Lecture et idéologie

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Soslan
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Lecture et idéologie

Message par Soslan » sam. août 29, 2009 8:50 pm

Bonjour, je voudrais lancer un sujet de discussion (édit : pas vraiment un débat car ça ne répond pas à mon idée) sur une question qui vous paraitra peut-être un peu abstraite mais qui me turlupine.

J'ai fait lire Ravage de Barjavel à une amie qui n'est pas fan de essèfe. J'ai peut-être un espoir de la convertir avec Francis Berthelot :P mais en tout cas avec Barjavel c'est raté. Elle a déclaré avoir trouvé le romna "à vomir" avec sa fin "passeiste et obscurantiste" (sur ce plan je suis d'accord, même si le traumatisme de mes 16 ans m'a poussé à imaginer une forme de cynisme pessimiste, rêve que la jeune fille s'est empressé de démolir ^^).
Et ce malgré le fait d'avoir beaucoup apprécié l'écriture et le talent de conteur et accrodé "une chance" au roman (elle a été traumatisé par La Nuit des temps pour des raisons plus luittéraires cette fois-ci ) jusqu'à la description de l'utopie campagnarde.

Je monte alors sur mes grands chevaux, l'idée utopique/ angéliste/ naïve (rayer la mention inutile) d'une République des Artistes ou il faudrait "oublier les postions idéologiques de l'auteur".
Pour comprendre ma surprise face à ce qui suit, il faut s'imaginer mon idée que le pardon doive être inconditonnel, ne pas concerner pas seulement Céline ou Sartre (oui je pense aux anticommunistes, et sincérement, question de principe) mais nombres de cultures plus populaires bien que de qualités -idée normale quand on a fréquenté un milieu carabin où le même ami peut écouter Bob Marley comme le tendancieux (jugement à relativiser parait-il, pour les curieux je vous renvoie à Wiki) groupe de black métal Burzum.

Et voilà que la demoiselle fait sonner les trompettes de Jéricho : "il n'écris pas assez bien pour ça".

Et bang. Le "pardon" du lecteur ne serait pas incodntionnel. Céline peut se permettre d'être sacro-saint ( ce que je ne contredirai jamais) mais Barjavel ne pourrais l'être qu'en vertu de son importance dans la essèfe francaise (je prêche pour ma paroisse, et fait l'hypothése peut-être lucide que mon ouverture d'esprit politique ne soit pas entièrement sincère).
Voilà qui me fait regarder d'un oeil plus compréhensif ce qui avait fait bondir le sanguin que je suis dans les biographies du Cafard Cosmique, celle de Barjavel justement, aux silences éloquents, versus celle de Dantec couplée à un article pas piqué des hannetons.

Voilà donc le sujet que je voudrais confonter à vos impresions. Pensez-vous que la litté, essèfe ou autres (et les arts essèfe tiens, ciné, dessin...) soient toujours absous de leur propos parfois discutables, au nom d'un concept d'Art pour l'Art, d'art indépendant, tout ça ? Dans le cas contraire, quels critères rendraient à vos yeux un auteur inattaquable ou indéfendable ?

Voilà, en espérant n'avoir pas été trop abstrus.
Modifié en dernier par Soslan le sam. août 29, 2009 10:42 pm, modifié 1 fois.
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orcusnf
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Message par orcusnf » sam. août 29, 2009 9:00 pm

Ah bon, faut sauver Céline ? C'est bien plus marrant les autodafés pourtant...
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Tétard
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Message par Tétard » sam. août 29, 2009 9:11 pm

Il n'y a pas de critères. Il faut juste distinguer l'individu de l'auteur et de l'oeuvre. Et à chacun, accorder un jugement spécifique.
Une personne X peut très bien proférer des insanités dans sa vie privée ou public et produire une oeuvre remarquable, artistiquement parlant. Une même oeuvre peut inclure des clichés, préjugés, idéologie infâmes et pourtant avoir une grande valeur artistique. Ce critère-là est autonome, ne doit pas être soumis aux jugements moraux ou à la politique.

S'il fallait que tous les écrivains et penseurs soient de grands démocrates, il faudrait jeter au feu la quasi-totalité des oeuvres antérieurs au 19ème.
Et la plupart de celles postérieures au 21ème ?
On offre de face la vérité à son égal : on la laisse entrevoir de profil à son maître.
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Lensman
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Message par Lensman » sam. août 29, 2009 9:59 pm

Et le gros aussi de celles du XXe... surtout si on enlève les auteurs qui étaient (peut-être) démocrates, mais pas progressistes pour deux sous, à savoir pratiquement l'ensemble de la littérature française, y compris de SF...
Oncle Joe

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Soslan
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Message par Soslan » sam. août 29, 2009 10:40 pm

Tétard a écrit :Il n'y a pas de critères. Il faut juste distinguer l'individu de l'auteur et de l'oeuvre. Et à chacun, accorder un jugement spécifique.
Une personne X peut très bien proférer des insanités dans sa vie privée ou public et produire une oeuvre remarquable, artistiquement parlant. Une même oeuvre peut inclure des clichés, préjugés, idéologie infâmes et pourtant avoir une grande valeur artistique. Ce critère-là est autonome, ne doit pas être soumis aux jugements moraux ou à la politique.

S'il fallait que tous les écrivains et penseurs soient de grands démocrates, il faudrait jeter au feu la quasi-totalité des oeuvres antérieurs au 19ème.
Et la plupart de celles postérieures au 21ème ?
Je suis bien d'accord, mais ce que je me demandais, c'est que faire face à des oeuvres dont les qualités artistisques ne nous parlent pas, nous semblent plus anecdotiques.
En fait une certaine bourde que j'ai faite, c'est de mettre l'accent sur l'idée de "débat" en début de fil, car ce n'était pas vraiment mon intention :oops: . Celle-ci était pmutôt dans ma formule finale : confrontation aux impresions personnelles.
Car en fait je crois que l'affaire est surtout une affaire de sensiblité personnelle. S'il s'agit de débattre sur la nécessité d'oublier l'idéologie, ca risque de tourner court car la question est réglée depuis bien longtemps dans les milieux littéraires.

Le seule vraie problème qui pourrait vraiment faire débattre à mon sens qui pourrait intervenir est la notion de classique ; est-ce qu'une oeuvre est un classique pour tous ou pour un mouvement culturel donné ? Est-ce que la qualité d'une oeuvre est reconnue universellement ? (c'est un peu kantien ça, mais je vais m'arrêter là :roll: )
C'est une question qu'on pourrait trouver derrière la comparaison des bios de Barjavel et Dantec mentionnées plus haut. Hélas, je n'ai (encore) aucune idée claire sur la question.

Je n'empêcherai bien sûr aucun débat quel qu'il soit (manquerait plus que ça, surtout sur cette section). Mais comme le mot "débat" était quand même inapproprié à mon intention initiale, je vais le supprimer par édit. Sorry.
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Patrice
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Message par Patrice » dim. août 30, 2009 10:34 am

Salut,

Etant de fait un lecteur de SF soviétique, tu penses bien que ta question me parle. Personnellement, les aspects idéologiques ne me sont pas du tout rédhibitoires, que ce soit dans un sens (éloge du communisme) ou dans l'autre (anti-communisme).
L'important est que le texte soit bon. Et qu'on sache le lire en ne fermant pas les yeux sur les aspects idéologiques, mais en n'en faisant pas non plus un point essentiel.
Exemple: la nouvelle Valentina Jouravleva et Guenrick Altov, La Ballade des étoiles, publiée dans Les Meilleures histoires... chez Laffont en 1962. Ce texte contient plusieurs citation de Marx et Lénine. On ne peut pas faire plus idéologique. Pourtant c'est un texte remarquable, très poétique.
A l'inverse, j'ai un mal de chien à lire Les Hauteurs béantes de Zinoviev. C'est un texte intelligent, pour ne pas dire brillant, mais à mon sens illisible de nos jours. C'est un roman qui ne me parle plus.
Du coup pour Barjavel, voilà mon point de vue: un auteur très moyen. Et du coup, Ravage ne passe pas. Je ne lui trouve aucune excuse à la lecture. Quant à La Nuit des temps, c'est simplement pathétique.

A+

Patrice

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Soslan
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Message par Soslan » dim. août 30, 2009 11:02 am

Patrice a écrit :Salut,

Etant de fait un lecteur de SF soviétique, tu penses bien que ta question me parle. Personnellement, les aspects idéologiques ne me sont pas du tout rédhibitoires, que ce soit dans un sens (éloge du communisme) ou dans l'autre (anti-communisme).
L'important est que le texte soit bon. Et qu'on sache le lire en ne fermant pas les yeux sur les aspects idéologiques, mais en n'en faisant pas non plus un point essentiel.
Exemple: la nouvelle Valentina Jouravleva et Guenrick Altov, La Ballade des étoiles, publiée dans Les Meilleures histoires... chez Laffont en 1962. Ce texte contient plusieurs citation de Marx et Lénine. On ne peut pas faire plus idéologique. Pourtant c'est un texte remarquable, très poétique.
A l'inverse, j'ai un mal de chien à lire Les Hauteurs béantes de Zinoviev. C'est un texte intelligent, pour ne pas dire brillant, mais à mon sens illisible de nos jours. C'est un roman qui ne me parle plus.
Du coup pour Barjavel, voilà mon point de vue: un auteur très moyen. Et du coup, Ravage ne passe pas. Je ne lui trouve aucune excuse à la lecture. Quant à La Nuit des temps, c'est simplement pathétique.

A+

Patrice
Ton avis m'intérese beaucoup, car je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un adhére à la fois à l'idée d'ouverutre d'esprit nécessaire, et à l'opinion même de mon amie sur Ravage.
Plus qu'une question de qualité littéraire définie objectivement, c'est une question de ce que représente l'oeuvre pour nous. Ravage pour une jeune fille qui ne s'intéresse pas à l'histoire de la sf, qu'en reste-t-il ? Moi-même ne suis pas fan du genre sf en général mais me suis fort intéressé à une époque au vieux merveilleux scientifique, ça en dit long.
A mes yeux ca ne rejoins rien de moins que l'idée d'humilité nécessaire de l'auteur face à ses lecteurs.

Tiens, pour l'anecdote, j'ai un cas plus probant que Ravage et même que les bios du Cafard, hors littérature : le groupe Burzum dont je parlais, qui selon Wikipédia ne fait pas des textes nazis bien que le leader le soit (perso je soupçonne un mensonge pieux, à moins que le titre Aryan power ne soit qu' une légende urbaine). J'ai un autre ami métalleux qui descend bien ce groupe pourtant incontournable dans le monde fermé du Black métal, parait-il...et qui est lui-même d'origine créole. Dans ce cas, je crois que faire la morale sur l'ouverture d'esprit serait non seulement déplacé mais vraiment con.
Tout est relatif, tout ça.
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Epistolier
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Message par Epistolier » dim. août 30, 2009 11:30 am

La nuit des temps a aussi été rédhibitoire pour moi :)

Pour le pardon, je crois qu'en fait tout dépend de la faute commise et de la qualité littérature commise (pour se pardonner).

Un exemple contemporain : Dan Simmons. Avec cet auteur ça commence à se dégrader, même s'il fait de bons textes, je sens son statut osciller au fur et à mesure des évènements.

Papageno
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Message par Papageno » dim. août 30, 2009 11:41 am

Dans certain cas, une idéologie douteuse provoque quand même un certain malaise.
Il arrive même qu'on poussent un ouf de soulagement en constatant que le livre est franchement mauvais.

Comment aurait-on réagi si Hubbard avait écrit un chef-d'oeuvre ?
On fini par être heureux que cela ne soit pas le cas! On peut alors vomir l'auteur sans le moindre remord !

Cela dit, aucune idéologie ne m'a jamais empêcher de lire est d'apprécier un livre !

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » dim. août 30, 2009 1:34 pm

Il me semble que la réponse est dans la question.

Il serait absurde de condamner ou d'absoudre une œuvre de fiction ou de non-fiction sur la base des idées qu'elle véhicule sauf à donner dans le politiquement correct ou pire encore dans la censure. Une œuvre n'est pas un être humain. Elle est un acte mais elle ne commet pas d'acte et n'a donc pas à être jugée au sens pénal du terme.

La question qui est subjective, personnelle ou relative à un groupe social, est de savoir si telle œuvre a un intérêt pour son lecteur, intérêt qui peut être littéraire, esthétique, intellectuel, ludique, hédoniste, historique, sociologique, épistémologique et que sais-je encore.
Chacun, ou presque, a sa réponse. Et toute réponse demande de prendre un certain recul. La question est de savoir ce que l'on fait d'une lecture.

Pour prendre un exemple extrême, Mein Kampf est littérairement et intellectuellement nul, idéologiquement abject et intolérable pour moi, mais sa lecture est d'un intérêt certain pour qui essaie de comprendre quelques uns des soubresauts qui ont agité l'Europe au siècle dernier. On peut condamner Hitler. On n'a pas à absoudre Mein Kampf qu'il convient certes d'entourer de commentaires et de précautions dont d'utiles rappels historiques. Ce que je veux dire, c'est que personne n'a à se sentir coupable de lire un tel texte. S'il adhère aux "idées" qu'il véhicule, il aura lieu de se poser quelques questions. Mais je doute alors qu'il le fasse. On peut dire la même chose des œuvres de Lénine ou de celle de Staline ou de Ceausescu quoique là, il faille vraiment du courage pour s'y attaquer.
On pourrait aussi évoquer Sade dont les suggestions ne sont pas franchement recommandables.

Le problème de Barjavel, c'est qu'il est un écrivain moyen, médiocre même pourrait-on dire au sens premier du terme, ni franchement mauvais ni de grande qualité. De plus il est daté. Quelqu'un qui le lit aujourd'hui en le resituant dans son contexte historique, celui de l'histoire de la science-fiction, mais aussi celui de l'histoire générale contemporaine de la vie de Barjavel peut y prendre un grand intérêt et même du plaisir.
Mais si quelqu'un, comme ton amie, le lit comme s'il s'agissait d'un roman d'aujourd'hui, on peut tout à fait comprendre son rejet ou plutôt son manque d'intérêt.

La question, plus générale, de savoir s'il y aurait des "classiques" qui seraient universaux et au dessus de tout "jugement" (critique ou pénal?) est plus intéressante. Ma réponse sera claire: il n'y en a pas. Encore une fois, je renvoie à l'intérêt que peut trouver tel lecteur à telle œuvre. Et cet intérêt change avec les époques et les points de vue.

L'Iliade est un bouquin abominable truffé d'atrocités dont l'auteur fait généralement l'éloge. La plupart des classiques enseignés à nos chères têtes blondes ou brunes sont idéologiquement indéfendables d'un point de vue politiquement correct si on les lit un peu attentivement. Relisez Le Cid: c'est l'histoire d'une brute de quartier qui ne pense qu'à en découdre pour des raisons absurdes, qui n'a aucune empathie et qui est donc cliniquement un pervers, et qui ne rêve que de casser de l'arabe (lequel le lui rend bien, d'accord). Je me fais fort d'obtenir la condamnation morale de Rousseau et de Voltaire sur des passages judicieusement choisis de leurs œuvres.

En un sens, et même en plus d'un, toute lecture d'une œuvre, même récente, est anachronique parce qu'elle fait intervenir l'entrecroisement, forcément incomplet, de la subjectivité de son lecteur et de celle de son auteur.
Lire aujourd'hui Lucien de Samosate (que je recommande et pas seulement pour son Histoire véridique), c'est le lire aujourd'hui et pas en son temps qui nous est assez peu intelligible. Quelque chose passe, qui n'est pas de l'éternel humain, mais qui relève du dialogue entre humains, au demeurant presque aussi difficile entre contemporains que d'une époque à l'autre. C'est dans ce dialogue silencieux ou véhément que réside l'humanisme.
Modifié en dernier par Gérard Klein le dim. août 30, 2009 10:42 pm, modifié 1 fois.

Papageno
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Message par Papageno » dim. août 30, 2009 7:48 pm

Je me demande quand même si quelque fois la description d'une idéologie nauséabonde ne peut pas être vue comme un défaut esthétique d'un livre.
Je vais essayer de donner un exemple (dans notre domaine):
Je suis un fan de William H Hodgson - et je suis très admiratif de son livre "Le pays de la nuit". Cependant, il y a dans ce livre de longs passages, disons, largement "Goréen" - qui font que malgré cette admiration, j'hésite à conseiller ce livre, de peur que le lecteur n'y voit que ça, et oublie ses autres qualités. (surtout si ce lecteur est une lectrice) . On peut trouver des excuses à Hodgson - La date d'édition (1912) - Le milieu ou il a vécu... etc.. Cela dit, je trouve que ce machisme nuit à la qualité de son roman et m'empêche, finalement, d'y voir un vrai chef d'œuvre, alors que je trouve le reste du récit absolument extraordinaire. (de mon point de vue du moins)

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Le_navire
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Message par Le_navire » dim. août 30, 2009 8:27 pm

Je ne vais parler que pour moi. Et tâcher de donner des exemples.

Je peux pardonner à un auteur du XVIII de voir les noirs comme de bons sauvages,en sachant qu'à l'époque, il s'agissait d'une vue globalement progressiste par rapport à la société. Je peux donc tolérer Rousseau.
Même si je préfèrerai toujours Diderot.

Je peux pardonner à certains auteurs qui par ailleurs étaient puants lorsque leurs écrits ne laissent rien transparaître de leurs saloperies - c'est rare.

Je ne peux pas pardonner à Céline parce que son point de vue est réactionnaire dans sa propre époque et insupportable quand d'autres luttaient déjà. Et parce que rien que dans sa manière d'écrire, j'ai l'impression de l'entendre cracher son poison, que ses sujets flirtent tout le temps avec le nauséabond et que je le ressens à chaque page.

Et quand je dis que je ne pardonne pas, je veux dire par là que je suis carrément incapable de le lire.

Pas faute d'avoir essayé, ni d'avoir reconnu les qualités de sa plume. Mais le sentiment de malaise me gagne page après page et je finis par craquer.

Dantec, pareil. Je trouve que c'est bien écrit mais que sa prose pue. Et comme pour Céline, le malaise est venu avant la connaissance. (j'ai tenté Céline gamine, je ne savais rien de ses textes sur les juifs et mon père, prudent, a évité de me parler du collabo avant de savoir ce que je pensais de l'auteur. Dantec, je suis tombée dessus à une époque où je m'intéressais peu au monde de la littérature française, j'ignorais tout de lui à la lecture.)

Quand je découvre un auteur, je lui demande souvent de susciter des échos en moi et de nourrir ce qui est déjà mon univers. Je peux choisir de lire pour la confrontation, comme je l'ai fait pour le Mein Kampf dont parlait GK (et oh, Gérard, on a pas parlé de censure, là, juste de ressenti... Faut pas s'emballer... :lol: ) ou les œuvres de Lénine.

Mais là, pour moi, c'est un pur exercice intellectuel destiné à comprendre, et non pas à me distraire en me nourrissant.

Ce sont des exemples, mais j'en ai plein mes cartons.

Quand à Barjavel, je sais pas, il m'est toujours tombé des mains parce qu'il m'ennuyait à mourir...
"Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux"

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Lensman
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Message par Lensman » lun. août 31, 2009 7:14 am

En littérature d'aventure, par exemple, c'est une question qu'il ne faut pas trop se poser, ou plutôt se la poser après la jouissance de la lecture et dans d'autres circonstances.
Par exemple, John Buchan, écrivain magnifique dont je recommande vivement la lecture, était d'un racisme bien senti et bien assumé. Lire par exemple "Le Prêtre Jean". Le caractère inférieur des peuples noirs y est affirmé, détaillé même avec une bonne conscience désarmante (si, si..).
On n'en sort jamais. Ce qui est surtout intéressant, et rassurant, c'est qu'on s'en rend compte: c'est ça qui est important! Et qu'on soit capable de prendre une certaine distance.
J'ai failli dire que c'est là le travail de l'enseignant, que d'expliquer aux élèves l'existence du poids des convictions "discutables" (ou pas?) plus ou moins (c'est variable) égémoniques sur la littérature de telle ou telle époque (ou lieu), et que ça fait un effet bizarre quand il arrive (c'est rare, en fait), que ces vieilles oeuvres littéraires soient lisibles et appréciées à l'époque des élèves en question. A ne pas confondre cette pédagogie avec le plaisir de lecture (je pense que les lecteurs qui se délectent de lire aujourd'hui Buchan parce qu'il flatte leurs convictions racistes sont très, très rares).
En musique classique, je peux vous dire que les amateurs les plus mécréants (1) écoutent sans complexe les oeuvres inspirées par la foi religieuse (et pas seulement parce que, à telle ou telle époque, la musique savante passait presque obligatoirement entre les mains des autorités religieuses, je parle de compositeurs ayant de puissantes et militantes convictions religieuses). On me dira que c'est moins visible, qu'on ne se rend pas compte...Mouais... il n'y a pas beaucoup d'effort à faire pour s'en rendre compte. Il faut faire avec.
Et puis, aussi bien, je prends à tort mon cas de mécréant comme une généralité sur ce forum...
Oncle Joe
(1) J'exagère... chaque année, avec ma soeur , nous fêtions (élevés tous deux dans la foi catholique ) la saint-Barthélémie à notre mère (qui est huguenote). On a quand même un sens des valeurs!

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