Bon, ça me prend la tête, cette histoire de méchants riches et gentils pauvres.
Je veux dire, sérieusement.
Rhazeem, ce n'est pas du tout une attaque contre toi ou contre qui que ce soit d'autre.
C'est juste que ça me prend la tête qu'on puisse voir le livre comme ça.
Alors les lignes qui suivent constituent une tentative de ma part pour passer à autre chose. Personne n'est obligé de répondre. On peut aussi.
Je précise que je viens à peine de lire
la critique de Nicolas W. sur Sci-Fi Universe, et donc que toute la conversation ci-dessus ne la prend pas en compte.
Je voudrais commenter un passage de la critique qui, si je l'avais lue avant de lire la réaction de Rhazeem sur ce fil, aurait influé sur ma propre réaction :
L'auteur reprend une situation simple : d'un côté les mauvais et méchants riches forcément décadents et de l'autre, les gentilles classes populaires opprimées. Pas de nuances entre les deux extrêmes si bien que l'histoire s'embourbe dans une sorte de manichéisme ennuyeux et rébarbatif.
Bon, déjà, les termes « décadent » et « opprimé » ne figurent pas dans le texte. Ni « populaire », ni même « classe ».
Ça peut paraître anodin, mais l'emploi de tel ou tel vocabulaire est important. Ici, le critique plaque son propre vocabulaire sur un texte qui emploie un vocabulaire différent.
Voici ce qu'on peut trouver dans le texte :
Les raisons [de la Grande Révolution américaine], multiples pour ne pas dire innombrables, ne différaient guère, au fond, de celles qui se trouvaient à l’origine de centaines d’autres révolutions. Chômage, famine, ségrégation, violences et abus policiers... James T. Spock, dans l’un de ses ouvrages, parle d’un « ras-le-bol généralisé allié à des circonstances politico-matérielles instables ».
Nous lui laissons la responsabilité de cette définition, mais il est certain qu’un pourcentage conséquent de la population ne supportait plus l’état policier instauré aux U.S.A. depuis le début des années 1980. Les riches ne cessaient de s’enrichir, et les pauvres de se démunir, mais cette misère fit certainement leur force. N’ayant rien à perdre, ou si peu, ils se jetèrent à corps perdu dans cette rébellion qui eût été vouée à l’échec dans un contexte différent.
Il est précisé dès le départ que les causes de la révolution ne sont pas originales.
La citation de « James T. Spock » suggère que le moment est venu de prendre un peu de recul.
L'état policier est un élément du postulat socio-politique.
Les deux premières propositions de la phrase suivante ont été confirmées depuis que le roman a été écrit, au milieu des années 80 : les riches se sont enrichis et les pauvres se sont appauvris. Et là, personne n'y peut rien, c'est un fait établi.
(Pour être honnête, ce n'était pas exactement difficile à prévoir, il suffisait de regarder ce que faisaient Reagan et Thatcher dans leurs pays respectifs.)
J'insiste sur le point qu'il ne s'agit pas dans le texte d'une dénonciation mais de l'énoncé de ce qui, dans le monde du roman, est un
fait.
Le début de la dernière phrase est pour moi l'expression d'un truisme.
Le « contexte différent » fait allusion aux circonstances spéciales du roman, non à un contexte historique ou socio-politique.
Si je devais écrire cette histoire aujourd'hui, j'insisterais sans doute sur le fait que le vide entre les deux extrêmes est une conséquence de la disparition de la classe moyenne. On ne peut pas penser à tout. Mais le monde du livre, avec ses riches très riches et ses pauvres très pauvres et son fossé social au milieu, n'est pas un choix arbitraire du genre « tiens je vais mettre des méchants riches et des gentils pauvres » mais le résultat d'une putain de merde d'
extrapolation science-fictive.
Comme PJ Thomas le signale dans sa critique, l'idée d'une révolte des ghettos sent clairement les années 60. J'imagine aussi que la lecture de
Ringolevio m'a pas mal influencé : c'est visiblement de là que vient l'idée d'auto-organisation au niveau local dans les quartiers pauvres, et aussi
cette notion de ville-libre.
Maintenant, je voudrais rappeler un extrait d'un passage cité dans un autre message :
Cet homme ne méritait pas une telle punition. Il n'était coupable que de stupidité. Mais je n'avais pas le choix. Pas le choix. Pas le choix.
Ici, l'inconnu qui assassine les clients de la T.T.O. à l'intérieur de leurs rêves désapprouve le meurtre qu'il vient de commettre, et la deuxième phrase ressemble à une excuse plutôt qu'à une affirmation.
Si le tueur lui-même se demande si tous les meurtres de clients de la T.T.O. (donc, de riches) sont… disons justes, ne peut-on s'interroger sur ce qu'en pense l'auteur ?
(Surtout quand on sait de qui le tueur en question est le bras armé, mais faut pas compter sur moi pour spoiler.)
En conclusion, quand on se fait chier comme moi à construire des univers basés sur des spéculations et des extrapolations pas torchées en cinq minutes sur un coin de table de bistrot, et aussi à mettre des nuances partout tout le temps, c'est un chouïa agaçant de voir son travail réduit à des « méchants riches » et des « gentils pauvres ».
La pensée binaire, c'est pas mon truc.
Et la pensée unique encore moins.