La fin d'Ailleurs et Demain

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justi
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Message par justi » ven. oct. 18, 2013 7:13 am

bormandg a écrit :Je rajoute : sauf exception (et j'en signale régulièrement dans Présences d'esprits ou dans Galaxies).
Ceci étant j'ai écrit "auteurs" et non titres: Jeff Vandermeer n'est pas un auteur non traduit.
Gwyneth Jones non plus.

Mais bon... Je pourrais en citer 27 autres, ça ne fera pas avancer les choses.

Il semble que l'on préfère capitaliser sur des auteurs que l'on traduit jusqu'à plus soif (parfois à raison - cfr Ian McDonald ou Banks). Cela fidélise-t-il le public ou cela le lasse-t-il ?

Selon mes critères, la sf est une littérature de découverte, donc l'édition de sf doit être une édition de découvertes.

Cela me déçoit beaucoup de pouvoir, moi simple fan sans implication dans le milieu autre que de poster ici, citer des dizaines de chefs-d'oeuvre indisponibles au lecteur francophone (et je ne parle que des romans, parce que dans le domaine de la nouvelle, on est proche de l'indigence - et je ne critique pas le travail des revues, anthologistes ou autres rares éditeurs qui s'attaquent à la chose, avec souvent peu de moyens et parfois des traductions un peu limite et des choix contestables).

Donc, je ressens une certaine insatisfaction, doublée d'une lassitude parfois désespérée.

Quant aux langues autres que l'anglais, ça n'a jamais été une préoccupation pour la majorité des éditeurs francophones. C'est plus qu'une rareté. J'espère qu'Actes Sud va un peu changer la donne.

GillesDumay
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Message par GillesDumay » ven. oct. 18, 2013 7:16 am

justi a écrit :Par exemple, je sais que Gilles Dumay voulait publier Nnedi Okorafor, mais que la structure Denoël ne lui a pas permis. Eclipse n'a manifestement pas ces freins structurels.
Pour être tout à fait précis, personne ne m'a empêché de publier Nnedi Okorafor. J'ai avec l'aide de ma directrice des ventes, Véronique Lecler-Barthélémy pour ne pas la nommer, fait un prévisionnel de ventes sur ce titre.
En tirant 4000 exemplaires et en vendant à peu près tout (ce qui n'arrive jamais ou presque), l'exploitation de ce titre ne dégageait aucune marge. Donc cette publication était à coup sûr (sauf miracle) à perte. Ce livre est resté un an dans mes cartons et mes projets et j'ai fini par le laisser partir à regrets.
Ce que j'observe sur Lunes d'encre depuis des années maintenant, c'est que les nouveautés ne marchent pas et que dans le même temps le fonds fonctionne, parfois de manière insolente comme L'intégrale H2G2 qui doit être peu ou prou la seule raison pour laquelle la collection Lunes d'encre existe encore.
Dans un contexte moins difficile, j'aurais pris le risque de publier le Okorafor et je doute qu'on m'aurait en haut-lieu empêché de le faire (personne ne m'a empêché d'acheter la trilogie du Dernier Loup-Garou qui doit bien coûter 6 ou 7 fois Who Fears death). J'avais fait un calcul similaire (au calcul Okorafor) avec La Fille automate qui au vu de ses qualités s'est fort mal vendu en grand format (consultez édistat si vous voulez vous faire mal).
A moins de 5000 ventes sur une grosse traduction comme le Bacigalupi ou le Okorafor, on perd de l'argent à coup sûr. L'incapacité du lectorat SF (et n'y voyez aucune attaque contre quiconque, juste un constat) à se rassembler autour de 2 ou 3 titres-phares par an, empêche bien des projets de voir le jour dans les maisons qui ont une certaine culture de la SF, payent correctement leurs traducteurs et savent comment le genre fonctionne. Dans des maisons où le "ça va tout arracher, faites-moi confiance" ne sera pris au sérieux par personne.

L'an prochain vous découvrirez en Lunes d'encre Among others de Jo Walton, acquis bien avant que le livre gagne tous les prix ou presque (j'avais acheté Farthing l'année précédente). Un nouvel auteur par an, c'est probablement le maximum que je peux me permettre en ces temps troublés où chaque année "chaque année gagnée" semble une victoire.hors-norme.

GD

justi
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Message par justi » ven. oct. 18, 2013 7:19 am

Fabien Lyraud a écrit :
justi a écrit :
bormandg a écrit :Et pour les titres anglo-saxons on se bat pour les publier dès qu'ils sortent du rang; je ne doute pas que les auteurs encore non traduits finiront par trouver preneur.
Pas vraiment d'accord.

Deux exemples flagrants : Veniss Underground de Jeff Vandermeer et Life de Gwyneth Jones attendent depuis 10 ans et ce sont des chefs-d'oeuvre !

Ce ne sont que les deux premiers titres qui me viennent en tête.

.
Et Elizabeth Bear ainsi que Liz Williams ne sont toujours pas traduite. Quant à Tobias Buckell seul son premier roman a été traduit.
Elizabeth Bear, qui mange pourtant du Hugo et du prix Locus à chaque petit déjeuner ! Ses derniers textes (j'ai lu une longue novella et un roman) de fantasy "orientale" ont pourtant un potentiel commercial qui me semble réel, non ?

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bormandg
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Message par bormandg » ven. oct. 18, 2013 7:41 am

Sauf trop nombreuses exceptions donc...
Je voulais juste signaler que les exceptions vont dans l'autre sens pour la SF non anglo-saxonne: la traduction d'UN auteur non anglo-saxon est un évènement.Deux auteurs de même nationalité? Incroyable.
D'accord, d'ici à ce qu'un livre en castillan ou en italien remporte le Hugo ou le Nebula.... :twisted:
Donc si je commençais la liste des auteurs et livres importants et non traduits de langue castillane, je remplirais la page. Et je ne lis couramment qu'une seule langue en plus de l'anglais et du français ....
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Message par GillesDumay » ven. oct. 18, 2013 7:43 am

A un moment faut être réaliste, le marché français ne pouvait pas avaler tous les auteurs de fantasy du monde et on a vu le résultat ; il en est de même pour la SF.
Liz Williams écrit beaucoup, mais la moitié de sa production voire plus ne vaut pas la peine d'être traduite.
Même si j'aime beaucoup sa série Snake agent ; les résultats catastrophiques de Sandman Slim et Butcher Bird me font pour le moins reculer.

Jusqu'à preuve du contraire les grands livres sortent toujours en France (si le coût de traduction n'est pas dément), pas toujours où on les attend, pas toujours bien traduits, mais ils sortent.

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bormandg
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Message par bormandg » ven. oct. 18, 2013 7:45 am

GillesDumay a écrit : Jusqu'à preuve du contraire les grands livres sortent toujours en France (si le coût de traduction n'est pas dément), pas toujours où on les attend, pas toujours bien traduits, mais ils sortent.
GD
En tout cas pour les auteurs anglophones (bis repetita).
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Herbefol
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Message par Herbefol » ven. oct. 18, 2013 7:46 am

GillesDumay a écrit :A un moment faut être réaliste, le marché français ne pouvait pas avaler tous les auteurs de fantasy du monde et on a vu le résultat ; il en est de même pour la SF.
Oui, merci de rappeler que le marché français ne peut égaler celui de l'imaginaire anglophone, et à plus forte raison du reste du monde réuni. Sans parler du fait qu'il faut aussi laisser un peu de place pour nos auteurs de chez nous. :wink:
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justi
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Message par justi » ven. oct. 18, 2013 8:06 am

Personne ne demande au marché français d'égaler le marché anglo-saxon.

Mais on ne peut nier un certain ronronnement. J'adore Ian McDonald, mais autant de livres du monsieur en si peu de temps, est-ce réellement productif ? Financièrement, j'imagine. Mais en termes d'image de la littérature sf ?

Dans mes connaissances, qui lisent beaucoup, l'image de la sf en 2013 est généralement la suivante : c'est toujours la même chose, les mêmes auteurs, c'est un milieu fermé, où l'on retrouve toujours les mêmes visages.

L'économie est un domaine très frustrant et les contraintes mentionnées au sujet de la publication du Nnedi Okorafor (je signale à Gilles Dumay que je ne pensais pas que quelqu'un lui ai dit "tu ne publies pas ce livre", mais bien à une histoire du type de celle qu'il nous narre quelques posts plus haut) prouvent la difficulté à faire convenablement son travail. Publier "Who fears death ?" devrait être un vrai plaisir d'éditeur, un honneur et une joie, pas une source de frustration.

Mais, la crise actuelle (générale et dans notre domaine en particulier) nous amène à nous replier sur nous-mêmes. La sf n'attire plus de nouveaux lecteurs. Est-il légitime de ne compter que sur une fan base, qui achètera le xième roman de Ian McDonald ou la 32ème traduction de Philip K. Dick ou faut-il ouvrir le domaine par la multiplication des projets, la traduction de nouveaux auteurs, anglo-saxons ou autres, le suivi régulier et rapide des nouvelles tendances (en essayant de ne pas sombrer dans le pur effet de mode) ?

La sf est - entre autres - la littérature du futur, mais elle donne à l'heure actuelle l'impression d'une littérature passéiste, de vieux, écrite par de vieux auteurs récurrents, soutenus par de vieux fans ringards.

Cette image crée aussi un déficit des ventes. Y a pas que la crise à incriminer.

Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » ven. oct. 18, 2013 9:35 am

Le problème c'est que quand un bouquin marche on ne sait jamais pourquoi. Il serait bon peut être de savoir pourquoi certains auteurs ou certains titres se vendent très bien. Prendre le temps de l'analyse permet de connaître en creux les attentes du public en matière de thème ou de style de récits. Il est vrai que les éditeurs à l'exception des très gros n'ont que peu de moyens à y consacrer. Mais à mon avis tant qu'on ne trouvera pas le moyen d'arriver à comprendre les raisons d'une réussite ou d'un flop, on ne sera réduit qu'à des hypothèses et on n'arrivera pas à relancer les choses.
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Message par MF » ven. oct. 18, 2013 9:45 am

GillesDumay a écrit :L'incapacité du lectorat SF (et n'y voyez aucune attaque contre quiconque, juste un constat) à se rassembler autour de 2 ou 3 titres-phares par an, empêche bien des projets de voir le jour dans les maisons qui ont une certaine culture de la SF, payent correctement leurs traducteurs et savent comment le genre fonctionne.
n'y voit l'attaque de quiconque, mais en l'absence d'un appareil critique qui toucherait ce lectorat et le fédèrerait, ça ne risque pas d'arriver

loin de moi l'idée de taper sur bifrost ou galaxies (ils font ça très bien eux-mêmes sans mon aide ^^), mais quand tu additionnes le nombre de leurs abonnés et/ou lecteur, et que tu divises par le nombre de "bonnes critiques" (1), tu dois probablement arriver au chiffre moyen des ventes des collections spécialisées

le bouche-à-oreille et les agrégations de blog ne peuvent se substituer à une critique "professionnelle", portée par des professionnels ; il y a bien sur des exceptions, comme d'habitude : Spin doit en être une...

c'est là que l'on se prend à regretter que Serge Lehman, par exemple (2),ne puisse faire une intervention périodique dans Le Monde (ou tout autre support périodique de réputation)


(1) j'entends, ici et maintenant, par "bonne critique" une critique pertinente, utile et fiable ; faite pour le lecteur et lui donnant envie d'acheter le livre parce qu'il fait confiance à l'appareil critique

(2)si il le faut, j'ai d'autres noms à jeter à la vindicte populaire ^^
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par Herbefol » ven. oct. 18, 2013 9:53 am

Fabien Lyraud a écrit :Le problème c'est que quand un bouquin marche on ne sait jamais pourquoi. Il serait bon peut être de savoir pourquoi certains auteurs ou certains titres se vendent très bien.
Sauf que ça, généralement, même les grandes maisons d'éditions ne le savent pas. Et si l'on savait vraiment, ça fait belle lurette que certaines maisons ne feraient plus que des cartons (ce qui est loin d'être le cas).
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Message par dracosolis » ven. oct. 18, 2013 10:05 am

résumé des épisodes précédents :

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Antéchrist N°4
Idéologue Relativiste à mi-temps
Antéchrist N°4 :

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Message par Fabien Lyraud » ven. oct. 18, 2013 10:05 am

Herbefol a écrit :
Fabien Lyraud a écrit :Le problème c'est que quand un bouquin marche on ne sait jamais pourquoi. Il serait bon peut être de savoir pourquoi certains auteurs ou certains titres se vendent très bien.
Sauf que ça, généralement, même les grandes maisons d'éditions ne le savent pas. Et si l'on savait vraiment, ça fait belle lurette que certaines maisons ne feraient plus que des cartons (ce qui est loin d'être le cas).
Ceux qui ont le plus de chance d'avoir cette information ce sont les libraires par le dialogue avec leurs clients.
De plus en plus de ventes se font en ligne. Est ce qu'une analyse des commentaires sur Amazon permet de cerner le pourquoi des bons résultats d'un livre ? Il me semble que de manière même partielle cela donne quelques indications.
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Message par Eons » ven. oct. 18, 2013 10:06 am

justi a écrit :Quant aux langues autres que l'anglais, ça n'a jamais été une préoccupation pour la majorité des éditeurs francophones.
Heureusement – au moins pour les nouvelles – il y a Galaxies/Lunatique, qui publie des textes traduits de pleins de langues autres que l'anglais. :wink:
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Message par Erion » ven. oct. 18, 2013 10:12 am

Fabien Lyraud a écrit : De plus en plus de ventes se font en ligne. Est ce qu'une analyse des commentaires sur Amazon permet de cerner le pourquoi des bons résultats d'un livre ? Il me semble que de manière même partielle cela donne quelques indications.
Part de marché d'Amazon en 2012 : entre 12 et 14 % en France.
Autant dire que c'est pas encore très représentatif face aux 24% des librairies indés, des 23% des grandes surfaces spécialisées (fnac, cultura) et 18% des grandes surfaces généralistes.
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