Un cas de censure chez Mango Jeunesse

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fabrice
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Message par fabrice » ven. févr. 09, 2007 8:41 am

Transhumain a écrit :D'accord, mes amis, d'accord. Mais tout de même, on ne peut parler de censure stricto sensu, seulement d'un choix éditorial, qu'on peut juger respectable, ou lâche, couard ou tout ce que vous voudrez.
On peut toujours jouer sur les mots ; le fait est que le texte avait été signé, et accepté par Denis. Je ne prendrai pas ici la responsabilité de rapporter les propos de la personne ayant signifié à Denis la décision de Fleurus mais je suis sûr que l'intéressé se fera un plaisir de te faire un petit digest en privé : tu comprendras alors aisément que ce terme n'a pas été choisi par hasard.
Transhumain a écrit : Pardon, mais pour moi la censure est un contrôle étatique - ou systémique, j'y reviens plus bas - sur la presse et l'édition. S'il s'agit, dans le cas de Fleurus, d'une conviction morale ou religieuse de l'éditeur, ou d'une forme certaine de lâcheté envers des actionnaires puritains ou eux-mêmes bien lâches, il n'y a pas censure... Et je n'y vois rien d'inquiétant. Vous pouvez traiter l'éditeur de lopette, comme je vous l'ai dit (ou les actionnaires), mais pas de censeur. Un réseau pédophile dans l'église de Schmurz, ou dans l'Eglise catholique, ce n'est pas la même chose, Fabrice...
Si les éditeurs ne devaient publier que des textes conformes à leurs convictions, la littérature serait un instrument particulièrement sinistre. Ce qui est en jeu ici, c'est simplement la liberté d'expression : « La liberté d'expression vaut non seulement pour les "informations" ou "idées" accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels, il n'est pas de "société démocratique" ». Cour Européenne des Droits de l’Homme, 21 janvier 1999.
Transhumain a écrit : Maintenant, si l'Eglise elle-même fait pression sur l'éditeur, c'est beaucoup plus inquiétant. Autant le dire tout de suite, je ne crois pas du tout à une Eglise tentaculaire
Moi non plus. Et l'Eglise n'a fait pression sur personne. Un responsable éditorial a pris les devants, s'abritant derrière des actionnaires - au nom de quoi ? Mystère. Comme tu le dis, Nathalie aura certainement la possibilité de publier son livre ailleurs, et je lui souhaite ardemment. Mais s'il s'avère que le groupe Média-Particpation (qui possède, je le rappelle, Dargaud, Dupuis et Le Lombard, entre autres) cautionne officiellement la décision de son représentant, on saura désormais à quoi s'en tenir à son sujet. Et cette affaire ne restera pas sans suite.

rmd
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Message par rmd » ven. févr. 09, 2007 9:15 am

Transhumain a écrit :Pardon, mais pour moi la censure est un contrôle étatique - ou systémique, j'y reviens plus bas - sur la presse et l'édition.
Tu joues sur les mots, là. Dans la plupart des cas de censure, il n'y a pas d'interventions directes de l'état ou des actionnaires ou de quelques autres dirigeant, mais plutôt l'intervention zélée d'un intermédiaire prenant les devants pour faire plaisir au dirigeant. Ca n'en reste pas moins de la censure.
Après des années de cérémonie du Thé, il n’y a rien de meilleur que de vomir de la Bière.

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Transhumain
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Message par Transhumain » ven. févr. 09, 2007 10:57 am

Non, je ne joue pas sur les mots. Les mots ont une grande importance. La censure est définie par mon dictionnaire comme un "contrôle exercé par un gouvernement, une autorité, sur la presse, les spectacles, etc., destinés au public". Christophe Savouré est-il une "autorité" ? Non. La censure, qui en principe s'exerce en amont, à priori, par une commission étatique, ne s'exerce en France, et pour ce qui concerne la littérature, qu'à posteriori, par des pressions judiciaires - et encore, parler de censure dans ce cas reste abusif. Ni l'Etat, ni l'Eglise, ne sont intervenus, que je sache ! Ici, nous sommes confronté au problème de la concentration du pouvoir. Mango, visiblement, n'a pas les mains libres. Et la plupart des éditeurs appartiennent à des grands groupes comme Fleurus. Il est là le danger. C'est la conséquence - les limites - d'un système démocratique néolibéral où les intérêts financiers l'emportent sur d'autres considérations. Ca vous surprend ?...

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Qui?
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Message par Qui? » ven. févr. 09, 2007 11:01 am

Ici c'est plutôt des intérets idéologiques que financiers non ?

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fabrice
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Message par fabrice » ven. févr. 09, 2007 11:45 am

Qui? a écrit :Ici c'est plutôt des intérets idéologiques que financiers non ?
Evidemment. Les livres de Nathalie Legendre se vendent bien et gagnent des prix. L'éventuelle polémique (?) qui aurait pu naître de la publication d'un tel roman n'aurait certes pas nui à ses ventes.

Olivier : ok, on n'est pas dans un cas de censure stricto sensu - bien que le terme ait manifestement été employé par Christophe Savouré lui-même. Mais enfin : on empêche un livre de sortir alors que sa sortie était bel et bien prévue et son thème connu, au motif soudain que le roman en question pourrait déplaire aux actionnaires pour des raisons idéologiques. Peut-être qu'il faudrait inventer un nouveau terme ?

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Mélanie
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Message par Mélanie » ven. févr. 09, 2007 12:51 pm

fabrice a écrit :Olivier : ok, on n'est pas dans un cas de censure stricto sensu - bien que le terme ait manifestement été employé par Christophe Savouré lui-même. Mais enfin : on empêche un livre de sortir alors que sa sortie était bel et bien prévue et son thème connu, au motif soudain que le roman en question pourrait déplaire aux actionnaires pour des raisons idéologiques. Peut-être qu'il faudrait inventer un nouveau terme ?
C'est vrai que je trouve ça un peu déplacé de chipoter sur l'emploi du terme "censure", la question n'est pas là. Mais quel que soit le nom qu'on lui donne, qu'on en arrive à interdire un bouquin déjà signé, prêt à sortir, etc, sur ce seul motif, ça fait froid dans le dos. Ça me choque d'autant plus dans le cas d'une collection comme Autres Mondes, dont les ouvrages, me semble-t-il, abordent souvent ce genre de sujets de société (je n'en ai lu que quelques-uns, mais c'est l'image que j'ai toujours eu de cette collection). Donc forcément, c'est toute l'identité et la ligne de la collection qui se casse la gueule si on commence à pratiquer ce genre d'interdictions. Jusqu'ici, il me semble que Denis Guiot bénéficiait d'une grande liberté par rapport aux thèmes abordés dans les livres qu'il publiait.

Lucie
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Message par Lucie » ven. févr. 09, 2007 1:18 pm

Transhumain a écrit :(...) nous savons, par l'exemple américain entre autres, combien les groupes de pression parviennent à exercer une sorte de censure de fait, en étouffant leurs adversaires par des procès. Cette censure, pas étatique mais économique, systémique (le tissage d'intérêts rend impossible la publication du livre), c'est ce qui nous guette, mais Dieu merci, nous n'en sommes pas encore tout à fait là. Pas tout à fait...
A nous de constituer un autre groupe de pression visant à désserre l'étau de ce que je ne parviens pas à nommer autrement que "censure". Via une pétition, des courriers à l'éditeur, etc.. On verra si les actionnaires ne sont pas plutôt intéressés à publier un livre d'un auteur à succès, si ce livre est réclamé par les lecteurs !

Lucie
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Message par Lucie » ven. févr. 09, 2007 1:25 pm

OUps ! C'était mon premier message ici ? Je n'ai pas trouvé où il fallait se présenter... Lucie Chenu, liseuse de SF, ça va ? :wink:

rmd
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Message par rmd » ven. févr. 09, 2007 1:45 pm

Coucou Lucie,

Y'a un fil pour se présenter en post-it dans "du fond de la salle".
Après des années de cérémonie du Thé, il n’y a rien de meilleur que de vomir de la Bière.

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Erion
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Message par Erion » ven. févr. 09, 2007 2:15 pm

Lucie a écrit : A nous de constituer un autre groupe de pression visant à désserre l'étau de ce que je ne parviens pas à nommer autrement que "censure". Via une pétition, des courriers à l'éditeur, etc.. On verra si les actionnaires ne sont pas plutôt intéressés à publier un livre d'un auteur à succès, si ce livre est réclamé par les lecteurs !
A ma connaissance, on a jamais vu cela en France. Legendre est un auteur à succès, mais c'est pas J.K. Rowling, je doute qu'on compte en dizaines de milliers de lecteurs. Bref, c'est pas ça qui va émouvoir le compte en banque d'un actionnaire.
Je connais au moins un cas où ça a fonctionné, c'est au Japon, à la sortie de Gen d'Hiroshima (manga sur l'après bombe nucléaire) qui déplaisait au pouvoir. La parution a été suspendue, mais devant le flot de lettres de jeunes lecteurs, l'éditeur s'est senti obligé de reprendre la publication. Mais là, on parle en centaines de milliers de lecteurs, c'est une proportion qui fait sens à n'importe qui.

Pour en revenir à la censure. Elle n'existe plus en tant que telle (l'Etat n'intervient plus depuis des dizaines d'années), mais ce qui se pratique, et ce qui est à l'oeuvre ici, c'est l'auto-censure préventive. C'est l'éditeur (pris au sens large) qui fait un boulot que personne ne lui demande. C'est évidemment la pire des censures, car il n'y a aucun moyen de la contrôler ni de faire pression. On se réfugie derrière une prise de décision individuelle. C'est pourquoi pétitionner, écrire, etc, ne sert globalement à rien puisque l'on a aucune chance d'atteindre les bonnes personnes. L'actionnaire, il s'en fout (les sommes engagées sont trop faibles), le responsable de la censure aussi (il agit en son âme et conscience).

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kibu
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Message par kibu » ven. févr. 09, 2007 2:27 pm

Plutôt que de batailler sur le(s) sens du mot censure, je me demande s'il ne faut pas parler dans ce cas d'auto-censure.
(un peu comme dans le cas de la réédition Folio SF de Rêve de fer)
Et là c'est beaucoup plus fort.
A l'envers, à l'endroit

Ô Dingos, ô châteaux

Lucie
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Message par Lucie » ven. févr. 09, 2007 2:28 pm

Peut-être que ça ne servira à rien... d'autre qu'à exprimer ce qu'on pense. Mais, est-ce une raison pour ne pas essayer ? Tu sais, quand j'ai relayé la pétition sur Nazanin, cette jeune fille condamnée à mort en Iran, je n'y croyais absolument pas.

Elle est libérée.

Pourquoi ne pas s'exprimer en tant que lecteurs ? Parents ? Après tout, peut-être que l'éditeur n'est pas un mec totalement borné ? Ca existe aussi, des gens qui font des erreurs, hésitent, changent d'avis... Faut essayer.

Lucie
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Message par Lucie » ven. févr. 09, 2007 2:40 pm

kibu a écrit :Plutôt que de batailler sur le(s) sens du mot censure, je me demande s'il ne faut pas parler dans ce cas d'auto-censure.
(un peu comme dans le cas de la réédition Folio SF de Rêve de fer)
Et là c'est beaucoup plus fort.
Il s'est passé quoi avec Rêve de fer ? Je n'ai lu que l'ancienne version, chez TitresSF, me semble-t-il...

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Transhumain
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Message par Transhumain » ven. févr. 09, 2007 2:43 pm

Vous allez me prendre pour un forcené, mais je n'en démords pas : je ne vois pas de censure. Pas d'autodafé. Pas de mise à l'index. Seulement la LÂCHETE de quelques uns, rouages d'une machine qui ne veut pas faire de vagues. Appelez ça chipoter, jouer avec les mots, trouvez ça déplacé ou douteux, peu importe, l'important est de savoir de quoi on parle. Les raisons invoquées sont idéologiques, mais le vrai problème, bien réel, est avant tout économique, structurel. Fleurus fait dans son froc, quoi. Inventer un nouveau mot, Fabrice ? Pourquoi pas. Mais nous pouvons parler de pressions indirectes. De mise au placard. De court-circuitage.

Mais je précise, tout de même, que je ne vais pas me contenter de débattre sur tel ou tel forum. Je vais écrire à Fleurus, comme le suggère Lucie, dès que Denis m'en aura dit un peu plus. Et croyez-moi, ma victime s'en souviendra. AH !

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Transhumain
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Message par Transhumain » ven. févr. 09, 2007 3:27 pm

Bon, mon message est arrivé après d'autres, qui ont parlé d'auto-censure. La pire des censures, dis-tu, Olivier ?... Non, la pire est bien la censure officielle, celle qui interdit purement et simplement la diffusion de ton livre, quel que soit l'éditeur. Mais s'agit-il d'auto-censure ? Pas vraiment, puisque ni l'auteur, ni le directeur de collection, ne se sont auto-censurés : dans ce cas c'est bien une personne extérieure, en l'occurence le décideur du groupe, qui a refusé le livre.
Ecrire à Fleurus ne servira à rien ? Peut-être. Mais plutôt que de rester là à nous entre-lamenter sur le forum, je préfère renvoyer le fautif à ses responsabilités. Et la bonne personne, a priori, nous la connaissons puisque Denis Guiot la nomme dans son communiqué. Ce monsieur a le droit de refuser la publication du livre, il a aussi celui de lire quelques pages désagréables du Transhumain.

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