faire: la SF a généré un grand nombre d'images, jolies, effrayantes ou séduisantes, qui sont devenues de commodes accessoire. Les utiliser ne signifie PLUS systématiquement qu'il y a production d'une oeuvre SF. Il fut un temps où c'était pratiquement le cas, plus maintenant.
Oncle Joe
La critique que tu fais à l'égard de Dark Knight n'est pas pour autant infondée. néanmoins, tu n'analyses pas ton propre acte critique : lorsque tu dis "autant enlever le personnage de batman et donner à ce monde massivement réaliste une cohérence absolue", tu suggères en fait de réaliser un film entièrement différent, basé sur des prémisses radicalement distinctes. En effet, tout le film est organisé autour de deux personnages de comics, qui évoluent dans un univers où, je te l'accorde, ils sont les seuls à être plus grands que nature. Le Joker est dans ce film un personnage de comics à part entière, ce n'est pas seulement un tueur fou. Sa capacité à faire apparaître des dizaines de bidons d'explosif un peu partout, par exemple, est typique des libertés prises dans un comic.
Pour moi, la seule présence de Batman suffit à en faire un film de super-héros. Ta critique apparente doit en cacher en fait une autre, que je partage : ce film de super-héros ne tire pas parti de toutes les possibilités du genre et il est dommage que le réalisateur se limite à des situations plausibles. Mais là, c'est simplement une question de goût et non pas de nature du monde fictionnel.
Je suis assez d'accord avec toi sur les problèmes d'inférence, ça marche d'une manière comparable, tout au moins pour toute une catégorie du lectorat.
Cependant, j'insiste férocement sur le problème du référent au monde tel que nous le percevons. Pour moi, ce n'est pas "une" caractéristique, c'est LA caractéristique.
Et je reprends mon exemple -type de comparaison: "Tous à Zanzibar" et "Le Seigneur des Anneaux". Je veux bien qu'il y ait des fonctionnements communs, qu'il peut être formellement intéressant de faire ressortir, mais bon! Ce qui frappe surtout, c'est que fondamentalement, ça n'a rien à voir. Et pourquoi ça n'a rien à voir? Parce que, "Tous à Zaneibar", c'est notre monde, c'est nous.
Oncle Joe
Cependant, j'insiste férocement sur le problème du référent au monde tel que nous le percevons. Pour moi, ce n'est pas "une" caractéristique, c'est LA caractéristique.
Et je reprends mon exemple -type de comparaison: "Tous à Zanzibar" et "Le Seigneur des Anneaux". Je veux bien qu'il y ait des fonctionnements communs, qu'il peut être formellement intéressant de faire ressortir, mais bon! Ce qui frappe surtout, c'est que fondamentalement, ça n'a rien à voir. Et pourquoi ça n'a rien à voir? Parce que, "Tous à Zaneibar", c'est notre monde, c'est nous.
Oncle Joe
Le problème, avec ce type de raisonnement, c'est qu'il ne permet pas d'affronter les cas limites.
Oui, je suis d'accord, pour Tous à Zanzibar, on peut se contenter de dire, "c'est notre monde", tandis que Le Seigneur des anneaux, "c'est un autre monde". Mais là, tu prends des exemples nettement contrastés.
Que faire par exemple d'un univers comme celui de moorcock? Son multivers est-il SF, réaliste, ou fantasy? (je ne prétends pas avoir la réponse). A partir de quels critères évaluer la communication entre des mondes dont l'un est censé être le nôtre, l'autre un territoire magique gagné sur le chaos, un autre encore un futur lointain où la science a dégénéré, un autre encore plus lointain où les prodiges scientifiques sont assimilables à de la magie ?
Il n'existe pas de réponse simple à ce type de problème, parce que l'auteur fait tout ce qu'il peut pour susciter l'incertitude. Le multivers se déploie dans des fictions matérialistes (et non simplement dans des fictions jouant avec l'intertextualité), cela au moins est une certitude. Après, pour démêler le chaos ontologique des univers de Moorcock, il faudra bâtir à partir de distinctions fines et mouvantes, à mon avis.
Oui, je suis d'accord, pour Tous à Zanzibar, on peut se contenter de dire, "c'est notre monde", tandis que Le Seigneur des anneaux, "c'est un autre monde". Mais là, tu prends des exemples nettement contrastés.
Que faire par exemple d'un univers comme celui de moorcock? Son multivers est-il SF, réaliste, ou fantasy? (je ne prétends pas avoir la réponse). A partir de quels critères évaluer la communication entre des mondes dont l'un est censé être le nôtre, l'autre un territoire magique gagné sur le chaos, un autre encore un futur lointain où la science a dégénéré, un autre encore plus lointain où les prodiges scientifiques sont assimilables à de la magie ?
Il n'existe pas de réponse simple à ce type de problème, parce que l'auteur fait tout ce qu'il peut pour susciter l'incertitude. Le multivers se déploie dans des fictions matérialistes (et non simplement dans des fictions jouant avec l'intertextualité), cela au moins est une certitude. Après, pour démêler le chaos ontologique des univers de Moorcock, il faudra bâtir à partir de distinctions fines et mouvantes, à mon avis.
Je suis tout à fait d'accord sur le fait que c'est difficile à démêler, voir impossible à démêler si on prend, là, sur le coup, l'oeuvre de Moorcock.silramil a écrit :Le problème, avec ce type de raisonnement, c'est qu'il ne permet pas d'affronter les cas limites.
Oui, je suis d'accord, pour Tous à Zanzibar, on peut se contenter de dire, "c'est notre monde", tandis que Le Seigneur des anneaux, "c'est un autre monde". Mais là, tu prends des exemples nettement contrastés.
Que faire par exemple d'un univers comme celui de moorcock? Son multivers est-il SF, réaliste, ou fantasy? (je ne prétends pas avoir la réponse). A partir de quels critères évaluer la communication entre des mondes dont l'un est censé être le nôtre, l'autre un territoire magique gagné sur le chaos, un autre encore un futur lointain où la science a dégénéré, un autre encore plus lointain où les prodiges scientifiques sont assimilables à de la magie ?
Il n'existe pas de réponse simple à ce type de problème, parce que l'auteur fait tout ce qu'il peut pour susciter l'incertitude. Le multivers se déploie dans des fictions matérialistes (et non simplement dans des fictions jouant avec l'intertextualité), cela au moins est une certitude. Après, pour démêler le chaos ontologique des univers de Moorcock, il faudra bâtir à partir de distinctions fines et mouvantes, à mon avis.
Par contre, si on adopte un point de vue historique, on voit comment ce type d'oeuvre a pu apparaître. Il y a, de la part de Moorcock, un jeu référentiel perpétuel: une partie de son lectorat est un lectorat raffiné qui connaît le truc, et apprécie ce qu'écrit Moorcock AUSSI pour sa "transgression" des règles (si j'ose écrire...)
Tu me fais remarquer que je prends des exemples contrastés... Effectivement, mais c'est parce que je pense qu'il y a une telle confusion générale que si l'on ne prend pas d'exemples contrastés, on perd complètement de vue les différence fondamentales. Et, pour pas mal de gens, même mes exemples "contrastés" provoquent un haussement d'épaules. Ils disent, en gros (je schématise lourdement): "bof, tout cela, c'est de la fiction, les écrivains prennent des trucs par ci, par là, et construisent des mondes imaginaires, et basta!"
Eh bien, je serais obligé d'être d'accord avec eux si j'admetais que, dès que figure un robot, un gadget, etc, ça devient de la SF, au sens fondamental où je l'entends.
Mais je ne suis pas d'accord du tout avec eux, et je m'appuie aussi, pour exprimer mon ressenti, sur une approche historique. "Le Seigneur des Anneaux" et "Tous à Zanzibar" diffèrent AUSSI parce qu'ils sont l'aboutissement de courants littéraires profondément différents.
Maintenant, si un rigolo s'amuse à écrire une nouvelle (1) dans laquelle un Nain du "Seigneur des Anneaux" va débouler, par une porte inter-dimensionnelle, dans le monde de "Tous à Zanzibar", ça va m'amuser 5 minutes, mais franchement, ce n'est pas dans ce genre d'ouvrage que je vais voir s'exprimer les enjeux (ou au moins les préoccupations, soyons modeste...) de la SF telle que je la conçois.
Oncle Joe
(1) ou une trilogie en cinq volumes de 1200 pages chacune, sans compter les préquelles par KJA.
Modifié en dernier par Lensman le sam. janv. 31, 2009 11:52 am, modifié 3 fois.
Il y a deux types d'enjeux, là, mais je comprends mieux l'intérêt de ta position.
1er type d'enjeu : "prescrire" l'horizon d'attente de la SF (ou de la fantasy) - alors, il vaut mieux avoir une idée claire de ce qu'on fait. SF = notre monde avec des ajouts ou des variations que l'auteur conçoit comme compatible avec notre monde tel que nous nous le représentons ; fantasy = un monde fondamentalement différent, puisque de nombreuses caractéristiques sont incompatibles avec notre monde.
Une fois qu'on a une idée claire de la distinction, là on peut évaluer, au sein de la SF "en soi" ce qui peut se faire de mieux (= tu mets un robot, ben c'est gentil, mais ça ne suffit pas).
2e type d'enjeu : essayer de décrire de la manière la plus fine possible ce qui fait fonctionner un texte de SF, qu'il se contente d'agiter des hochets techniques (tu l'as vu mon robot? Il est bien, hein?) ou qu'il s'agisse d'une ambitieuse fresque d'une société future ou alternative (Tous à Zanzibar).
Là, forcément, je me préoccupe de ce qui fonctionne un peu pareil, presque pareil, pas du tout pareil... pour être sûr de savoir de quoi je parle.
1er type d'enjeu : "prescrire" l'horizon d'attente de la SF (ou de la fantasy) - alors, il vaut mieux avoir une idée claire de ce qu'on fait. SF = notre monde avec des ajouts ou des variations que l'auteur conçoit comme compatible avec notre monde tel que nous nous le représentons ; fantasy = un monde fondamentalement différent, puisque de nombreuses caractéristiques sont incompatibles avec notre monde.
Une fois qu'on a une idée claire de la distinction, là on peut évaluer, au sein de la SF "en soi" ce qui peut se faire de mieux (= tu mets un robot, ben c'est gentil, mais ça ne suffit pas).
2e type d'enjeu : essayer de décrire de la manière la plus fine possible ce qui fait fonctionner un texte de SF, qu'il se contente d'agiter des hochets techniques (tu l'as vu mon robot? Il est bien, hein?) ou qu'il s'agisse d'une ambitieuse fresque d'une société future ou alternative (Tous à Zanzibar).
Là, forcément, je me préoccupe de ce qui fonctionne un peu pareil, presque pareil, pas du tout pareil... pour être sûr de savoir de quoi je parle.
A propos de Moorcock..
Son multivers comprend notre monde. Celui-ci est décrit de façon réaliste. Donc, tous les autres univers "fantaisistes" qu'il comporte (décrits eux aussi de manière réaliste) peuvent être considérés comme des variantes du même continuum spatio-temporel, du même arbre de possibilités ou tout ce que vous voulez du nôtre . Donc, c'est de la sf, même Elric. Non ? Ou suis-je naïf et manque-je de finesse ?
A propos de textes extrêmes, que pensez-vous de "La fin des magiciens" de Larry Niven ?
Son multivers comprend notre monde. Celui-ci est décrit de façon réaliste. Donc, tous les autres univers "fantaisistes" qu'il comporte (décrits eux aussi de manière réaliste) peuvent être considérés comme des variantes du même continuum spatio-temporel, du même arbre de possibilités ou tout ce que vous voulez du nôtre . Donc, c'est de la sf, même Elric. Non ? Ou suis-je naïf et manque-je de finesse ?
A propos de textes extrêmes, que pensez-vous de "La fin des magiciens" de Larry Niven ?
- bormandg
- Messages : 11906
- Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 2:56 pm
- Localisation : Vanves (300 m de Paris)
- Contact :
La SF, qui ne se limite pas à son sous-groupe "speculative fiction", est définie une fois pour toutes par le caractère "scientifico-technique" du cadre du récit. Les gadgets de la SF sont une fois pour toutes distincts des "trucs" magiques ou légendaires de la fantasy. Tant la SF que la fantasy utilisent des archétypes, quasiment les mêmes à part l'emploi d'une référence (pseudo)scientifique dans un cas et magique ou surnaturelle dans l'autre. Le fait que certains auteurs de SF ne reculent pas devant les "sciences" ésotériques, en remplaçant popuvoirs magiques par pouvoirs psychiques, ne transgerre pas cette frontière, la seule qui soit.Lensman a écrit : De fait, pour moi, énormément de productions qui ont "l''air" d'être de la SF sont, fondamentalement, de la Fantasy: utilisation de gadgets, d'archétypes, de personnages, etc, pour réaliser des divertissements qui peuvent être excellents, voire géniaux, mais ne fonctionnent pas sur les ressorts fondamentaux de la SF. Je concède que ces productions relèvent de la SF, mais UN PEU seulement.
Oncle Joe
Quant aux prétendus "ressorts fondamentaux de la SF", ils ne s'appliquent, au mieux, qu'aux deux "sous-sous-genres" "hard science" et "speculative fiction", et pas au space opera, à la SF humoristique.
Bon, à part ça, je suis en gros d'accord avec le reste de tes interventions.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Je n'ai pas lu ce roman de Niven, je retiens le titre.
Concernant Moorcock, c'est un problème d'emboîtement : de quelle nature est la boîte qui contient toutes les autres boîtes?
La boîte Elric est une boîte de fantasy : une recherche de type scientifique s'y heurterait à l'impossibilité d'analyser la structure de la matière ; les réactions physiques y sont erratiques. La magie, en revanche, est fonctionnelle, mais rendue aléatoire par le statut changeant de cet univers - ce qui permet la magie (donc les raccourcis ontologiques par lesquels la volonté s'impose au monde sans intermédiaire) est le chaos, qui reflue, poussé par l'ordre.
La boîte Hawkmoon est une boîte de SF : nous sommes dans un lointain futur, dans lequel la science ressemble à la magie, parce qu'elle est entourée d'un certain décorum et que les scientifiques se comportent plutôt en alchimistes qu'en chimistes. Des objets tels que l'épée de l'aurore, le bâton runique et bien sûr le joyau noir paraissent fondamentalement magiques et le lecteur ne peut se résoudre à les analyser comme des artefacts scientifiques.
Ainsi, d'un côté on a un monde "fantaisiste" censément en train de se transformer en monde "scientifique", de l'autre on a un monde "scientifique" où se trouvent surtout des objets qui ont l'air magique. Pour compliquer le tout, il existe une multitude de plans, de dimensions, et autres mondes du rêve, dont on ignore si ils sont inclus dans la sphère originale, ou parallèle à elle.
Moorcock pratique aussi couramment le crossover, faisant se rencontrer ses personnages, qui sont censés être des représentations d'un même archétype, tandis que les forces à l'oeuvre, chaos ordre et balance se manifestent très différemment d'un cycle à l'autre.
Moorcock présente donc son multivers comme un ensemble regroupant des univers affectés par un même conflit : l'opposition entre ordre (science) et chaos (magie). L'équilibre de la Balance n'est obtenu en fait qu'à l'échelle du multivers entier, à mon sens (Tanelorn n'est jamais qu'un symptôme physique manfiestant la possibilité de cet équilibre). A la question, le multivers est-il fondamentalement magique ou scientifique, la réponse de Moorcock est volontairement indéterminée : ni l'un ni l'autre, et les deux en même temps.
Il existe de nombreux textes où la nature de monde fictionnel reste indécidable : le courant fantastique repose initialement sur ce jeu de l'incertitude entre réalité et fantaisie, par exemple. Le multivers de Moorcock correspond à un cas indécidable entre fantaisie et scientificité, mais à l'intérieur de ses cycles, la réponse est parfois très claire : la fin des temps, oswald bastabble, karl glogauer, jerry cornelius... évoluent dans des mondes scientifiques ; elric et corum évoluent dans des mondes fantaisistes.
Concernant Moorcock, c'est un problème d'emboîtement : de quelle nature est la boîte qui contient toutes les autres boîtes?
La boîte Elric est une boîte de fantasy : une recherche de type scientifique s'y heurterait à l'impossibilité d'analyser la structure de la matière ; les réactions physiques y sont erratiques. La magie, en revanche, est fonctionnelle, mais rendue aléatoire par le statut changeant de cet univers - ce qui permet la magie (donc les raccourcis ontologiques par lesquels la volonté s'impose au monde sans intermédiaire) est le chaos, qui reflue, poussé par l'ordre.
La boîte Hawkmoon est une boîte de SF : nous sommes dans un lointain futur, dans lequel la science ressemble à la magie, parce qu'elle est entourée d'un certain décorum et que les scientifiques se comportent plutôt en alchimistes qu'en chimistes. Des objets tels que l'épée de l'aurore, le bâton runique et bien sûr le joyau noir paraissent fondamentalement magiques et le lecteur ne peut se résoudre à les analyser comme des artefacts scientifiques.
Ainsi, d'un côté on a un monde "fantaisiste" censément en train de se transformer en monde "scientifique", de l'autre on a un monde "scientifique" où se trouvent surtout des objets qui ont l'air magique. Pour compliquer le tout, il existe une multitude de plans, de dimensions, et autres mondes du rêve, dont on ignore si ils sont inclus dans la sphère originale, ou parallèle à elle.
Moorcock pratique aussi couramment le crossover, faisant se rencontrer ses personnages, qui sont censés être des représentations d'un même archétype, tandis que les forces à l'oeuvre, chaos ordre et balance se manifestent très différemment d'un cycle à l'autre.
Moorcock présente donc son multivers comme un ensemble regroupant des univers affectés par un même conflit : l'opposition entre ordre (science) et chaos (magie). L'équilibre de la Balance n'est obtenu en fait qu'à l'échelle du multivers entier, à mon sens (Tanelorn n'est jamais qu'un symptôme physique manfiestant la possibilité de cet équilibre). A la question, le multivers est-il fondamentalement magique ou scientifique, la réponse de Moorcock est volontairement indéterminée : ni l'un ni l'autre, et les deux en même temps.
Il existe de nombreux textes où la nature de monde fictionnel reste indécidable : le courant fantastique repose initialement sur ce jeu de l'incertitude entre réalité et fantaisie, par exemple. Le multivers de Moorcock correspond à un cas indécidable entre fantaisie et scientificité, mais à l'intérieur de ses cycles, la réponse est parfois très claire : la fin des temps, oswald bastabble, karl glogauer, jerry cornelius... évoluent dans des mondes scientifiques ; elric et corum évoluent dans des mondes fantaisistes.
- bormandg
- Messages : 11906
- Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 2:56 pm
- Localisation : Vanves (300 m de Paris)
- Contact :
Ce qui sépare la SF de la fantasy est effectivement plus le référentiel employé, et je souscris à ton argumentation, le référentiel de Moorcock est, même dans Elric, une fois qu'on le plonge dans le multivers (et cela ne s'applique pas si on ne lit que Elric et Corum), plus SF que fantasy.justi a écrit :A propos de Moorcock..
Son multivers comprend notre monde. Celui-ci est décrit de façon réaliste. Donc, tous les autres univers "fantaisistes" qu'il comporte (décrits eux aussi de manière réaliste) peuvent être considérés comme des variantes du même continuum spatio-temporel, du même arbre de possibilités ou tout ce que vous voulez du nôtre . Donc, c'est de la sf, même Elric. Non ? Ou suis-je naïf et manque-je de finesse ?
A propos de textes extrêmes, que pensez-vous de "La fin des magiciens" de Larry Niven ?
Et Niven a lui aussi voulu recadrer la magie dans une vision SF, voire "hard science", avec La fin des magiciens.
Tout comme Anne McCaffrey, qui ne supporte pas qu'on prétende trouver un iota de fantasy dans ses oeuvres, en traitant les pouvoirs psychiques comme objet de science.
Ou Sheri S Tepper (sauf dans ses oeuvres anccienes, en général non traduites)...

"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
- bormandg
- Messages : 11906
- Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 2:56 pm
- Localisation : Vanves (300 m de Paris)
- Contact :
A mon avis, ordre et science sont des ojets totalement différents, les deux oppositions ordre-chaos et science-magie ne sont pas correlées. Sinon le conflit ordre-chaos se situerait entre les faces du multivers, et pas à l'intérieur de chacune.silramil a écrit : Moorcock présente donc son multivers comme un ensemble regroupant des univers affectés par un même conflit : l'opposition entre ordre (science) et chaos (magie).

"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
- bormandg
- Messages : 11906
- Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 2:56 pm
- Localisation : Vanves (300 m de Paris)
- Contact :
En parlant de multivers entre des univers soumis à des lois différentes, il est dommage que le roman de David Brin The Practice effect n'ait pas été traduit. Un physicien de notre univers se trouve plongé dans un univers dont les lois physiques sont différentes, au point de lui donner des pouvoirs à la Superman....
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
- bormandg
- Messages : 11906
- Enregistré le : lun. févr. 12, 2007 2:56 pm
- Localisation : Vanves (300 m de Paris)
- Contact :
Si je ne me trompe, il n'a pas été traduit en tant que roman, mais son adaptation en BD est disponible en français.silramil a écrit :Je n'ai pas lu ce roman de Niven, je retiens le titre.

"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Occasion pour moi de reprendre mes termes :bormandg a écrit :A mon avis, ordre et science sont des ojets totalement différents, les deux oppositions ordre-chaos et science-magie ne sont pas correlées. Sinon le conflit ordre-chaos se situerait entre les faces du multivers, et pas à l'intérieur de chacune. 8)silramil a écrit : Moorcock présente donc son multivers comme un ensemble regroupant des univers affectés par un même conflit : l'opposition entre ordre (science) et chaos (magie).
par "scientifique", j'entends dans cette dicussion "se rapportant à une fiction construisant son monde à partir d'un postulat général similaire à ce que nous considérons comme le réel". Si un monde est organisé en fonction de la "science", c'est qu'aucun raccourci n'est possible - tout est explicable et le mystère n'est que temporaire.
par "fantaisiste", j'entends "se rapportant à une fiction construisant son monde à partir d'un postulat général radicalement distinct de ce que nous considérons comme le réel". Si un monde est organisé en fonction de la "magie", c'est qu'il est possible d'imposer des raccourcis - certaines choses ne peuvent être expliquées. Elles existent, tout simplement.
Le principe de la lutte entre ordre et chaos dans les romans de Moorcock est que certains mondes sont régis entièrement par le chaos, d'autres entièrement par la loi, mais que la plupart sont pris entre les deux. La lutte se fait donc à l'échelle du multivers (des pans entiers du multivers sont dominés entièrement par l'une ou l'autre force) mais aussi à l'échelle des univers : le monde d'Elric était au départ presque pur chaos, tandis que régnait Melniboné, puis sous l'effet de champions de la loi, comme le comte Aubec, le chaos a progressivement reflué, tout en restant le principe d'organisation du monde.
A noter que notre propre monde est un monde régi par la loi, dans lequel n'existe presque pas de chaos au sens elricien, si je ne m'abuse. La science telle que nous l'entendons n'est possible que dans un monde d'ordre. Sinon, il ne s'agit que d'un artisanat pragmatique ou d'un ensemble de pratiques ressemblant à la science.