La SF va-t-elle mourir ?

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jerome
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La SF va-t-elle mourir ?

Message par jerome » lun. juil. 28, 2014 11:57 pm

Télérama a publié il y a quelques jours un article assez sombre sur les perspectives des littératures de l'imaginaire. Olivier Girard (Le Bélial'), Gilles Dumay (Denoël), Antoine Caro (Robert Laffont) et Sébastien Guillot (éditeur indépendant) expliquent que les ventes dégringolent en librairie ces derniers mois. Un phénomène que l'on constate avec les éditions Actusf.

Si le papier est truffé de petites choses agaçantes et si globalement on peut se demander s'il est opportun de publier ce genre de sujet (un sujet négatif ne risque-t-il pas de faire baisser encore plus les ventes ?), il a le mérite d'ouvrir le débat.

Les littératures de l'imaginaire sont-elles menacées ? La question fait en tout cas débat sur Facebook et ailleurs.

Le lien de l'article
Jérôme
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bormandg
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Message par bormandg » mar. juil. 29, 2014 9:22 am

Le seul fait que ce soit dans Télérama, dont l'hostilité, ouverte ou cachée, à une littérature non conforme à la Vulgate christiano-littératurblanchesque, est permanente, suffità répondre à la question: ils ne sauraient avoir pour la SF que des larmes de crocodile.
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Erion
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Message par Erion » mar. juil. 29, 2014 9:27 am

bormandg a écrit :Le seul fait que ce soit dans Télérama, dont l'hostilité, ouverte ou cachée, à une littérature non conforme à la Vulgate christiano-littératurblanchesque, est permanente, suffità répondre à la question: ils ne sauraient avoir pour la SF que des larmes de crocodile.
Ouais, enfin, ils ont principalement interviewé Gilles Dumay, Robert Laffont et Olivier Girard. Ce n'est pas comme si leurs propos n'étaient pas inconnus dans le milieu.
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bormandg
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Message par bormandg » mar. juil. 29, 2014 9:38 am

Antoine Caro, pas (feu, non?) Robert Laffont.
Avec Télérama, je préfère toujours me demander si les propos d'une interview sont déformés à 50%, à 80%, ou totalement réécrits en fonction des désirs du rédac-chef. Ou si ce ne sont que les questions qui sont orientées....
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gulzarjoby
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Avenir de la SF, qui par définition en a un..!

Message par gulzarjoby » mar. juil. 29, 2014 10:05 am

Alors, j'ai lu rapidement l'article du fameux Télérama, qui a été racheté, et subi de graves attaques contre sa rédaction, réduction d'effectifs, etc. Donc eux aussi sont menacés...

Pour cet déclin de la SF, il ne semble que cela concerne la littérature, mais pas la bande dessiné, pas le cinéma ou les jeux vidéos ?
Il s'agirait donc bien d'un souci du côté du texte.

Tout d'abord, reconnaissons le droit, le plaisir et la nécessité d'une littérature SF de pointe, hard science donc, pas évidente mais qui paradoxalement se vend... Egan, Reynolds, d'autres.

Ensuite, effectivement, c'est une question qui amène réponse. Si un large public est rebuté par la SF alors qu'il ne l'était pas les décennies précédentes, peut-être faut-il alors feinter, être malin, se poser des questions sur le fond et la forme de certains ouvrages proposés ?
Même les ouvrages de Bernard Werber peinent à être présent en kiosque dans les gares par exemple... Ou sinon, ce sont la même dizaine de classiques, quantité de Fantasy.

Peut-être aussi le public en finit-il par confondre SF et Sciences, puissances économiques basées sur la technoscience dont il se méfie de plus en plus, voir rejette ? L'on serait alors devenu malgré nous des propagandistes d'un avenir effarant, effrayant, entre chômage de masse, explosion de centrales nucléaires et désastres écologiques ?
J'avoue ne pas savoir exactement...

D'un autre côté, peut-on vraiment décider des sujets des auteurs, de l'air du temps ? Influencer, oui, décréter, moins évident !
J'en veux pour preuve le grand succès du Steampunk, genre agréable à lire, qui est présent en bd, littérature et cinéma aussi. Mais malgré la jubilation que l'on peut avoir à le créer, ce genre demeure régressif, loin de l'ambition de la SF d'imaginer des futurs possibles, de travailler les mouvements de fonds des sociétés humaines.
Le Steampunk, c'est un monde rassurant, où l'Europe, les USA dominaient la Terre et les peuples non civilisés, où les femmes ressemblaient à des femmes, les hommes à des hommes, où la technologie est enthousiasmante... Un monde disparu.

Tout l'enjeu pour moi est d'écrire en cette période d'inquiétude une SF qui n'inquiète pas au prime abord, mais qui déstabilise, remets en cause, brutalise le lecteur tout de même, puisque c'est son rôle !
C'est paradoxale, mais aussi fascinant à faire, puisque cela demande une grande réflexion sur le type de récit, sur le ton, sur le fond même du récit.
Est-ce le mot, l'étendard SF qui est important, où le fait que le public lise du futur, même s'il n'a pas l'impression d'en lire ?
Combien de témoignages de gens qui prétendent ne pas aimer la SF, la méprisant même parfois, mais qui ont adoré 1984..?

Les auteurs sont différents, certains veulent s'en tenir à un public réduit, craignant de se compromettre ou ne sachant pas écrire universellement ; d'autres voudront pouvoir être lu par n'importe qui attiré par ses écrits sans pour autant faire du vulgaire et du sans intérêt, mais seront peut-être malgré tout moins originaux sur certains plans...

En fait, on peut résumer la situation, enfin c'est réducteur bien sûr, par une question fondamentale. La SF veut-elle continuer à assumer son rôle social d'éclairage intellectuel du public et de genre visionnaire, ou se contenter de demeurer une sorte de communauté plus ou moins élitiste refusant de communiquer avec un large public, même si ce côté élitiste est forcément nécessaire par nature aussi ?
Veut-elle s'interdire d'avoir des auteurs professionnels, sous prétexte de pureté, concept dont on connaît la nocivité parfois ?
Auteurs et éditeurs veulent-ils partir à la reconquête d'un public plus vaste, oui ou non, mêler ambition littéraire et audience ?

J'espère que la discussion sera intéressante, notamment sur les formats de lecture numérique, la taille des livres, le fond des récits, etc...
Détournez-vous de ceux qui vous découragent de vos ambitions. C'est l'habitude des mesquins. Ceux qui sont vraiment grands vous font comprendre que vous aussi pouvez le devenir.
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Message par Erion » mar. juil. 29, 2014 10:08 am

bormandg a écrit :Antoine Caro, pas (feu, non?) Robert Laffont.
Avec Télérama, je préfère toujours me demander si les propos d'une interview sont déformés à 50%, à 80%, ou totalement réécrits en fonction des désirs du rédac-chef. Ou si ce ne sont que les questions qui sont orientées....
Oh, il suffit de lire les éditos de Bifrost pour s'assurer qu'il n'y a pas de déformation...
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bormandg
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Message par bormandg » mar. juil. 29, 2014 10:43 am

De toute manière, vu la multiplicité des définitions de la SF, la question à se poser serait QUELLE SF est susceptible de mourir, et si la fiction spéculative est menacée comme l'est la fiction ghettoïsée des collections de SF.
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Message par Fabien Lyraud » mar. juil. 29, 2014 12:03 pm

Le problème de la SF c'est de quoi doit elle parler ? La littérature de SF a préféré parler des problèmes plutôt que des solutions. Pour moi ce faisant elle a choisi la facilité. C'est bien beau de dire l'ultralibéralisme détruit nos sociétés ou que le réchauffement climatique va avoir des conséquences désastreuses. Mais c'est enfoncer des portes ouvertes. N'importe quels individus cultivés, éduqués et informés connaît les enjeux d'autant plus que la presse s'en fait abondamment écho et que des essais de vulgarisation aborde ces problèmes. Les auteurs font comme s'ils avaient encore le monopole de la vulgarisation. Or ils ne l'ont plus et ne peuvent plus se contenter de dénoncer. Il faut aller plus loin.

La deuxième chose qui manque, en tout cas en France, c'est un choc esthétique. La SF ce n'est pas seulement des idées. On l'oublie trop souvent. C'est aussi des images et des univers. Quelques auteurs font ce travail mais peut être là encore ne vont ils pas assez loin dans la construction de leurs univers, ils demeurent peut être trop classique que ce soit sur le fonds ou sur la forme. Bref Roland aurait dit qu'ils ne sont pas assez fun. On a besoin d'une Sf plus rock'n roll. Certains jeunes auteurs anglo-saxons comme Yoon Ha Lee, Ken Liu, Rachel Sobel, Cat Rambo et un tas d'autres osent une esthétique différente ( que ce soit en SF ou en fantasy d'ailleurs) en essayant de sortir d'une vision occidentalo-centrée du monde en présentant des univers multiculturels. Le fait que bon nombre des auteurs de cette génération soit issu des minorités ou sont anglophones non anglo-saxons joue peut être en faveur de cette nouvelle esthétique. Mais certains jeunes nouvelliste français comme Sébastien Ruche ou Philippe Deniel ont aussi une approche esthétique intéressante du genre en n'hésitant pas à dynamiter les repères familiers.

Troisième chose. Comme l'a fait remarquer Gulzar Joby, la SF marche bien au cinéma, dans les comics ou en jeu vidéo. Au coté de la SF ambitieuse il convient d'avoir une littérature de SF populaire qui dialogue avec les autres média. En reprenant les thèmes traités par ceux ci, en essayant de bâtir des twists, de créer des dérivations d'idées... Bref, ne pas mépriser le public des rôlistes, des games ou des fans de manga. Ne pas mépriser ce qui fait rêver. Ne pas oublier que Jean Pierre Dionnet disait que faire rêver est un acte subversif. Ca reste d'actualité.
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Message par Erion » mar. juil. 29, 2014 12:39 pm

Vouloir discuter à partir d'un article énonçant des généralités, avec des raccourcis abusifs, en proposant d'autres généralités, ne risque pas d'aboutir quelque part.

Citons une oeuvre parlant surtout des problèmes, évoquant une société dystopique, qui soit de la SF : Hunger Games. Succès librairie et film. Le nouveau lectorat n'est donc pas rebuté par une SF qui dénonce et montre une société dictatoriale.

Citons une oeuvre de SF parlons d'autre chose que de l'Occident : la fille automate de Bacigalupi. Est-ce que cela a fait un carton à hauteur de Games of Thrones ?

De la SF rock'n'roll, multiculturelle, ça existe, et c'est publié. Il n'y a pas de manque à ce niveau. Et le succès de GRR Martin en Fantasy, montre plutôt que les formes classiques tiennent bien la route et ne sont pas obsolètes.

Bref, l'article de Télérama est juste un mauvais point de départ pour discuter. Il faudrait comparer avec ce qui se passe en littérature générale, avec l'évolution globale de la lecture, et ainsi de suite. Vu la montée du Young Adult (et de la littérature jeunesse), on est peut-être juste dans le cadre d'une recomposition.
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Message par Herbefol » mar. juil. 29, 2014 3:51 pm

Pour moi le postulat de départ de l'article n'est pas bon puisqu'on oublie de se demander si c'est spécifique à la sf ou si c'est plus général. Et je pense que l'édition ne va pas bien par chez nous en ce moment. Bref, à la question "pourquoi la littérature de sf ne marche plus aussi bien ?" je réponds "parce que la littérature tout court ne marche plus aussi bien."
Fin de la discussion en ce qui me concerne. 8)
L'affaire Herbefol
Au sommaire : La pointe d'argent de Cook, Black Man de Morgan, Navigator de Baxter, Cheval de Troie de Wells & The Labyrinth Index de Stross.

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Message par JDB » mar. juil. 29, 2014 6:13 pm

Herbefol a écrit :Pour moi le postulat de départ de l'article n'est pas bon puisqu'on oublie de se demander si c'est spécifique à la sf ou si c'est plus général. Et je pense que l'édition ne va pas bien par chez nous en ce moment. Bref, à la question "pourquoi la littérature de sf ne marche plus aussi bien ?" je réponds "parce que la littérature tout court ne marche plus aussi bien."
Fin de la discussion en ce qui me concerne. 8)
Plutôt d'accord avec Herbefol.
Et j'ajoute que, comme chaque fois, le commentaire mélange allégrement "ce qui marche commercialement", "ce qui innove", "ce qui consolide", " ce qui marche en France", "ce qui marche dans tel ou tel pays"--bref, Confusianus règne en maître.
JDB
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Message par bormandg » mar. juil. 29, 2014 6:47 pm

Bref et cela clora mon intervention sur ce fil: c'est un article de Télérama; même si des gens valables se sont laissé prendre au piège et interviewer, il ne faut PAS en parler. :twisted:
Ou alors, si vraiment il y a des idées intéressantes à discuter sur le sujet d'une éventuelle "mort" d'UNE certaine SF, sur un autre fil et SANS référence à l'ImMonde et à ses torchons partenaires...
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