Bonjour à tous,
Je ne suis pas une grande intervenante de forum, mais je trouve ce sujet très intéressant (forcément).
Mes deux grains de poivre sur la question : à mon avis, le
Wall Street Journal et Teresa Nielsen Hayden présentent deux points de vue différents sur la question, qui ne s'excluent pas forcément l'un l'autre.
Le
Wall Street Journal présente l'aspect économique des choses. "
A publisher has to find a title with huge potential and single it out for special attention." disent-ils, et c'est à mon sens un simple constat économique et de bon sens. Je trouve juste inquiétant que ce soit aussi le cas aux Etats-Unis, où le nombre de lecteurs potentiels est carrément plus large que celui de la France, par exemple.
"
With 172,000 books published last year, shelf space is limited." : ah oui, carrément. Ai-je envie d'ajouter. Il y a... je ne sais plus, je dirais deux ans de ça environ, la revue
Livre Hebdo analysait la crise du livre en France. Il y a eu un printemps apocalyptique au cours duquel les librairies renvoyaient aux éditeurs même les livres qu'ils vendaient régulièrement pour pouvoir faire de la place sur leurs étagères et exposer toutes les nouveautés. Un certain nombre d'éditeurs expliquaient que le "comportement d'achat" des lecteurs était devenu imprévisible. En conséquence, pour être certains de dégager au moins un ou deux "okaysellers" (je ne parle même pas de "best") dans leurs publications, les éditeurs avaient multiplié le nombre de sorties par trois, quatre, cinq, par rapport au rythme de production classique. Et en librairie, c'était l'affolement. Comment trouver de la place pour tout ça ? Le taux de turnover a atteint des seuils assez effarants à cette époque.
Entretemps, la situation s'est encore aggravée: cet été un libraire (24e plus grosse librairie de France) déclarait : "
Pour la prochaine rentrée, qui s'annonce encore riche en nouveautés, nous n'avons qu'un mot d'ordre : mettre le plus de zéros possibles sur les bons de commandes"
Alors oui, les éditeurs, très certainement, cherchent à réaliser de grosses ventes sur certains titres. Forcément. Sinon, ouf, plouf, plus d'éditeur.
Ce c'est une analyse globale qui concerne tout le monde, on va dire, sur le plan économique.
Je ne pense pas que l'expérience de Tor Books en la matière puisse suffire à elle seule à remettre en question cette analyse économique. D'abord parce que Tor Books a une partie de son catalogue destinée à une "niche" du lectorat, et que les impéraitfs de vente dans ces cas-là ne sont pas les mêmes. Une maison d'édition avec un catalogue assez ciblé peut se permettre de vivre et survivre avec des ventes moyennes et des okaysellers. Mais ça ne permet pas de dresser un profil exact du marché du livre dans son ensemble. Gallimard et Hachette n'ont pas les mêmes seuils de rentabilité que Les Moutons électriques ou Terres de Brumes. Si Terres de Brumes disait demain : "on peut très bien s'en sortir en vendant des bouquins à 6000 exemplaires", ça ne permettrait en rien d'affirmer que le marché du livre français ne repose pas sur la vente des best-sellers. (Bon c'est un exemple fictif, et toutes proportions gardées, hein ?)
Ce que Teresa Nielsen Hayden me semble défendre par contre, dans son post, c'est une démarche éditoriale. Et elle a bien sûr parfaitement raison. Histoire que tout le monde ne se dise pas, à la lecture du
Wall Street Journal, que les éditeurs sont tous des marchands de soupe qui ne pensent qu'à se remplir les poches en publiant de gros succès.
Mais ce sont deux analyses, à mon sens, complémentaires.
Je signale au passage pour ceux qui s'intéressent à ces questions de transparence de chiffres un fil de discussion intéressant qui a eu lieu à cet égard sur le forum de Bragelonne. Alain Névant y donne des chiffres, justement, accompagnés d'une vision du marché qui mérite d'être lue. Amha. (
http://www.bragelonne.fr/forum/viewtopic.php?t=3473)
Bonne journée,
Natacha