Lem a écrit :
a) je n'ai pas de stratégie de légitimation ; j'ai une stratégie de réintégration (qu'on peut voir aussi à l'œuvre dans la Brigade chimérique où je ne distingue plus entre fiction et essai).Je pense que le moment est venu de réintégrer la SF, au sens le plus large, dans l'horizon normal de la culture française. Dans les faits, je pense que cette réintégration est déjà pratiquement accomplie. Il ne reste plus qu'à la formuler à haute voix.
Oh, on est d'accord là-dessus, sans jouer sur les mots. Le problème est que nous ne souhaitons sans doute pas "réintégrer" les mêmes objets. Cela dit, cela se fera en grande partie de façon incontrôlée.
(Je comprends qu'on ne soit pas d'accord avec ce but, voire qu'on le juge néfaste. Ce que je juge néfaste, de mon côté, c'est la lente agonie du genre, son manque d'ouverture et son refus de se relier. Chacun ses analyses et ses modes d'action, et on verra bien au final ce qui devait marcher.)
(je trouve pas ça néfaste, mais je ne vois pas trop le rapport avec la "mort" de la SF. Enfin bon, chacun ses trucs).
b) Je mélange les genres parce que la culture SF mélange les genres.
je ne dis pas que tu mélanges les genres, mais que tu mélanges les choses.
Si tu mets en avant Verne et que tu donnes ensuite à lire Jeury, ou Carsac, ou Lehman, ben le lecteur risque d'avoir l'impression que tu lui as vendu autre chose que prévu.
Le point de contact entre Verne et la SF est ténu, au point d'en paraître forcé.
je ne dis pas que c'est interdit ou impossible, juste inutile.
c) J'insiste sur les classiques historiques (Verne, Blake et Mortimer, etc.) non parce qu'ils sont encore fertiles aujourd'hui et constituerait une porte d'entrée obligatoire pour comprendre l'état actuel de la SF, mais parce qu'en vertu d'un tropisme français que je pressens (que je ne peux pas prouver), il me semble que le sentiment – même récursif – d'avoir été acteur de cette histoire vieille de plus d'un siècle est une figure imposée de la réintégration. Je valorise donc particulièrement les moments et les acteurs historiques qui peuvent nourrir le sentiment que la branche française de Notre Club a joué son rôle tout le long du processus. Je n'invente rien. Je choisis l'endroit où je pose ma caméra, et le paysage change d'aspect.
En toute honnêteté, le point de divergence entre nous est bien ce "je n'invente rien".
La caméra symbolise bien plus à mes yeux la possibilité d'une manipulation du réel, des montages et des effets spéciaux, qu'une vision sans médiation de la réalité nue.
D'autant plus qu'il est question d'Histoire et que le matériau historique, quoique résistant, est toujours susceptible d'être réinterprété.
La branche française n'a pas eu grand-chose à voir avec la science fiction et assez peu avec la science-fiction. Ce n'est pas en jouant sur la fibre nationale qu'on arrivera à réintégrer la science-fiction, d'autant plus que la réintégration de l'imagination scientifique n'est déjà pas gagnée.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.