Extrait :
Une critique, disais-je plus haut, c’est une forme de fiction qui, comme toutes les fictions repose sur un pacte tacite entre l’auteur et le lecteur. Ce dernier accepte de croire en la bonne ou mauvaise foi du premier et en échange, celui-ci s’engage à lui offrir un séjour dans son propre univers de lecteur. C’est un acte d’une totale impudeur. C’est laisser le premier rustre venu piétiner les plates-bandes de son petit jardin candidien, que l’on cultive avec tant d’attention. Toute autre tentative de rapport de lecture qui ne laisserait pas ouverte cette porte de l’intime est aussi vaine et mensongère que le cahier des charges de la Ligue de l’Imaginaire. J’aime/j’aime pas ce n’est pas de l’intime. C’est seulement la surface des sentiments. Une détestation ou une grande passion réclame qu’on se dépoile, qu’on prenne des risques – y compris celui de se tromper. Dès lors, non seulement l’acte est légitime mais on peut même parler d’œuvre. L’échange, après tout, est équitable : auteur et critique ont offert un peu d’eux-mêmes en pâture au public, ils sont assez frères de sang pour se donner mutuellement le droit d’exister. Et de fait, l’un n’existerait pas sans l’autre. Pas dans un monde où ignorer, c’est détruire.