Page 1 sur 1

Une interview de Joëlle Wintrebert

Posté : lun. oct. 19, 2009 11:07 am
par jerome
Le Blog de Bifrost a mis en ligne une interview de Joëlle Wintrebert datant de 2006.

Petit extrait concernant son tout premier livre :
" J’ai lu que tu aurais conçu assez tôt un livre pour les éditions Losfeld…
Joëlle Wintrebert : Oui. L’Amie-nuit. C’est mon premier vrai travail destiné à un éditeur. Je l’avais réalisé avec Henri. Le manuscrit incluait nos nouvelles fantastiques ainsi que nos poèmes ; une sorte de patchwork illustré de photos dont j’étais le principal objet. Beaucoup de photos de moi nue, du Jean-Loup Sieff avant l’heure, pour le parti pris du noir et blanc très contrasté. Certains clichés avaient déclenché l’écriture de textes, le texte éclairant la photo ou la photo ajoutant au texte, il ne s’agissait pas d’une création purement illustrative. éric Losfeld était emballé et avait décidé de nous éditer au Terrain vague, la seule maison d’éditions qui publiait à la fois les surréalistes, Ionesco, Barbarella, Emmanuelle et La Cause du Peuple ! Hélas, c’était au moment où il enchaînait procès sur procès et payait chèrement ses audaces d’éditeur de livres érotiques et politiques. à l’époque, ces deux formes de publications étaient considérées comme subversives et il se retrouvait avec une régularité de métronome en correctionnelle, avec d’énormes amendes à payer. Rien de tel que la censure économique si tu veux museler quelqu’un ! Je n’ai jamais lu son autobiographie, mais elle porte un titre éloquent : Endetté comme une mule. Notre bouquin était très cher à fabriquer, en héliogravure, les procédures ont mis Losfeld à terre et je crois bien qu’elles ont eu sa peau. Il est mort jeune, à cinquante-six ans. Donc le livre n’est jamais sorti. Je suis allée porter le projet chez Belfond, parce qu’il avait édité Lucien Clergue, mais Pierre Belfond a osé me dire que s’il avait publié ce photographe, c’était parce qu’il était le premier à montrer des poils pubiens ! Bref, nos photos et nos textes étaient très loin d’être assez provocants, et ça n’a rien donné. J’ai fait une dernière tentative chez Albin Michel. Francis Esménard a gardé pendant six mois notre improbable opus sur son bureau. Je veux croire qu’il était sincère quand il disait qu’il avait envie d’éditer ce livre mais il a fini par m’avouer que ses commerciaux ne le suivaient pas. Bref, seuls quelques fragments sont sortis dans les revues Horizons du Fantastique et Argon(1).
"