Fabien Lyraud a écrit :, et puis TOUT le reste, c'était soit de la bit-lit, soit des séries comme "Cherub", soit des livres extrêmement "filles" qui finissent par raconter toujours la même chose.
Le ras le bol de certains bibliothécaires que je connais c'est aussi ça. La sexualisation à outrance des lectures. Pour les filles on propose des histoire sentimentales dégoulinantes de guimauves et pour les garçons des histoire d'horreurs un peu Gore à la "chair de poule".
Il est vrai qu'en France ce sont les filles qui lisent le plus. C'est une tendance qui ne cesse de se confirmer depuis vingt ans si on en croit Christian Baudelot. Certains enseignants et bibliothécaires commencent à tirer la sonnette d'alarme sur le décrochage massif et de plus en plus précoce des garçons vis à vis de la lecture. Je ne sais pas comment est la situation chez vous Belgique de ce coté là. Mais j'ose espérer que c'est un peu meilleur.
Pendant ma formation CAPES Documentation j'avais lu un document où la perception de la lecture est considérée comme une activité féminine et peu virile. Et le problème c'est que tout le monde s'en fout. Certains éditeurs comme Bayard, Mango, Syros et quelques autres font un super boulot mais prêchent un peu dans le désert. C'est bien dommage.
Je ne peux pas faire de généralisations et j'ai eu l'immense chance pour l'instant de travailler dans de "bonnes écoles" (comprendre des écoles dont les élèves étaient sensibilisés à la culture par les parents) mais là j'ai autant de lecteurs que de lectrices. Ce sont d'ailleurs plus les lecteurs qui me prêtent des livres (c'est ainsi que je me suis retrouvée à lire les "Epouvanteurs", histoire de faire plaisir à mes élèves).
Ce que je remarque, c'est que les élèves sont tournés beaucoup vers l'heroic fantasy et le fantastique (ce qui n'est pas pour me déplaire) mais avec un énorme a priori pour la SF (ce que j'essaie de changer, forcément). Par contre, les livres très orientés "filles" (je ne trouve pas le terme exact, il viendra sûrement) ont un succès incroyable. Déjà que plus de la moitié de mes élèves (garçons comme filles) ont lu et aimé les "Twilight" (et ont vu et aimé les films, ce qui me chagrine plus), mais en plus ils lisent beaucoup ces nouvelles séries dont je parlais tout en haut. Quand ils me conseillent des livres (et j'adore que mes élèves me conseillent des livres, ça veut dire que leur lecture les a assez marqués pour qu'ils aient envie de la partager avec un adulte), c'est principalement ceux-là. Et pourquoi? Parce que c'est ce qu'on leur propose.
Je ne peux pas m'enlever de la tête l'idée que s'ils avaient d'autres choix en librairie, ils tenteraient d'autres trucs. Il suffit de voir l'expérience que j'ai menée dernièrement: j'ai constitué une liste de lecture de 24 titres, pour un travail sur le jugement de goût argumenté. Dans ces titres, j'ai glissé quelques livres de SF et quelques classiques (deux de mes élèves ont découvert Jane Austen comme ça). Ainsi, deux élèves ont lu - et aimé - "Sauvagerie" de Ballard, un autre a découvert - mais est resté plus perplexe - "Le meilleur des mondes", une autre a lu - et adoré - "Auprès de moi toujours" d'Ishiguro (si si, c'est de la SF), deux autres ont lu "La route" de McCarthy (que je n'adore pas forcément, mais je pensais que ça aurait pu leur plaire, comme de fait). Certains ont même découvert Stephen King grâce à "Shining" (parce qu'il ne faut pas croire, Stephen King n'est plus si connu que ça auprès des jeunes), et j'ai eu des critiques incroyables pour ce livre (un élève m'a dit l'avoir lu en 5 jours alors qu'il lui faut au minimum un mois pour des livres aussi gros). Bon, beaucoup ont choisi "La mécanique du coeur" de Mathias Malzieu (que j'avais mis à la demande de quelques élèves), mais dans le style, il est déjà meilleur que ce qui se fait d'autre.
Tout ça pour dire que si les lecteurs avaient un peu plus de choix en librairie, ils iraient peut-être vers autre chose que les séries à succès actuelles. Mais si on ne leur laisse pas le choix, et qu'en plus on leur fournit des livres qui jouent énormément sur les jeunes demoiselles en détresse, les hommes joueurs et protecteurs, et tous les autres clichés que vous pouvez imaginer (je vous rappelle quand même que le quatrième tome de "Twilight" est une mise en avant non dissimulée d'une position anti-avortement...), je me demande ce qui va en sortir...
Et juste pour dire, Bayard, Mango et Syros ne sont plus dans cette librairie-là non plus. Les mango, d'ailleurs, je les ai découverts à la bibli et en seconde main...
EDIT: oh, et pour le côté "féminin" de l'activité de lecture: chez les jeunes, je n'ai donc pas constaté ça, mais il est vrai que l'idée que la lecture est une activité féminine est très véhiculée. Il suffit de voir comme on considère que les livres des grands magasins sont pour la "ménagère" (sans vouloir critiquer, parce que je le dis aussi). Mais forcément, si on sexualise autant la lecture jeunesse, on forme des lecteurs qui s'orienteront vers des choses similaires mais qui soit ne trouveront pas forcément de quoi les contenter en adultes et abandonneront, soit ne seront plus trop ouverts à des lectures moins "sexualisées" et continueront à entretenir le cliché. Bon, je fais une généralisation très abusive (je m'en rends compte), mais quand même, il faut savoir qu'encore cette semaine on m'a dit que je lisais des trucs de mecs et que c'était normal si on m'en faisait la remarque, parce qu'au départ c'était édité pour être lu par des hommes. Pourquoi est-ce que ça ne choque que moi de lire ce type de propos?