Disons que le risque, particulièrement apparent dans une thèse universitaire, est toujours que l'auteur ait prétendu instaurer une différence de "valeur littéraire", de caser dans la "littérature" quelques titres d'"anticipation" en rejetant dans les ténèbres de la "sous-littérature" ou de la "littérature de genre" le reste de la science-fiction. Risque dont, a priori, le fait que soit cité Versins nous laisse espérer qu'il soit évité ici.silramil a écrit :Moi, sur le principe, ça me semble normal, vu que ce n'est pas la même chose... mais peut-être donnes-tu un sens fort à "séparer" (= disjoindre), là où je vois plutôt "distinguer".MF a écrit :c'est quoi ces tentatives répétées depuis quelques mois pour séparer science-fiction et anticipation ?
L'anticipation n'inclut pas toute la science-fiction, ni la science-fiction toute l'anticipation... (warning : querelle sémiotique inside).
Parution : Ces Français qui ont écrit demain
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- bormandg
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"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Et comme en plus on voit cité Messac, Jeury et Lehman, on peut dire sans risque (sic) que le risque n'existe pas...bormandg a écrit :Disons que le risque, particulièrement apparent dans une thèse universitaire, est toujours que l'auteur ait prétendu instaurer une différence de "valeur littéraire", de caser dans la "littérature" quelques titres d'"anticipation" en rejetant dans les ténèbres de la "sous-littérature" ou de la "littérature de genre" le reste de la science-fiction. Risque dont, a priori, le fait que soit cité Versins nous laisse espérer qu'il soit évité ici.silramil a écrit :Moi, sur le principe, ça me semble normal, vu que ce n'est pas la même chose... mais peut-être donnes-tu un sens fort à "séparer" (= disjoindre), là où je vois plutôt "distinguer".MF a écrit :c'est quoi ces tentatives répétées depuis quelques mois pour séparer science-fiction et anticipation ?
L'anticipation n'inclut pas toute la science-fiction, ni la science-fiction toute l'anticipation... (warning : querelle sémiotique inside).
Oncle Joe
Je l'entendais bien au sens fort : intersection videsilramil a écrit :Moi, sur le principe, ça me semble normal, vu que ce n'est pas la même chose... mais peut-être donnes-tu un sens fort à "séparer" (= disjoindre), là où je vois plutôt "distinguer".MF a écrit :c'est quoi ces tentatives répétées depuis quelques mois pour séparer science-fiction et anticipation ?
L'anticipation n'inclut pas toute la science-fiction, ni la science-fiction toute l'anticipation... (warning : querelle sémiotique inside).
quand on présente utopie, anticipation et science-fiction comme moyens d'écrire demain, c'est que ces moyens sont distinguables (i.e. tu peux opérer un choix pour définir le moyens adopté par l'auteur)
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.
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je vois ton point (et j'aime bien les catégories tranchées pour ma part), mais il y a une difficulté sémantique dans le terme anticipation... j'ai même proposé de distinguer anticipation utopique et anticipation de science-fiction dans un récent article de la quizaine littéraire, c'est dire la netteté des distinctions.MF a écrit :Je l'entendais bien au sens fort : intersection videsilramil a écrit :Moi, sur le principe, ça me semble normal, vu que ce n'est pas la même chose... mais peut-être donnes-tu un sens fort à "séparer" (= disjoindre), là où je vois plutôt "distinguer".MF a écrit :c'est quoi ces tentatives répétées depuis quelques mois pour séparer science-fiction et anticipation ?
L'anticipation n'inclut pas toute la science-fiction, ni la science-fiction toute l'anticipation... (warning : querelle sémiotique inside).
quand on présente utopie, anticipation et science-fiction comme moyens d'écrire demain, c'est que ces moyens sont distinguables (i.e. tu peux opérer un choix pour définir le moyens adopté par l'auteur)
Pour le dire autrement, je vois dans ce sous-titre moins une liste de moyens, que des catégories littéraires, choses assez molles et entremêlées...
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.
j'ai lu ce n° de la 15aine, et je suis persuadé que tu as manqué de place pour exprimer ton point de vue sur le sujetsilramil a écrit :je vois ton point (et j'aime bien les catégories tranchées pour ma part), mais il y a une difficulté sémantique dans le terme anticipation... j'ai même proposé de distinguer anticipation utopique et anticipation de science-fiction dans un récent article de la quizaine littéraire, c'est dire la netteté des distinctions.
ta distinction m'interpelle car j'ai toujours considéré que le "science" de science-fiction embarquait, évidemment, tout ce que l'on qualifie, de près comme de loin, de "sciences humaines"
à ce titre, l'anticipation utopique (comme anti-utopique) jouant sur un vraisemblable social/sociétal/économique/aso... je vois mal comment la démêler de la s.f.
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Il faut cependant, d'une manière ou d'un autre, rappeler que la désignation "science-fiction" est apparue à un certain moment, à un certain endroit, et que, peut-être, il ne s'agissait pas seulement de renommer quelque chose qui existait déjà (même si il s'agissait AUSSI de renommer quelque chose qui existait déjà...)MF a écrit : à ce titre, l'anticipation utopique (comme anti-utopique) jouant sur un vraisemblable social/sociétal/économique/aso... je vois mal comment la démêler de la s.f.
Mais comme Sil, je pense que l'intitulé de la thèse tient surtout à montrer que ça va balayer "large", à la Versins, sans pour autant se priver de la possibilité de faire des distinctions.
Oncle Joe
ton "AUSSI" apporte la (une ?) réponseLensman a écrit :Il faut cependant, d'une manière ou d'un autre, rappeler que la désignation "science-fiction" est apparue à un certain moment, à un certain endroit, et que, peut-être, il ne s'agissait pas seulement de renommer quelque chose qui existait déjà (même si il s'agissait AUSSI de renommer quelque chose qui existait déjà...)MF a écrit :à ce titre, l'anticipation utopique (comme anti-utopique) jouant sur un vraisemblable social/sociétal/économique/aso... je vois mal comment la démêler de la s.f.
je m'interrogeais surtout sur la difficulté à dés-intriquer "anticipation utopique" et "anticipation de science-fiction" pour reprendre les termes de Sil'
à un certain moment, sans doute celui que tu cites, il y a eu une réduction de la fonction d'onde littéraire, décohérence des anticipations, qui a conduit à passer de deux états littéraires superposés et donc distincts ("anticipation utopique" et "anticipation de science-fiction") à un état littéraire macroscopique dans lequel n'existe plus que l'anticipation (perte de degrés de liberté)
tout retour en arrière est impossible et on ne sait toujours pas dans quel état est le chat...
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Désolé, mais le littéraire (catégorie mathématicien, logicien) que je suis ne supporte pas ta référence de physicienne anti-littéraire. Les catégories "anticipation", "utopie", "science-fiction" (peut-on les qualifier d'ensembles? je laisse Grothendieck en décider; en tout cas il est possible de discuter de leurs intersections et réunions) ne sont pas des états de la matière susceptibles de réduction et de perte de degrés de liberté. On peut pour chaque élément de l'ensemble "oeuvres de fiction" discuter de son appartenance éventuelle à l'une, l'autre, deux ou plusieurs de ces catégories, on peut même dans certains cas déclarer la question indécidable, mais on ne saurait envisager d'état macroscopique. Miaou.MF a écrit : à un certain moment, sans doute celui que tu cites, il y a eu une réduction de la fonction d'onde littéraire, décohérence des anticipations, qui a conduit à passer de deux états littéraires superposés et donc distincts ("anticipation utopique" et "anticipation de science-fiction") à un état littéraire macroscopique dans lequel n'existe plus que l'anticipation (perte de degrés de liberté)
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"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."
Je suis bien sûr d'accord avec Lensman sur la donnée historique : l'apparition d'un nom et/ou d'une catégorie littéraire a un effet d'entraînement, si bien qu'on crée beaucoup plus, et selon d'autres objectifs.
Dans le cas de l'anticipation, mon postulat initial était le suivant (postulat à démontrer encore) : le terme d’« anticipation », provient probablement d’une série d’essais d’Herbert George Wells, « Anticipations of the Reaction of Mechanical and Scientific Progress Upon Human Life and Thought » (1901, traduits en français en 1904), mais il n’a pas de traduction stricte en anglais. Il s'agit dont d'une sorte d'artefact français.
Pour autant, ce terme n'a pas été largement utilisé pour désigner une tradition très précise. C'est ce flou qui permet à Gérard Klein de parler "d'anticipation dans le présent" pour désigner les récits antérieurs, qui ne présentent qu'une innovation circonscrite et éliminée à la fin.
Avant Wells, les récits parlant du futur sont surtout des textes utopiques, qui placent dans un avenir inaccessible le même type de société que les utopies placent dans des lieux lointains ou perdus. Mercier, Souvestre, Bellamy décrivent des mondes "parfaits".
Wells est un cas extraordinaire et c'est pour ça qu'il peut être rattaché à toutes sortes de traditions. Dans La Machine, il fait dans l'utopie, mais la mâtine de dystopie. Dans The world set free, il montre une utopie atteinte par étapes, incluant le développement historique possible. Et il fait pas mal d'anticipation dans le présent, aussi.
Après Wells, il y a plusieurs utilisations possibles pour le terme d'anticipation.
- anticipation = récit conjectural / roman scientifique. l'anticipation est alors une sorte de pré-science-fiction, aussi attrape-tout que la SF. On mettra dedans Rosny, Renard, Spitz... et on prolonge volontiers après-guerre, pour désigner la variante française de la science-fiction, notamment la science-fiction populaire de la collection "Anticipation"...
- anticipation = toute description du futur. On mettra alors sur le même plan Zamiatine et Heinlein, au motif que leurs récits parlent du futur. C'est dans cette perspective que j'ai introduit une distinction entre anticipation utopique (et dystopique) = futur élaboré dans une perspective morale (sans trop de considérations pratiques) et anticipation de science-fiction = futur extrapolé de manière concrète. Cette distinction reconduit mes propres lubies, mais l'anticipation peut désigner aussi bien l'un que l'autre. C'est même uniquement en fonction de cette catégorie d'anticipation qu'on peut associer Le Meilleur des mondes et Fondation, selon moi. Catégorie d'anticipation distincte de la science-fiction, puisque la science-fiction ne se limite pas à l'anticipation, pas plus que l'utopie ne se résume pas à sa variante géographique.
Quel que soit le sens retenu, il n'y a pas d'effondrement de fonction d'onde, il y a entrelacement de catégories littéraires... en se souvenant que les catégories ne programment pas vraiment les textes possibles - elles peuvent stimuler et freiner la création, mais il n'y a pas de cause à effet mécanique.
Dans le cas de l'anticipation, mon postulat initial était le suivant (postulat à démontrer encore) : le terme d’« anticipation », provient probablement d’une série d’essais d’Herbert George Wells, « Anticipations of the Reaction of Mechanical and Scientific Progress Upon Human Life and Thought » (1901, traduits en français en 1904), mais il n’a pas de traduction stricte en anglais. Il s'agit dont d'une sorte d'artefact français.
Pour autant, ce terme n'a pas été largement utilisé pour désigner une tradition très précise. C'est ce flou qui permet à Gérard Klein de parler "d'anticipation dans le présent" pour désigner les récits antérieurs, qui ne présentent qu'une innovation circonscrite et éliminée à la fin.
Avant Wells, les récits parlant du futur sont surtout des textes utopiques, qui placent dans un avenir inaccessible le même type de société que les utopies placent dans des lieux lointains ou perdus. Mercier, Souvestre, Bellamy décrivent des mondes "parfaits".
Wells est un cas extraordinaire et c'est pour ça qu'il peut être rattaché à toutes sortes de traditions. Dans La Machine, il fait dans l'utopie, mais la mâtine de dystopie. Dans The world set free, il montre une utopie atteinte par étapes, incluant le développement historique possible. Et il fait pas mal d'anticipation dans le présent, aussi.
Après Wells, il y a plusieurs utilisations possibles pour le terme d'anticipation.
- anticipation = récit conjectural / roman scientifique. l'anticipation est alors une sorte de pré-science-fiction, aussi attrape-tout que la SF. On mettra dedans Rosny, Renard, Spitz... et on prolonge volontiers après-guerre, pour désigner la variante française de la science-fiction, notamment la science-fiction populaire de la collection "Anticipation"...
- anticipation = toute description du futur. On mettra alors sur le même plan Zamiatine et Heinlein, au motif que leurs récits parlent du futur. C'est dans cette perspective que j'ai introduit une distinction entre anticipation utopique (et dystopique) = futur élaboré dans une perspective morale (sans trop de considérations pratiques) et anticipation de science-fiction = futur extrapolé de manière concrète. Cette distinction reconduit mes propres lubies, mais l'anticipation peut désigner aussi bien l'un que l'autre. C'est même uniquement en fonction de cette catégorie d'anticipation qu'on peut associer Le Meilleur des mondes et Fondation, selon moi. Catégorie d'anticipation distincte de la science-fiction, puisque la science-fiction ne se limite pas à l'anticipation, pas plus que l'utopie ne se résume pas à sa variante géographique.
Quel que soit le sens retenu, il n'y a pas d'effondrement de fonction d'onde, il y a entrelacement de catégories littéraires... en se souvenant que les catégories ne programment pas vraiment les textes possibles - elles peuvent stimuler et freiner la création, mais il n'y a pas de cause à effet mécanique.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.
Un aspect qui a tendance à compliquer les choses, c'est l'aspect temporel. Par exemple, si on parle d'une œuvre romantique, veut-on parler d'une œuvre écrite à l'époque romantique et possédant les caractéristique typique de ce mouvement en son temps, ou bien parle-t-on d'une œuvre qui aurait certaines caractéristiques du romantisme, mais se situerait à une autre époque (aussi bien postérieure qu'antérieure, bien que ce second cas me semble très problématique)?. Je me rappelle d'une publicité (en musique) qui m'avait bien fait rire, sur CD : "Chostakovitch, le dernier romantique"... Bon, ce n'est que de la pub, et l'exemple est grossier, mais enfin. Dans l'autre sens, combien de fois ai-je entendu ou lu telle œuvre de Mozart qualifiée de romantique... tu me dira que l'on peut; soi-même, se rendre compte du contexte et ne pas confondre, dans ce cas précis, le "mouvement romantique" entièrement d'époque, et un éventuel"esprit romantique" qui pourrait se détecter avant ou après, mais enfin, des glissements problématiques se sont trop souvent, y compris dans des travaux qui se veulent des analyses réfléchies.bormandg a écrit :Désolé, mais le littéraire (catégorie mathématicien, logicien) que je suis ne supporte pas ta référence de physicienne anti-littéraire. Les catégories "anticipation", "utopie", "science-fiction" (peut-on les qualifier d'ensembles? je laisse Grothendieck en décider; en tout cas il est possible de discuter de leurs intersections et réunions) ne sont pas des états de la matière susceptibles de réduction et de perte de degrés de liberté. On peut pour chaque élément de l'ensemble "oeuvres de fiction" discuter de son appartenance éventuelle à l'une, l'autre, deux ou plusieurs de ces catégories, on peut même dans certains cas déclarer la question indécidable, mais on ne saurait envisager d'état macroscopique. Miaou.MF a écrit : à un certain moment, sans doute celui que tu cites, il y a eu une réduction de la fonction d'onde littéraire, décohérence des anticipations, qui a conduit à passer de deux états littéraires superposés et donc distincts ("anticipation utopique" et "anticipation de science-fiction") à un état littéraire macroscopique dans lequel n'existe plus que l'anticipation (perte de degrés de liberté)
tout retour en arrière est impossible et on ne sait toujours pas dans quel état est le chat...
Au fil du temps, je deviens davantage au problème du terme "science-fiction" employé de manière trop générale, en faisant comme si "science-fiction" était une sorte de catégorie (presque) platonicienne (j'exagère dans l'emploi des mots à mon tour...), comme di le terme n'avait pas une histoire, une époque d'apparition dans un contexte donné. Ce serait oublier qie son apparition et usage entrainent uns structuration particulière du corpus qu'il est censé recouvrir. Pour provoquer un peu, mais pas tant que cela, je dirais qu'il est impossible de faire de la SF sans le savoir tout comme il était impossible à Monsieur Jourdain de faire de la prose sans le savoir (ce qui n'enlève rien à la saveur du trait d'esprit de Molière, hein...)
Oncle Joe
PS: et zut ! Je viens de me rendre compte que je n'avais pas vu la dernière intervention de Silramil, qui aborde largement et précisément ce problème!
Modifié en dernier par Lensman le ven. sept. 14, 2012 7:37 am, modifié 2 fois.