C'est un a priori. Sur quoi l'étayes-tu ?bormandg a écrit :Pour celui de fantasy, c'est vrai que la construction est le problème de l'auteur, que le lecteur veut seulement voir le monde fonctionner sans (sauf cas exceptionnel type Silmarillion) chercher à savoir comment ça fonctionne (mais il faut que cela fonctionne sans incohérence);d'autant plus que le problème de la plupart des livres de fantasy est de savoir comment maintenir un ordre ancien, pas de créer un nouveau monde...
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C'est tout SAUF un a priori: c'est l'impression qui me reste en résumé rapide de 50 ans de lectures variées... et dont le recensement complet prendrait un certain nombre de pages du fil.Sybille a écrit :C'est un a priori. Sur quoi l'étayes-tu ?bormandg a écrit :Pour celui de fantasy, c'est vrai que la construction est le problème de l'auteur, que le lecteur veut seulement voir le monde fonctionner sans (sauf cas exceptionnel type Silmarillion) chercher à savoir comment ça fonctionne (mais il faut que cela fonctionne sans incohérence);d'autant plus que le problème de la plupart des livres de fantasy est de savoir comment maintenir un ordre ancien, pas de créer un nouveau monde...

"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
OK, ce n'est pas un a priori, c'est une impression... qui ne s'étaye sur rien que du subjectif.bormandg a écrit :C'est tout SAUF un a priori: c'est l'impression qui me reste en résumé rapide de 50 ans de lectures variées... et dont le recensement complet prendrait un certain nombre de pages du fil.Sybille a écrit :C'est un a priori. Sur quoi l'étayes-tu ?bormandg a écrit :Pour celui de fantasy, c'est vrai que la construction est le problème de l'auteur, que le lecteur veut seulement voir le monde fonctionner sans (sauf cas exceptionnel type Silmarillion) chercher à savoir comment ça fonctionne (mais il faut que cela fonctionne sans incohérence);d'autant plus que le problème de la plupart des livres de fantasy est de savoir comment maintenir un ordre ancien, pas de créer un nouveau monde...
Mais ça n'a rien de nouveau, il semble qu'il y ait un enjeu à opposer SF et fantasy.
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Effectivement; mais là, tout dépend également de comment on définit chacun des deux termes, et c'est vrai que les définitions que j'ai adoptées reposent sur une acceptation ou un refus d'une certaine vision "positiviste" du monde. Avec d'autres définitions, plus restrictives pour la SF, plus large pour la fantasy, l'opposition est moins automatique.Sybille a écrit :OK, ce n'est pas un a priori, c'est une impression... qui ne s'étaye sur rien que du subjectif.bormandg a écrit :C'est tout SAUF un a priori: c'est l'impression qui me reste en résumé rapide de 50 ans de lectures variées... et dont le recensement complet prendrait un certain nombre de pages du fil.Sybille a écrit :C'est un a priori. Sur quoi l'étayes-tu ?bormandg a écrit :Pour celui de fantasy, c'est vrai que la construction est le problème de l'auteur, que le lecteur veut seulement voir le monde fonctionner sans (sauf cas exceptionnel type Silmarillion) chercher à savoir comment ça fonctionne (mais il faut que cela fonctionne sans incohérence);d'autant plus que le problème de la plupart des livres de fantasy est de savoir comment maintenir un ordre ancien, pas de créer un nouveau monde...
Mais ça n'a rien de nouveau, il semble qu'il y ait un enjeu à opposer SF et fantasy.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Grosso modo, tu définis la fantasy et la SF comme ça t'arrange et, ensuite, tu peux en sortir les théories qui te font plaisir ?bormandg a écrit :Effectivement; mais là, tout dépend également de comment on définit chacun des deux termes, et c'est vrai que les définitions que j'ai adoptées reposent sur une acceptation ou un refus d'une certaine vision "positiviste" du monde. Avec d'autres définitions, plus restrictives pour la SF, plus large pour la fantasy, l'opposition est moins automatique.
Chacun décide d'un genre qu'il préfère et, ensuite, quand un livre est bon, il le colle dans son genre à lui préféré. Et ça finit en grosse soupe.
Beaucoup de lecteurs aiment savoir comment les rouages tournent.
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Vu qu'il ne s'agit pas de genres, mais bien de regrouper en thèmes et règles d'écriture deux sous-ensemble du genre "fiction romanesque", j'ai essayé de trouver une distinction qui fasse sens pour moi. Et, même si cela n'est pas systématique ni dans un des types de romans ni dans l'autre, la réflexion sur le fonctionnement des rouages est fréquente en SF, tandis que les romans de fantasy comportent rarement une véritable recherche sur ce sujet. Ce qui n'empêchera pas de trouver des exemples: l'oeuvre de Tolkien et Terremer sont les premiers qui me viennent à l'esprit.Sybille a écrit :Grosso modo, tu définis la fantasy et la SF comme ça t'arrange et, ensuite, tu peux en sortir les théories qui te font plaisir ?bormandg a écrit :Effectivement; mais là, tout dépend également de comment on définit chacun des deux termes, et c'est vrai que les définitions que j'ai adoptées reposent sur une acceptation ou un refus d'une certaine vision "positiviste" du monde. Avec d'autres définitions, plus restrictives pour la SF, plus large pour la fantasy, l'opposition est moins automatique.
Chacun décide d'un genre qu'il préfère et, ensuite, quand un livre est bon, il le colle dans son genre à lui préféré. Et ça finit en grosse soupe.
Beaucoup de lecteurs aiment savoir comment les rouages tournent.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Du coup, la discussion est perdue d'avance puisqu'on ne saura jamais de quoi on parlebormandg a écrit :Vu qu'il ne s'agit pas de genres, mais bien de regrouper en thèmes et règles d'écriture deux sous-ensemble du genre "fiction romanesque", j'ai essayé de trouver une distinction qui fasse sens pour moi.

J'en conclus donc que tu qualifies de SF ce que je qualifie de fantasy, probablement.
Mais , bon dieu de bon dieu !
qu'est-ce que vous avez à vouloir opposer ou à distinguer les lecteurs de ceci ou de celà ?!
Je suis un lecteur , de tout , jusqu'à l'âge de 10 ans (et ça faisait 6 ans que j'étais lecteur) , je crus que tout ce qui était écrit était vrai... et je ne suis toujours pas convaincu du contraire...
Mais ces boites dans des boites me gonflent et ne correspondent à rien . J'ai des paquets de connaissances également gros lecteurs qui ingèrent tout , à partir du moment où ça leur plait ! Ils ou elles ne se posent pas la question du genre , ils ou elles ne demandent qu'à être séduits , que ce soit par la narration , la réflexion , le mélange des deux ou que sais-je...
Alors , cette sempiternelle ritournelle sur le déni , la citadelle de la raison/S.F. contre l'irrationalisme/Fantasy , ça sent son baroud d'ancien con battu...
qu'est-ce que vous avez à vouloir opposer ou à distinguer les lecteurs de ceci ou de celà ?!
Je suis un lecteur , de tout , jusqu'à l'âge de 10 ans (et ça faisait 6 ans que j'étais lecteur) , je crus que tout ce qui était écrit était vrai... et je ne suis toujours pas convaincu du contraire...
Mais ces boites dans des boites me gonflent et ne correspondent à rien . J'ai des paquets de connaissances également gros lecteurs qui ingèrent tout , à partir du moment où ça leur plait ! Ils ou elles ne se posent pas la question du genre , ils ou elles ne demandent qu'à être séduits , que ce soit par la narration , la réflexion , le mélange des deux ou que sais-je...
Alors , cette sempiternelle ritournelle sur le déni , la citadelle de la raison/S.F. contre l'irrationalisme/Fantasy , ça sent son baroud d'ancien con battu...
"Tout est relatif donc rien n'est relatif !"
Attendez que Silmaril revienne éclaircir, les amis.
Les uns parlent de différences de constructions de chacun des genres, les autres parlent de valeur et de qualité.
C'est pas parce qu'un bouquin sera "techniquement" moins rigoureux (pour l'univers décrit) qu'il s'adresse à des débiles. Ni qu'il est écrit par un débile. Je vois pas d'où tu tires ça, Sybille. A moins d'essayer de faire dire à tes interlocuteurs ce qu'ils ne veulent pas dire...
Les uns parlent de différences de constructions de chacun des genres, les autres parlent de valeur et de qualité.
C'est pas parce qu'un bouquin sera "techniquement" moins rigoureux (pour l'univers décrit) qu'il s'adresse à des débiles. Ni qu'il est écrit par un débile. Je vois pas d'où tu tires ça, Sybille. A moins d'essayer de faire dire à tes interlocuteurs ce qu'ils ne veulent pas dire...
- bormandg
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Là, je rencheris: il y a de la mauvaise SF, il y a de la bonne SF, mais il y a des tropes et des règles de construction SF, et il y a des attentes du lecteur SF. Idem pour la fantasy. Si les deux modes sont distincts, il n'y a pas de comparaison de qualité qui permette de placer l'un des genres au dessus de l'autre. Pour un lecteur donné (et cela s'applque à moi comme à tout autre) il peut y avoir une préférence pour l'un ou l'autre des modes; mais cette préférence ne saurait s'exprimer en appréciation de valeur relative. 

"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Cool, merci Aldaran.
Je vais tenter d'éclaircir ce que je voulais dire, puis le raccrocher à la discussion initiale.
Pour éviter les malentendus, quelques indications préalables :
- J'apprécie aussi bien la fantasy que la science-fiction, ayant lu l'une et l'autre avec plaisir et obstination depuis vingt-cinq ans.
- Je ne cherche pas à diminuer les mérites de l'une ou de l'autre.
- Je ne cherche pas à critiquer les lecteurs de l'une ou de l'autre.
- Pour moi, distinguer signifie comprendre mieux, percevoir mieux, et non pas disséquer et tuer ce qu'on analyse. Ceux qui n'aiment pas distinguer entre les choses parce qu'ils trouvent que ça tue leur plaisir peuvent continuer à ne pas distinguer. Moi, je distingue, et je n'oblige personne à suivre mon exemple.
- Je vais inventer certains exemples. Ils ont une fonction d'illustration. Indiquer les limites de ces exemples inventés n'annule pas complètement le postulat qu'ils illustrent. Il vaut mieux réfuter mes arguments que me dire que mon imagination n'est pas à la hauteur de mon raisonnement.
- Je sais que ce que j'écris est un peu long.
Ceci étant dit...
Quelques principes généraux. Distinguer entre cohérence interne et cohérence externe.
1) Toutes les oeuvres de fiction jouent sur des effets de cohérence interne.
Le lecteur pressé peut sauter ce qui est en italiques.
Cette cohérence interne peut concerner
1a. L'intrigue : c'est le principe de non-contradiction - si des éléments de l'histoire sont incompatibles entre eux, le lecteur risque d'être perturbé, voire d'avoir envie de refuser l'histoire. Exemple :un prince doit rapporter un objet pour hériter de la couronne. Après moultes péripéties, il revient sans l'objet, mais récupère la couronne sans que personne ne se pose de question.
1b. Les personnages : selon le type de fiction, les personnages peuvent être symboliques, avoir un caractère, avoir une psychologie. De la même manière que pour l'intrigue, si des éléments sont contradictoires, on peut s'en offusquer. Exemple : un prince veut épouser une princesse. Quelques paragraphes plus loin, il n'a plus aucun intérêt pour elle, sans explication.
(Attention : il faut reconnaître les règles propres à chaque récit. Supposer qu'un prince charmant a une psychologie réaliste revient à ne pas lire correctement le conte (ce qu'on peut faire volontairement, bien sûr).
1c. Le décor : les objets et les choses ne doivent pas varier sans raison, sous peine de gêner le lecteur, comme le reste des éléments mentionnés. Exemple : une épée brisée ne l'est plus au bout de quelques pages ; une ville dont on nous a dit qu'elle était très loin est atteinte en très peu de temps.
Cohérence interne = les fictions évitent de se contredire elles-mêmes, sous peine de perturber le lecteur. Une contradiction peut être une erreur, une négligence, ou un effet de style. Cet effet de style peut être une rupture volontaire de la fiction, comme lorsque Diderot se met à dénoncer ses propres procédés dans Jacques le fataliste. Mais une contradiction interne peut aussi être récupérée dans la fiction, soit de manière ambiguë (la narration est-elle fiable? comment interpréter le texte?) soit de manière explicite (par ex en indiquant ce qui a causé la contradiction apparente : un rêve ; une manipulation spatio-temporelle, une drogue).
2) Toutes les oeuvres de fiction font appel à un certain degré de cohérence externe. C'est-à-dire que tant que la fiction n'indique pas explicitement le contraire, on a tendance à supposer que les choses y sont globalement semblables à ce que nous connaissons.
Exemple : les animaux ne parlent pas. Si une fiction montre un ou des animaux parlants, le lecteur doit accepter le fait qu'ils parlent et en tenir compte dans le cadre de la cohérence interne. Le lecteur a tout à fait le droit de s'indigner et de dire : "c'est faux, les animaux ne parlent pas". A ce moment, il s'arrête de jouer le jeu de la fiction. S'il veut comprendre l'histoire, il doit accepter le fait que les animaux parlent, dans le cadre de l'histoire.
3) Alors que la cohérence interne s'impose dans l'ensemble à toutes les fictions, la cohérence externe n'a aucune force contraignante. La seule limite est ce que l'auteur parvient à faire admettre au lecteur. Il ne s'agit pas de malhonnêteté ou de tromperie, simplement d'établir des règles du jeu. Quelqu'un qui raconte un conte de fée ne cherche pas à tromper son auditoire. Inversement, toutes les adaptations qui sont imposées aux éléments tirés de l'extérieur sont considérées comme fictionnelles, c'est-à-dire acceptées dans le cadre d'une fiction.
Pour en venir à la fantasy et à la science-fiction...
4) La fantasy, la science-fiction et le réalisme sont, en gros, trois manières de jouer sur le rapport à la cohérence externe.
5) Avant de développer ceci, j'attire l'attention sur le fait que, comme toutes les autres fictions, la fantasy, la science-fiction et le réalisme respectent (sauf erreur ou effet de style) la cohérence interne. Je ne parle donc pas de cohérence interne dans ce qui suit.
6) En quoi fantasy, SF et réalisme jouent-elles de la cohérence externe ? Les trois postulent des mondes complets et autonomes, des mondes qu'on pourrait explorer à l'infini comme notre monde réel. Cela signifie que dans tous les cas, il y a un postulat très fort à accepter pour jouer le jeu de la fiction, à savoir supposer qu'il existe un vaste monde, avec ses lois, ses particularités et ses habitants, indépendamment même de l'histoire.
7) Attention, j'ai bien dit les trois. Je distingue sur ce point ces trois manières des textes de fiction en général. Voici un test utile. Supposons que dans un texte donné, il se trouve, abruptement au détour d'un paragraphe, une phrase de ce type : "J'ai tout inventé, bien sûr. Cette histoire est fausse, rien de ce monde fictif n'existe vraiment et si je le voulais, je pourrais tuer ou ressusciter mes personnages à volonté". Si le plaisir de la lecture est gâché, si on considère ce rappel (car personne n'est dupe, mais tout le monde aime faire comme s'il y avait vraiment un monde) comme une trahison, alors on est confronté à un texte qui joue sur la cohérence externe.
8) Fantasy, Science-fiction et réalisme donnent tous trois matière à des récits bons ou mauvais, superficiels ou complexes, simples ou élaborés.
Pour en venir, enfin, à une distinction entre fantasy et science-fiction, selon ce qui a été évoqué un peu plus tôt.
9) Les mondes (superficiels ou complexes, stéréotypés ou innovants) de la fantasy sont élaborés en rupture avec notre réalité de référence. En un mot, ils sont magiques. On peut les décrire longuement. On peut expliquer comment marchent plein de choses à l'intérieur. On peut écrire l'histoire, la société, les moeurs des différents peuples qui animent ces mondes.
10) Mais il y a toujours un joker, qui peut ne jamais être employé par l'auteur. Ce joker, c'est que ces mondes sont magiques. Et la magie permet de court-circuiter un certain nombre de questions qui seraient absurdes de toutes façons, comme celle que posait Lensman : les humains d'un monde de fantasy sont-ils humains ? Ce qui revient à demander : jusqu'à quel point sont-ils semblables à nous ? En apparence, ils nous ressemblent, ils sont décrits comme des humains, ils saignent, ils réagissent comme nous, etc. Mais sont-ils autre chose que des humanoïdes analogues à nous ? Appartenons-nous à la même espèce ? Les mécanismes de reproduction sont-ils seulement compatibles ? L'ADN existe-t-il dans un monde de fantasy ?
11) Si cette série de questions vous paraît stupide ou inutile, considérez ces différents points, puis reposez-vous les questions.
11a C'est de la fiction, donc ces êtres n'existent pas. Toute question de ce type est absurde par essence. Je ne vais pas prétendre qu'elle a un sens dans l'absolu. Oui, mais les récits réalistes, de science-fiction et de fantasy jouent justement sur la ressemblance avec notre monde : on doit faire comme si on pouvait se poser des questions valables aussi bien pour notre monde que pour le monde de fiction, et comme si les réponses avaient un sens. Sinon, on se contente de dénoncer la fiction et de sortir du récit.
11b Dans un récit réaliste, la question a une réponse immédiate. Oui, ces humains sont semblables à nous. Oui, si un personnage de l'histoire couchait avec une personne réelle, ils pourraient avoir un enfant.
11c Dans un récit de science-fiction, la question peut devenir plus complexe. Dans la mesure où les personnages n'ont pas subi d'altération génétique ou physique empêchant la reproduction, oui, un enfant est possible.
11d Notez bien la différence. La réponse est évidente et immédiate pour le réalisme (il ne sert à rien de poser la question, car la réponse est contenue dans le postulat général du réalisme : un monde semblable au nôtre). La réponse est conditionnelle pour la science-fiction : on cherche des indices appartenant à la cohérence interne, au récit lui-même, pour rendre compatible le monde du récit avec nos connaissances. Attention, cela signifie qu'il est possible qu'un récit de science-fiction postule que l'ADN n'existe pas, que c'est une erreur scientifique... mais alors il donnera, ou suggérera, des règles pour expliquer la reproduction humaine qui sont censées marcher dans notre monde.
11e Dans un récit de fantasy, la réponse a l'air évidente, mais elle ne gagne pas à être creusée. Ce sont des humains, me dit-on. Je n'ai aucune raison de penser que ces humains sont différents, que l'ADN n'existe pas, que la reproduction avec eux est problématique... Mais d'un autre côté, qu'est-ce qui m'affirme cette compatibilité? Dans le réalisme comme dans la science-fiction, il y a explicitement une continuité entre notre monde et le monde de la fiction.
Dans un monde de fantasy, en revanche, de nombreux éléments interviennent, qui remettent en cause ce que nous tenons pour acquis. Il y a une rupture, parfois manifeste, entre notre monde et ce monde de fantasy, qui y ressemble tant sans être le même.
12) Si je généralise cet exemple pour le constituer en principe, voici ce que je crois possible d'affirmer :
la lecture de la science-fiction incite souvent (mais pas toujours ! il y a des textes superficiels - et qui peuvent être super par ailleurs) à examiner la compatibilité de notre monde et de celui de la fiction; il est légitime, et même utile, de s'interroger sur le degré auquel le récit respecte, ou adapte, la cohérence externe; cela revient à remettre en question le monde de la fiction, avant de l'admettre.
la lecture de la fantasy admet sans problème qu'on compare le monde de la fiction et notre monde ; le récit peut même jouer d'effets de ressemblance pour favoriser l'identification de certains schémas (stéréotype de la société médiévale, par exemple); mais s'intéresser de très près aux principes de structuration et d'explication du monde ne sert pas vraiment le plaisir de la lecture, car cela risque de mettre en valeur ce qu'il y a d'arbitraire dans le texte (joker magique : parce que c'est comme ça).
Ce qui implique, comme je l'ai évoqué plus tôt dans ce fil, que le lecteur de science-fiction va avoir l'habitude d'examiner ce qu'on lui présente avant de l'accepter, tandis que le lecteur de fantasy va avoir l'habitude d'admettre comme une réalité immanente ce qu'on lui présente - s'il commence à questionner le bien-fondé de ce qu'on lui offre comme une réalité, il risque de sortir de la fiction.
Sachant que ces deux lecteurs peuvent être une seule et même personne, et qu'aucun des deux n'est plus intelligent ou exigeant que l'autre.
Pour ceux qui sont arrivés à cette dernière ligne, merci de m'avoir lu.
Je vais tenter d'éclaircir ce que je voulais dire, puis le raccrocher à la discussion initiale.
Pour éviter les malentendus, quelques indications préalables :
- J'apprécie aussi bien la fantasy que la science-fiction, ayant lu l'une et l'autre avec plaisir et obstination depuis vingt-cinq ans.
- Je ne cherche pas à diminuer les mérites de l'une ou de l'autre.
- Je ne cherche pas à critiquer les lecteurs de l'une ou de l'autre.
- Pour moi, distinguer signifie comprendre mieux, percevoir mieux, et non pas disséquer et tuer ce qu'on analyse. Ceux qui n'aiment pas distinguer entre les choses parce qu'ils trouvent que ça tue leur plaisir peuvent continuer à ne pas distinguer. Moi, je distingue, et je n'oblige personne à suivre mon exemple.
- Je vais inventer certains exemples. Ils ont une fonction d'illustration. Indiquer les limites de ces exemples inventés n'annule pas complètement le postulat qu'ils illustrent. Il vaut mieux réfuter mes arguments que me dire que mon imagination n'est pas à la hauteur de mon raisonnement.
- Je sais que ce que j'écris est un peu long.
Ceci étant dit...
Quelques principes généraux. Distinguer entre cohérence interne et cohérence externe.
1) Toutes les oeuvres de fiction jouent sur des effets de cohérence interne.
Le lecteur pressé peut sauter ce qui est en italiques.
Cette cohérence interne peut concerner
1a. L'intrigue : c'est le principe de non-contradiction - si des éléments de l'histoire sont incompatibles entre eux, le lecteur risque d'être perturbé, voire d'avoir envie de refuser l'histoire. Exemple :un prince doit rapporter un objet pour hériter de la couronne. Après moultes péripéties, il revient sans l'objet, mais récupère la couronne sans que personne ne se pose de question.
1b. Les personnages : selon le type de fiction, les personnages peuvent être symboliques, avoir un caractère, avoir une psychologie. De la même manière que pour l'intrigue, si des éléments sont contradictoires, on peut s'en offusquer. Exemple : un prince veut épouser une princesse. Quelques paragraphes plus loin, il n'a plus aucun intérêt pour elle, sans explication.
(Attention : il faut reconnaître les règles propres à chaque récit. Supposer qu'un prince charmant a une psychologie réaliste revient à ne pas lire correctement le conte (ce qu'on peut faire volontairement, bien sûr).
1c. Le décor : les objets et les choses ne doivent pas varier sans raison, sous peine de gêner le lecteur, comme le reste des éléments mentionnés. Exemple : une épée brisée ne l'est plus au bout de quelques pages ; une ville dont on nous a dit qu'elle était très loin est atteinte en très peu de temps.
Cohérence interne = les fictions évitent de se contredire elles-mêmes, sous peine de perturber le lecteur. Une contradiction peut être une erreur, une négligence, ou un effet de style. Cet effet de style peut être une rupture volontaire de la fiction, comme lorsque Diderot se met à dénoncer ses propres procédés dans Jacques le fataliste. Mais une contradiction interne peut aussi être récupérée dans la fiction, soit de manière ambiguë (la narration est-elle fiable? comment interpréter le texte?) soit de manière explicite (par ex en indiquant ce qui a causé la contradiction apparente : un rêve ; une manipulation spatio-temporelle, une drogue).
2) Toutes les oeuvres de fiction font appel à un certain degré de cohérence externe. C'est-à-dire que tant que la fiction n'indique pas explicitement le contraire, on a tendance à supposer que les choses y sont globalement semblables à ce que nous connaissons.
Exemple : les animaux ne parlent pas. Si une fiction montre un ou des animaux parlants, le lecteur doit accepter le fait qu'ils parlent et en tenir compte dans le cadre de la cohérence interne. Le lecteur a tout à fait le droit de s'indigner et de dire : "c'est faux, les animaux ne parlent pas". A ce moment, il s'arrête de jouer le jeu de la fiction. S'il veut comprendre l'histoire, il doit accepter le fait que les animaux parlent, dans le cadre de l'histoire.
3) Alors que la cohérence interne s'impose dans l'ensemble à toutes les fictions, la cohérence externe n'a aucune force contraignante. La seule limite est ce que l'auteur parvient à faire admettre au lecteur. Il ne s'agit pas de malhonnêteté ou de tromperie, simplement d'établir des règles du jeu. Quelqu'un qui raconte un conte de fée ne cherche pas à tromper son auditoire. Inversement, toutes les adaptations qui sont imposées aux éléments tirés de l'extérieur sont considérées comme fictionnelles, c'est-à-dire acceptées dans le cadre d'une fiction.
Pour en venir à la fantasy et à la science-fiction...
4) La fantasy, la science-fiction et le réalisme sont, en gros, trois manières de jouer sur le rapport à la cohérence externe.
5) Avant de développer ceci, j'attire l'attention sur le fait que, comme toutes les autres fictions, la fantasy, la science-fiction et le réalisme respectent (sauf erreur ou effet de style) la cohérence interne. Je ne parle donc pas de cohérence interne dans ce qui suit.
6) En quoi fantasy, SF et réalisme jouent-elles de la cohérence externe ? Les trois postulent des mondes complets et autonomes, des mondes qu'on pourrait explorer à l'infini comme notre monde réel. Cela signifie que dans tous les cas, il y a un postulat très fort à accepter pour jouer le jeu de la fiction, à savoir supposer qu'il existe un vaste monde, avec ses lois, ses particularités et ses habitants, indépendamment même de l'histoire.
7) Attention, j'ai bien dit les trois. Je distingue sur ce point ces trois manières des textes de fiction en général. Voici un test utile. Supposons que dans un texte donné, il se trouve, abruptement au détour d'un paragraphe, une phrase de ce type : "J'ai tout inventé, bien sûr. Cette histoire est fausse, rien de ce monde fictif n'existe vraiment et si je le voulais, je pourrais tuer ou ressusciter mes personnages à volonté". Si le plaisir de la lecture est gâché, si on considère ce rappel (car personne n'est dupe, mais tout le monde aime faire comme s'il y avait vraiment un monde) comme une trahison, alors on est confronté à un texte qui joue sur la cohérence externe.
8) Fantasy, Science-fiction et réalisme donnent tous trois matière à des récits bons ou mauvais, superficiels ou complexes, simples ou élaborés.
Pour en venir, enfin, à une distinction entre fantasy et science-fiction, selon ce qui a été évoqué un peu plus tôt.
9) Les mondes (superficiels ou complexes, stéréotypés ou innovants) de la fantasy sont élaborés en rupture avec notre réalité de référence. En un mot, ils sont magiques. On peut les décrire longuement. On peut expliquer comment marchent plein de choses à l'intérieur. On peut écrire l'histoire, la société, les moeurs des différents peuples qui animent ces mondes.
10) Mais il y a toujours un joker, qui peut ne jamais être employé par l'auteur. Ce joker, c'est que ces mondes sont magiques. Et la magie permet de court-circuiter un certain nombre de questions qui seraient absurdes de toutes façons, comme celle que posait Lensman : les humains d'un monde de fantasy sont-ils humains ? Ce qui revient à demander : jusqu'à quel point sont-ils semblables à nous ? En apparence, ils nous ressemblent, ils sont décrits comme des humains, ils saignent, ils réagissent comme nous, etc. Mais sont-ils autre chose que des humanoïdes analogues à nous ? Appartenons-nous à la même espèce ? Les mécanismes de reproduction sont-ils seulement compatibles ? L'ADN existe-t-il dans un monde de fantasy ?
11) Si cette série de questions vous paraît stupide ou inutile, considérez ces différents points, puis reposez-vous les questions.
11a C'est de la fiction, donc ces êtres n'existent pas. Toute question de ce type est absurde par essence. Je ne vais pas prétendre qu'elle a un sens dans l'absolu. Oui, mais les récits réalistes, de science-fiction et de fantasy jouent justement sur la ressemblance avec notre monde : on doit faire comme si on pouvait se poser des questions valables aussi bien pour notre monde que pour le monde de fiction, et comme si les réponses avaient un sens. Sinon, on se contente de dénoncer la fiction et de sortir du récit.
11b Dans un récit réaliste, la question a une réponse immédiate. Oui, ces humains sont semblables à nous. Oui, si un personnage de l'histoire couchait avec une personne réelle, ils pourraient avoir un enfant.
11c Dans un récit de science-fiction, la question peut devenir plus complexe. Dans la mesure où les personnages n'ont pas subi d'altération génétique ou physique empêchant la reproduction, oui, un enfant est possible.
11d Notez bien la différence. La réponse est évidente et immédiate pour le réalisme (il ne sert à rien de poser la question, car la réponse est contenue dans le postulat général du réalisme : un monde semblable au nôtre). La réponse est conditionnelle pour la science-fiction : on cherche des indices appartenant à la cohérence interne, au récit lui-même, pour rendre compatible le monde du récit avec nos connaissances. Attention, cela signifie qu'il est possible qu'un récit de science-fiction postule que l'ADN n'existe pas, que c'est une erreur scientifique... mais alors il donnera, ou suggérera, des règles pour expliquer la reproduction humaine qui sont censées marcher dans notre monde.
11e Dans un récit de fantasy, la réponse a l'air évidente, mais elle ne gagne pas à être creusée. Ce sont des humains, me dit-on. Je n'ai aucune raison de penser que ces humains sont différents, que l'ADN n'existe pas, que la reproduction avec eux est problématique... Mais d'un autre côté, qu'est-ce qui m'affirme cette compatibilité? Dans le réalisme comme dans la science-fiction, il y a explicitement une continuité entre notre monde et le monde de la fiction.
Dans un monde de fantasy, en revanche, de nombreux éléments interviennent, qui remettent en cause ce que nous tenons pour acquis. Il y a une rupture, parfois manifeste, entre notre monde et ce monde de fantasy, qui y ressemble tant sans être le même.
12) Si je généralise cet exemple pour le constituer en principe, voici ce que je crois possible d'affirmer :
la lecture de la science-fiction incite souvent (mais pas toujours ! il y a des textes superficiels - et qui peuvent être super par ailleurs) à examiner la compatibilité de notre monde et de celui de la fiction; il est légitime, et même utile, de s'interroger sur le degré auquel le récit respecte, ou adapte, la cohérence externe; cela revient à remettre en question le monde de la fiction, avant de l'admettre.
la lecture de la fantasy admet sans problème qu'on compare le monde de la fiction et notre monde ; le récit peut même jouer d'effets de ressemblance pour favoriser l'identification de certains schémas (stéréotype de la société médiévale, par exemple); mais s'intéresser de très près aux principes de structuration et d'explication du monde ne sert pas vraiment le plaisir de la lecture, car cela risque de mettre en valeur ce qu'il y a d'arbitraire dans le texte (joker magique : parce que c'est comme ça).
Ce qui implique, comme je l'ai évoqué plus tôt dans ce fil, que le lecteur de science-fiction va avoir l'habitude d'examiner ce qu'on lui présente avant de l'accepter, tandis que le lecteur de fantasy va avoir l'habitude d'admettre comme une réalité immanente ce qu'on lui présente - s'il commence à questionner le bien-fondé de ce qu'on lui offre comme une réalité, il risque de sortir de la fiction.
Sachant que ces deux lecteurs peuvent être une seule et même personne, et qu'aucun des deux n'est plus intelligent ou exigeant que l'autre.
Pour ceux qui sont arrivés à cette dernière ligne, merci de m'avoir lu.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.
Hmm... la rationalité qu'on rechercherait dans Cordwainer Smith ou dans Edmond Hamilton, face à l'absence de (dé)construction supposée dans Guy Gavriel Kay ou Robert Holdstock, me laisse perplexe...
Pour ma part, si la réflexion initiale sur le mode de raisonnement des lecteurs est intéressante, je classerais plutôt les livres de manière transversale par rapport au "travail" qu'ils proposent au lecteur.
- les exhaustifs, comme Tolkien, Martin, Heinlein ou Asimov, proposent au lecteur de TOUT savoir sur le monde et l'histoire qu'ils racontent. Ce sont des bâtisseurs, ou plutôt des professeurs qui utilisent le cours magistral.
- les immersifs, qui plongent le lecteur dans un fragment particulier d'un monde qu'ils présentent avec moult détails. Jaworski, Benford, Banks. On est dans une sorte de travaux dirigés, pris par la main dans une découverte toujours très analytique, mais sans aspirer à une vue d'ensemble.
- les allusifs, qui parviennent à faire "lâcher prise" au lecteur, parce que l'histoire telle qu'elle est racontée est trop touffue et pas suffisamment étayée pour qu'il puissent tout maîtriser en apparence. C'est une expérience de lecture particulière, comme une conférence en langue étrangère où l'on comprend bien sur le moment mais dont on ne retient pas vraiment le contenu. Holdstock, Miéville, Herbert.
- les opportunistes, qui utilisent des cadres déjà familiers au lecteur pour "faire passer" leur univers, s'affranchissant d'une bonne partie de la création d'univers. Gaiman, Kay, Beauverger, et la plupart des uchronies.
Je précise quand même que ce classement a été élaboré excessivement tard, un soir de pré-rentrée qui plus est, et n'a donc guère de prétention... je ne sais même pas si je le défendrai encore demain.
J'avais posé la question sur Elbakin il y a quelques années : la différence de classement entre les Princes d'Ambre de Zelazny et les Hommes-Dieux de Farmer tient-elle à autre chose que la magie pour la Marelle, d'une part, et une science inconnue pour la construction d'univers, d'autre part ?
Pour moi, les seules clés permettant un classement SF / fantasy sont les références assumées par les auteurs qui se "rattachent" d'une manière ou d'une autre à des œuvres, ou à des concepts (elfes / vaisseaux spatiaux...) de référence. D'où la difficulté de classement des uchronies - qui prennent souvent leurs références dans la littgen et/ou l'historique - ou de bouquins comme la Horde du Contrevent, qui tentent de s'affranchir au maximum des références.
Pour ma part, si la réflexion initiale sur le mode de raisonnement des lecteurs est intéressante, je classerais plutôt les livres de manière transversale par rapport au "travail" qu'ils proposent au lecteur.
- les exhaustifs, comme Tolkien, Martin, Heinlein ou Asimov, proposent au lecteur de TOUT savoir sur le monde et l'histoire qu'ils racontent. Ce sont des bâtisseurs, ou plutôt des professeurs qui utilisent le cours magistral.
- les immersifs, qui plongent le lecteur dans un fragment particulier d'un monde qu'ils présentent avec moult détails. Jaworski, Benford, Banks. On est dans une sorte de travaux dirigés, pris par la main dans une découverte toujours très analytique, mais sans aspirer à une vue d'ensemble.
- les allusifs, qui parviennent à faire "lâcher prise" au lecteur, parce que l'histoire telle qu'elle est racontée est trop touffue et pas suffisamment étayée pour qu'il puissent tout maîtriser en apparence. C'est une expérience de lecture particulière, comme une conférence en langue étrangère où l'on comprend bien sur le moment mais dont on ne retient pas vraiment le contenu. Holdstock, Miéville, Herbert.
- les opportunistes, qui utilisent des cadres déjà familiers au lecteur pour "faire passer" leur univers, s'affranchissant d'une bonne partie de la création d'univers. Gaiman, Kay, Beauverger, et la plupart des uchronies.
Je précise quand même que ce classement a été élaboré excessivement tard, un soir de pré-rentrée qui plus est, et n'a donc guère de prétention... je ne sais même pas si je le défendrai encore demain.
J'avais posé la question sur Elbakin il y a quelques années : la différence de classement entre les Princes d'Ambre de Zelazny et les Hommes-Dieux de Farmer tient-elle à autre chose que la magie pour la Marelle, d'une part, et une science inconnue pour la construction d'univers, d'autre part ?
Pour moi, les seules clés permettant un classement SF / fantasy sont les références assumées par les auteurs qui se "rattachent" d'une manière ou d'une autre à des œuvres, ou à des concepts (elfes / vaisseaux spatiaux...) de référence. D'où la difficulté de classement des uchronies - qui prennent souvent leurs références dans la littgen et/ou l'historique - ou de bouquins comme la Horde du Contrevent, qui tentent de s'affranchir au maximum des références.
Modifié en dernier par Sylvaner le sam. sept. 03, 2011 7:42 am, modifié 1 fois.
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"Il aura fallu des millions d'années à l'espèce humaine pour descendre des arbres et seulement dix de plus pour se mettre en vitrine." R. Powers
"Il aura fallu des millions d'années à l'espèce humaine pour descendre des arbres et seulement dix de plus pour se mettre en vitrine." R. Powers
... et deux remarques suite à la lecture (rapide) du pavé de Silramil :
- le postulat de "distance" plus grande entre nous et les protagonistes typés "fantasy" qu'entre nous et ceux typés "SF" néglige l'articulation extrêmement fréquente des œuvres de fantasy avec un contexte "réaliste". On l'oublie souvent, mais Tolkien rappelle assez régulièrement qu'il raconte l'histoire d'un passé mythique de "notre" monde, ou du moins de celui de son narrateur omniscient - ses humains sont donc nos ancêtres mythiques... ils ont d'ailleurs des points communs avec les Adam, Mathusalem et autres Noé (la longévité - tiens, ça me rappelle un certain Lazarus Long...). Et les personnages humains des Gaiman, de Narnia, de Robert Holdstock (la forêt des Mythagos), de Zelazny dans les princes d'Ambre sont rigoureusement humains - au sens d'une fiction réaliste du moins.
et en HS, sur la cohérence externe :
- le postulat de "distance" plus grande entre nous et les protagonistes typés "fantasy" qu'entre nous et ceux typés "SF" néglige l'articulation extrêmement fréquente des œuvres de fantasy avec un contexte "réaliste". On l'oublie souvent, mais Tolkien rappelle assez régulièrement qu'il raconte l'histoire d'un passé mythique de "notre" monde, ou du moins de celui de son narrateur omniscient - ses humains sont donc nos ancêtres mythiques... ils ont d'ailleurs des points communs avec les Adam, Mathusalem et autres Noé (la longévité - tiens, ça me rappelle un certain Lazarus Long...). Et les personnages humains des Gaiman, de Narnia, de Robert Holdstock (la forêt des Mythagos), de Zelazny dans les princes d'Ambre sont rigoureusement humains - au sens d'une fiction réaliste du moins.
et en HS, sur la cohérence externe :
J'ai rencontré ça tout récemment dans le Générosité de Richard Powers, un très bon bouquin-frontière entre SF et générale, mais dans lequel l'auteur s'arroge le droit de nous faire part de ses états d'âme d'auteur : des incises ("dans un roman, on a droit à deux coincidences : une petite et une grande"), des flash forward, etc. C'est parfois un peu agaçant... Après, je ne suis pas sûr que tu parlais de ça, ou plutôt des artifices du type "Rêve de fer", ou encore de Ponson du Terrail ressuscitant arbitrairement un personnage parce qu'un coup de vent a balayé ses petits papiers récapitulant qui est mort, qui est en prison, qui est libre...7) Attention, j'ai bien dit les trois. Je distingue sur ce point ces trois manières des textes de fiction en général. Voici un test utile. Supposons que dans un texte donné, il se trouve, abruptement au détour d'un paragraphe, une phrase de ce type : "J'ai tout inventé, bien sûr. Cette histoire est fausse, rien de ce monde fictif n'existe vraiment et si je le voulais, je pourrais tuer ou ressusciter mes personnages à volonté". Si le plaisir de la lecture est gâché, si on considère ce rappel (car personne n'est dupe, mais tout le monde aime faire comme s'il y avait vraiment un monde) comme une trahison, alors on est confronté à un texte qui joue sur la cohérence externe.
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"Il aura fallu des millions d'années à l'espèce humaine pour descendre des arbres et seulement dix de plus pour se mettre en vitrine." R. Powers
"Il aura fallu des millions d'années à l'espèce humaine pour descendre des arbres et seulement dix de plus pour se mettre en vitrine." R. Powers
Saisissante analyse de Silramil, représentation parfaitement cohérente du point de vue d'un tenant de la SF.
Mais d'autres analystes te diraient que tout n'est que métaphore, et que l'obligation de cohérence interne représente une vision partielle (moi, je me contenterais de dire : une vision différente).
JDB
PS : je dois m'absenter toute la journée et ne pourrai pas répondre aux éventuelles interventions.
Mais d'autres analystes te diraient que tout n'est que métaphore, et que l'obligation de cohérence interne représente une vision partielle (moi, je me contenterais de dire : une vision différente).
JDB
PS : je dois m'absenter toute la journée et ne pourrai pas répondre aux éventuelles interventions.
“Miss Judith Lee, vous êtes l’une des choses les plus étranges de ce monde très étrange.”
Tolkien dit aussi que dans sa trilogie, il n'y a pas d'allégorie (qu'il n'y a pas de rapport entre ce qu'il écrit et le monde réel, même métaphoriquement). Il le refuse catégoriquement.Sylvaner a écrit :... et deux remarques suite à la lecture (rapide) du pavé de Silramil :
- le postulat de "distance" plus grande entre nous et les protagonistes typés "fantasy" qu'entre nous et ceux typés "SF" néglige l'articulation extrêmement fréquente des œuvres de fantasy avec un contexte "réaliste". On l'oublie souvent, mais Tolkien rappelle assez régulièrement qu'il raconte l'histoire d'un passé mythique de "notre" monde, ou du moins de celui de son narrateur omniscient - ses humains sont donc nos ancêtres mythiques...
Le seul lien véritable entre le monde qu'il décrit et le monde actuel, c'est la langue elfique, parce que, par construction, il a voulu qu'elle "produise" la langue anglaise archaïque. En cela, on notera une démarche de science-fiction.
Enfin, je suis d'accord, Tolkien a voulu aussi créer une mythologie anglo-saxonne, absente (le roi-arthur n'étant pas majoritairement anglo-saxon), mais ça reste une mythologie. Et je ne pense pas que Tolkien ait pensé que ses textes rejoindraient Gilgamesh et tous les autres textes mythiques, comme récit des origines, etc. Il a principalement donné une "forme" mythologique comparable (et le Silmarillion est un parfait exemple d'exercice de style à ce sujet).
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/
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