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Qu'est ce qu'une "bonne" traduction ?

Posté : ven. oct. 04, 2013 7:14 pm
par yogo
Voilà une question que je me pose souvent quand je vois dans les critiques : "avec une bonne traduction de... "
A quoi reconnait-on une bonne traduction ? Est ce que la traduction peut améliorer l'oeuvre originale ou alors la pourrir ? Comment savoir si le problème vient de l'oeuvre originale ou de la traduction ?

Merci

Re: Qu'est ce qu'une "bonne" traduction ?

Posté : sam. oct. 05, 2013 4:02 am
par Eons
yogo a écrit :Voilà une question que je me pose souvent quand je vois dans les critiques : "avec une bonne traduction de... "
A quoi reconnait-on une bonne traduction ? Est ce que la traduction peut améliorer l'oeuvre originale ou alors la pourrir ? Comment savoir si le problème vient de l'oeuvre originale ou de la traduction ?

Merci
Excellentes questions.

Une bonne traduction est un texte bien écrit et agréable à lire, sans rien qui vienne perturber l'immersion du lecteur. C'est vrai aussi d'une œuvre d'un auteur francophone.

Effectivement, un bon traducteur peut améliorer une VO manquant de style et/ou comportant des incohérences, et inversement un traducteur médiocre peut pourrir un texte initialement excellent. D'ailleurs les deux cas coexistent dans la saga Rhodan (Osterrath l'améliorait, Emmensberger l'avait pourrie au point que ça a été retraduit par la suite).
Les retraductions que j'ai faites de la série DAS n'ont pas grand-chose à voir avec celles de la même Thalberg parues au FNA… Voir aussi un exemple de 2 traductions d'un même texte issu de Galaxie présenté dans le dernier Galaxies (n° 25).

Un bon traducteur détectera des anomalies dans la VO et les réparera à la traduction (j'ai souvent eu à le faire dans les PR que j'ai traduits, ou même simplement revus pour d'autres). Un traducteur médiocre traduira les bêtises telles quelles.

Mais sans disposer du texte en VO, il est souvent impossible au lecteur de détecter certaines anomalies et de savoir d'où viennent celles qui sont repérables (je ne parle pas évidemment des coquilles, faites par le traducteur et non corrigées par l'éditeur… ou parfois carrément ajoutées par l'éditeur ou l'imprimeur, j'en ai eu l'expérience).

Posté : sam. oct. 05, 2013 5:41 pm
par bormandg
Je suis en train de lire un livre dans lequel j'ai, d'abord, sursauté en lisant "deux jours de rang" (deux jours de suite = two days at a range); depuis ce premier sursaut, j'en ai eu quelques autres ("lueur inexacte", "inhabité" à la place de "habité" (en anglais inhabited signifie le second, et la suite de la phrase indique que les habitants ne se manifestent pas). ceci étant je suis arrivé à la page 600 sans avoir jeté le livre. Peut-on reprocher ces quelques fautes dans un livre copieux? :?

Posté : dim. oct. 06, 2013 7:31 am
par Eons
bormandg a écrit :Peut-on reprocher ces quelques fautes dans un livre copieux?
Si ça t'a fait sursauter (comme il m'est arrivé avec des « grenades thermales » et autres joyeusetés), oui.

Posté : ven. oct. 11, 2013 10:10 pm
par Eric
Bonnes questions, oui...

Un bon traducteur est aussi, quelque part, un bon adaptateur. Tu as, traditionnellement, deux écoles, les littéralistes et les contextualistes. Les premiers collent au plus près au texte, les seconds s'attachent plus à l'ambiance et au style.

Comme toujours dans ces cas-là, c'est la voix médiane qui fonctionne le mieux.

Une traduction littérale à 100% (ce qui peux aller jusqu'à ne pas déconstruire les phrases) va vraisemblablement alourdir les phrases et passer à côté de pas mal de subtilités de styles, alors qu'une traduction contextuelle risque de prendre trop de libertés avec ce que dit l'auteur, en faisant, par exemple, sauter des détails inutiles dans le seul but de rendre le texte plus fluide.

Traduire un livre, c'est donc doser ce genre paramètres, tout en respectant le style de l'auteur, ses non-dits, l'ambiance de son histoire et de son univers.

Donc, paradoxalement, une bonne traduction c'est celle qui sait prendre quelques libertés avec la VO, qui va aussi savoir faire correspondre un référent culturel anglo-saxon avec un référent culturel français. C'est un traduction qui ne se laisse pas enfermer par la VO.

Une bonne trad sera fluide et te laissera l'impression que le texte a été écrit en français (par exemple celle, assez bluffante, de Manuel Berri pour Cloud Atlas)

C'est difficile à exprimer autrement que par images, mais tu as des indices qui trahissent immanquablement la mauvaise traduction :

- trop grand nombre d'anglicismes (J'imagine que..., je suppose que... Pour autant que je sache... je considère que... etc...)
- trop grand nombre de répétitions (qui ne sont pas nécessairement vues comme plombantes en anglais)
- trop grand nombre de phrases atones, sans style et sans verve (là c'est plus délicat, parce que ça peut aussi venir de l'auteur qui écrit comme un robinet qui fuit, mais dans ce cas, on arrive tout de même à sentir la différence entre une mauvaise trad d'un auteur médiocre et le bon travail fait sur le texte d'un tâcheron).

C'est assez subtil, mais une fois que tu t'en rends compte, c'est affreux, parce que tu ne peux terminer un bouquin mal traduit. T'as l'impression de lire la liste des courses. Et une mauvaise trad peut carrément te larder un bon bouquin.

Posté : sam. oct. 12, 2013 6:27 am
par Eons
Image

Éric, je n'aurais pas dit mieux.

Ta dernière phrase résume d'ailleurs pourquoi j'ai abandonné la lecture des PR du Fleuve il y a 10 ans.

Une traduction, c'est un peu comme suivre une piste dans la jungle : il faut rester dessus quand elle est praticable, mais savoir s'en écarter, sans toutefois la perdre de vue, quand elle est mal fichue.

Posté : lun. oct. 14, 2013 2:27 pm
par marc
Si je comprends bien, un livre mal écrit peut être traduit et devenir un bon livre. Y a-t-il des cas où on sait que c'est mal écrit, mais on veut tout de même le traduire?

Posté : lun. oct. 14, 2013 3:05 pm
par PierrePaul
Van Vogt et Boris Vian ?

Posté : lun. oct. 14, 2013 3:24 pm
par Eons
marc a écrit :Si je comprends bien, un livre mal écrit peut être traduit et devenir un bon livre. Y a-t-il des cas où on sait que c'est mal écrit, mais on veut tout de même le traduire?
Un certain nombre de Perry Rhodan entrent dans cette catégorie.
La plupart des Doc Savage aussi.

Posté : mar. oct. 15, 2013 9:28 am
par bormandg
Eons a écrit :
marc a écrit :Si je comprends bien, un livre mal écrit peut être traduit et devenir un bon livre. Y a-t-il des cas où on sait que c'est mal écrit, mais on veut tout de même le traduire?
Un certain nombre de Perry Rhodan entrent dans cette catégorie.
Alors ce n'est pas la faute de Fleuve Noir si les traductions sont mauvaises? :twisted: :wink:

Posté : mar. oct. 15, 2013 9:31 am
par bormandg
marc a écrit :Si je comprends bien, un livre mal écrit peut être traduit et devenir un bon livre.
Tu répètes l'opinion de Cocteau sur Lovecraft écrite au dos des Présence du futur, toi.... :twisted: :wink:

Posté : mar. oct. 15, 2013 11:26 am
par Eons
bormandg a écrit :
Eons a écrit :
marc a écrit :Si je comprends bien, un livre mal écrit peut être traduit et devenir un bon livre. Y a-t-il des cas où on sait que c'est mal écrit, mais on veut tout de même le traduire?
Un certain nombre de Perry Rhodan entrent dans cette catégorie.
Alors ce n'est pas la faute de Fleuve Noir si les traductions sont mauvaises? :twisted: :wink:
Que l'original soit bon ou mauvais, il est toujours possible de faire une bonne traduction. Un bon traducteur peut parfois fournir une traduction moyenne, mais un mauvais traducteur ne pondra que de la m… (même à partir d'un bon bouquin).
Le Fleuve n'a aucune excuse.

Posté : mar. oct. 15, 2013 9:55 pm
par Eric
marc a écrit :Si je comprends bien, un livre mal écrit peut être traduit et devenir un bon livre.
Non. Ça ce serait de la réécriture et ce n'est pas le boulot du traducteur (même si certains auteurs classiques de la SF ont largement bénéficié de traduction que l'on pourra, au mieux, qualifier de bienveillantes). Cela dit, ça peut, à l'occasion, être une demande de l'éditeur d'améliorer un peu la sauce, mais d'ordinaire, comme le disais Eons, ça se bornera à éliminer les erreurs de la VO quand le travail d'édition n'a pas été bien fait.

En revanche, un bon traducteur peut sauver les meubles.
marc a écrit :Y a-t-il des cas où on sait que c'est mal écrit, mais on veut tout de même le traduire?
Oh non ! Tu penses bien ! Ça n'arrive jamais un truc pareil, voyons !

Posté : mer. oct. 16, 2013 4:31 am
par Herbefol
Eric a écrit :
marc a écrit :Y a-t-il des cas où on sait que c'est mal écrit, mais on veut tout de même le traduire?
Oh non ! Tu penses bien ! Ça n'arrive jamais un truc pareil, voyons !
Tout à fait. 50 shades n'a jamais été traduit en français pour cette raison précise : trop mal écrit en anglais. :lol:

Posté : mer. oct. 16, 2013 6:54 am
par bormandg
Herbefol a écrit :
Eric a écrit :
marc a écrit :Y a-t-il des cas où on sait que c'est mal écrit, mais on veut tout de même le traduire?
Oh non ! Tu penses bien ! Ça n'arrive jamais un truc pareil, voyons !
Tout à fait. 50 shades n'a jamais été traduit en français pour cette raison précise : trop mal écrit en anglais. :lol:
Prétendrais tu que la traduction est meilleure que l'original? Tu as poussé le masochisme jusqu'à lire les deux? 8)